 A LA GLOIRE DES AVIATEURS
        
        A LA GLOIRE DES AVIATEURS
        Hommage à Guynemer
        Inauguration officielle du square et du monument élevé 
        à la mémoire de l'héroïque aviateur  
        Conformément aux ordres du Gouvernement 
          central, et pour donner plus d'éclat à cette cérémonie, 
          le Maire et la Municipalité d'Alger avaient décidé, 
          pour rendre hommage à la mémoire de l'héroïque 
          aviateur, d'inaugurer officiellement le monument élevé 
          à Georges Guynemer et le square portant son nom, situé 
          au haut du boulevard Laferrière.
          Cette cérémonie émouvante et patriotique a eu lieu, 
          hier, jeudi, à cinq heures de l'après-midi.
          
          Dans le square Guynemer, orné de drapeaux tricolores, dans ce 
          jardin en gradins, formant un magnifique décor, la foule a pris 
          place. Près du monument, qui se dresse dans un fond de verdure 
          et de ciel, près de cette stèle d'où se détachent 
          le médaillon de l'intrépide capitaine et cette phrase 
          : " Face au ciel, droit à l'ennemi, dans une apothéose 
          il mourut pour la France! " les autorités et les délégations 
          ont pris place; nous remarquons : 
          
          M. de Galland, maire d'Alger, ayant à ses côtés 
          ses adjoints et les membres du Conseil Municipal ; M. le capitaine de 
          corvette Ferrat, représentant M. le Gouverneur Général 
          ; Basset, secrétaire général de la Préfecture. 
          avec M. Babillot, chef de cabinet de M. Lefébure, représentant 
          le Préfet d`Alger ; l'amiral Eng et ses officiers d'ordonnance 
          ; le commandant Rolland, commandant l'Aéronautique de l'Afrique 
          du Nord ; le lieutenant Molet, représentant le général 
          Nivelle ; les représentants du corps consulaire ; M. de Redon. 
          conseiller municipal et délégué financier ; l'intendant 
          général Peltier ; M. Maris, directeur au Gouvernement 
          général ; Mme Arthur ; M. Darbéda, délégué 
          de l'Union des Femmes de France ; les délégués 
          des Mutilés : MM. Privat, Ascione, Haro, Riquelme, Maurice Van 
          Ghèle, Tauzin, Alberti, etc., etc... ; des délégations, 
          avec leur drapeau et leur Conseil d'administration, des Alsaciens-Lorrains, 
          de l'Union Fraternelle des Anciens Zouaves, des Anciens Zouaves et Tirailleurs, 
          des officiers anglais, de nombreux officiers de l'aviation et de toutes 
          les armes ; la clique des sapeurs-pompiers d'Alger ; l'excellente musique 
          d'Alger-Tourist, etc., etc...
          
          Mme la comtesse d'Aubigny, tante du brave capitaine Guynemer. s'était 
          excusée télégraphiquement auprès de M. de 
          Galland de ne pouvoir assister à la cérémonie.
          Dans le grand ciel bleu, des avions viennent survoler le monument et 
          porter le suprême hommage au jeune héros, mort dans l'azur, 
          en pleine gloire.
          
          C'est d'une voix forte, que M. de Galland, maire d*Alger, prononce l'émouvant 
          discours
          suivant : 
          
          DISCOURS DU MAIRE D'ALGER
          A la mémoire de Georges Guynemer,
          Dans le grand drame devant lequel pâlissent les conceptions tragiques 
          des plus nobles génies, l'esprit de sacrifice et le mépris 
          de la mort apparaissent comme les marques d'une humanité régénérée 
          et plus forte capable de s'avancer, la tête haute et le cur 
          résolu, dans la voie lumineuse du véritable progrès 
          social, vers un avenir meilleur.
          Dans cette guerre gigantesque, les héros sont partout, dans les 
          tranchées boueuses, sur les monts et sur les mers, dans les airs 
          où les missions furent si périlleuses et les duels si 
          émouvants.
          
          Aujourd'hui 11 Septembre, jour anniversaire de la mort de Georges Guynemer, 
          nous avons le devoir de rappeler le souvenir de l'intrépide aviateur 
          et de glorifier en lui tous les aviateurs de la France et des pays alliés.
          
          Tous ont bien mérité de la Patrie. Tous ces hommes, de 
          ferme volonté et de caractère inébranlable, ont 
          accompli et continuent à accomplir tous les jours de véritables 
          prodiges. A tous, rendons un solennel hommage.
          
          Ce devoir, dans la ville d'Alger, s'impose d'autant plus à nous 
          que Guynemer est d'origine alsacienne : en effet, son grand-père, 
          au lendemain de la guerre de 70-71 , est venu a Alger, avec le comte 
          d'Haussonville, pour procéder à l'installation de nos 
          frères alsaciens chassés de cette partie du sol national 
          aujourd'hui reconquise. La fille de ce grand-père, ardent patriote, 
          la tante de Georges Guynemer, la comtesse d'Aubigny, a voué un 
          véritable culte à notre terre d'Algérie où 
          elle revient chaque année.
          C"est dire que des liens si étroits existent entre cette 
          famille et nous, que nous ne pouvons faillir aux obligations imposées 
          par notre reconnaissance. et notre admiration.
          Je m'efforce de faire revivre, en une synthèse, peut-être 
          incomplète, une physionomie singulièrement impressionnante, 
          telle qu'elle m'a été révélée par 
          des portraits, des documents et des récits : sous une enveloppe 
          d'apparence frêle, une âme indomptable, l'âme qui 
          domine et dompte la chair frémissante et fragile, qui maîtrise 
          les nerfs trop tendus, l'âme enfin qui ignore le danger et méprise 
          la mort. Dans les yeux étrangement dilatés, scrutateurs 
          de l'horizon et de l'infini, une fixité et une résolution 
          sans défaillances. C"était à travers les airs, 
          l'envol vers le mystère, au-devant des duels implacables, vers 
          la mort, presque certaine.
          
