| ----------------Dans 
        les pays civilisés de la vieille Europe tout être humain 
        dispose d'un toit pour s'abriter contre le froid, la pluie et la chaleur. 
        Le foyer évoque pour chacun une forme de confort, variable suivant 
        le rang social, mais toujours inséparable de l'idée d'intimité 
        familiale, de sécurité, de protection 
        contre l'hostilité mystérieuse et indéfinissable 
        d'un monde extérieur de confuses menaces.----------------En 
        Algérie, des millions d'indigènes ignorent ce bien-être 
        et vivent précairement sous la tente ou dans des gourbis sordides, 
        bien faibles abris pour protéger leurs habitants contre les rigueurs 
        d'un climat qui, au Sud de la zone côtière très tempérée, 
        est souvent rude et venteux.
 ----------------A 
        côté de cette plèbe qui depuis des siècles 
        erre à travers de vastes étendues, au hasard des ressources 
        qui peuvent s'offrir à elle, la population musulmane des villes 
        et des villages est à peine plus favorisée car elle connaît 
        le taudis surpeuplé, cause de déchéance morale et 
        physiologique.
 ----------------Le 
        problème de l'habitat indigène se pose impératif, 
        très complexe et particulièrement difficile à résoudre. 
        Tout concourt à le compliquer : la mentalité des intéressés 
        eux-mêmes qui, habitués à une existence rudimentaire, 
        sont peu aptes à apporter. à l'entretien d'un logement digne 
        de ce nom le soin désirable ; la modicité de leurs ressources 
        qui rend toutes les opérations immobilières tentées 
        en leur faveur forcément déficitaires ; leurs coutumes qui 
        ne permettent pas l'adoption de solutions aussi économiques qu'il 
        serait souhaitable ; enfin, dans bien des cas, leur atavisme de nomades 
        qui les pousse à quitter certains endroits, pourtant bien choisis, 
        pour reprendre une vie errante d'un charme parfois supérieur à 
        l'attrait du confort.
 ----------------On 
        a beaucoup écrit, beaucoup parlé depuis que le Gouvernement 
        Général de l'Algérie a inscrit l'habitat indigène 
        à son programme de grands travaux car rien ne suscite plus d'intérêt 
        que les conceptions généreuses laissant entrevoir des transformations 
        sociales et économiques importantes.
 ----------------Chacun 
        en a envisagé les conséquences sous angle particulier : 
        évolution et assimilation progressive des indigènes, amélioration 
        de l'hygiène et diminution de la mortalité, accroissement 
        des besoins et des ressources d'individus vivant jusqu'ici repliés 
        sur eux-mêmes.
 ***** ----------------D'excellentes 
        idées ont été émises concernant la réalisation 
        de ce programme, cependant on s'est vite aperçu de l'impossibilité 
        d'assurer avant longtemps le gîte à la totalité des 
        mal logés. Il suffit d'aligner quelques chiffres pour s'en apercevoir.----------------Evaluons 
        à quatre millions d'individus- la population d'Algérie dépourvue 
        de logis convenables (ce chiffre est inférieur à la réalité). 
        Supposons que chaque famille se compose de huit personnes, il faudrait 
        construire cinq cent mille logements d'une valeur minimum de vingt mille 
        francs pour abriter l'ensemble de cette population. C'est donc dix milliards 
        que l'Algérie et la Métropole devraient avancer pour résoudre 
        imparfaitement le problème, car dans bien des cas pareil effort 
        serait stérile s'il n'était pas complété par 
        une organisation économique parallèle ; il serait en effet 
        impossible d'envisager la perception d'un loyer même minime pour 
        la grande majorité des occupants.
 ----------------Il 
        existe un rapport entre les ressources des individus et l'importance ou 
        la qualité des logements qu'ils occupent. Le gourbi, la maison 
        kabyle, la tente du nomade ou la maison surpeuplée de la kasbah 
        d'Alger représentent, dans le temps présent, des logis proportionnés 
        à l'impécuniosité de ceux qui les habitent.
 ----------------On 
        ne peut donc envisager une amélioration réelle et durable 
        de l'habitation des indigènes sans un accroissement notable de 
        leurs revenus, et même, si l'avance de fonds est faite par une grande 
        collectivité, il importe que l'opération soit, suivant le 
        terme, rentable, même faiblement, sous peine de la voir échouer 
        rapidement.
