| ----------La partie 
        du territoire algérien connue sous le nom de Territoires du Sud 
        et placée sous l'administration militaire des officiers du service 
        des Affaires Ind gènes comprend une population indigène 
        d'environ 640.000 âmes répartie sur plus de deux millions 
        de kilomètres carrés.----------Cette 
        population est principalement groupée dans les paries vivantes 
        des Territoires du Sud, c'est-à-dire dans les régions possédant 
        des ressources naturelles pour l'agriculture ou pour l'élevage. 
        Dans le Sahara proprement dit, pour une superficie totale d'environ 1.700.000 
        kilomètres carrés, on ne compte guère que 120.000 
        habitants ; le reste de la population est disséminé entre 
        la zone des' Hauts-Plateaux et de l'Atlas saharien et la région 
        comprise entre les oasis de Biskra, du Mzab, d'Ouargla et d'El-Oued.
 ----------Dans 
        les parties les plus désertiques des Territoires du Sud les sédentaires 
        sont en nombre beaucoup plus élevé que les nomades. Ces 
        sédentaires vivent dans des ksour ou villages à proximité 
        des palmeraies ; ce sont les habitants des oasis, cultivateurs et khammès 
        qui tirent leurs ressources de leurs jardins. Dans la steppe des Hauts-Plateaux 
        et de l'Atlas saharien, au contraire, les nomades l'emportent, car ces 
        contrées sont éminemment favorables à l'élevage 
        transhumant.
 ----------Rien 
        n'est plus misérable que les villages sahariens aux rues étroites 
        et tortueuses où le soleil ne pénètre qu'à 
        grand peine, assemblage de maisons délabrées, aux murs ébréchés. 
        Certains de ces villages sont entourés d'une muraille haute et 
        épaisse, rongée par le vent et la pluie, flanquée 
        de tours branlantes avec créneaux, et cette enceinte est elle-même 
        protégée par un fossé large et profond tandis qu'une 
        ou plusieurs portes en poutres de palmiers en interdisent l'accès.
 ----------Dans 
        les oasis du Tidikelt et du Touat les maisons sont construites sans le 
        moindre souci de l'alignement. Les matériaux de construction se 
        trouvent sur place : le thin, argile que le sol fournit en abondance, 
        sert à la confection des thoub, petites briques à section 
        triangulaire séchées au soleil ; le palmier, arbre-providence 
        de ces contrées, donne les poutrelles des toitures et la terrasse 
        est consolidée à l'aide de djerid, longues palmes recouvertes 
        de terre battue.
 ----------Les 
        édifices indigènes sont généralement peu esthétiques, 
        mais présentent cependant un style particulier. La ligne droite 
        est la seule en usage et la crête des terrasses ou des toits est 
        toujours ornementée de cônes pointus. Même les maisons 
        les plus modestes dressent à leurs angles, comme des pignons, leurs 
        quatre cônes ou ornements.
 ----------La 
        caractéristique commune de ces ksour ou villages du désert 
        est de posséder une Casba, massive et puissante image du château-fort 
        de notre moyen-âge. C'est une grande construction carrée, 
        munie de tours de flanquement à chaque angle, dont le mur extérieur, 
        haut d'environ 7 à 8 mètres, est généralement 
        bordé d'un large fossé. Ces Casbas, aujourd'hui abandonnées, 
        servaient d'habitation au chef du village et de redoute pour ses administrés 
        en cas d'alerte.
 ----------Une 
        autre caractéristique de ces villages est la quantité invraisemblable 
        de latrines publiques et privées qui dressent leurs édicules 
        autour du ksar, au milieu des rues, à chaque angle de maison. L'explorateur 
        Gérhard Rholfs, lors de son voyage du Maroc à Ghadamès, 
        fut à tel point surpris par ce luxe inouï qu'il ne put s'empêcher 
        de noter dans son journal de route cette réflexion humoristique 
        " Je ne crois pas que le pays donne suffisamment 
        à manger aux habitants pour permettre à chaque édicule 
        de recevoir une visite journalière suivie d'un résultat 
        ". Ce n'est d'ailleurs pas par mesure d'hygiène 
        que les ksouriens ont multiplié ainsi ces " lieux discrets, 
        propres à la méditation ". Dans les oasis le fumier 
        est très rare; c'est pourquoi rien n'est négligé 
        pour recueillir les déchets de toute nature qui serviront à 
        fertiliser le maigre humus des palmeraies.
