| II.-LES MONUMENTS ET 
        LEUR VISITE (5) LE THEATRE --------Le théâtre 
        de Tipasa n'est ni le plus grand, ni le mieux conservé de ceux 
        que l'on peut admirer en Algérie : c'est, incontestablement, le 
        plus charmant et celui dont les proportions sont les plus heureuses comme 
        les mieux équilibrées. --------Sans doute, 
        des oliviers et des plantes grasses ont-ils remplacé les gradins 
        enlevés précipitamment en 1847 pour construire à 
        Marengo un hôpital de cholériques : son caractère 
        s'en harmonise peut-être mieux encore avec un cadre de verdure magnifique 
        auquel la masse du Chénoua sert de fond. --------Comme dans 
        tous les théâtres romains, nous retrouvons ici la fosse de 
        scène avec ses piliers ayant servi de supports à la charpente 
        du plancher ; nous trouvons le mur en briques qui bordait la scène 
        et dont les saillants et rentrants (de section demi-circulaire ou rectangulaire), 
        autrefois recouverts d'un placage de marbre, servaient non seulement à 
        séparer la scène de l'orchestre, mais encore à améliorer 
        l'acoustique en brisant les échos. --------Le mur de 
        scène qui, du côté Nord, fermait l'édifice, 
        a été déménagé pierre par pierre, comme 
        les gradins ; il n'en reste que juste assez pour permettre de rétablir 
        le plan de l'édifice. Les statues et tout le décor architectural 
        ont disparu. Par contre, les larges couloirs dallés conduisant 
        des entrées latérales à l'orchestre, les beaux piliers 
        qui soutenaient les voûtes supportant les gradins supérieurs, 
        les quatre escaliers extérieurs conduisant à la galerie 
        médiane de circulation et d'où les spectateurs montaient 
        ou descendaient pour rejoindre leur place, conservent à ce théâtre 
        mutilé un aspect de noblesse. --------Mais la 
        grande particularité du théâtre de Tipasa, c'est qu'il 
        n'a pas utilisé la forme naturelle d'un mouvement de terrain 
        pour s'y tailler un emplacement facile et y asseoir ses gradins. Nous 
        nous trouvons en présence du seul théâtre d'Afrique 
        du Nord, avec celui de Madaure et celui de Sabratha en Tripolitaine, où 
        le monument a été construit sur un noyau entièrement 
        artificiel : ici, sur une masse de blocage pour les gradins de la moitié 
        inférieure et sur des arcades ou des voûtes (rappelant celles 
        des amphithéâtres classiques) pour les gradins de la partie 
        haute. --------Plus vaste 
        que les théâtres de Djemila ou de Timgad, malgré l'impression 
        de grandeur majestueuse que donnent ceux-ci depuis leur adroite restauration, 
        le théâtre de Tipasa était fait pour contenir de trois 
        mille à quatre mille spectateurs.
 LE NYMPHEE
 
 --------Au 
        bord de la magnifique voie décumane se dressent les restes d'un 
        nymphée : fontaine monumentale, théâtre d'eau, édifice 
        consacré aux Nymphes, seules capables en cette terre d'Afrique 
        de donner aux hommes fraîcheur, vie et richesses.
 --------Déblayé 
        autrefois par M. Trémaux, ce monument ne montre ses très 
        belles proportions que depuis 1950: il est possible aujourd'hui de le 
        voir sous l'angle sous lequel il devait être vu en circulant sur 
        les dalles profondément usées par les charrois allant de 
        l'ouest à l'est, de la capitale Caesarea (Cherchel) vers Icosium 
        (Alger)
  (photo 34, p. 59). --------Théâtre 
        par sa forme, le nymphée présente une acoustique étonnante 
        : l'eau y cascadait sur les marches de l'hémicycle, entre des colonnes 
        de marbre bleuté du Chénoua et des statues, et jouait en 
        chantant avant de retomber dans les bassins inférieurs. Malgré 
        la mutilation de la partie haute et la disparition de tout le placage 
        en marbre polychrome, dont seuls quelques fragments ont été 
        retrouvés, c'est encore un des plus beaux monuments africains de 
        ce genre (photo 33, p. 58).
 --------On 
        voit, en arrière du Nymphée (en cours de dégagement), 
        les restes des piliers en pierres de taille qui supportaient à 
        plusieurs mètres au-dessus du sol une conduite creusée dans 
        la pierre : cette conduite reliait une canalisation demi-circulaire à 
        ciel ouvert (visible à l'extérieur, en haut et à 
        droite du nymphée) à la partie supérieure de l'ouvrage 
        de répartition des eaux de la ville, situé un peu en arrière. 
        Le répartiteur, dominant une profonde chambre de décantation 
        d'où partaient diverses canalisations, constituait en fait l'extrémité 
        d'un aqueduc long de plus de 10 kilomètres. Il amenait les eaux 
        du Sud-Ouest en suivant un tracé très étudié 
        où les couloirs souterrains, largement pour-vus de bouches d'aération 
        et de nettoyage, alternaient avec une canalisation supportée soit 
        par un remblai, soit par de
 petites arcades.
 