 ----------------L'importance 
        de la question n'a pas échappé au Gouvernement Général 
        de l'Algérie, qui a dressé un vaste programme de paysanat 
        destiné à assurer aux indigènes dignes d'intérêt 
        une existence heureuse dans le travail. Les expériences d'habitat 
        rural organisées par la Direction des Affaires Indigènes 
        sont toujours conduites parallèlement à des expériences 
        de paysamit, de sorte que les fellahs, admis à occuper des fermes 
        ou des petites maisons familiales, sont en même temps nantis d'une 
        terre qu'ils doivent cultiver sous le contrôle de l'Admnistration 
        ; ils peuvent donc s'acquitter de leurs nouvelles charges, puisque ce 
        sont des gens qui possèdent des moyens d'existence et sont guidés 
        de façon à en tirer le meilleur parti.
 ----------------Là 
        est la vérité, mais il ne faut pas se dissimuler qu'il n'est 
        pas toujours possible de créer une pareille harmonie, principalement 
        quand il s'agit d'habitat urbain ou plus exactement suburbain. Il devient 
        alors malaisé de contrôler les ressources des locataires, 
        lesquelles varient suivant les époques et risquent parfois d'être 
        à peu près nulles.
 ----------------Comment 
        dès lors envisager des réalisations partielles de nature 
        à produire des effets réellement bienfaisants ?
 ----------------La 
        seule formule qui nous paraisse intéressante consiste à 
        utiliser une méthode que nous pourrions appeler la " Biologie 
        Urbaine ". Il ne suffit pas d'aligner ou de répartir plus 
        ou moins au hasard des maisons bien agencées pour obtenir un résultat 
        satisfaisant. Il faut créer des centres indigènes équipés 
        et distribués de 'elle manière qu'ils soient capables dans 
        l'avenir de prospérer. Cités indigènes ou quartiers 
        indigènes doivent être fondés exactement comme un 
        village destiné à vivre par lui-même et à tirer 
        du genre d'activité de ses habitants un caractère personnel.
 ----------------Il 
        s'agit d'agglutiner des gens dans un endroit approprié et de faire 
        en sorte qu'ils y soient heureux et suscitent de la part d'individus moins 
        favorisés une certaine envie, un désir de bénéficier 
        des mêmes avantages et du même confort.
 ----------------Pour 
        cela il faut que l'emplacement du nouveau Centre soit judicieusement choisi, 
        en un lieu sain, bien ventilé et ensoleillé, qu'il soit 
        abondamment alimenté en eau potable, muni d'un réseau d'égoûts 
        et si possible raccordé à une ligne électrique. Mais 
        il est tout autant nécessaire que ce nouveau Centre soit bien composé, 
        possède de vastes espaces libres et surtout des organes vitaux 
        indispensables : écoles, salle de réunions, café 
        maure, maisons d'artisans, salle de consultations, lavoir, emplacement 
        pour le marché, remises, écuries, fondouks, et aussi, un 
        peu plus tard, bain maure et mosquée.
 ----------------Ainsi 
        conçu, il prospérera et se développera rapidement 
        si l'on a eu le soin de l'entourer de terrains libres, suffisamment vastes 
        pour permettre son extension. Ouvert au Commerce, il deviendra un centre 
        attractif, un lieu d'échanges autour duquel on aura tendance à 
        se fixer.
 ----------------Une 
        cité indigène doit pouvoir vivre si elle n'est pas trop 
        éloignée des lieux de travail, si les premiers occupants 
        ont été choisis parmi la population laborieuse et active 
        de la région, si rien n'a été négligé 
        pour assurer aux habitants un minimum de commodités.
 ---------------On peut objecter que les crédits 
        de l'habitat indigène doivent être utilisés avant 
        tout pour construire des maisons et que les édifices publics ou 
        utilitaires viennent en deuxième ordre d'urgence. Cette objection 
        doit être réfutée.D'abord beaucoup de ces édifices 
        réputés superflus sont de peu d'importance et par conséquent 
        de construction peu onéreuse ; l'adjonction de quelques boutiques 
        occasionne une dépense négligeable ; l'école sera 
        presque toujours indispensable; la salle de réunions, la salle 
        de consultations et le lavoir sont de tous petits édifices qui 
        représentent, s'il n'y a pas de difficultés particulières 
        de construction, tout au plus la valeur d'une maison. Par contre, leur 
        présence assurera une meilleure cohésion entre les habitants 
        et développera leur sociabilité.