 ----------Les 
        maisons du Tidikelt et du Touat, généralement sans étage, 
        sont très basses et leur plafond s'élève rarement 
        à plus de deux mètres au dessus du sol. Une seule ouverture, 
        close à l'aide d'une claie en branches de palmier ou d'une porte 
        massive en poutres de ce même arbre, donne accès à 
        l'intérieur. Les portes pleines sont parfois ornées de dessins 
        en fer blanc sur fond de drap rouge, dont le principal motif est la croix 
        à quatre branches égales.
 ----------Ces 
        habitations comprennent presque toutes deux pièces (sgui f a) , 
        une cour intérieure (rahba), un magasin pour les provisions (maghzen) 
        et une cour spéciale pour les animaux (taquemi). Dans cette dernière 
        cour se trouvent les latrines ; c'est également là que l'on 
        conserve précieusement le fumier et que les femmes préparent 
        les repas.
 ----------On 
        accède aux chambres par une ouverture béante, n'ayant pas 
        plus de 1 m. 50 de hauteur et 0 m. 80 de largeur. Le sol est recouvert 
        de sable fin provenant de la dune voisine et que l'on change de temps 
        à autre, lorsque les animaux, qui utilisent le même chemin 
        que leurs maîtres, l'ont suffisamment souillé. Il n'existe 
        aucun meuble dans ces demeures où l'on vit pêle-mêle 
        en se couchant à même la terre, les plus aisés sur 
        un tapis. Quelques ustensiles de ménage hétéroclites 
        gisent sur le sol, couverts de mouches voraces qui essaient d'y trouver 
        quelques bribes d'aliments.
 ----------La 
        cour intérieure et la terrasse appartiennent plus particulièrement 
        aux femmes. Dans un angle de la cour se trouve souvent une sorte de boîte 
        (takhezana) dans laquelle on jette soigneusement les noyaux de dattes 
        (alef) qui, écrasés, constitueront plus tard pour les animaux, 
        pour les chameaux notamment, une nourriture précieuse et substantielle. 
        Les terrasses servent à remiser la provision de bois, de dattes 
        ; c'est aussi le lieu des rendez-vous féminins, le soir, lorsque 
        le soleil a disparu et que les travaux journaliers sont terminés. 
        C'est encore sur la terrasse que l'on se couche l'été pour 
        fuir la fournaise des habitations et rechercher un peu de fraîcheur.
 ----------Suivant 
        les régions des Territoires du Sud les villages ont un aspect différent. 
        Le cadre de cet exposé ne permet pas de les étudier tous. 
        On se bornera donc à dire quelques mots des ksour de l'oued Souf 
        et du M'zab qui sont très particuliers.
 ----------La 
        région de l'oued Souf est située au Sud des grands chotts 
        de Biskra entre l'oued Rirh et le Sud tunisien. Les villages, construits 
        au pied des grandes dunes de sable de l'erg oriental, sont composés 
        de toutes petites maisons, recouvertes de dômes minuscules. Ces 
        maisons ont à peine deux mètres de hauteur sur sept à 
        huit mètres de longueur et une largeur de deux à trois mètres. 
        Les minarets qui les dominent ne sont pas non plus de haute taille ; leur 
        forme est imprécise, leur aplomb douteux et leur couleur grisâtre.
 ----------El-Oued, 
        la ville principale est une cité dont les maisons semblent avoir 
        été construites pour 'les habitants de quelque Lilliput. 
        On y retrouve les mêmes rues étroites que dans les autres 
        villages sahariens, des ruelles voûtées dans lesquelles le 
        soleil ne pénètre jamais, les mêmes boutiques de petits 
        artisans israélites ; mais ce qui fait son originalité ce 
        sont toutes ces coupoles accolées qui, vues d'avion ou du sommet 
        d'une dune lointaine, font songer au nid monstrueux d'un gigantesque et 
        apocalyptique rapace.
