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          | -----Seule 
            compte la démarche. Car c'est elle qui dure et non le but qui 
            n'est que l'illusion du voyageur lorsqu'il marche de crête en 
            crête comme si le but atteint avait un sens" Antoine de Saint-Exupéry, Citadelle
 |  -----Le Sahara, 
        lorsque j'étais enfant, représentait pour moi une sorte 
        d'espace magique, auquel accéder était chose difficile, 
        voire impossible. Un espace où, venu d'une autre planète, 
        le Petit Prince visitait Antoine de Saint-Exupéry (je n'imaginais 
        pas, alors, que... quelques années plus tard j'allais écrire 
        les musiques accompagnant l'adaptation théâtrale de l'ouvrage. 
        La distribution : Jean-Claude Millot dans le rôle du Petit Prince, 
        Guy Gravis dans celui de Saint-Exupéry, entourés de Marina 
        Vlady (la Rose), Jean Marais (le Roi), Claude Dauphin (le Renard), Roger 
        Hanin (l'Aiguilleur), Jean Le Poulain (le Businessman). Un espace de légende 
        magnifié par le cinéma (Marlène -Gary Cooper : "Morocco" 
        de Stenberg, Stacia Napierkowska - Jean Angelo - Georges Melchior : "l'Atlantide" 
        - version Jacques Feyder, Brigitte Helm-Pierre Blanchard - Jean Angelo 
        : "l'Atlantide" version Georg - Willhelm Pabst - (Maria Montez 
        - Jean-Pierre Aumont - Dennis O'Keefe, camperont en 1947 - version Gregg 
        Tallas - les personnages imaginés par Pierre Benoit) Marie Bell 
        - Pierre-Richard Willm - Françoise Rosay : "Le Grand jeu" 
        version Jacques Feyder - les mêmes rôles seront repris plus 
        tard par Gina Lollobrigida, Jean-Claude Pascal et Arletty - version Robert 
        Siodmak - Colette Darfeuil "Sables" de Dimitri Kirsanoff, sans 
        oublier... Raimu : "Tartarin de Tarascon" de Raymond Bernard 
        (adaptation du conte d'Alphonse Daudet par Marcel Pagnol), ou encore Huguette 
        Duflos - Jean-Pierre Aumont : "Maman Colibri" - version jean 
        Dréville(Julien Duvivier avait, quelques années auparavant, 
        traité le même sujet). Version Jean Dréville qui, 
        précisément, sera présentée à Nîmes 
        à l'occasion du prochain Festival International du Film Algérianiste(FIFAL).
 -----Les années 
        passant, des ouvrages, des reportages, comme ceux de Duveyrier, Diolé, 
        Vuillot, Bernus, Frison-Roche (souvent publiés dans l'Echo d'Alger) 
        me permirent de penser qu'un jour, peut-être...
 -----En 1985 
        je me trouve à ALGER 
        avec Monique Ayoun. - (Ensemble, un peu plus tard, nous allions procéder 
        à l'interview de soixante deux personnes, pour la rédaction 
        de notre livre "Mon Algérie") Nous décidons d'aller 
        à la découverte de cet espace de rêve.
 -----Louis 
        Gardel ("L'été Fracassé" "Notre Homme" 
        "Le Beau Rôle", "d'Aurore des Biens-Aimés") 
        camarade de classe, nous avons suivi les mêmes cours au Lycée 
        Bugeaud, de la sixième à la Philo, m'avait longuement 
        parlé du Tassili, du désert de pierres (à connaître 
        avant celui de sable), de Fort Gardel, place militaire implantée 
        par son grand-père, dont il avait transposé, et quelque 
        peu "romancé", la vie pour l'écriture d'un scénario 
        intitulé "Fort Sagane".
 -----A l'O.N.A.T. 
        (Office National Algérien de Tourisme), nous prenons des billets. 
        Une fois sur place, nous apprenons que ce "tour" n'existe plus. 
        "Alger est mal informé" nous dit-on. Les "Grottes" 
        avec leurs dessins préhistoriques nous sont proposées. Dessins 
        mis en valeur par le peintre Georges Le Poitevin (j'ai pu faire sa connaissance 
        en 1989, à 
        Tipasa, où il vivait avec son épouse, dans une 
        sorte de vaste cabanon, face à la plage du Chenoua. Ça et 
        là, des toiles, des chevalets, des chats, des livres, beaucoup 
        de livres ; Madame Le Poitevin, auteur, ancienne compagne de Léo 
        Ferré, terminait, alors, l'écriture d'un roman (pour l'illustration 
        de celui-ci, d'ailleurs, à sa demande, j'ai photographié 
        Avenue Wilson à Paris, le dernier étage, de style 1930, 
        d'un immeuble). L'éditeur : Bouneb, passionné de littérature 
        ; de poésie. C'est dans son appartement au Boulevard Bru, d'où 
        l'on a une vue générale de la ville d'Alger, que nous avons 
        fêté, l'année d'après, la sortie du livre. 