 --------Immédiatement à l'est du Nymphée, 
        on voit les piédroits d'un arc triple qui enjambait le decumanus 
        : arc orne-mental complétant la placette demi-circulaire de la 
        fontaine, il devait en outre avoir un caractère utilitaire. Tout 
        semble prouver qu'il servait de support à une canalisation d'eau 
        franchissant ici la voie pour alimenter la partie Nord de la ville.
 
 DU NYMPHEE AUX TEMPLES
 
 --------Pour 
        regagner la sortie, depuis le Nymphée, on a le choix entre trois 
        solutions :
 --------a) 
        Voie décumane. - La plus courte consiste à retourner 
        aux temples en suivant la magnifique voie décumane qui vient d'être 
        dégagée en 1951, et conserve constamment sa largeur, extrêmement 
        rare, de quatorze mètres. Elle est bordée de trottoirs qui 
        sont, en réalité, le revêtement supérieur de 
        ses égouts (
 photo 4, p. 10).-------b) 
        Mausolée et sentier bleu. - Un sentier, qui prend à 
        droite du nymphée et passe devant le répartiteur des eaux, 
        est le plus ombragé, le plus plat et le plus romantique sans doute. 
        Il permet de voir au passage (à une cinquantaine de mètres 
        du nymphée) les restes d'un monument funéraire constitué 
        par un colombaire de forme carrée dont les niches cintrées 
        contenaient les urnes enfermant les restes des morts incinérés. 
        Certains des pilastres cannelés des angles ont cédé 
        sous le poids de la haute pyramide pleine à base octogonale qui 
        les surmontait et qui s'est couchée, presque intacte, à 
        côté du monument. La construction de ce tombeau remonte vraisemblablement 
        au Ier siècle, c'est-à-dire à une époque où 
        l'enceinte extérieure n'était pas construite.
 --------Le 
        sentier paresse sous les oliviers, dans une région émaillée 
        pendant des mois par un fouillis de fleurs champêtres. Il montre 
        des pans de murs, des restes d'absides ou de citernes à moitié 
        cachés par les lentisques ou habillés de lianes. Il aboutit 
        entre les deux temples par lesquels a commencé le circuit de visite.
 --------c) 
        Sentier jaune. - En face du Nymphée, s'ouvre sous les oliviers 
        un sentier charmant et pittoresque qui, lui aussi, ramènera aux 
        temples celui qui voudra bien se laisser guider par sa fantaisie en découvrant 
        sans cesse des coins ravissants, où une nature luxuriante et les 
        restes du passé se disputeront pour retenir son attention.
 
 LE JARDIN-MUSEE
 --------Son entrée 
        est à quelques mètres de celle du Parc National. On y verra, 
        dans un cadre charmant de verdure et defleurs, sous les arbres magnifiques d'un coin de la propriété 
        privée de M. Angelvy où ils sont déposés et 
        où les visiteurs sont autorisés à circuler, une collection 
        de fragments architecturaux mis ici à l'abri du vandalisme moderne 
        par M. Trémaux.
 --------Toute 
        une collection de chapiteaux ioniques ou corinthiens, des colonnes, des 
        fenêtres en pierre découpée à jour, un magnifique 
        linteau de porte avec l'anagramme du Christ accosté de l'alpha 
        et de l'oméga, un sarcophage portant le très ancien symbole 
        chrétien de l'ancre, alternent avec les amphores à vin et 
        les grandes jarres ou dolia destinées à contenir l'huile 
        ou à stocker le grain. Des moulins à huile rappellent que 
        cette contrée était particulièrement riche en oliviers.
 