 ----------Ce 
        genre de construction n'est pas dû au génie inventif d'un 
        artisan soucieux de créer un style d'architecture locale. Il a 
        été imposé aux habitants du Souf par la nature même 
        du terrain ; les matériaux dont ils disposent sont composés 
        de menus moellons de gypse siliceux agglomérés qui exigent, 
        en raison de leur légèreté, ces toitures en forme 
        de minuscules coupoles. Cette pierre gypsifère couvre en effet 
        le sol. L'incomparable artiste qu'est la nature a modelé et cristallisé 
        ces fragments avec une délicatesse infinie et leur a donné 
        des formes si gracieuses de fleurs pétrifiées qu'on les 
        a baptisés roses de sable. Roses de teinte ocre uniforme, mais 
        ravissantes par la variété des dessins parsemés de 
        brillantes paille tes argentées.
 ----------Au 
        soleil couchant, lorsque les dunes se colorent des dernières lueurs 
        de l'astre du jour, l'effet de la ville ensevelie dans son manteau de 
        sables est saisissant. Tous ces cabochons blancs sertis dans l'or fauve 
        du sol qui, dans le jour, brûlent la pupille de leur blancheur crue, 
        se teintent de reflets rouges, puis de tons orange et bleu avant de disparaître 
        dans le mystère de la nuit.
 ----------Tout 
        autre est le spectacle qu'offrent les villes du Mzab qui se succèdent 
        au nombre de sept le long de l'oued de ce nom. Les Mozabites, qui appartiennent 
        dans l'Islam à la secte hérétique des Ibadites, sont 
        venus s'installer dans cette région, plus déshéritée 
        que toute autre du désert, pourchassés par leurs persécuteurs 
        les Arabes orthodoxes, en l'an 908 de notre ère, après avoir 
        abandonné leur grande capitale de Tahert, l'actuelle Tiaret des 
        Hauts Plateaux Oranais. L'architecture de leurs villes est l'image même 
        de leurs persécutions séculaires. Ces cités sont 
        toutes fortifiées et bâties sur des hauteurs, en amphithéâtre, 
        à proximité de l'oued, afin d'en assurer efficacement la 
        défense. Au centre, c'est-à-dire au sommet de l'éminence 
        rocheuse qui sert d'assise à la ville, s'élève la 
        mosquée, monument d'une architecture simple et austère surmonté 
        d'un haut minaret de forme quadrangulaire, orné lui-même 
        d'un appendice aux quatre angles, sans doute réminiscence de quelque 
        vieux culte phallique ante islamique.
 ----------Les maisons sont construites en thoub, 
        mais l'argile est additionnée d'une sorte de ciment appelé 
        timchent, qui donne à ces matériaux plus de résistance 
        à la pluie. Les maisons du Mzab peuvent ainsi supporter les ondées 
        sans trop de dommage, tandis que celles des autres villages sahariens 
        fondent comme un bonbon dans la bouche d'un enfant sous l'action d'une 
        averse prolongée.
 
 --------Les 
        rues sont étroites, tortueuses ; leurs méandres sont un 
        vrai labyrinthe. La plupart sont couvertes, sombres et mystérieuses 
        comme les demeures qui les enserrent. La maison mozabite, domaine presque 
        exclusif de la femme, l'homme passant ses journées dans sa boutique 
        ou, plus souvent encore, résidant temporairement dans le Tell -où 
        il se livre au commerce, a été conçue pour la soustraire 
        aux tentations de l'extérieur et aux regards indiscrets des voisins. 
        Dans une étude fort attachante sur la civilisation .urbaine au 
        Mzab, Marcel Mercier a décrit dans les plus menus détails 
        les particularités de la demeure mozabite. Il faut se reporter 
        à cet intéressant ouvrage pour avoir des indications précises 
        à ce sujet. On indiquera simplement ici que les maisons, avec ou 
        sans étage, possèdent une terrasse recouverte en partie 
        de portiques soutenus par des colonnes légères. Là, 
        les femmes viennent respirer .à l'air libre, mais si elles peuvent 
        contempler le ciel et les innombrables étoiles qui l'illuminent 
        la nuit, un mur élevé leur interdit de satisfaire leur curiosité. 
        Cependant l'ingéniosité féminine est si grande, quelle 
        que soit la latitude où elle s'exerce, qu'il est permis de supposer 
        que les femmes mozabites trouvent néanmoins un subterfuge pour 
        rendre vaines les excessives précautions de leurs méfiants 
        époux.
 ----------En 
        tous pays où vivent des populations nomades, que ce soit en Asie, 
        en Afrique, dans les régions du Grand Nord ou bien dans les steppes 
        d'outre Atlantique, la tente est le mode d'habitation habituel de ces 
        populations mais le modèle varie suivant leurs origines, leurs 
        murs, le climat dans lequel elles évoluent.
