| CHAPITRE IILES CHEMINS DE FER À VOIE DE 1,055 M
 - c)La ligne Blida - Djelfa 
 -----Rappelons qu'au début de la Troisième 
        République la construction des chemins de fer en Algérie 
        se fait de manière anarchique.
 -----Très rapidement, il apparaît 
        nécessaire d'effectuer une remise en ordre.
 -----Ainsi une loi de 1879 reclasse d'intérêt 
        général les concessions accordées en 1874 au titre 
        de l'intérêt local, c'est-à-dire en fait les premières 
        concessions de l'Ouest Algérien et de l'Est Algérien, le 
        reclassement ayant été effectué dès 1877 pour 
        celles du Bône - Guelma. Mais surtout cette loi définit le 
        réseau à construire en première urgence qui, outre 
        un axe traversant l'Algérie de la frontière marocaine à 
        la frontière tunisienne, comprend un certain nombre d'embranchements 
        sur cette ligne principale.
 -----Pour la ligne 
        Blida - Djelfa, commençons par préciser que son histoire 
        fut relativement simple, surtout si on la compare à celle du réseau 
        oranais de l'Etat. En revanche, sa genèse fut non seulement complexe 
        mais soulève un certain nombre d'énigmes qui, encore de 
        nos jours, ne sont que très partiellement résolues. Au départ, 
        le programme de 1879 comportait, entre autres, une rocade destinée 
        à éviter Alger et reliant, via Berrouaghia, Miliana 
        sur la ligne PLM Alger - Oran au niveau du tunnel de l'Atlas, à 
        Bouïra, déjà citée, sur la ligne alors en construction 
          
        Maison-Carrée - Constantine de l'Est Algérien. 
        Cette rocade, naturellement à voie normale, parut d'intérêt 
        discutable et ne fut jamais construite. Très vite, il apparut aux 
        gens d'Alger qu'il serait plus intéressant pour eux d'avoir une 
        ligne Blida - Berrouaghia qui desservirait le sud de leur département, 
        alors sans chemin de fer, et qui pourrait être l'amorce d'une ligne 
        de pénétration dans le Sahara, en imitation de ce qui se 
        passait en Oranie avec la ligne de Saïda et en Constantinois avec 
        celle de Biskra. Cette ligne devait desservir au passage Médéa, 
        importante sous-préfecture qui était tout à la fois 
        une station climatique appréciée des Algérois, par 
        son altitude à plus de 900 mètres, et une garnison notable 
        avec le 1er Spahis. 
        ---- -----Finalement, 
        la concession pour une ligne Blida - Berrouaghia est accordée en 
        1886 et, compte tenu des précisions que nous venons de donner, 
        il est tout naturel que cette concession concerne une voie métrique.
 -----Mais, tout de suite, deux questions 
        s'imposent: pourquoi cette concession est-elle octroyée à 
        l'Ouest Algérien et pourquoi l'écartement retenu est-il 
        celui de 1,055 m ? Il est important d'essayer d'y répondre avec 
        précision, car ce double choix (Ouest Algérien et voie
 de 1,055 m) est à l'origine du développement à travers 
        l'Algérie du réseau à voie de 1,055 m, limité 
        jusque là au sud oranais.
 -----On serait tout d'abord tenté 
        de répondre simplement de la façon suivante. A cette époque, 
        la ligne Alger-Oran du PLM reçoit à Maison-Carrée, 
        à 11 km d'Alger, la ligne de l'Est Algérien venant de Constantine 
        et alors en cours d'achèvement, et à Sainte-Barbe-du-Tlelat, 
        à 24 km d'Oran, la ligne de l'Ouest Algérien venant de Crampel 
        via Sidi-Bel-Abbés. Entre ces deux gares extrêmes, la ligne 
        du PLM croise respectivement à Relizane et Perregaud les deux lignes 
        construites du réseau oranais et exploitées à ce 
        moment là par l'Ouest Algérien au lieu et place de la Franco-Algérienne 
        défaillante. Il semblerait en résulter que, tout naturellement, 
        une troisième ligne à voie métrique, celle s'embranchant 
        à Blida, soit concédée à l'Ouest Algérien 
        (malgré l'éloignement du réseau de celui-ci) et construite 
        à voie de 1,055 m. Malheureusement, si l'on regarde les dates d'un 
        peu plus près, cette explication tombe à l'eau.
 -----En effet, la reprise du réseau 
        oranais par l'Ouest Algérien est de 1888 seulement, alors que la 
        concession de Blida - Berrouaghia est de 1886, donc antérieure 
        de deux ans. Il faut manifestement aller chercher ailleurs les réponses 
        aux deux questions posées.
