" L'expérience de Constantine 
          "
          Place et rôle de l'USEP dans l'Education physique en Algérie
          (1950-1962)
          Johann Rage, Jean-Michel Delaplace
        " Il est certain que lorsqu'on 
          voit une oeuvre comme celle de l'USEP qui demande autant d'effort, de 
          dévouement, de flamme, d'idéal, et que j'ai vue à 
          !'oeuvre en Algérie par exemple où le Constantinois arrive 
          à enregistrer des résultats vraiment spectaculaires, je 
          dirai même étonnants, nous n'avons pas le droit de douter 
          de la mission d'éducation qui est la nôtre dans ce domaine 
          ".
          Maurice Herzog
        Première partie
        Notre communication se propose d'étudier 
          un des aspects de l'éducation physique algérienne, celle 
          qui concerne la place et le rôle de l'Union du Sport de l'Enseignement 
          Primaire (USEP) dans l'évolution de cette matière d'enseignement. 
          En effet, cette organisation, émanant de l'UFOLEP et officialisée 
          en 1939 (Circulaire du 1" février 
          1939.) par Jean Zay, était chargée d'apporter 
          son soutien à l'organisation et à la pratique de l'éducation 
          physique et du sport scolaire dans l'enseignement du premier degré. 
          Disparaissant en 1942 avec la dissolution " exemplaire " de 
          la Ligue de l'Enseignement souhaitée par le colonel Pascot, elle 
          reprend ses activités en 1945, en se donnant pour objectif " 
          d'exploiter la compétition sportive à des fins éducatives 
          " (Esprit des épreuves USEP, in Mémento de l'USEP, 
          1958).
          
          Si le rôle de l'USEP est originellement celui de complément 
          aux programmes et, horaires de l'éducation physique, en particulier 
          en ce qui concerne l'organisation de la pratique sportive, il semble 
          qu'elle ait débordé ce rôle pour pallier les difficultés 
          d'exécution de l'éducation physique à l'école 
          primaire. Le cas algérien, et plus particulièrement celui 
          du département de Constantine et celui des Territoires du Sud, 
          étant exemplaire sur ce point. En effet l'USEP en Algérie 
          devient, à partir de 1953 et sous l'impulsion d'André 
          Rouet, l'élément dynamogène de l'éducation 
          physique en opérant une synthèse particulière entre 
          les nouvelles directives officielles de la Libération et ses 
          propres conceptions. Des actions de formation à la diffusion 
          d'une documentation pédagogique, en passant par le développement 
          de la pratique physique et sportive chez les enseignants et les élèves, 
          l'USEP se présente comme le principal système de promotion 
          et d'organisation de l'éducation physique du premier degré 
          en Algérie.
        La formation des 
          enseignants, première pierre du système " usépien 
          "
          
        Pour P. Arnaud (1998), l'année 1945 
          marque l'apparition officielle de deux " éducation physique 
          " avec, pour la première fois, la publication parallèle 
          mais différenciée, d'Instructions Officielles pour les 
          deux ordres d'enseignement que sont le primaire et le secondaire. En 
          effet, la note du 18 octobre 1945, donnant les grandes lignes des contenus 
          à enseigner, renforcée par la publication, le 1" 
          octobre 1946, des Instructions Officielles relatives aux programmes 
          d'éducation physique dans les écoles primaires élémentaires, 
          donne la réplique aux Instructions Officielles du 1" octobre 
          1945 réservées à l'usage des professeurs et maîtres 
          d'EPS qui officient dans le secondaire.
          
          À propos de ce nouveau cadre axiologique pour l'éducation 
          physique primaire, Terret (1999) titre " Dorénavant, 
          ce sera comme d'habitude ". Le texte reste en effet profondément 
          inscrit dans la tradition sanitaire et éclectique de l'éducation 
          physique française. Seule concession à la modernité, 
          les applications et l'initiation sportive sont directement intégrées 
          à la leçon. En fait, il y a lieu de relativiser cette 
          formulation générale puisqu'il s'agit seulement, à 
          partir de 10 ans, d'un début d'initiation par des jeux pré-sportifs 
          suivi dans les classes de fin d'étude par une initiation aux 
          techniques sportives (essentiellement l'athlétisme). Enfin, conscient 
          des difficultés matérielles de l'éducation physique, 
          le législateur invite les instituteurs à compenser par 
          " l'ingéniosité et la bonne volonté ". 
          Encouragement ou aveu d'impuissance déguisé, cet appel 
          nous montre la précarité de l'enseignement de l'éducation 
          physique dans le primaire au lendemain de la Seconde Guerre.
          