 ----------Chez 
        les nomades des Territoires du Sud de l'Algérie, dont l'aire de 
        transhumance s'étend au Nord de la ligne El-Oued - Ouargla - El-Goléa 
        - Timimoun - Béni-Abbès, l'emploi de la khima est généralisé. 
        Elle se compose d'un certain nombre de feloudj, bandes formées 
        d'un mélange de laine et de poil de chèvre ou de chameau, 
        tissées par les femmes sur un dessin "uniforme comportant 
        des lignes brunes et blanches. Ces bandes ont de 15 à 20 mètres 
        de longueur et environ 5o à 75 centimètres de largeur. Toutes 
        les tentes se ressemblent ; leur différence consiste simplement 
        dans le nombre des eloudj utilisés ainsi que dans leur état 
        de conservation. Il en est de très confortables, qui résistent 
        vaillamment aux intempéries. Il en est d' autres, et ce sont les 
        plus nombreuses, percées comme une écumoire, rapiécées 
        et minables, que soutiennent des piquets tordus, plantés au hasard.
 ----------Cependant 
        les initiés savent reconnaître, parmi les tentes brunes identiques 
        d'apparence, celles qui appartiennent à telle ou telle tribu.
 ----------La 
        khima des Oulad Sidi Cheick par exemple
 se distingue des autres par le bouquet de plumes d'autruches noires qui 
        surmonte le grand piquet du centre ; c'est le signe d'une maison noble 
        comme l'était autrefois chez nous la girouette qui grinçait 
        sur les tourelles d'un castel. Chez les Larbâa et les Oulad Naïls 
        c'est la teinte des
 bandes de feloudj qui diffère et cette particularité remonte 
        à plusieurs siècles : vers l'an 1500 de notre ère 
        Sidi Naïl, arrière petit-fils de Moulay Idriss le fondateur 
        de la ville de Fez, s'était mis en route pour faire le pèlerinage 
        de la Mecque. Mais arrivé à Aïn-Rich, à environ 
        100 kilomètres à l'est de Djelfa, il fut si bien accueilli 
        par la population qu'il y resta et s'y fixa définitivement, employant 
        sa vie à glorifier Dieu et à faire respecter la religion 
        du Prophète. Pour se distinguer des autres nomades au milieu desquels 
        il vivait il se fit fabriquer une tente rouge et noire, et ces couleurs 
        ont été conservées par ses descendants. C'est pourquoi 
        les tentes des Oulad Naïls et des Larbâa tranchent avec celles 
        des autres nomades.
 ----------Sauf 
        ces particularités, toutes les tentes ont les mêmes caractéristiques. 
        Un poteau d'environ 2 m. 50 et deux perches de 2 mètres soutiennent 
        les feloudj dont les extrémités sont fixées au sol 
        à l'aide de cordes de laine s'enroulant autour de grosses pierres 
        ou, à défaut de pierres, autour de piquets plantés 
        en terre. A l'intérieur de la khima est emmagasinée dans 
        des tellis, grands sacs en laine, la provision d'orge, de blé ou 
        de dattes ; ces tellis dissimulent aussi parfois de petites cachettes 
        où les femmes mettent en sûreté la peau de bouc qui 
        contient leurs trésors : bijoux, grains de corail etc... C'est 
        encore sous les tellis que le maître de la tente place ses petites 
        économies, quand il en a, soigneusement enfermées dans un 
        oussada qui lui sert d'oreiller durant la nuit.
 ----------Aucun 
        meuble dans la tente, à part les ustensiles de cuisine, la selle 
        du cavalier ou la rahla du méhariste et quelquefois un ou deux 
        tapis de haute laine.
 ----------La 
        tente du chef de la tribu est naturellement plus riche, d'une somptuosité 
        qui varie suivant le degré de fortune et la personnalité 
        du maître. Ce n'est plus une grossière khima de feloudj, 
        mais plutôt une spacieuse et confortable guithoun, faite de toile 
        de coton ou de laine légère, et doublée de bandes 
        de soie jaune et bleue qui tamisent la lumière et répandent 
        un délicieux air de mystère. La khamsa, signe de la puissance 
        et préservatif contre l'âin, le mauvais oeil, se détache, 
        découpée en étoffe blanche sur les parois intérieures.
