| --------La maison 
        du cultivateur et la disposition des bâtiments de ferme traduisent 
        d'une façon précise dans les vieux pays agricoles la psychologie 
        du paysan, ses murs, et l'adaptation de ceux-ci aux nécessités 
        du sol, du climat et des spéculations agricoles. La France, splendide 
        assemblage unifié de pays agricoles dissemblables, traduit admirablement 
        ce phénomène : la ferme des Flandres, la cour normande, 
        les maisons à pans de bois de Champagne, les grandes fermes closes 
        de Brie ou de Beauce, les chalets au-dessus des étables de la Maurienne, 
        les burons d'Auvergne, les mas de Provence, pour ne citer que quelques 
        exemples, sont ainsi de magnifiques traductions de systèmes de 
        cultures, de spéculations agricoles et de psychologie paysanne.--------A 
        notre arrivée en Algérie, la ferme indigène, adaptation 
        elle aussi d'une psychologie et d'un état agricole, était 
        indicatrice de faits analogues. Enfermée dans ses murs, farouchement 
        close pour des raisons de psychologie musulmane et aussi de sécurité, 
        elle traduisait une agriculture facile, sans outillage, à bétail 
        réduit, à récoltes n'exigeant que peu d'abris. Même 
        les exploitations des petits fellahs actuels disent la même situation. 
        Le groupe de petites exploitations paysannes, décèle le 
        même souci de soustraire les femmes du fellah aux regards indiscrets, 
        le peu de préoccupation d'abriter le bétail, l'insuffisance 
        de matériel d'exploitation, l'absence de réserves fourragères 
        que traduisent la médiocrité des étables et l'absence 
        de hangars.
 --------Au 
        début de l'occupation, le peuplement fait de colons d'origines 
        très diverses, de possibilités financières dissemblables 
        a apporté à la ferme algérienne des caractères 
        très différents.
 --------Une 
        nécessité a primé toutes les autres : la sécurité. 
        Qu'il s'agisse de fermes isolées ou de villages, partout où 
        le colon s'installait il apparaissait comme devant être une sentinelle 
        de l'influence française. La ferme ou le village, en pays qui partout 
        était zone d'insécurité, devait être un fortin.
 
         
          |  1.- 
              Boufarik, vers 1836 |  --------Boufarik, 
        créé par Clauzel, et que nous montre la vieille gravure 
        que reproduit la figure n°1, abritait derrière ses hauts murs, 
        ses lacis et ses blockaus, des maisons de  
         
          |  2.- 
              Ferme modèle |  paysans, et la ferme modèle que nous montre la 
        figure 2, reproduction d'une gravure de l'époque, traduit éloquemment 
        avec son entourage de hauts murs la profonde insécurité 
        de cette belle région qui, actuellement, entre Birtouta et Birkadem, 
        étale ses vignes et ses orangers dans la plus pacifiée des 
        campagnes. Dans la région de Boufarik nous trouvons encore quelques 
        vestiges de ces fermes bien closes, protégées des pillards 
        par de hauts murs, et la figure n°3 d'une ferme aux Quatre Chemins 
        rappelle, malgré quelques modifications apportées aux bâtiments, 
        l'allure des grandes exploitations d'il y a 80 ans, que traduit aussi 
        la ferme fortifiée de la région de Relizane que nous montre 
        la figure n" 4. 
         
          |  4.- 
              la ferme fortifiée de la région de Relizane |  --------Derrière 
        le glacis du village où les hauts murs de la ferme, la maison du 
        colon était simple. Les maisons que Bugeaud fit construire dans 
        les villages fortifiés du Sahel nous apportent l'indication de 
        ce qu'était et de ce qu'est encore souvent le logis du colon. La 
        figure n°5 nous  montre l'une de ces maisons, simple certes, mais faite 
        comme tout ce que fait le Génie, pour durer : murs de maçonnerie 
        solides, charpente de bois, couverture de lourdes tuiles rondes résistant 
        bien au vent, distribution simple de 2 ou 4 pièces parfois avec 
        couloir, parfois se commandant entre elles.--------Mais 
        très vite, à l'abri du drapeau français, la sécurité 
        est devenue suffisante, et immédiatement la maison et la ferme 
        du colon traduisent ce fait.
 
