| -----Après 
        Menerville, 
        la nationale traverse Haussonvilliers avant d'arriver à Tizi-Ouzou 
        etsi vous bifurquez vers les plages, au pied des montagnes de la Kabylie, 
        bordée par la Mer Méditerranée, une petite ville 
        coule des jours heureux.
 -----Tigzirt-sur-mer dont les ruelles ombragées 
        de treilles ont tant de charme fut une station balnéaire renommée.
 -----Protégée par un ilot rocheux 
        qui abrita un mouillage punique puis romain que domine au loin le cap 
        Tedlès, sur le rebord duquel on distingue le mausolée de 
        Tabsebt.
 -----Lieu de villégiature, les romains 
        nommaient cet endroit lomnium. Puis ce très 
        beau site connut l'évangélisation car on y a trouvé 
        une grande basilique.
 Des fouilles intermittentes  -----En 1894, un jeune architecte 
        algérois, M. Gavault, découvrit à Tigzirt-sur-mer 
        des ruines qui signalaient en ce lieu, encore difficilement accessible, 
        la présence d'une civilisation disparue.-----Certes, ce n'était pas une découverte 
        au sens strict du mot puisque des textes anciens avaient déjà 
        parlé de la présence de colonies romaines dans cette région 
        de la Kabylie.
 -----Mais ce fut M. Gavault qui eut le mérite 
        d' entreprendre les premières fouilles et d'effectuer les premiers 
        travaux de restauration des monuments découverts. Malheureusement, 
        la mort prématurée de M. Gavault devait arrêter son 
        oeuvre. Il laissait cependant un ouvrage dans lequel il parlait des travaux 
        effectués à Tigzirt, de ce qu'il avait trouvé et 
        ce qu'on pouvait en attendre.
 -----Ce volume allait servir de guide pour 
        les recherches futures.
 -----Mais, après la disparition de 
        M. Gavault, Tigzirt allait de nouveau tomber dans l'oubli. Pendant près 
        d'un demi-siècle, aucune fouille n'y fut effectuée. Officielle 
        tout au moins, car la direction des Antiquités n'ignorait pas l'existence 
        de cette ancienne plate-forme romaine que l'on croyait être lomnium, 
        annexe militaire de Rusuccuru, le Dellys 
        actuel. Les crédits manquaient.
 -----Les vestiges restaient enfouis sous 
        leur gangue de terre et de sable. Ici et là une colonne, un pan 
        de mur sur lequel se chauffaient des lézards, où grimpaient 
        les agiles chevrettes, émergeaient du maquis. Le village moderne 
        prenait à son tour de l'extension. Les entrepreneurs construisaient 
        sur des fondations solides, constituées par les murs ou les assises 
        de ruines enfouies. Ils n'hésitaient pas non plus à rechercher 
        des ex-votos, des pilastres, même des colonnes doriques pour orner 
        les maisons, et c'est un fait curieux à constater que l'on trouve 
        davantage de reliques encastrées dans les façades des maisons 
        modernes de Tigzirt que dans les ruines mises à jour.
 -----Parfois un terrassement creusé 
        plus profond faisait découvrir des vestiges que l'on ne soupçonnait 
        pas. On trouvait aussi les objets les plus banaux comme les plus précieux.
 La jarre d'or ou le 
        voleur volé  -----Le compositeur Louis 
        Ganen qui possédait une villa dont le jardin borde le vaste périmètre 
        où est installé le chantier des fouilles fit appeler, il 
        y a quelques années un terrassier pour effectuer quelques travaux 
        dans son jardin.-----Le Kabyle, qui était du douar 
        Taksebt, trouva sous sa pioche une jarre qui laissait couler un flot de 
        pièces d'or. L'aubaine était trop belle. Il n'en fit part 
        à personne, reboucha le trou et la nuit venue vint prendre la jarre 
        qu'il alla mettre en sécurité dans son douar.
 -----Mais n'ayant qu'une confiance plus que 
        limitée envers son épouse, il partagea le magot en deux, 
        une partie qu'il enterra près de sa demeure ; une seconde qu'il 
        s'empressa de porter le lendemain chez un bijoutier de Tizi-Ouzou pour 
        la monnayer.
 -----Le bijoutier était aussi véreux 
        que sa femme était voleuse. Sous prétexte d'une expertise, 
        il demanda au Kabyle de lui laisser l'or et quand celui-ci revint, le 
        commerçant proclama hautement n'avoir rien reçu. -----Et 
        notre terrassier, volé comme dans un bois, n'ayant même pas 
        la possibilité de porter plainte, revint dare-dare à son 
        douar pour constater avec désespoir sa seconde infortune. Sa femme 
        avait disparu emportant l'or qui était enterré. On dit même 
        qu'il servit à acheter une propriété en Mitidja, 
        tandis que notre terrassier reprit sa pioche et fouilla sans relâche, 
        comme les enfants du laboureur de la fable, la terre de Tigzirt dans l'espoir, 
        jamais réalisé, de découvrir un autre trésor.
 Reprise des fouilles  -----C'est en 1949 que les 
        travaux devaient reprendre dans les ruines de Tigzirt. Sur les propositions 
        de M. Grenier, membre de l'Institut, inspecteur des Antiquités 
        et de M. Leschl, directeur des Antiquités, il fut possible d'envoyer 
        tous les ans, grâce à une bourse attribuée par le 
        Gouvernement Général, un membre de l'École Française 
        d'archéologie de Rome poursuivre les fouilles suivant les possibilités 
        des crédits affectés pour celles-ci. Ces recherches devaient 
        révéler l'existence de ruines certainement très importantes.-----Sur le plan objectif, les fouilles de 
        Tigzirt ont décelé dans la presqu'île l'existence 
        de plusieurs villes superposées. Il est vraisemblable qu'à 
        l'origine devait exister une escale punique dont l'emplacement n'a pas 
        encore été déterminé, mais qui devait être 
        plus ou moins rattachée à Rusuccuru (Dellys).
 -----A cette ville punique devait succéder 
        un habitat romain qui manifesta sa présence à l'époque 
        de l'empereur Antonin. Ces vestiges romains n'ont pas encore été 
        dégagés mais on commence à les entrevoir.
 -----A son tour , l'habitat romain disparut 
        pour être recouvert par une petite cité chrétienne 
        qui se groupa autour de la basilique. Celle-ci qui date du IVè 
        ou Vè siècle, est complètement dégagée 
        et dresse ses colonnades de belles dimensions à l'extrémité 
        est de la presqu'île.
 -----De l'époque romaine, les fouilles 
        ont permis de dégager un très beau temple païen érigé, 
        un grand ex-voto nous l'apprend, par un riche commerçant au génie 
        de Rusuccuru.
 -----Au sud de l'église on découvrit 
        des Thermes et même un forum. La cité chrétienne devait 
        à son tour disparaître pour laisser la place aux Vandales 
        puis aux Byzantins. C'est au milieu d'une accumulation de trois, sinon 
        quatre civilisations que les recherches se poursuivent.
 -----Dans l'îlot situé au large 
        de la presqu'île de Tigzirt, on trouve également les vestiges 
        d'une installation dont la date de création est incertaine, mais 
        qui vraisemblablement était reliée à la terre par 
        une jetée aujourd'hui disparue.
 -----En passe d'être la Tipasa de Kabylie, 
        les fouilles sont arrêtées depuis plus de vingt ans et à 
        nouveau lomnium retombe dans l'oubli de l'histoire.
 J-M L |