| II.-LES MONUMENTS ET 
        LEUR VISITE (2) ------Les 
        monuments antiques actuellement dégagés et les sites lès 
        plus pittoresques de Tipasa se répartissent en deux ensembles distincts, 
        situés de part et d'autre du village actuel : le Parc national 
        Trémaux, du côté de Cherchel, et la colline de l'Est 
        (dite de Sainte-Salsa), du côté d'Alger.------Une 
        visite de Tipasa serait incomplète et ne permettrait pas de comprendre 
        l'âme tourmentée de la petite ville an-tique, si elle se 
        limitait à un seul de ces ensembles.
 1.-LE PARC NATIONAL 
        TREMAUX ------Le parc national 
        se compose d'une partie acquise parl'Etat, et de plus de onze hectares d'une propriété privée, 
        généreusement offerte par les familles Altairac, Angelvy, 
        Borgeaud et Outin, en souvenir de leur aïeul, M. Trémaux, 
        qui s'était passionné pour les ruines de Tipasa et avait 
        protégé de la destruction celles qui étaient dans 
        son parc.
 L'AMPHITHEATRE ------Dès 
        son entrée dans le parc national, le visiteur prend contact avec 
        les restes d'un des plus vastes monuments de la cité antique : 
        les arènes, en cours de fouilles.------Le sentier 
        invite à s'engager dans le couloir de la porte orientale, découverte 
        depuis peu. En face de soi, on voit les trois mètres d'épaisseur 
        de terres d'alluvions accumulés, tandis qu'à droite, au-dessus 
        du mur vertical destiné à retenir les bêtes sauvages 
        dans l'arène, des voûtes ruinées représentent 
        les restes de supports des gradins sur lesquels s'entassaient les spectateurs 
        venus assister aux jeux.
 
 ------Une deuxième 
        porte, en cours de dégagement, marquait l'extrémité 
        Ouest du grand axe du monument long d'une centaine de mètres. Cette 
        porte donne une idée des proportions de tout l'ensemble, malheureusement 
        disparu. Elle fut obstruée précipitamment, aux époques 
        d'angoisses, sans doute pour transformer l'amphithéâtre en 
        une sorte de ré-duit défensif, - par la construction de 
        trois murs successifs, constitués avec des pierres prélevées 
        sur le pourtour de l'arène et sur les environs immédiats 
        : fragments d'arcs, fûts de colonnes et caissons funéraires 
        y voisinaient. C'est dans un de ces murs qu'avait été remployée 
        l'épitaphe d'un soldat ayant appartenu à une unité 
        auxiliaire des légions : ce Caninéfate (Batave des bouches 
        de l'Escaut) est immortalisé par le bas-relief qui le représente, 
        tête nue, vêtu d'une courte tunique et d'un manteau gonflé 
        par le vent, chargeant l'ennemi à cheval, sa lance tenue à 
        deux mains (voir photo 8 page 18). ------On sera sans 
        doute surpris de voir, à la porte de l'Ouest, tant de caissons 
        funéraires remployés dans les murs et dans les masses de 
        maçonnerie : nous nous trouvons ici hors de l'enceinte primitive 
        et en pleine nécropole païenne, désaffectée 
        au moment de la création de l'enceinte extérieure et du 
        développement de Tipasa dans la zone intermédiaire. ------On peut donc 
        se demander, en voyant le petit columbarium dégagé 
        au sud de la porte occidentale, s'il s'agit encore d'un simple remploi, 
        ou si, au contraire. on ne se trouve pas à l'endroit où 
        étaient déposées les urnes contenant les cendres 
        des gladiateurs tués dans l'arène. ------On ne peut 
        non plus donner actuellement une explication définitive du couloir 
        qui se trouve au nord de la porte et de l'aqueduc paraissant déboucher 
        dans l'arène : peut-être s'agit-il d'une canalisation ayant 
        permis d'inonder cette dernière et d'y donner des joutes nautiques 
        ou naumachies ?
 LES TEMPLES ET LE DECUMANUS
 ------Si l'on monte 
        sur un talus remplaçant les supports des gradins de l'arène, 
        immédiatement au nord de la porte occidentale de l'amphithéâtre, 
        on découvre un ensemble impressionnant, enserré dans un 
        écrin de verdure : au premier plan, le " Temple Anonyme " 
        découvert autrefois par M. Marcel Christofle, et, au fond, le " 
        Nouveau Temple "" dont le magnifique escalier aux pierres dorées 
        ne conduit plus qu'à un décor sylvestre. Entre les deux, 
        se devine la voie décumane sur laquelle ils s'ouvraient : c'est 
        là que nous irons pour les voir et pour les mieux comprendre.------Le 
        decumanus maximus, axe principal de la ville (dé-couvert en 
        1949), n'est autre, en réalité, que la grande route côtière 
        venant de Caesarea (Cherchel), capitale de la Province : on voit immédiatement 
        à quel état d'usure fut ré-duite l'une des principales 
        voies impériales de Maurétanie dont le dallage a disparu 
        en de nombreuses places et où les roues des chars étaient 
        contraintes de sauter de dalles arrondies en ornières creusées 
        dans le rocher. Quel contraste entre cet état de désagrégation, 
        symbole de l'empire romain du Ve siècle, et le sens de la grandeur 
        qui avait inspiré la construction de ce point central de la ville, 
        trois siècles plus tôt !
 ------Le decumanus 
        avait été bordé ici par deux portiques : des marches 
        de différentes hauteurs en permettaient l'accès depuis la 
        voie.
 ------La beauté 
        majestueuse de l'ensemble, due surtout à l'équilibre des 
        proportions, se complétait, du côté Ouest, par la 
        présence d'un arc monumental quadruple, dont les piédroits 
        et de nombreux motifs décoratifs ou architecturaux viennent d'être 
        retrouvés. Par les deux grandes ouvertures centrales, correspondant 
        à la voie, circulaient les voitures ; les piétons empruntaient 
        les passages latéraux faisant suite aux portiques extérieurs 
        des temples.
 ------Le 
        Temple Anonyme donnait sur le portique Sud du decumanus par trois 
        portes ouvrant sur une cour à triple portique ; les bases de colonnes 
        sont encore en place au-dessus de deux marches intactes. Du temple lui-même, 
        il ne reste que le soubassement et le départ de l'escalier d'accès 
        à la cella, masse rectangulaire sur laquelle s'élevait 
        le Temple proprement dit, et où était conservée la 
        statue de la Divinité ; une jambe colossale de marbre y a été 
        découverte.
 ------Quant 
        à l'autel des sacrifices, situé au centre de la cour, il 
        a disparu ; seules ses fondations viennent d'être retrouvées.
 Un portique a été accolé tardivement à l'extérieur 
        du temple, du côté Ouest, en bordure du cardo, découvert 
        en 1951, le long duquel il était construit.
 ------On est 
        immédiatement frappé par la différence de conservation 
        que présente le Nouveau Temple ; plus de quatre mètres de 
        dénivellation séparent les parties dégagées 
        que l'oeil peut embrasser aujourd'hui dans leur magnifique ensemble et 
        qui font l'orgueil des nouvelles fouilles.
 