 -----En fait, la première constatation 
        qui s'impose est la suivante : pour une ligne classée d'intérêt 
        général, il n'est pas question de continuer les erreurs 
        de 1874 en cherchant un nouveau concessionnaire. Il faut alors choisir 
        parmi ceux qui existent. Puisque la ligne à construire part de 
        Blida, sur la ligne Alger-Oran, le concessionnaire naturel serait le PLM. 
        Or, à la fin du XIX ème siècle, le PLM n'est pas 
        en odeur de sainteté en Algérie, et c'est le moins que l'on 
        puisse dire. On lui reprochait, avec juste raison, son matériel 
        roulant, tant de traction que remorqué, usé jusqu'à 
        la corde, car il venait trop souvent terminer en Algérie une carrière 
        déjà longue en métropole, et le transfert avait lieu 
        lorsqu'il y devenait inutilisable. De plus, les trains étaient 
        à la fois très rares et très lents. Les gens d'Algérie, 
        lorsqu'ils avaient l'occasion de faire un séjour en métropole, 
        en revenaient indignés, ayant pu comparer le PLM métropolitain, 
        qui était parmi les tout premiers réseaux français, 
        au lamentable PLM Algérien.
 -----Le PLM étant exclu, deux autres 
        solutions se présentaient naturellement : prendre comme concessionnaire 
        ou l'Est Algérien ou l'Ouest Algérien.
  -----Certes, l'Est Algérien 
        présentait sur l'Ouest Algérien l'avantage d'être 
        beaucoup plus près, car Blida est à 40 km de Maison-Carrée 
        et à 343 km de Sainte-Barbe-du-Tlelat. En contrepartie, l'Est Algérien 
        est, dès ce moment-là, en situation financière difficile 
        et, surtout, ses rapports avec les autorités d'Alger sont mauvais 
        car, tant pour le matériel roulant que pour l'exploitation, sa 
        politique est trop souvent la même que celle du PLM et, de plus, 
        il ne prétend rendre des comptes qu'à l'Etat français. 
        Tout ceci conduira à sa nationalisation en 1908, ce sera donc la 
        seconde après celle de la Franco-Algérienne. Il ne reste 
        donc que l'Ouest Algérien, dont la situation financière 
        du moment, sans être florissante, est néanmoins satisfaisante. 
        Bien sûr, ses méthodes, tant pour le matériel roulant 
        que pour l'exploitation, ressemblent fort à celles du PLM algérien, 
        mais ce qui est inadmissible pour le grand PLM devient compréhensible 
        et donc acceptable pour un petit réseau.
 |  |  -----Le choix de l'Ouest 
        Algérien étant ainsi expliqué, à défaut 
        d'être vraiment justifié, il reste le problème de 
        l'écartement. La voie de 1,055 m ayant été choisie 
        pour le département d'Oran et celle de 1 mètre pour celui 
        de Constantine, pour ce dernier, à l'imitation de la ligne privée 
        d'AïnMokta comme nous le verrons, il ne pouvait y avoir qu'hésitation 
        pour celui d'Alger. En fait, il semble bien que c'est une raison géographique 
        qui va faire choisir la voie de 1,055 m. -----Ces considérations sur le choix 
        de la voie métrique à retenir conduisent à couper 
        l'Algérie en deux et non en trois comme le fait la prise en compte 
        des départements. Alors, le choix est simple: à l'est d'Alger, 
        la voie de 1 mètre et à l'ouest celle de 1,055 m. Ce n'est 
        pas une vue de l'esprit puisque c'est bien ainsi que se fera en 1921 la 
        répartition du territoire entre le PLM et les CFAE. Et Blida étant 
        située à l'ouest d'Alger, d'ailleurs plus nettement sur 
        le plan ferroviaire que sur le plan géographique, c'est donc bien 
        la voie de 1,055 m qui est retenue pour la ligne Blida - Berrouaghia.
 -----Nous y reviendrons au chapitre suivant, 
        mais ce choix a priori discutable va entraîner le développement, 
        au départ imprévisible, de la voie de 1,055 m à l'est 
        d'Alger dans son département, et celui de la voie de 1 mètre 
        dans celui de Constantine. On peut noter aussi que, contrairement à 
        la première hypothèse envisagée cidessus, ce double 
        choix et de l'Ouest Algérien et de la voie de 1,055 m est très 
        probablement à l'origine de la reprise, temporaire mais ultérieure, 
        du réseau de la Franco-Algérienne par l'Ouest Algérien.
 -----Reprenons alors l'histoire de la ligne 
        Blida - Djelfa. L'Ouest Algérien ouvre en 1891 la première 
        section longue de 44 km, Blida - Lodi, et en 1892 la seconde longue de 
        39 km, Lodi - Berrouaghia, section comprenant Médéa. L'Ouest 
        Algérien en serait volontiers resté là, car la ligne 
        était largement déficitaire, mais le département 
        d'Alger n'avait pas oublié son idée de faire de cette ligne 
        l'amorce d'une pénétration dans le Sahara.