 ----------A 
        l'intérieur de la guithoun le sol est couvert d'un frach, tapis 
        de haute laine épais et moelleux ; un mthrah, sorte de matelas, 
        recouvert d'une de ces jolies couvertures du Sud appelées djerraïa, 
        sert de couche au grand chef dont la tête repose sur les doux coussins 
        que sont les mkhaïd. Dans un coin de la demeure de laine se trouvent 
        la selle richement ornée et les armes damasquinées et incrustées 
        de nacre, auprès d'une splendide djebira brodée d'or et 
        d'argent et d'un large mdholl, cette curieuse coiffure du cavalier arabe 
        destinée à le protéger contre les ardeurs du soleil.
 ----------Il 
        est rare de voir une khima isolée. Les nomades, que les ksouriens 
        appellent Ahl et Oubeur, les habitants des tentes de poils, vivent toujours 
        en douar, mot arabe qui signifie circuit, cercle. Un douar est en effet 
        une réunion de tentes placées en cercle ; il se compose 
        de familles réunies par la communauté d'origine, par des 
        sympathies ou par des intérêts particuliers : c'est l'élément 
        de famille dans la tribu. Plusieurs douaoueur forment une ferqa, c'est-à-dire 
        une fraction de tribu.
 ----------Les 
        tentes d'un douar sont dressées sur une ligne circulaire entourée 
        de broussailles. Cette formation a l'avantage de rendre la surveillance 
        plus facile pendant la nuit, car les " mauvais garçons " 
        ne manquent pas et la vertu des femmes est mise à rude épreuve 
        par cette existence en commun. Les drames d'amour sont fréquents 
        et il existe une expression, un euphémisme galant par lequel les 
        nomades caractérisent l'adultère " La tente de X... 
        a été volée ".
 ----------Chez 
        les Touareg, prototypes des grands nomades sahariens, la maison démontable 
        est encore plus simple, plus rudimentaire. La tente (ehan) est faite de 
        peaux de chèvres ou de bufs de race zébu, ou encore 
        de moutons soudanais à pelage, tannées par les femmes, teintes 
        avec de l'ocre rouge, puis cousues ensemble. Cette partie de la tente 
        appelée ehakit est supportée par une poutre centrale et 
        par des perches de côté. On se sert aussi parfois, chez les 
        Touareg du Niger notamment, d'arcs au lieu de poutres. La hauteur au dessus 
        du sol ne dépasse pas 1 m. 50 et l'on ne peut se tenir sous cet 
        abri que couché ou accroupi.
 ----------La 
        tente du targui est entourée d'isebran qui servent de paravent 
        mobile ; ce sont des nattes finement tressées avec les tiges de 
        l'a f ezzou, graminée qui pousse en abondance dans certaines régions 
        du désert. Cette inconfortable demeure comporte, malgré 
        son exiguïté, deux parties distinctes : dans la partie Est, 
        réservée à l'homme, se trouvent la selle et les armes 
        du guerrier, les outres en peau de bouc. Dans l'autre compartiment, occupé 
        par la femme, sont réunis les ustensiles de cuisine qui voisinent 
        avec l'amzad, violon monocorde dont toute targuia bien née se doit 
        de jouer savamment.
 ----------Aucun 
        tapis, aucune tenture ne viennent égayer cette misère. Comme 
        les populations primitives les Touareg s'étendent sur le sol pour 
        dormir et se garantissent comme ils peuvent du froid très vif des 
        nuits hivernales et du vent qui souffle fréquemment avec violence. 
        Ils recherchent les anfractuosités de rochers ou les grands tamarix 
        pour installer leur tente et rien n'est plus pitoyable que le spectacle 
        de ces fragiles et minuscules abris disséminés sur les bords 
        d'un oued ou sur les flancs dénudés d'une sinistre montagne. 
        En revanche l'été on se livre totalement à la nature, 
        les petites tentes sont délaissées et la vie nocturne s'écoule 
        au grand air, sur le sable frais et doux de l'oued. C'est l'époque 
        favorable à l'ahal, ces réunions galantes où ces 
        grands errants, ignorant le confort que les civilisés paient de 
        tant de servitudes, s'adonnent librement à leurs instincts et clament, 
        comme les chemineaux de Richepin, leur " volupté de vivre 
        ".
 LÉON LEHURAUX. 
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