 ----------------Lorsqu'on 
        a donné la vie à une agglomération humaine, on peut 
        toujours espérer que le nouvel organisme aura une tendance naturelle 
        à s'accroître. Ce qui est vrai pour les européens 
        ne peut pas ne pas l'être pour les indigènes. Nous en avons 
        la preuve chaque jour et les misérables bidonvilles que l'on rencontre 
        trop souvent aux alentours des villes ne sont-ils pas eux-mêmes, 
        dans leur crasse et leur misère, une démonstration de cette 
        vitalité irrépressible qui se manifeste chaque fois qu'un 
        intérêt pousse des individus à se fixer en un lieu 
        de préférence à tout autre.
 ----------------Si 
        spontanément des quartiers sordides ont pu se développer 
        avec une telle sève, pourquoi les Cités nouvelles qui doivent 
        les remplacer ne subiraient-elles pas les mêmes sollicitations?
 ----------------L'autorité, 
        en fixant l'emplacement d'un nouveau centre, ne doit pas considérer 
        seulement les quelques maisons qu'elle y fera édifier de suite, 
        mais imaginer ce que pourra devenir ce centre dans un certain nombre d'années. 
        Outre qu'elle devra pouvoir exécuter de nouvelles tranches de travaux 
        suivant les besoins, elle sera avisée en permettant à I'initiative 
        privée de se manifester dans un cadre prévu à l'avance.
 ----------------Il 
        ne parait pas déraisonnable d'admettre qu'avec une aide légère 
        certains indigènes acceptent de construire 
        des maisons pour leur propre compte. L'aide peut se manifester sous diverses 
        formes : aménagement de la voirie d'ailleurs assez restreinte ; 
        dotation d'éléments standards utilisés déjà 
        pour les constructions antérieures, tels que châssis en béton, 
        claustras et en général tous articles moulés qui, 
        une fois le prix du moule amorti, sont d'un coût minime ; fourniture 
        par les Communes des divers matériaux, principalement pierres, 
        caillasse et sable à des prix très modérés, 
        etc... etc...
 ----------------Si 
        l'exécution est soigneusement contrôlée et le type 
        de plans imposé à l'avance, afin d'éviter la formation 
        de nouveaux taudis, on obtiendra à peu de frais d'intéressants 
        résultats.
 ----------------Tout 
        autant pourrait-on favoriser la formation de groupements coopératifs 
        fondés en vue de la construction de maisons dans les Cités 
        indigènes existantes, ces groupements bénéficiant 
        des mêmes avantages que les particuliers.
 ----------------Bref, 
        rien ne doit être négligé pour que l'effort de la 
        Colonie et des Communes soit complété, ce qui paraît 
        toujours possible quand les bases de départ ont été 
        judicieusement établies, par l'initiative des habitants.
 ----------------Le 
        choix du terrain est évidemment important et, outre la situation, 
        il convient d'étudier la topographie et la composition du sol. 
        Trop souvent les Municipalités ont tendance à réserver 
        à l'habitat indigène des terrains mouvementés et 
        peu consistants ; l'économie réalisée sur le terrain 
        est alors largement compensée par des dépenses excessives 
        de terrassements e de fondations très sensibles pour des maisons 
        presque toujours à rez-de-chaussée.
 ----------------Existe-t-il 
        un ou plusieurs tracés-types de Cités indigènes, 
        du même ordre par exemple que ceux jadis utilisés pour les 
        Centres de colonisation ? Nous ne le croyons pas, il importe au contraire 
        de laisser aux architectes le soin de déterminer pour chaque cas 
        le tracé le mieux adapté aux conditions, on obtiendra ainsi 
        des rendements très supérieurs à ceux que l'on pourrait 
        espérer de dispositions conventionnellementétablies.
