|  Ce chef-lieu de commune créé par une décision 
        du 1er février 1873, s'étend sur un territoire de 10565 
        ha. Selon le guide Louis Piesse de 1889, au-dessous de la fontaine qui 
        sort des rochers formant la base du djebel Anini (1598 m), se trouvent 
        les ruines de l'ancien poste romain (Horrea Aninicensi, grenier du djebel 
        Anini), dont la montagne a conservé le nom depuis l'époque 
        romaine. Le centre est à 33 km de .04 Sétif sur la route 
        de Bougie. Il est à une altitude de 1160 m. Il neige en hiver, 
        en été la température atteint 42 °C.
 En 1900, il abritait 3 390 habitants dont 26 foyers français (12 
        Alsaciens-Lorrains et 14 Algériens), ces derniers déjà 
        habitués au climat et aux techniques culturales de la région. 
        Le centre d'Aïn-Roua était administré par un adjoint 
        spécial.
 
 En 1877 ces fonctions sont assumées par M. François Arnold 
        jusqu'au 10 novembre 1880, où le village est érigé 
        en commune de plein exercice.
 
 Aïn-Roua avait, en 1900, soit vingt-sept ans après, des commerçants 
        et un moulin et cela malgré l'isolement consécutif au manque 
        de routes, aux maladies et à une région exposée aux 
        caprices du climat: sécheresse, gel, etc. En raison de l'insalubrité 
        du site du futur village, du relief accidenté des collines érodées, 
        le colonel du Génie Renoux émettait déjà en 
        1873 des doutes sur l'avenir d'Aïn-Roua. En effet, malgré 
        une pluviométrie variant de 250 à 400 m /m par an, le moindre 
        orage creusait dans les sols des sillons chargés de limon qui allaient 
        se fondre dans le torrent des oueds boueux.
 
 En 1900, malgré ces conditions peu favorables, des agriculteurs 
        s'accrochaient avec pugnacité à ces sols en voie de désertification.
 
 Sur les coteaux rocailleux, Alsaciens de 1872 et colons d'Algérie 
        plantent de la vigne. Il faut au préalable dérocher, à 
        la barre à mine, avant de mettre les plants en terre.
 
 En raison de la lourdeur des frais de plantation et de l'exiguïté 
        des lots de culture, les parcelles étaient de taille très 
        réduite. Elles produisaient des vins rouges d'excellente qualité.
 
        
          | Administration municipale en 1900 Maire : Jean Fages ; adjoint : Antoine Bunoz ;
 secrétaire : M. Sanviti;
 garde-champêtre : Placide Contat;
 médecin de colonisation: Dr Laherre;
 architecte : Jules Bastien;
 forêts: M. Jumelle (brigadier);
 instituteur : Joseph Fouret ;
 postes, télégraphe : Constantin Exiga.
  Commerçants et artisans Aubergiste : A. Croso (hôtel des Voyageurs); 
              boulanger : Auguste Montlahuc;
 constructeur de moulins : Étienne Roques;
 débitant: M. Fages;
 minotier : Narcisse Puech.
 AgriculteursParmi eux : MM. Lucien Arnold, Antoine Bunoz, Croso, 
              Jean Fagès, Fietta, Léon Friederich, Mmes veuves Lorin 
              et Pelé, ainsi que MM. François Quéraud, Wetzel 
              et Martin.ViticulteursMme veuve François Arnold 2,50 ha; 
              MM. Dominique Fietta 1,50 ha; Adolphe Chagnaud 80 a; Jean Fages 
              2 ha; François Audrand et Garofala 1,50 ha; Léon Friederich 
              60 a; Joseph Lleu 75 a; Augustin Rossi 70 a; Mme veuve Pelé 
              1,75 ha; Mme veuve Lorin 40 a.
 |  Originaire de Sainte-Marie-aux-Mines, la famille de Ferdinand 
        Arnold ne connaissait pas l'érosion des sols et ses effets sur 
        la désertification. Les pluies et la neige qui tombent finement 
        sur le couvert végétal sont lentement absorbées par 
        le sol. Au- dessus de la ville, au col du même nom, les languettes 
        de glace qui, en hiver, sortent horizontalement des murs, ont la pureté 
        du cristal.
 À Aïn-Roua, dans cet ancien grenier de Rome, il tombe en une 
        heure sur un sol érodé et friable, la même quantité 
        d'eau qu'à Sainte-Marie-aux-Mines en un mois. Ceci avec toutes 
        conséquences sur le lavage des sols et le déplacement des 
        limons vers les plaines.
 
