| PNHA juin 1999 n°102 Le FLN et les juifs
 On l'a dit pour rallier l'opinion internationale, celle 
        des États-Unis et de l'ONU essentiellement, le FLN aurait eu " 
        besoin" des juifs. C'est ce qui expliquerait l'évolution de 
        son discours à leur égard. Ainsi, dans L'Observateur du 
        Moyen-Orient, du 20 septembre 1957, Ferhat Abbas déclare " 
        Israël peut fort bien entretenir des relations amicales avec la France 
        et nous apporter son appui moral et son aide dans le prochain débat 
        de l'Assemblée générale des Nations unies. Il n'y 
        a pas là de contradiction." Le 15juin 1956, dans l'hebdomadaire 
        marocain AI Istiqlal, des nationalistes algériens demandent aux 
        Juifs d'Algérie de rejoindre leur combat : " Pour eux (les 
        Juifs) le moment du choix et des grandes décisions est arrivé. 
        Dès leur plus tendre enfance, on leur a inculqué ce patriotisme 
        de pacotille et ce respect de la grandeur impériale (...) Pour 
        nous, Algériens, le choix est fait car malgré Rousseau, 
        Baudelaire et Rimbaud, malgré Pasteur et les encyclopédistes, 
        maIgré tout ce en quoi on a cru et tout ce qu'on a aimé, 
        nous préférons écouter la voix de nos morts glorieux 
        et obscurs."Le 1er décembre 1959, le FLN édite une brochure : FLN -Documents 
        à l'adresse du peuple français, les Juifs d'Algérie 
        dans le combat pour l'indépendance nationale. Dans le préambule, 
        on peut lire : " Certains s'inquiètent du sort qui sera fait 
        aux Israélites dans la communauté algérienne de demain. 
        Les uns ressentent cette inquiétude en toute bonne foi et avec 
        le réel souci d'un avenir fraternel dans une Algérie indépendante. 
        Les autres la formulent avec une évidente malveillance et dans 
        l'unique but d'accumuler les obstacles sur la route de notre liberation 
        " La Révolution algérienne, est-il précisé, 
        n'est ni une guerre civile ni une guerre de religion ; elle veut conquérir 
        l'indépendance nationale pour installer une république démocratique 
        et sociale garantissant une véritable égalité entre 
        tous les citoyens d'une même patrie, sans discrimination.
 En août 1956, lors du Congrès de la Soummam, qui se tient 
        dans un petit village de la vallée, la question de la minorité 
        juive est abordée par le FLN. Les Algériens d'origine, est-il 
        note, n'ont pas encore surmonté leurs troubles de conscience. Mais 
        on exprime l'espoir qu'ils suivront en grand nombre le chemin de ceux 
        qui ont répondu à l'appel de la "patrie généreuse, 
        donné leur amitié à la Révolution en revendiquant 
        avec fierté leur nationalité algérienne". Le 
        Congrès regrette le silence du grand rabbin d'Alger, l'opposant 
        à l'attitude réconfortante de l'archevêque qui s'est 
        dressé avec courage, publiquement, contre le courant et a condamné 
        "l'injustice coloniale". Pourtant, il est dit que l'immense 
        majorité des Algériens s'est gardée de considérer 
        la communauté juive comme passée défnitivement dans 
        le camp ennemi."
 Le 1er octobre 1956, une lettre est adressée au grand rabbin d'Alger, 
        Eisenbeth, aux membres du Consistoire israélite, aux élus 
        et à tous les responsables de la communauté israélite 
        d'Algérie. Cette lettre est entrée dans l'histoire comme 
        " l'Appel de la Soummam". Dans son ouvrage Vérité 
        sur la Révolution algérienne, Mohamed Lebjaouï, qui 
        fut un temps chef de la délégation du FLN en France, en 
        revendique la paternité. L'Appel demande à la communauté 
        israélite d'affirmer solennellement son appartenance à la 
        nation algérienne afin de dissiper tous les malentendus". 
        Une telle déclaration extirpera les germes de haine entretenus 
        par le colonialisme français". La lettre exprime le regret 
        qu'à la réunion du Congrès juif mondial tenue à 
        Londres, les délégués de l'Algérie, à 
        la différence de ceux de Tunisie et du Maroc, se soient prononcés 
        pour la citoyenneté française. Elle souligne qu'à 
        la suite des troubles "colonio-fascistes" du 6 février 
        1956, au cours desquels sont apparus des slogans antijuifs, la communauté 
        israélite s'est orientée vers une attitude neutraliste. 
        Pourtant, à Alger notamment, un groupe d' israélites de 
        toutes conditions a eu le courage d'entreprendre une action nettement 
        anticolonialiste, en affirmant son choix raisonné et définitif 
        pour la nationalité algérienne." La condition des juifs 
        sous Pétain est rappelée : les Juifs avaient perdu leur 
        nationalité française a une époque ou, en France, 
        ils étaient moins considérés que les animaux, n' 
        avaient même pas le droit d'enterrer leurs morts, Ces derniers étant 
        enfouis clandestinement la nuit, n'importe où, en raison de l'interdiction 
        absolue pour les Juifs de posséder le moindre Cimetière." 
        L'Appel se termine sur une note d'espoir: " Les dirigeants de la 
        communauté juive auront la sagesse de contribuer à l'édification 
        d'une Algérie libre et véritablement fraternelle." 
        Le FLN exprime sa conviction que les responsables comprendront qu'il est 
        de leur devoir et de l'intérêt de toute la communauté 
        israélite de ne plus demeurer "au-dessus de la mêlée", 
        de condamner sans rémission le régime colonial français 
        agonisant, et de proclamer leur option pour la nationalité algérienne".
 Les autorités consistoriales, qui représentent les seuls 
        intérêts spirituels et religieux du judaïsme, ne peuvent 
        répondre au nom de leurs coreligionnaires. Elles gardent le silence, 
        et c'est le CJAES qui répond, fin novembre 1956, exprimant la position 
        que nous avons relevée plus haut.
 Richard Ayoun(à suivre)
 
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