 ----------------Deux 
        préoccupations doivent retenir avant tout l'attention des architectes 
        : l'orientation générale de l'agglomération qui aidera 
        à résoudre le problème de l'ensoleillement des locaux; 
        l'étude très serrée du réseau routier.
 
 ---------------La 
        viabilité doit être réduite au strict min_-mum dans 
        les zones purement résidentielles. Une rue de 6 mètres est 
        largement suffisante pour desservir des maisons à rez-de-chaussée 
        seulement ; sous certaines conditions des ruelles en impasses de très 
        faible largeur peuvent aisémentêtre admises. En général, 
        une seule grande artère sera nécessaire pour desservir le 
        centre de la cité et sa largeur devra être à l'échelle 
        de l'ensemble ; par contraste une voie de 12 mètres représentera 
        largement l'équivalent d'un vaste boulevard d'une ville européenne
 -----------------Si 
        la superficie des chaussées empierrées doit être mesurée 
        avec parcimonie, en revanche il sera toujours indispensable de prévoir 
        de grands espaces libres tels que jardins, places et terre-plein de toute 
        nature dont les frais d'établissement et d'entretien pourront être 
        réduits au strict minimum.
 ----------------Examinons 
        enfin la maison elle-même. Elle constitue la cellule fondamentale 
        de la Cité et son étude exigera de la part des architectes 
        des soins attentifs, autant pour la répartition des locaux que 
        pour la construction des murs, planchers et toitures. Elle devra être 
        solide, protéger ses occupants contre le froid, la chaleur, la 
        pluie, l'humidité, ne pas choquer leurs habitudes et cependant 
        ne pas gêner leur évolution possible.
 ----------------Comment 
        la concevoir ? Faut-il rechercher dans l'architecture barbaresque des 
        éléments fondamentaux ? Faut-il au contraire tendre vers 
        des formes d'inspiration européenne ?
 ----------------L'architecture 
        barbaresque n'a jamais été qu'un art d'importation et n'a 
        aucune racine populaire, la maison mauresque classique fut l'apanage d'une 
        classe dirigeante qui n'eut jamais de contacts étroits avec la 
        masse des fellahs indigènes, véritable population de l'Algérie, 
        aussi ne pourra-t-on y faire que quelques emprunts se rapportant surtout 
        à la disposition des pièces, leur ventilation et leur aménagement.
 ----------------Les 
        villas européennes d'Afrique du Nord sont trop semblables, à 
        la couleur près, à leurs soeurs des villes françaises, 
        pour qu'on puisse espérer s'en inspirer utilement. Elles ne cachent 
        rien de la vie intime de leurs occupants et heurtent trop violemment le 
        mode d'existence traditionnel du musulman. On ne pourra guère utiliser 
        d'elles que les procédés de construction plus pratiques 
        et plus rapides que ceux en usage chez les indigènes.
 ----------------La 
        demeure du programme d'habitat indigène devra donc être conçue 
        suivant des données particulières assez différentes 
        de tout ce qui a été fait jusqu'à présent. 
        Laissons de côté la construction proprement dite qui nécessitera 
        encore de nombreuses expériences et variera suivant les régions, 
        pour examiner tout d'abord la distribution et l'équipement.
 
 ----------------La 
        maison indigène doit être traitée avec une extrême 
        simplicité, jamais il ne sera plus nécessaire d'adopter 
        des solutions concises, sobres dans la forme et dépouillées 
        de tout élément superflu.
 ----------------La 
        famille indigène est toujours nombreuse ; outre le père, 
        la mère et plusieurs enfants, elle comprend souvent de proches 
        parents. Ce sont généralement 7 ou 8 personnes au minimum 
        qui doivent vivre sous un même toit, et cependant le logement doit 
        être forcément restreint car l'apport journalier des éléments 
        actifs de cette famille restera encore longtemps assez modique.
 Il faut donc loger beaucoup de monde dans peu de place. Il s'agit évidemment 
        de gens qui ont l'habitude de vivre dans des espaces mesurés, mais 
        encore est-il indispensable que certaines précautions soient prises 
        afin qu'ils ne se gênent pas trop.