 Afin de remédier à cette stérilisation de la terre 
        nourricière, Ferdinand Arnold eut l'idée de planter des 
        arbres sur des banquettes confectionnées, sans aide, à la 
        pioche, le long des courbes de niveau. " Ce fut l'une des toutes 
        premières réalisations; les collines pelées et arides 
        balayées par les vents, brûlées par le gel, délavées 
        par les pluies, retrouvèrent, en quelques années, de la 
        végétation et une nouvelle couche d'humus " (Jean- 
        Paul Arnold).
 
 Sur les bourrelets des banquettes, poussaient des arbres fruitiers et 
        de l'herbe. Ces productions fruitières ou herbagères intéressaient 
        tous ceux qui tentaient de survivre dans ces régions. Arboriculteurs, 
        éleveurs, sans distinction de fortune ou d'origine, trouvaient 
        alors des moyens de développer leurs activités. À 
        cet effet une " coopérative des fruits et légumes des 
        Babor " voyait le jour.
 
 Convaincu qu'il fallait assurer des services aux fellahs, Ferdinand Arnold 
        fondait une coopérative de travaux. Elle offrait à leurs 
        enfants une promotion sociale avec des emplois divers (conducteurs d'engins, 
        mécaniciens).
 En raison de l'improductivité d'une énorme portion du territoire, 
        où une maigre végétation était cantonnée 
        dans le creux des vallées, le modèle de régénération 
        des collines dénudées proposé par Ferdinand Arnold, 
        intéressait les services de reboisement des Eaux et Forêts.
 
 C'est en effet sous l'impulsion de MM. Saccardy, conservateur, et Putod, 
        ingénieur des Eaux et Forêts, que le service de la Défense 
        et de la Restauration des Sols (DRS) a été créé 
        avec du matériel bien adapté. Des banquettes sont ouvertes 
        avec de puissants tracteurs équipés de lames " Angle 
        dozer " pour interrompre le ruissellement et faciliter l'infiltration 
        des eaux pluviales dans le sol.
 Afin de prévenir la désertification qui menaçait 
        l'Algérie, le relief algérien, à partir de 1952, 
        se couvrait de banquettes de DRS (Défense de la Restauration des 
        Sols). Issue d'une initiative de Ferdinand Arnold, cette entreprise faisait 
        l'admiration des spécialistes étrangers et notamment américains 
        qui dépêchaient le professeur Lawdermilk. Ce géologue 
        constatait qu'à Aïn-Roua, le pic des Cèdres avait retrouvé 
        des cèdres et des sources plus abondantes.
 
 Après le lâche assassinat de Ferdinand Arnold, le 18 février 
        1958, à l'âge de 49 ans, la ferme de l'Aïn-Guenafed 
        fut abandonnée.
 ************** Ce texte a été rédigé 
        en hommage à ce précurseur de la lutte contre la désertification, 
        la misère et la faim, et à son fils Jean-Paul Arnold, ancien 
        élève de nos écoles d'agriculture d'Algérie. 
        Certainement incomplète, cette note est susceptible d'être 
        développée par tous ceux qui, ayant des attaches familiales 
        à Aïn-Roua, pourront y apporter d'utiles compléments 
        sur l'oeuvre des hommes et des femmes qui, après les Romains, lui 
        redonnèrent une activité profondément humaine. Ces 
        hommes et ces femmes accomplirent, avec pugnacité, en un minimum 
        de temps, ce que dans d'autres pays, d'autres mirent plusieurs siècles 
        à réaliser... ************** Bibliographie- Guide Louis Piesse, 1889.
 - Guide Adolphe Joanne, 1908.
 - L'oeuvre agricole française en Algérie, ouvrage collectif 
        publié en 1990 par l'Amicale des Anciens élèves des 
        Écoles d'agriculture d'Algérie.
 - " Aïn-Roua : des âmes et des greniers ", par Jean-Paul 
        Arnold, in l'algérianiste n° 37, mars 1987. - " À 
        notre ami Jean-Paul Arnold ", par René Martin, in bulletin 
        n° 24 de l'Amicale des Anciens élèves des Écoles 
        d'agriculture d'Algérie, mars 1994.
 De plus amples informations sur les sujets abordés peuvent être 
        obtenues en consultant les ouvrages suivants (liste non exhaustive):
 - À propos de l'expérimentation d'Aïn-Deheb. Réflexions 
        sur les processus de désertification. De la néguentropie 
        à l'entropie, Alexis Monjauze, contrôleur général 
        des Eaux et Forêts.
 - " Le village d'Aïn-Roua ", in Les villages des Hauts 
        Plateaux sétifiens, de Maurice Villard et Yves Bassard.
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