          La situation n'est pas différente en Algérie. L'enseignement 
          de l'éducation physique du primaire au niveau pratique reste 
          discret voire déconsidéré si l'on considère 
          les propos de Verel, ancien inspecteur d'académie à Bône: 
          " Parmi les matières du programme officiel d'enseignement 
          dans les écoles primaires, l'éducation physique est certainement 
          la plus négligée. Certes cette discipline est toujours 
          mentionnée dans les emplois du temps et les horaires sont apparemment 
          respectés mais toutes les occasions semblent bonnes pour en frustrer 
          les élèves. Et nul n'ignore qu'il est même des classes 
          primaires où l'éducation physique est pratiquement inexistante, 
          sinon supprimée, purement et simplement " (Cahier 
          de Pédagogie Expérimentale et de Psychologie de l'Enfant 
          cité in De l'école au stade. Bilan d'une année 
          scolaire (1958-1959) dans l'Est algérien et le Sud constantinois. 
          Supplément à la revue Instruire et Construire. Inspection 
          Académique de Constantine et du Sud constantinois (1959).).
          
          Pour justifier cette situation, le manque de temps, d'installations 
          et surtout le défaut de formation sont classiquement évoqués 
          par les enseignants. Concernant ce dernier point, une circulaire du 
          30 octobre 1946 vient pourtant préciser le régime de l'enseignement 
          de l'éducation physique dans les Écoles normales primaires. 
          A côté des trois heures hebdomadaires, les élèves 
          ont un réveil musculaire journalier d'un quart d'heure, et une 
          plage de deux heures doit être libérée le jeudi 
          après-midi pour les activités sportives sur le stade. 
          Corrélativement à cette pratique personnelle, une formation 
          pédagogique doit leur permettre de s'initier à leur future 
          activité professionnelle. Dans cette perspective, la circulaire 
          mentionne également l'affectation d'un professeur d'éducation 
          physique à chaque École normale. La place institutionnelle 
          ainsi faite à l'éducation physique dans les Écoles 
          normales primaires, contraste avec la faiblesse de l'enseignement réel 
          dans le premier degré.
          
          Dans les années cinquante, la situation va considérablement 
          évoluer avec la nomination d'André Rouet comme directeur 
          des sports et de l'éducation physique de l'Académie de 
          Constantine et des Territoires du Sud. Rouet est un ancien directeur 
          de l'UFOLEP-USEP et c'est tout naturellement qu'il entend développer 
          l'éducation physique, en s'appuyant sur son expérience 
          usépienne. Rouet et ses collaborateurs peuvent alors s'appuyer 
          sur les nombreux travaux de la Commission nationale technique (CNT) 
          de l'USEP, mais comme ils l'écriront " pour pouvoir enseigner, 
          il fallait d'abord apprendre et c'est là l'utilité de 
          nos stages ". L'action du bureau USEP algérien s'oriente 
          donc premièrement vers la formation des enseignants en organisant 
          progressivement des stages à destination des instituteurs.
          
          Des premiers stages d'éducation physique et d'initiation sportive 
          avaient été organisés dès 1948 à 
          Alger et s'adressaient aux instituteurs des trois départements 
          algériens. Très vite, il apparut que trop peu d'enseignants 
          constantinois ou oranais pouvaient suivre ces stages, en raison de la 
          lourdeur des déplacements (3Avec 
          une superficie supérieure à 2 250 000 km', l'Algérie 
          est quatre fois plus grande que la France métropolitaine. À 
          l'étendue du pays, il faut ajouter les difficultés de 
          circulation.). Conséquence de ces difficultés 
          matérielles, un premier stage départemental fut organisé 
          dans le Constantinois en 1953. Ce premier stage, dirigé par B. 
          Toulet de la CNT USEP, rassembla donc 41 participants à Biskra. 
          L'année suivante, deux nouveaux stages dirigés par R Barets, 
          secrétaire de la CNT, groupaient 55 garçons et 36 filles. 
          Mais comme les premiers stages algérois, les stages constantinois 
          s'exposaient toujours à la longueur des distances que les stagiaires 
          devaient parcourir (4 L'Inspection 
          académique qui, outre le département de Constantine, regroupe 
          également les Territoires du Sud, représente près 
          de deux fois la superficie de la France. Constantine et Tamanrasset 
          sont distants de près de 1 700 km.). Pour pallier 
          ce défaut pour l'année 1956, " il fut décidé 
          de la création d'une équipe itinérante qui irait 
          de secteurs en secteurs pour diffuser la bonne parole et la doctrine 
          USEP ". Auparavant cette équipe se perfectionnerait 
          dans les stages nationaux USEP et UFOLEP.
          