 ------Tandis 
        que le visiteur circule sur le beau dallage du decumanus, l'écrin 
        de végétation luxuriante entourant le grand escalier lui 
        donne le niveau du sol en 1948. Aucun mur, aucun pilier, aucune pierre 
        ne laissaient alors deviner l'ensemble actuel que, seul, décelait 
        la densité du fourré impénétrable de lentisques 
        dû au dallage sous-jacent et à l'humidité relative 
        qu'il conservait à la végétation arbustive. L'énorme 
        cube de déblais, fouillés puis transportés jusqu'à 
        la mer, donne l'échelle de grandeur des efforts de tous ordres 
        nécessaires pour mener à bien une telle tâche.------Comme 
        le Temple Anonyme, le Nouveau Temple s'ouvrait par trois portes sur le 
        portique de la voie décumane. Comme pour lui, une belle cour précédait 
        l'escalier montant au temple proprement dit. Comme pour lui encore, un 
        portique intérieur entourait la cour sur trois côtés. 
        Mais, ici, la cour était magnifiquement dallée et l'escalier, 
        presque in-tact, peut donner une idée de ce que fut celui du Temple 
        anonyme. L'autel des sacrifices a disparu, mais son emplacement se retrouve 
        à une réfection du dallage exécutée à 
        l'endroit où il s'élevait.
 ------L'escalier 
        monumental, flanqué de deux perrons, per-mettait d'accéder 
        à un portique surélevé présentant sans doute 
        un front de quatre colonnes dont un chapiteau, déposé à 
        droite de l'escalier, donne idée des dimensions.
 ------Quant 
        à la salle s'ouvrant sur ce portique - ou aux
 salles, si le temple était consacré à plusieurs divinités, 
        -
 elle était en dehors des limites de l'actuel Parc national.
 ------Le Temple, 
        désaffecté, fut utilisé à des fins différentes, 
        ce qui n'en simplifie pas la compréhension pour le visiteur pressé.
 ------Le côté 
        du portique opposé à l'escalier servit à faire la 
        nef latérale droite d'une basilique : une colonnade à éléments 
        cruciformes la séparait - comme la nef gauche du très large 
        vaisseau central (
 photo 13, page 30).------Mais 
        la forme allongée d'une basilique nécessitait l'abatage 
        d'un des murs latéraux de la cour du temple : la basilique déborda 
        du côté droit à l'extérieur de l'aire païenne.
 