        Attica, sa femme, avait, pour la circonstance concocté une chorba 
        dont je garde encore le goût.
 -----Bouneb, 
        à qui Jean Pélégri a accordé la première 
        édition de son livre "Ma mère l'Algérie", 
        dans lequel il est dit en prologue : "c'est 
        peut-être, là, mon dernier livre. Je suis heureux qu'il soit 
        publié en Algérie, mon pays natal, pays des sources et des 
        références pour l'écrivain que je suis". 
        Jean Pélégri, auteur du roman "Les Oliviers de la justice" 
        dont l'adaptation a été portée à l'écran 
        par James Blue (réalisateur américain venu en 1959 s'installer 
        à Alger, où fut tourné le film, à la veille 
        de l'indépendance). Film présenté, il y a quelques 
        années, par le FIFAL (Histoire d'un jeune homme accouru au chevet 
        de son père, dans une Algérie en mouvance, et qui, comprenant 
        l'attachement qui est le sien à cette terre, à sa terre, 
        sa terre natale, décide, après la mort de celui-ci, de rester 
        là). Film chaleureusement accueilli, en juin dernier, par les passagers 
        du "Monterey", ce navire de plaisance, affrété 
        par Didier Vambel (Espace Voyages à Montpellier) pour amener, en 
        croisière, quelques six cents Pieds-Noirs (inutile d'insister ici 
        sur l'ambiance "fraternelle" qui régnait à bord, 
        où, le soir, les refrains des chanteurs Pedro de Linares - un des 
        premiers poulains d'Eddy Barclay - El Solari, El Moréno, présentés 
        par le dynamique Raymond Chayat, étaient repris en choeur par le 
        public), via Alicante, Malaga, Cadix, à l'exposition internationale 
        de Lisbonne.(Il faut avoir vu "l'Oceanarium", cet aquarium qui 
        s'est voulu le plus grand d'Europe, avec, offerts aux regards des curieux, 
        plus de quinze mille poissons et crustacés, d'à peu près 
        deux cents espèces, vivant, au hasard de la mémoire, dans 
        l'Antarctique, le Pacifique, l'Atlantique. La France rend un hommage au 
        Commandant Cousteau. Le Pavillon du Futur présente les recherches 
        actuelles pour la sauvegarde des espaces marins). Pour en revenir à 
        la découverte du Sahara, je vous disais donc, "les Grottes 
        nous sont proposées". Monique, en compagnie de touristes allemands, 
        venus, eux, spécifiquement pour explorer ces sites, accepte de 
        s'y acheminer. (Parcours à dos d'ânes). Je décide, 
        quant à moi, de rester à Djanet. Le hasard fait bien les 
        choses.
 
 -----Je fais 
        la connaissance de Nadir, un militaire d'une cinquantaine d'années, 
        responsable de sections locales, actuellement en repos. Il part le lendemain, 
        avec son oncle "visiter" des amis touareg. C'est décidé 
        : je serai du voyage.
 -----Au petit 
        jour, nous prenons la route, ou plutôt la piste, quand Sâid, 
        l'oncle, un vieil homme, aux commandes de la "quatre roues motrices" 
        veut bien s'y maintenir. Les traverses, il les connaît, il les emprunte 
        "depuis toujours",et il souligne, pour me rassurer complètement, 
        qu'il n'a pas envie d'être "sablé". Il est heureux 
        de me présenter "son" désert. Il est né 
        quelque part, par là, il y a... "longtemps". Prennent 
        vie les tableaux de peinture représentant des paysages du Sud, 
        que j'ai toujours vus, chez ma grand-mère paternelle, au Cabinet 
        du Docteur Lebon, médecin de la famille, dans les salles de ventes 
        (avez-vous connu celle que tenait Monsieur Maurice, rue Eugène 
        Robbe, à Alger, près du cinéma "Les Variétés" 
        ? Un bric à brac, où, au hasard des jours, à côté 
        des toiles, des gouaches, étaient proposés des sommiers, 
        des lampes, de la vaisselle, des jouets (et même, une fois, un ... 
        "automate").
 
 -----A l'infini, 
        des dunes. Sable tantôt jaune paille, tantôt ocre, tantôt, 
        encore, rose (les délimitations des teintes sont précises). 
        Certaines de ces collines sont surmontées de pierres, parfois isolées 
        et de faible volume, parfois assemblées en une masse importante, 
        faisant, un peu, songer aux régions volcaniques. "Les interférences 
        sont fréquentes. Le vent a battu la roche, au point de faire apparaître, 
        ici, un éléphant momifié, là, la tête 
        d'une "vache qui pleure". Perdu dans cette immensité, 
        un arbre. "Y'a d'l'eau dessous", explique Saïd. Jusque 
        là, il n'a prononcé que quelques mots. Peu à peu, 
        s'entame une conversation. Par bribes, toutefois. J'apprends que Nadir 
        est en même temps le neveu et le gendre de Saïd. Il est marié 
        à la plus jeune de ses filles (la sixième). C'est en mettant 
        au monde leur septième enfant ("enfin un garçon") 
        que Ourdïa, la femme de Saïd, est "partie". Meriem, 
        l'aînée, a élevé le petit Ali (aujourd'hui 
        père de quatre enfants et marchand à Ghardaïa). Le 
        silence s'installe à nouveau. Nous roulons, nous roulons. Au loin, 
        presque à l'horizon, deux formes cubiques. Nous avançons. 