          C'est ainsi qu'au terme d'un périple de plus de 5 000 km, vingt-deux 
          stages furent organisés pour 1 839 stagiaires représentant 
          362 écoles lors de l'année 1958-1959.
          
          Outre l'ambiance studieuse et conviviale qui y régnait, ces stages 
          étaient honorés par le parrainage et la présence 
          de nombreux notables scolaires, civils ou militaires, tels que l'inspecteur 
          d'académie, des inspecteurs primaires, des maires, des officiers, 
          etc., formant un large " faisceau de sympathie ".
          
          À la lumière de ce qui vient d'être dit, on peut 
          penser que les stages USEP constituent l'une des premières traces 
          historiques de formation continue pour les enseignants d'EP (5cf. 
          Terret T. (2000). La réelle institutionnalisation d'une formation 
          continue pour les enseignants (entendue comme une structure gérée 
          par l'État et non plus par des groupements associatifs ou plus 
          privés) est à situer dans une loi du 16 juillet 1971.). 
          Ainsi, à partir de 1953 et au moins jusqu'en 1959, l'USEP constitue, 
          en Algérie, la seule (6 Si 
          l'on excepte la formation initiale dispensée dans les écoles 
          normales d'instituteurs qui était très variable selon 
          les lieux de formation.) structure de formation en éducation 
          physique pour les enseignants du premier degré. Cette hypothèse 
          semble devoir être confirmée par les fonctionnaires des 
          services de l'EPS en Algérie. Ainsi, L. Sigala, chef du service 
          académique EPS, synthétisant l'action de son service dans 
          un article (7 Éducation Physique 
          et Sport, Bulletin de l'Académie d'Alger, n° 1, 1957.), 
          écrit au très court chapitre traitant de l'éducation 
          physique au primaire: " de nombreux stages, en particulier dans 
          le département de Constantine, ont été organisés 
          avec l'appui de la Commission technique de l'USEP ".
          
          Deux ans plus tard, E. Solal, inspecteur du département d'Alger, 
          admet implicitement, par le truchement des statistiques ( 
          Dans un rapport sur les activités du service de l'EPS d'Alger, 
          daté de mars 1961, Solal constate que l'enseignement de l'EPS 
          a été trop longtemps négligé et il écrit: 
          " À effet, le chef de service, aidé d'un maître 
          d'EPS spécialisé, a dirigé à nouveau, dans 
          les centres de l'intérieur et à Alger, des stages de formation 
          d'une durée de deux ou quatre demi-journées (...). Ainsi, 
          en 1960, 858 instituteurs et institutrices ont reçu les moyens 
          de donner à leurs élèves, des activités 
          physiques (contre 391 participants en 1959, début de ce genre 
          de stages) ". C'est nous qui soulignons.), que 
          rien n'avait été organisé par ses services avant 
          1959.
          
          La formation des enseignants constitue donc un premier témoin 
          de l'action menée par l'USEP en Algérie. Par ce biais, 
          on peut penser que cette organisation semi-publique a largement influencé 
          l'évolution de l'éducation physique en Algérie, 
          en particulier en ce qui concerne la propagation d'un enseignement physique 
          à l'école primaire. Mais, au-delà' de la diffusion 
          de l'idée même de la pratique, il fallait construire et 
          proposer un enseignement rationnel pour convaincre les enseignants. 
          À cet endroit, l'USEP semble avoir fait preuve d'originalité 
          dans le contexte d'après-guerre, en proposant un éclectisme 
          pro-sportif avant l'heure.
        Des stages aux contenus 
          enseignés
        D'une durée d'un jour et demi, les 
          stages traitent le programme défini initialement par la commission 
          technique interdépartementale de l'USEP en Algérie.
          