 ----------------La 
        maison se composera donc presque toujours de deux pièces, un petit 
        abri couvert, un \V.-C. et une cour ou jardin. Les pièces ne contiendront 
        jamais beaucoup de mobilier mais il conviendra de les disposer de façon 
        qu'elles puissent recevoir assez de paillassons, nattes ou tapis pour 
        que chacun y dorme à son aise. ----------------Quelquefois 
        même, surtout aux abords des grandes villes, les locataires apporteront 
        avec eux ces pittoresques lits à baldaquin en fer ouvragé 
        qui permettent un isolement relatif.
 ----------------La 
        pièce étroite et longue des maisons mauresques est parfaitement 
        adaptée aux besoins. Elle est plus pratique que la pièce 
        carrée car elle permet soit un alignement des paillasses, soit 
        l'aménagement des deux extrémités en alcôve.
 ----------------L'abri 
        couvert n'est pas non plus un élément négligeable, 
        il servira de. dépôt, de buanderie et aussi de cuisine d'été. 
        C'est l'annexe indispensable aux pièces d'habitation et il sera 
        toujours intéressant qu'il communique directement avec l'une d'elles.
 ----------------La 
        cour est inséparable de toutes les maisons arabes, c'est le réservoir 
        d'air et de lumière. Par elle toutes les pièces respirent 
        à l'abri des regards indiscrets. Peu importe qu'elle soit entourée 
        d'arcades ou que ce soit un simple enclos bordé de murs, la fonction 
        reste la même. Elle a un passé très ancien et toutes 
        les maisons de la Méditerranée, aussi loin qu'on remonte 
        dans l'antiquité, possèdent une cour dont l'existence est 
        parfaitement justifiée par le climat. Dans la maison indigène 
        nouvelle elle devra être conservée, d'autant plus qu'elle 
        compensera dans une large mesure, pendant la belle saison, l'exiguïtédes 
        locaux.
 ----------------La 
        bonne orientation des pièces d'habitation a une importance capitale. 
        Plus que les européens les indigènes ont besoin du soleil, 
        leur genre de vie, la frugalité souvent excessive de leurs repas 
        exigent en compensation un ensoleillement satisfaisant des locaux qu'ils 
        occupent. Le soleil, quand ses rayons ne sont pas trop ardents, exerce 
        une influence excellente sur la santé des individus, il dispense 
        ses calories sur des organismes parfois fragiles et anémiés 
        et évite la propagation de maladies graves, plus particulièrement 
        la tuberculose, dans une population qui ne respecte encore qu'imparfaitement 
        les règles élémentaires de l'hygiène.
 ----------------Il 
        est d'ailleurs plus facile de se protéger du soleil que de pallier 
        à son absence et une orientation rigoureusement au Sud sera toujours 
        très satisfaisante si quelques dalles ou auvents protègent 
        les ouvertures. Au solstice d'été la hauteur du soleil au 
        passage du méridien est de 76° sur le littoral méditerranéen, 
        ce qui signifie qu'aux heures les plus chaudes ses rayons frappent le 
        sol suivant un angle proche de la verticale, et pénètrent 
        difficilement dans l'intérieur des pièces, surtout si des 
        obstacles sont judicieusement placés. En hiver, l'astre étant 
        beaucoup plus bas sur l'horizon, l'ensoleille-ment des locaux sur des 
        faces bien orientées sera abondant. ----------------Au 
        contraire, les orientations proches du Nord sont désagréables 
        en hiver en raison de l'absence totale de soleil et aucun dispositif ne 
        pourra remédier jamais à cet inconvénient.
 ----------------La 
        ventilation joue aussi un rôle indispensable. Il sera nécessaire 
        qu'une ventilation permanente, échappant au contrôle des 
        occupants, soit assurée dans chaque pièce. Cette question 
        très importante mérite une étude minutieuse. La circulation 
        de l'air dans les locaux est assez facile à réaliser à 
        condition qu'elle soit prévue au moment de la construction. Le 
        surpeuplement des pièces pendant la nuit rend à peu près 
        obligatoire l'application aux maisons indigènes de systèmes 
        de ventilation déjà largement utilisés par ailleurs.
 ----------------Parlons 
        maintenant de ce qui a déjà été réalisé 
        en matière de cités indigènes. En regard des nombreux 
        projets en instance d'exécution, les réalisations sont assez 
        clairsemées. Beaucoup ont à vrai dire constitué des 
        expériences dont l'enseignement a permis d'utiles mises au point. 