 -------Toutefois, 
        comme le peuplement algérien se fait à ce moment avec une 
        mosaïque de races ou de Français venant de provinces diverses, 
        et comme par ailleurs l'agriculture algérienne cherche sa voie, 
        les bâtiments ruraux reflètent ce phénomène. 
        Il n'y a pas de constructions rurales spécifiquement algériennes 
        pendant la deuxième moitié du XIXe siècle. Les bâtiments 
        ruraux ne sont pas adaptés encore à un système de 
        culture, ils sont surtout le reflet du peuplement. Chaque famille apporte 
        avec elle, avec son atavisme et sa psychologie ses tendances agricoles, 
        et par suite ses bâtiments ruraux.--------Dans 
        cet ordre d'idées, l'influence mahonnaise est très nette. 
        Dans toute la zone à cultures légumières de la région 
        algéroise, les Mahonnais, en s'installant, ont construit les maisons 
        du type de celles dans lesquelles ils étaient habitués à 
        vivre : maisons à rez-de-chaussée, ou plus souvent surélevées 
        d'un étage, généralement accompagnées d'un 
        hangar, couvertes toujours en tuiles rondes, à charpente de bois, 
        à intérieurs non plafonnés, avec au. premier étage 
        les pièces dans lesquelles sèchent ou se conservent les 
        oignons ou les piments séchés, " les noras " si 
        chers à cette population.
 --------La 
        figure n° 8 (note du site: pas de figure!) 
        montre bien l'allure générale de ces maisons, la haie de 
        roseau cachant le hangar qui complète d'une façon classique, 
        avec son " cochonnier ", l'habitation de l'exploitant de ces 
        petites fermes maraîchères.
 --------Quant 
        à la colonisation officielle, lorsqu'elle s'est installée 
        dans les villages créés pour elle, elle a souvent vécu 
        d'abord dans des baraquements, comme l'indique la figure n° 9 montrant 
        l'installation
 
         
          |  9.-Installation 
              en 1848 de la colonie de Zurich près Cherchell, d'après 
              une vieille gravure |  des premiers colons de Zurich, en attendant que se construisent 
        sur les lots " urbains " la maison d'habitation en maçonnerie, 
        calquée sur la maison de Bugeaud, mais construite souvent plus 
        légèrement avec un mortier de terre et une couverture plus 
        légère de tuiles plates, maison simple, dont le type classique 
        est celui des quatre pièces desservies par un couloir central, 
        maison que complète sur un lot de 400 à 600 mètres 
        carrés, une écurie et un hangar, le tout groupé en 
        un quadrilatère avec cour centrale.--------A 
        partir des premières années du XXe siècle, l'Agriculture 
        algérienne s'affirme. Elle commence à dégager ses 
        méthodes de culture. La colonisation forme un peuplement déjà 
        plus fondu, plus spécifiquement algérien que provençal, 
        gascon, mahonnais ou maltais. La ferme et la maison construites à 
        partir de cette époque, tendent donc à prendre un caractère 
        " algérien ".
 --------Par 
        ailleurs, la revalorisation progressive des produits agricoles, la fin 
        de la crise viticole, l'essor de la culture des primeurs, créent 
        des disponibilités. La demeure du colon le traduit. Dans le Sahel 
        d'Alger, dans toute la zone à primeurs, nous voyons ainsi peu à 
        peu se raréfier ou disparaître les vieilles maisons arabes 
        ou les fermes spécifiquement mahonnaises. Parfois, comme le montre 
        la figure n° 10, la maison de l'exploitant s'élève d'une 
        façon plus ou moins heureuse et esthétique, en utilisant 
        le rez-de-chaussée formé de vieux murs d'une ferme arabe, 
        ailleurs,
 
         
          |  10-11.-ferme 
              du Sahel |   comme le montre la figure 10, c'est une maison nouvelle 
        qui s'édifie complètement sur la petite ferme à primeurs. 
        Elle s'adapte alors au climat, et la sécurité le permettant, 
        elle s'orne de grandes baies ou de vérandahs, et s'ouvre largement 
        à la brise de mer.--------Quant 
        à la grande propriété, à qui le vin a apporté 
        d'énormes disponibilités, elle se garnit de bâtiments 
        de ferme, construits maintenant pour braver le temps en matériaux 
        de choix, formant des constructions disant la formule de la réunion 
        de la grande propriété et de la grande culture. La dernière 
        photographie est celle d'une grande exploitation viticole de Maison-Blanche, 
        avec, à droite, d'immenses écuries et hangars et, à 
        gauche, des logements ouvriers confortables tandis qu'à côté 
        s'édifie la cave à allures d'usine. Le grand colon lui-même 
        qui, en Algérie, ne pratique pas l'absentéisme, se fait 
        maintenant construire, comme on le voit ci-contre, de belles résidences. 
        Peu à peu, ces confortables demeures s'adaptent au climat et de 
        ce fait comportent généralement des vérandas, et 
        progressivement se dégagent ainsi les principales caractéristiques 
        de ce que sera dans une génération la maison du colon algérien, 
        construction non plus inspirée du pays d'origine de l'immigrant, 
        mais adaptée au milieu après un siècle de lente et 
        difficile évolution.
 Pierre BERTHAULT.  
        
 
 Cour 
        d'une grande ferme de la Mitidja
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