          Nourri par " de nombreux déplacements et études 
          de l'éducation physique et de l'initiation sportive dans les 
          départements métropolitains ", ce programme ne 
          faisait que reprendre les travaux nationaux en concédant quelques 
          adaptations locales, en particulier en ce qui concerne le calendrier 
          annuel. En effet, comme l'écrit Solal en 1999, " à 
          côté des outils pédagogiques qu'elle élabore 
          dès 1945 (fiches pédagogiques, mémento, précis 
          d'initiation sportive), l'USEP et sa commission nationale technique 
          conservent pour objectif essentiel, la mise au point d'un programme 
          minimum d'EPS à l'école élémentaire 
          ". Selon P. Barets, " il s'agissait de présenter, 
          dans un nombre réduit de pages, un nombre réduit d'exercices 
          et de jeux, réalisables par tous les élèves et 
          pouvant être enseignés par tous les maîtres (...) 
          avec des installations réduites au strict minimum " 
          ( Témoignage recueilli par 
          E. Solal,). Si l'on perçoit aisément une franche 
          volonté de coller à la réalité du terrain, 
          il nous semble que les propos de Barets ne montrent pas la réelle 
          originalité du programme USEP: celle de laisser une large place 
          aux activités sportives. Ainsi, malgré quelques variations 
          suivant les années, on retrouvait les cinq minutes de maintien 
          en salle de classe, la leçon d'éducation physique quotidienne, 
          l'initiation à l'athlétisme et aux sports collectifs, 
          l'éducation rythmique et le folklore pour les élèves 
          féminins et la natation.
          
          Un programme éclectique
          
          Outre cette tendance sportive, le programme USEP débute par les 
          éléments classiques que sont les cinq minutes de maintien 
          en classe et la leçon d'éducation physique quotidienne. 
          Les cinq minutes de maintien s'inscrivent dans les travaux d'Y. Léger, 
          professeur d'EPS au CREPS de Dinard. A l'occasion de l'enseignement 
          des exercices de maintien aux élèves-maîtres, Léger 
          constate " qu'il leur est impossible d'exécuter correctement, 
          sans apprentissage méthodique, les mouvements construits et, 
          à plus forte raison, de les enseigner " (1952). Il a 
          donc l'idée d'inventer une méthode progressive d'apprentissage 
          et d'enseignement basée sur des petites séquences. Le 
          succès de cette méthode est phénoménal et 
          va largement dépasser son cadre d'application. D'une simple partie 
          de la leçon, les cinq minutes vont progressivement remplacer 
          celle-ci. De plus, pensée pour s'adapter aux aléas météorologiques, 
          cette méthode initialement inscrite dans la classe d'octobre 
          à Pâques, pour retrouver " l'extérieur à 
          la belle saison ", va souvent rester toute l'année dans 
          la classe. Sans doute l'aspect rationnel (progression, leçons 
          type) et confortable (l'instituteur se sentant à l'aise dans 
          la classe), a-il séduit les instituteurs.
          
          En Algérie, l'engouement est similaire et ce d'autant plus que, 
          selon Rouet (19591960), les inspecteurs primaires demandent presque 
          toujours une séquence de ce genre en début de leçon. 
          Toutefois, la tendance qui consistait à remplacer la leçon 
          d'éducation physique par ces seules cinq minutes, semble être 
          moins prononcée (10 Témoignage 
          d'E. Solal, op. cit.). Signalons également que la 
          méthode de Léger a été adaptée par 
          Cordouan et qu'une brochure spéciale a été éditée 
          par l'USEP. Une nouvelle fois on perçoit le rôle de diffusion 
          de propagation joué par l'USEP dans l'implantation et l'organisation 
          de l'éducation physique.
          