        Deux camions. Des hommes s'affairent à changer un pneu. Nadir donne 
        un coup de main. Nous sommes conviés à partager leur repas 
        (Fèves au cumin, fromage de brebis, gâteaux au miel). L'un 
        de nos hôtes, de beige vêtu, s'emploie à la préparation 
        du thé. Il le transvase par trois fois, selon la tradition, et 
        nous en offre, dans de petits verres dont le fond est saupoudré 
        de feuilles de menthe séchées.
 -----Nous 
        poursuivons notre chemin. Au terme de notre journée nous sommes 
        accueillis par trois "amis" (touareg). Ils se tiennent debouts 
        sur le seuil d'une maison (petit habitat rond, blanchi à la chaux, 
        au toit conique de chaume). Nadir explique que je suis un touriste, mais 
        pas tout à fait un étranger. Alger c'est loin, mais "ça" 
        fait partie, toutefois, du même pays. Je ferai plus tard la connaissance 
        des femmes, mais s'il est permis de, "pour le souvenir", photographier 
        les hommes, autorisation ne m'est pas donnée "d'emporter" 
        les femmes (il faut bien sûr entendre par là "faire 
        des clichés" de cellesci).Après deux jours passés 
        là, à bavarder, à se reposer, après avoir 
        goûté au couscous aux dattes et raisins secs, sucré 
        et arrosé de lait, Saïd annonce le départ. J'avais 
        exprimé le souhait de connaître Fort Gardel. Nous y allons.
 -----Une immense 
        plate-forme dominée par l'imposant bâtiment militaire. C'est, 
        désormais, une caserne, partiellement occupée. Saïd 
        obtiendra que nous puissions passer la nuit dans la chambrée. Non 
        loin du Fort, plantés sommairement, quelques "guitonnes". 
        Au-delà, plusieurs blocs, en dur, à l'avancée bordée 
        de roseaux desséchés. ça et là, quelques habitants 
        qui ne semblent pas particulièrement être des nomades, des 
        enfants qui jouent, une chèvre qui tente vainement de se dégager 
        du piquet auquel elle a été attachée.
 -----C'est, 
        ensuite, vers Ierich que nous nous dirigeons. Saïd affecte à 
        cette oasis la palme du désert. Il m'en parle beaucoup durant le 
        trajet. Une fois là, je comprends. Un lac. Que dis-je un lac ? 
        Trois lacs, en étages, l'un se déversant dans l'autre. Aux 
        alentours, une abondante végétation. Je suis émerveillé. 
        Nadir m'affirme qu'il y a, là, des poissons. Il me le prouve. La 
        palmeraie, en contrebas, entoure les demeures. Au point d'eau, des femmes 
        lavent du linge, des gamines s'emploient à dérouler et à 
        exposer des cheichs, noirs, blancs, bleus, verts, au soleil. Parmi les 
        proches de Saïd, nous passons quelques jours. Loin d'une agitation 
        urbaine. Ici, tout est lent, tout est calme. La petite communauté 
        m'a adopté et Kader (six ans et demi) m'a confié qu'il "aimait 
        beaucoup" Fatima, sa petite camarade (âgée, 
        elle, de quatre ans) ! Lorsque nous partons - à regrets - Malika 
        nous offre des mekrouds qu'elle a préparés "pour la 
        route". La "quatre roues motrices" démarre. Un moment, 
        les enfants courent derrière, puis, peu à peu, s'estompent 
        dans l'espace.
 -----Nous 
        parlons peu, sur le chemin du retour. après avoir, à nouveau, 
        traversé dunes et espaces rocailleux, nous retrouvons Djanet.
 -----Monique 
        est rentrée de son "périple". Au dîner que 
        Samia, l'épouse de Nadir, a organisé, elle nous en fait 
        le récit. "fatigant,mais passionnant 
        ; Hanz, nous dit-elle, l'un des touristes allemands, diplômé 
        en histoire de l'Art, s'est longuement penché sur les gravures 
        rupestres conservées grâce à la sécheresse 
        du climat, les fresques donnant une idée de la vie des hommes et 
        des animaux, au cours des périodes humides du Sahara, dont la dernière 
        se situe vers l'an 2500 avant Jésus-Christ".
 -----Nous 
        passons la journée du lendemain à Djanet avant de reprendre 
        l'avion pour un monde bien loin de la quiétude, de la douceur du 
        désert : celui des villes.
 
 
   
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