 --------Mais il 
        convient surtout de détailler quelques sarcophages qui prendront 
        bientôt place dans le musée de Tipasa.Le plus proche de l'entrée (à droite) est magnifique. En 
        marbre blanc, païen par sa forme, par sa composition, par ses motifs 
        latéraux de lions parés pour les jeux du cirque et égorgeant 
        des gazelles, par les strigiles qui encadrent le motif central, il est 
        essentiellement chrétien par ce dernier : nous y voyons en effet 
        le sujet si souvent traité du Bon Pasteur portant sur ses épaules 
        la brebis égarée qu'il vient d'aller chercher, tandis que 
        les autres brebis du troupeau, qui l'entourent, lèvent la tête 
        vers lui (
 photo 39, p. 65).--------Un 
        peu plus loin et toujours à droite, un tombeau païen s'inspire 
        d'un thème classique. Les Dioscures, Castor et Pollux, figurés 
        dans les deux registres latéraux, veillent sur le dernier sommeil 
        des deux époux qui reposaient ici : les scènes centrales 
        représentent respectivement, celle de droite la célébration 
        du mariage, celle de gauche le sacrifice des adieux. Sur la face latérale, 
        un taureau est tenu par le victimaire, dont le sculpteur a détaillé 
        les instruments sacrés.
 --------Presque 
        en face de ce monument, mais dans l'allée proche du Parc national, 
        on verra un troisième sarcophage, chrétien celui-là 
        et de moins bonne facture ; il est aussi moins bien conservé. Au 
        centre, le Christ, assis, enseigne la Nouvelle Loi ; autour de lui, quatre 
        personnages facilement identifiables par leurs attributs traditionnels, 
        reproduisent les types classiques des saisons
 (photo 38, p. 63).
 LES GRANDS THERMES
 --------C'était, 
        très certainement, un des édifices les plus importants de 
        la ville, dont il occupait à peu près le centre Cette position 
        centrale est aussi celle du village moderne certaines de ses installations 
        le recouvrent en partie. Aussi, malgré ses grandes dimensions, 
        ne peut-on voir actuelle-ment qu'une partie du frigidarium (grande piscine 
        pour les bains froids, à laquelle on accédait 
        par trois larges marches en venant d'une vaste salle pavée de mosaïques 
        orne-mentales en noir sur blanc).--------Ce 
        qui reste des thermes est encore impressionnant par sa hauteur (9 mètres), 
        par la masse de ses murs de blocage alternant avec des assises de briques, 
        par la portée de ses voûtes d'où la pierre de taille 
        a été exclue et par les deux étages que comportait 
        le bâtiment.
 --------L'ensemble 
        des locaux et chaufferies destinés aux étuves de sudation 
        et aux bains chauds devait se trouver à l'ouest de la partie fouillée, 
        sous l'angle du jardin-musée.
 
 LE MUSEE
 
 --------Actuellement 
        en construction, le musée s'élève sur la place dominant 
        le port, gracieusement offerte par la Municipalité de Tipasa pour 
        y établir une agence des Monuments Historiques. Ce musée 
        contiendra la collection d'objets conservés et préservés 
        par M. Trémaux, ainsi que ceux trouvés depuis le début 
        des fouilles de Tipasa : grande mosaïque de la basilique civile, 
        couvercle de sarcophage décoré de mosaïques provenant 
        de Sainte-Salsa, collection de monnaies, de lampes, de poteries et de 
        verrerie. A ces collections s'ajouteront les objets découverts 
        au cours des nouvelles fouilles et ceux qui, au fur et à mesure 
        de l'extension des travaux, permettront au visiteur de mieux imaginer 
        quelle fut la vie antique du petit port qui conserve toujours son nom 
        vieux de vingt-cinq siècles.
 
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