          Les cinq minutes journalières de maintien doivent être 
          complétées par des leçons d'éducation physique 
          ( L'horaire théorique de l'éducation 
          physique qui est alors de 2h30 par semaine, peut alors se découper 
          de la manière suivante: 5 minutes de maintien par jour, soit 
          30 minutes par semaine et deux leçons d'éducation physique 
          de 40 à 45 minutes.). Cette partie du programme est 
          sans doute la plus proche des textes officiels de l'éducation 
          physique. Elle reprend une division classique de la leçon: mise 
          en train, assouplissement et développement musculaire, adresse, 
          cran, applications fonctionnelles au nombre desquelles on trouve des 
          procédés éducatifs et des formes jouées, 
          propédeutique aux sports individuels et collectifs. Bien que 
          moins originale en matière de contenus, l'action de l'USEP se 
          veut toujours plus didactique et pédagogique auprès des 
          enseignants en proposant notamment des leçons modèles 
          d'EP hiérarchisées dans le calendrier scolaire ou en donnant 
          les moyens de surmonter les obstacles à l'enseignement de ces 
          activités (comment répartir les élèves? 
          Comment faire face au manque d'installations? etc...). Ces deux premières 
          parties montrent une dominante orthopédique et rééducative, 
          mais il semble que les enseignants algériens seront plus sensibles 
          à la suite du programme USEP pour l'éducation physique 
          du primaire où l'on retrouve les lendits et l'initiation sportive. 
          D'ailleurs, le bureau USEP algérien reconnaît que la préparation 
          du mouvement des lendits, précédée d'une mise en 
          train, équivaut à une leçon d'éducation 
          physique. La présence des lendits dans les contenus de l'éducation 
          physique est plus originale puisqu'elle ne s'inscrit ni dans les perspectives 
          officielles, ni dans les partisans d'une éducation physique plus 
          sportive. Elle est directement héritée de Faction du docteur 
          Tissié qui avait milité en 1895 auprès de la Ligue 
          de l'Enseignement et, par la suite, avait collaboré avec la section 
          USEP des Basses- Pyrénées pour généraliser 
          cette pratique. Elle s'inscrit aussi et plus récemment dans l'action 
          de L. Haure-Placé, délégué UFOLEP-USEP, 
          qui sera l'un des principaux collaborateurs de P. Serin et qui deviendra 
          inspecteur général d'éducation physique. Ce dernier, 
          avec G. Forgues, avait relancé les lendits primaires dans les 
          Basses-Pyrénées à partir de 1945.
          
          Les lendits s'organisent alors autour d'un enchaînement de mouvements 
          gymniques à base de maintien. Cet enchaînement type, enseigné 
          aux élèves pendant l'année, est ensuite présenté 
          en musique, sous la conduite d'un ou d'une jeune capitaine, face à 
          un jury itinérant. Mais l'USEP ne se contente pas d'une simple 
          copie de l'action de Tissié et de ses disciples. Elle va progressivement 
          rationaliser cette pratique. Ainsi, à partir de 1958, deux leçons 
          type seront proposées. L'une pour les petites classes " 
          lendits des petits " (CP, CI, CE1), composée d'exercices 
          faciles et d'une durée de quatre à cinq minutes; l'autre, 
          " lendits des grands ", plus complexe et plus longue 
          (huit à dix minutes) pour les grandes classes. De plus, l'USEP 
          édite et distribue, via l'inspecteur, des 33 tours, support musical 
          des lendits.
          
          Les lendits en Algérie vont rapidement remporter un vif succès. 
          Dans l'esprit de l'équipe USEP du département de Constantine, 
          " les lendits devaient au départ " accrocher " 
          le personnel instituteurs et institutrices ", mais vont largement 
          dépasser ce cadre pour devenir le " couronnement de l'éducation 
          physique " qui séduisait " les élèves 
          comme les parents ". Si les lendits sont enseignés et évalués 
          jusqu'au fond du Sahara ( Traditionnellement, 
          l'inspection du Jury Lendits commençait par les Territoires du 
          Sud où dix classes furent évaluées par le jury 
          itinérant. Certes, ce chiffre est faible au regard des 237 qui 
          le furent dans la circonscription de Constantine, mais il montre bien 
          la diffusion de l'USEP et de l'éducation physique jusque dans 
          les zones géographiques isolées. Au total, 4 772 km auront 
          été effectués par le jury pour l'évaluation 
          des lendits en 1959.), c'est surtout dans les grandes villes 
          qu'ils prennent toute leur ampleur pour devenir de véritables 
          fêtes de jeunesse (En 1959, 
          3 000 enfants de Constantine le 31 mai, 2 000 à Philippeville, 
          2 000 à Sétif le 21 juin.). Dans ce
          cadre, le rassemblement des lendits dans un grand stade de la ville, 
          est aussi l'occasion de s'adonner aux pratiques plus sportives, comme 
          l'athlétisme par exemple.
          
