--------Je suis arrivée en Algérie en 1951, à l’âge de 18 mois, avec ma mère et mon frère de 5 ans plus âgé, rejoindre mon père qui était venu installer du matériel BULL à la B.N.C.I..
--------Nous sommes repartis en 1955, mais j’ai appris à parler là-bas, j’ai appris à écrire à la maternelle rue Dupuch, sur un cahier à couverture mauve, avec dessus une sorte d’oasis, et j’ai appris à lire en déchiffrant les affiches sur les murs..
--------Et, longtemps après, quand je rencontrais quelqu’un qui venait d’Alger, je demandais : « est-ce que vous connaissez la rue Levacher ?.. »..toujours en vain..
--------Et l’autre jour, en pianotant sur Internet…

Jardin d'Essai?, Jardin du Musée?

Gorges de Palestro, janvier 1953

--------Car j’habitais rue Levacher un appartement donnant sur une cour aux effluves de chocolat, celles de l’usine Meunier ; de l’autre côté, une terrasse donnant sur une ruelle.
--------Mon frère est allé à l’école Dordor, du CE1 au CM2 ; il a fait sa communion solennelle à l’église St Augustin.
--------J’ai une photo de classe de la maternelle Dupuch de 1954-55 que vous n’avez pas, et une photo de fillettes, certaines avec des grands chapeaux en carton ; je fais la tête sur la photo, je crois me rappeler que c’est parce que je n’avais pas eu droit au chapeau..
--------Sur votre site, sur la photo d’Alain Barcelo de 1953-54, dans le même rang que Lucette Barcelo, je suis la petite fille juste au milieu..
--------J’ai été vaccinée contre la variole par le Dr Nogué, rue Rovigo, dont le nom figure sur la page d’annuaire du site..
--------J’ai des photos prises à Alger, à la plage de Zeralda, au ruisseau des singes, aux gorges de Palestro,…
--------Je me souviens que je voulais toujours une « barbe à Papa » chez un petit marchand qui devait se tenir à l’angle de la rue Dupuch et des escaliers de la rue Levacher.

Ruisseau Ruisseau des singes, juin 1952

Ruisseau des singes, juin 1952

--------Et en 50 ans, je n’ai jamais remangé des pommes-chips aussi bonnes que celles que je mangeais à Alger en remontant de la plage où nous allions juste après la classe, ou peut-être le Jeudi, chips qu’il faisait sur place et qu’il glissait dans un cornet de papier..
--------Je me souviens des Frères Jacques, chantant dans une piscine : « à la St Médard »…et de l’eau qui montait..
--------Je me souviens des courses de stock-cars et de leur odeur particulière que je reconnaîtrais entre mille..
--------Je me souviens de la rue d’Isly et de l’odeur des épices, et des énormes meules de gruyère qui entraient dans les boutiques, roulées sur le trottoir..(mais, était-ce bien rue d’Isly ?..).
--------Et un tas d’autres petites choses..
--------Depuis une semaine, je sillonne votre site de long en large ; et c’est très étrange de m’y être retrouvée..
--------Nous avons gardé des amis « pieds noirs », et je sais combien votre exil a été plus douloureux que le mien ; j’ai perdu l’accent algérois et mes souvenirs sont paisibles…
--------J’ai toujours un petit sac de cuir, et aussi un petit panier aux couleurs fanées, acheté, je crois, à des villageois, en forêt de Baïnem …
--------Je me souviens avoir regardé par-dessus le mur de la terrasse, à l’arrière de notre appartement, des musiciens des rues, et m’être cachée, le cœur battant, car je n’avais pas de sous à leur jeter, et je pensais donc ne pas avoir le droit de les regarder…
--------La fatmah qui s’occupait de l’immeuble m’aimait bien, et posait dans la poubelle vide, pour moi, un œuf délicatement emballé…
--------J’ai longtemps gardé un gros lézard empaillé.
--------Autre chose qui m’avait marquée, et est restée en ma mémoire, à l’école maternelle de la rue Dupuch, une petite fille qui parlait trop…la maîtresse lui a collé du papier adhésif sur la bouche et l’a mise au coin..c’était une petite musulmane…j’étais terrifiée..peut-être parce que j’étais aussi très bavarde..
--------Tant d’années après, je souffre encore avec cette petite fille…
--------Je revois un restaurant, en plein air je crois, mais couvert, perché dans une falaise…
--------Et Djidjelli, c’était quoi, déjà ?..
Amicales Salutations.

Zéralda, juin 1952

Zéralda, juin 1954