          Par contraste, de l'ensemble de cette personnalité unique et 
          géniale se dégageait une impression de juvénilité, 
          de bonté et d'exquise modestie.
          En un simple raccourci. redisons ses états de service. Ceci vaudra 
          mieux que toute amplification oratoire.
          
          Georges Guynemer est né à Paris le 24 décembre 
          1894. Engagé volontaire pour la durée de la guerre, le 
          23 novembre 1914, à l'âge de 20 ans, breveté pilote 
          militaire le 25 avril 1915, il ne tarda pas à franchir toutes 
          les étapes de la hiérarchie militaire jusqu'au grade de 
          capitaine après avoir glorieusement obtenu, par des exploits 
          inouïs, 21 citations à l'ordre de l'armée, la médaille 
          militaire et la croix d'officier de la Légion d'Honneur. Ses 
          prouesses dépassent amplement tout ce que l'imagination peut 
          concevoir, toutes les limites des forces humaines.
          
          Les citations dont il est l'objet sont laconiques, d"un laconisme 
          évocateur d'une grande figure.
          
          Je reproduis le fragment de l'une d'elles : 
          " Insouciant du danger, est devenu, pour l'ennemi, par la sûreté 
          de ses méthodes et la précision de ses manuvres, 
          l'adversaire redoutable entre tous. A accompli, le 25 mai 1917, un de 
          ses plus brillants exploits, en abattant en une seule minute deux avions 
          ennemis, et en remportant, dans la même journée, deux nouvelles 
          victoires... "
          Georges Guynemer compte 54 victoires en combats aériens.
          Il appartenait à l'équipe des " Cigognes " des 
          oiseaux symboliques et sacrés, qui, tous les ans et à 
          la même époque. se dirigent vers les villes d'Alsace, et 
          se campent si fièrement sur les hautes tours de la cathédrale 
          de Strasbourg. Espoir et symbole devenus une réalité !
          
          Hélas ! une note officielle annonça un jour que c'était 
          la fin, la fin glorieuse, dans une apothéose.... - 
          " Dans la matinée du 11 septembre 1917, le capitaine Guynemer 
          parti en reconnaissance dans la région des Flandres, s'est trouvé, 
          au cours des péripéties d'une poursuite d'avion ennemi, 
          séparé de son camarade de patrouille et n'a pas reparu 
          depuis... "
          Permettez-moi de vous rappeler la séance de la Chambre du 17 
          octobre 1917, qui, sous la présidence de M.Paul Deschanel, s'est 
          ouverte par une manifestation grandiose en l'honneur de Guynemer. L'hommage 
          qui lui fut rendu devant tous les députés émus 
          et enthousiastes a retenti dans toute la France. Sur la proposition 
          de M. Lasies et M. Henri Paté, rapporteur, les députés, 
          debout et à l'unanimité, votèrent cet article unique 
          :
          " La Chambre invite le Gouvernement à faire mettre au Panthéon 
          une inscription destinée à perpétuer la mémoire 
          du capitaine Guynemer, symbole des aspirations et des enthousiasmes 
          de l'armée et de la Nation... "
          
          Et maintenant, au nom de tous nos concitoyens de la municipalité, 
          et des membres de l'assemblée communale j'ai l'honneur d'inaugurer 
          ce monument à la mémoire du capitaine aviateur Guynemer. 
          uvre du statuaire Fourquet, deuxième Grand Prix de Rome, 
          et de l'architecte Fenech, lauréat de l'École des Beaux-Arts, 
          mort à la suite de sa blessure.
          
          Il perpétuera, parmi nos enfants, le souvenir du héros, 
          le vol des " Cigognes " vers Strasbourg ; et l'inscription 
          lapidaire, gravée sur cette pierre. résumera notre commune 
          pensée : 
          " Face au ciel, droit à l'ennemi, dans une apothéose, 
          il mourut pour la France "
          Ces éloquentes paroles du maire d'Alger sont longuement applaudies 
          par l'assistance entière. La musique d' " Alger-Tourist 
          " exécute, avec brio, la " Marseillaise  et la 
          marche " Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine ". 
          
          Au nom des Alsaciens-Lorrains, M. Keller, président de la Société, 
          remercie le maire et la municipalité d'Alger; M. de Galland est 
          également remercié par le commandant Rolland, de l'aéronautique 
          de l'Afrique du Nord, au nom de tous les aviateurs.
          De brillants morceaux de musique sont exécutés par " 
          Alger-Tourist ", puis l'assistance se sépare, impressionnée 
          par cette belle et patriotique cérémonie qui était 
          terminée à six heures.