          Les lendits que l'on retrouve ainsi quelque soixante ans après 
          leur création, trouvent en Algérie une nouvelle vitalité 
          et leur caractère ostentatoire en fera même le symbole 
          de l'éducation physique algérienne, et au-delà, 
          de l'école républicaine, si l'on considère les 
          propos de H. Carbuccia : " C'étaient des fêtes 
          partout, à l'école, autour de l'école, faisant 
          de l'école le point de rassemblement unique de tous les gens 
          de toutes races, de tous bords, de toutes religions, des fêtes 
          de laïcité, de la compréhension, de la fraternité... 
          Elles étaient agrémentées de danses et d'évolutions 
          des élèves des lycées, collèges, Écoles 
          normales, avec des concours de dessin, de chant, de diction (... ). 
          Spectacle de grande qualité, communion ardente de milliers de 
          gens autour de la Grande École Française d'Algérie, 
          hommage unanime!... " (1830-1962, 
          des enseignants d'Algérie se souviennent... de ce qu'y fut l'enseignement 
          primaire, Privat, Toulouse.
          ).
          
          L'activité " reine de l'USEP " et l'éducation 
          physique vont ainsi fédérer les énergies ( Il 
          est certain que l'USEP ne pouvait, seule, prétendre à 
          l'organisation de telles manifestations. Elle a donc bénéficié 
          du soutien de l'UFOLEP, de l'UFOLEIS, de l'UFOVAL, du CLLP réunis 
          autour de la Ligue de l'enseignement. Il n'en reste pas moins qu'elle 
          demeure à l'origine de ce mouvement, ce qui démontre sa 
          place dans l'éducation physique et dans l'école.) 
          pour s'incarner dans des grands rassemblements scolaires et populaires 
          qui permettent d'afficher l'unité et la fraternité franco-algérienne. 
          Quelques témoignages recueillis auprès de personnes ayant 
          enfant participé à ces grandes fêtes, corroborent 
          l'enthousiasme de Carbuccia ( Le panel 
          des témoins n'est malheureusement pas représentatif dans 
          la mesure où les personnes algériennes interrogées 
          peuvent être qualifiées de pro française.). 
          Toutefois, derrière l'idéalisme républicain, il 
          semble que l'on retrouve les mécanismes de la fin du xixe siècle, 
          où l'école et l'éducation physique sont des outils 
          au service de l'unité nationale, au service d'une acculturation.
          
          Les lendits montrent une autre particularité de l'activité 
          de l'USEP, celle de l'effort en faveur des pratiques sportives. En cela, 
          elle se situe à l'intersection d'une conception hygiénico-rééducative 
          de l'éducation physique et d'une conception moderne et sportive 
          qui s'opposent dans l'éducation physique de l'après- guerre. 
          À cet endroit, l'action de l'USEP est particulièrement 
          orientée vers l'athlétisme avec le cross des écoliers 
          et les triathlons. Le cross des écoliers est une épreuve 
          de masse dont le règlement et l'esprit montrent bien que développée, 
          la pratique sportive reste ancrée dans une perspective pédagogique. 
          Ainsi " il [le cross] n'a une valeur éducative que s'il 
          constitue la sanction d'un entraînement progressif et méthodique 
          et s'il n'oblige pas l'enfant à courir un effort dépassant 
          la limite de ses possibilités " (Éducation 
          Physique à l'École Primaire, Instruire et Construire, 
          numéro spécial consacré à l'éducation 
          physique à l'école primaire Académie de Constantine, 
          1960.
          ). A cet effet, l'épreuve est subdivisée en 
          deux ou trois échelons.
          
          Pour le premier, aussi appelé échelon local, il s'agit 
          d'effectuer un parcours de 600 (filles) à 800 (garçons) 
          mètres derrière un moniteur dans un temps de quatre minutes. 
          Tous les enfants qui ne sont pas parvenus à effectuer le parcours 
          en quatre minutes et dix secondes sont éliminés. Par la 
          suite, un classement départemental est effectué à 
          partir d'un coefficient correspondant au rapport nombre de concurrents 
          ayant effectué le parcours dans le temps, sur nombre d'enfants 
          scolarisés et aptes à la pratique. Plus le coefficient 
          se rapproche de 1, plus l'école est sportive. En résumé, 
          le premier échelon est bien une épreuve de masse, une 
          sorte de brevet de cross qui se court au train.
          