 -----La ligne Berrouaghia - 
        Djelfa est alors construite par l'Etat et, au fur et à 
        mesure de son avancement, elle est remise à l'Ouest Algérien 
        pour son exploitation. C'est ainsi que Boghari est atteint en 1912, Aïn-Oussera 
        (Paul-Cazelles) en 1916, Hassi-Bahbah en 1918 et enfin Djelfa en 1921, 
        à 273 km de Blida. Et l'on en resta là. Certes, il fut souvent 
        question de prolonger la ligne d'abord jusqu'à Laghouat 
        et ensuite jusqu'à Ghardaïa en plein Sahara. Ce 
        ne furent jamais que des projets. Tout de même, des travaux de terrassement 
        assez importants ont été entrepris jusqu'au col des Caravanes 
        à une vingtaine de kilomètres de Djelfa, mais, plus au sud, 
        les travaux entrepris furent pratiquement inexistants.
 -----1921 est une année 
        capitale pour la ligne. C'est bien sûr l'année de 
        son achèvement, mais c'est aussi celle du changement du réseau 
        exploitant.
 -----Nous avons rappelé qu'alors le 
        PLM reçut l'affermage des lignes situées à l'ouest 
        d'Alger, mais, très curieusement alors que le réseau oranais 
        de l'Etat reste CFAE, la ligne Blida - Djelfa est, elle, affectée 
        au PLM. Et, non moins curieusement, le PLM qui, en tant que propriétaire, 
        avait toujours négligé son réseau algérien, 
        va en tant que simple exploitant entreprendre de le moderniser de façon 
        très importante. Certes, la ligne Blida - Djelfa est d'abord laissée 
        en dehors de ce programme de modernisation, mais à partir de 1930 
        tout va changer.
 -----Les premières locomotives articulées 
        Garratt que le PLM commande à la Franco-Belge sont les quatre doubles 
        Mountain 241+142-YAT 1 à 4 qui entrent en service sur la ligne 
        en 1932. Malgré la présence de deux trucks à quatre 
        essieux accouplés, ce qui est plus que paradoxal pour une ligne 
        à voie métrique, la règle usuelle étant de 
        ne pas dépasser trois essieux accouplés, ces machines s'inscrivent 
        parfaitement dans les parties les plus sinueuses de la ligne.
 -----Machines puissantes, elles sont réservées 
        à la traction des trains de marchandises sur la section montagneuse 
        Blida - Boghari et l'exploitation est complètement renouvelée. 
        Un autre point remarquable doit être noté : en cinq jours 
        seulement, du 1 au 5 mars 1932, et sans la moindre interruption du service, 
        tout le matériel roulant (locomotives, voitures et wagons) est 
        équipé par les ateliers de Blida de l'attelage automatique 
        Willison. D'autres lignes à voie métrique suivront, mais 
        le PLM aura été un précurseur.
 -----En revanche, cette action du PLM devait 
        être de courte durée. Dès 1933, un accord entre le 
        gouvernement général de l'Algérie, les CFAE et le 
        PLM institue une gestion commune des réseaux.
 ---- -----Toutefois, 
        le PLM reste exploitant du réseau qui lui avait été 
        confié en 1921. En revanche, la création en métropole 
        de la SNCF le le, janvier 1938 devait entraîner la disparition du 
        PLM en Algérie. Mais les CFA, Office d'Exploitation des Chemins 
        de Fer Algériens, ne devaient voir le jour qu'un an après, 
        le ler janvier 1939. C'est donc à cette date que le PLM a cessé 
        d'être exploitant en Algérie.
 -----Rappelons à 
        cette occasion que le 1er janvier 1960 fut créée la Société 
        Nationale des Chemins de Fer Français en Algérie, la SNCFA, 
        dont les deux actionnaires étaient l'Etat français et la 
        SNCF métropolitaine. Le nouvel Etat algérien indépendant 
        garda longtemps ce sigle en lui donnant le sens de Société 
        Nationale des Chemins de Fer Algériens, puisque c'est en 1976 seulement 
        qu'à la SNCFA fut substituée la Société Nationale 
        des Transports Ferroviaires, la SNTF.
 -----Pour en terminer avec la ligne Blida 
        - Djelfa, nous dirons simplement que l'Etat algérien 
        indépendant la négligera longtemps, comme d'ailleurs il 
        le fera pour les autres lignes à voie métrique dont il a 
        hérité. Par vieillissement dû au manque d'entretien, 
        il fut conduit à la fermer au trafic voyageurs en 1978. 
        Par la suite, il a prévu sa mise à voie normale mais il 
        semble bien que seule la section Blida - Médéa ait été 
        reconvertie, ceci en 1989.
 
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