        Il n'est pas regrettable que plusieurs années se soient passées 
        avant qu'il ait été possible d'envisager la construction 
        d'habitations en grande quantité.
 ----------------De 
        sérieuses erreurs ne seront plus commises et déjà 
        les cités récemment achevées marquent un progrès 
        sensible sur celles qui les ont précédées.
 ----------------A 
        l'origine, devant la nécessité de rester dans la limite 
        des crédits alloués, on a élevé des maisonsà 
        parois légères, trop perméables à la température 
        extérieure. Très souvent, les indigènes ne les ont 
        que médiocrement appréciées : elles constituaient 
        des abris insuffisants, parfois même inférieurs à 
        la tente ou à certains gourbis, dont les matériaux, moins 
        étanches, sont davantage isolants.
 ----------------Les 
        résultats de pareils errements sont assez curieux et il nous a 
        été donné de constater que dans certains cas des 
        indigènes, d'ailleurs peu assimilés, ont dressé leur 
        tente dans la cour de leur maison, réservant les chambres à 
        leurs bestiaux. De pareils faits prouvent qu'il ne faut pas pousser le 
        souci de l'économie jusqu'à construire des logements inhabitables.
 ----------------D'autres 
        expériences ont porté sur la forme des logis à adopter. 
        Beaucoup d'indigènes, surtout dans les villes, affectant de se 
        plier aux habitudes européennes, quelques maisons ont été 
        construitesà l'usage de cette catégorie d'évolués. 
        Sans grand succès d'ailleurs. Bientôt les fenêtres 
        ouvertes vers l'extérieur ont été bouchées 
        avec des lattis et des toiles de sac qui plongeaient les pièces 
        dans la pénombre,-au grand détriment de l'hygiène.
 ----------------C'est 
        que le chef de famille n'est pas seul. S'il se vante parfois de vivre 
        autrement que la masse de ses coreligionnaires, il n'en subit pas moins 
        l'ambiance de son entourage qui accepte fort bien ses allures dégagées 
        de tout préjugé mais garde, lorsqu'il s'agit de logis, des 
        idées ancestrales qu'il serait vain de vouloir faire disparaître 
        du jour au lendemain.
 ----------------Sans 
        entrer dans le détail des modes de construction susceptibles d'être 
        utilisés pour l'édification des cités indigènes 
        de toute nature, il est intéressant tout au moins d'examiner les 
        possibilités qui s'offrent aux architectes. Dans certains cas, 
        surtout pour des centres ruraux ou pour des cités relativement 
        isolées, il sera parfois nécessaire, en raison des difficultés 
        d'accès, de chercher à utiliser intégralement toutes 
        les ressources de la région si toutefois il en existe. On sera 
        alors amené à construire des maisons selon des procédés 
        éprouvés et traditionnels. Par contre, aux abords des grandes 
        villes et plus spécialement sur le littoral méditerranéen, 
        il deviendra possible de rechercher par la construction en série 
        un abaissement du prix de revient. Le béton moulé, sous 
        toutes ses formes, pourra être largement utilisé. ----------------Une 
        standardisation générale de tous les éléments 
        de la construction sera alors à prévoir et l'aspect définitif 
        des cités ainsi conçues ne manquera pas d'être souvent 
        des plus curieux.
 ----------------En 
        définitive, on peut conclure que l'habitat indigène pose 
        à l'Administration, aux économistes, aux sociologues, aux 
        hygiénistes et aux constructeurs de nombreuses questions presque 
        toujours très délicates. Il n'est pas douteux d'ailleurs 
        qu'au cours des années à venir le problème évoluera, 
        car la population indigène, dans les villes surtout, est amenée 
        petit à petit à modifier son genre de vie, non pas volontairement 
        mais sous la poussée des événements qui tendent de 
        plus en plus, dans la société actuelle, à rendre 
        tout bonheur impossible dans l'impécuniosité.
 MARCEL LATHUILLIERE,Architecte diplômé par le
 Gouvernement, Conseiller technique à l'Habitat et au Paysanat
 indigènes.
 
     |