          Ce premier niveau constitue un test pour la composition des équipes 
          participantes au second échelon dans lequel il s'agit, par équipes 
          de six respectant des catégories d'âges, d'effectuer un 
          parcours de 800 m sans moniteurs. Chaque équipe est classée 
          en fonction du temps du quatrième. On perçoit ici que 
          l'aspect homéostatique diminue au profit de l'aspect compétitif, 
          mais celui-ci est vassalisé à une perspective éducative: 
          " il ne s'agit en rien d'imiter les champions de cross des clubs 
          civils. Pas de classement individuel, on risquerait des accidents et 
          on développerait chez l'enfant l'orgueil du soi-disant champion 
          ". À l'excès de l'individualisme, on préfère 
          l'esprit d'équipe et la solidarité. L'aspect pédagogique 
          est renforcé par la production de conseils pédagogiques 
          pour la préparation au cross des écoliers diffusé 
          dans la littérature usépienne dont nous parlerons plus 
          loin.
          Outre ce cross, l'USEP milite également en faveur des triathlons 
          athlétiques qui combinent course de vitesse, saut et lancer. 
          Sans rentrer dans le détail, notons que, là encore, l'USEP 
          fait preuve d'un véritable engagement pédagogique en adaptant 
          progressivement le règlement pour se différencier du Brevet 
          Sportif Scolaire ou du Brevet Sportif Populaire, pour construire un 
          challenge en amont de ces deux épreuves officielles.
          
          Si l'athlétisme représente donc l'activité phare 
          dans l'initiation sportive développée par l'USEP, il n'en 
          constitue pas le seul élément. La natation, les sports 
          collectifs font également partie du programme usépien. 
          Le mécanisme est toujours le même, initiation progressive 
          avec des jeux pré-sportifs ou des procédés éducatifs 
          pour le sport, puis organisation de rencontres intra et inter écoles. 
          À chaque fois, il est bien rappelé que le but poursuivi 
          n'est pas de faire des champions, mais de concourir à la formation 
          physique complète des enfants.
          
          S'agissant du développement des pratiques sportives, l'USEP en 
          Algérie vers 1960 (Il semble 
          que ce que nous avons appelé un éclectisme pro-sportif 
          soit davantage développé en Algérie qu'en France 
          métropolitaine.), occupe donc une place particulière 
          dans le monde de l'éducation physique. Sans renier l'héritage 
          médical de l'éducation physique, elle ne dédaigne 
          pas pour autant les pratiques sportives dont elle favorise le développement 
          dans les écoles primaires, voire au-delà. Précurseur 
          en la matière, elle développe même ce que Fernandez 
          (1999) appelle une " pédagogisation du sport ", c'est-à- 
          dire une réflexion éducative sur l'enseignement du sport 
          (progressivité, finalités sociales, procédés 
          éducatifs), comme en témoignent des analyses précédentes 
          et plus encore, cet extrait d'un article intitulé " Le 
          sport après l'éducation ", où l'auteur 
          anonyme écrit: " L'équipe qui reçoit attend 
          des camarades et se doit de rendre agréables les heures passées 
          en leur compagnie. On mange ensemble si possible, on visite la ville 
          ou le village au cours des promenades, l'histoire, la géographie, 
          les sciences ont pu trouver leur compte. Indépendamment des qualités 
          physiques et morales propres à la pratique des sports, l'altruisme, 
          l'entraide, la camaraderie ont eu l'occasion de s'épanouir 
          ".
          
          Finalement, l'USEP en Algérie a participé à une 
          accélération de la pratique de l'éducation physique 
          alors que les textes officiels restaient encore prudents à cet 
          égard.
          
          (À suivre)
          
          Les auteurs de l'article recherchent des témoins, documents, 
          photographies, pour poursuivre leur étude sur l'Éducation 
          physique et le sport en Algérie.
          Contact au: 04 68 30 01 51 ou par e-mail: rage@univ-perp.fr