 ------La demi-abside 
        actuellement visible, ainsi que la petite chambre aménagée 
        à l'Est, appartiennent vraisemblablement à la crypte du 
        monument. Un certain nombre de lampes chrétiennes y a été 
        retrouvé.
 ------Mais 
        les deux ensembles, temple et basilique, super-posés dans l'espace 
        comme ils le furent dans le temps, et faciles à comprendre maintenant 
        que les fouilles en sont achevées, disparaissaient sous une épaisse 
        couche de terre, de cendres, de charbon, et de blocs épars mordus 
        autrefois par le feu. Ils étaient surtout encombrés par 
        une multitude déroutante de petites chambres, ayant utilisé 
        comme appuis pour leur construction les murs et les piliers, tant qu'il 
        y en eut de disponibles ; puis les chambrettes avaient envahi presque 
        toute la cour dallée et le portique du decumanus. Balances, poids, 
        grands dolia à huile et à grains, jarres et amphores à 
        vin, outils de fer, mortiers et pilons, dépôts de blé 
        carbonifié par les siècles, témoignaient de la transformation 
        en marché des édifices sacrés qui l'avaient précédé 
        avant d'être détruits. Quelques-uns des magasins du marché 
        ont été conservés comme témoins.
 ------Nous 
        ne quitterons pas l'ensemble des temples, de l'arc et du decumanus sans 
        faire une remarque. Les difficultés créées par le 
        terrain et par les constructions antérieures ont été 
        très habilement tournées et très adroitement dissimulées 
        par des effets de trompe-l'oeil. Aucun angle n'est droit dans le 
        nouveau temple. Le grand escalier est oblique par rapport à l'axe 
        de la cour dallée. L'arc monumental est placé à un 
        léger coude du decumanus, et il n'est perpendiculaire ni à 
        une branche ni à l'autre. Aucune symétrie n'existe entre 
        les deux temples qui se font face. Et, cependant, rien n'est choquant 
        à l'oeil : tout est agréable et harmonieux.
 
 DES TEMPLES AU FORUM
 
 ------Deux 
        chemins se présentent :
 ------a) Si 
        l'on ne craint pas d'allonger le trajet de 200 mètres environ, 
        on prendra le sentier (jaune) qui s'amorce entre le nouveau temple et 
        les restes de l'arc du decumanus ; on descendra dans un cadre romantique 
        d'essences méditerranéennes au milieu duquel se dressent 
        quelques ruines, jusqu'à ce que l'on rencontre, sur la droite, 
        un autre sentier (marques rouges). On traversera la cour d'une mai-son 
        particulière qui donne, en quelque sorte, une synthèse de 
        Tipasa : dans cette cour très ruinée, on a laissé 
        subsister les quelques pins et oliviers qui, tout en conservant la beauté 
        agreste du site, laissent encore imaginer ce que fut le coeur de cette 
        habitation aujourd'hui envahie par la végétation.
 ------On continuera 
        de suivre le sentier (marques rouges) en traversant perpendiculairement 
        l'allée qui conduit vers la mer.
 
 ------b) On 
        aurait gagné du temps en se contentant de prendre, à l'angle 
        Ouest du Nouveau Temple, l'allée descendant vers la mer et en quittant 
        cette allée au bout de 80 mètres pour prendre, à 
        droite, un sentier (marques rouges).
 ------Le sentier 
        s'élève en traversant d'abord une zone de gros blocs effondrés 
        ; un peu plus loin, il contourne la base intacte d'un bastion avec des 
        assises d'énormes pierres surmontant le rocher taillé verticalement. 
        Il est à peu près certain que l'on se trouve là en 
        présence d'un des restes de l'enceinte primitive qui entoura le 
        promontoire du Forum, jusqu'au milieu du IIe siècle, - époque 
        où elle fut remplacée par la vaste enceinte dont on verra 
        notamment la jonction avec les falaises : du côté Ouest, 
        à la poterne de la grande basilique Chrétienne, et, du côté 
        Est, à la limite du cimetière chrétien de Sainte-Salsa.
 ------Depuis 
        une belle habitation (en cours de fouilles), on découvre à 
        gauche, en avant de la masse du Chénoua qui s'avance longuement 
        dans la mer, le promontoire de l'Ouest, sur lequel se dresse la cathédrale.
 ------Puis 
        on s'élève doucement au milieu d'un maquis de lentisques, 
        de pins et d'oléastres rabougris ou courbés par les vents 
        pour atteindre l'angle Nord-Ouest du Forum.
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