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           Peu à peu, le sinistre diminue d'intensité, 
            grâce encore à l'appoint de la motopompe du service de 
            pilotage mise à la disposition des sauveteurs par le capitaine 
            Saulain. Le danger est circonscrit
 A 8 heures du soir, l'intérieur des trois voûtes incendiées 
            ne présente plus qu'un amas de décombres fumants que 
            les trois motopompes et les lances ada.ptees aux bouches d'incendie 
            noient sous un déluge d'eau.
 Le commandant Voinot donne des instructions pour que cette mesure 
            de précaution soit continuee pendant plusieurs heures en- 1 
            core.
 A l'hôpital.  L'état des 
            blessés
 A 7 heures du soir, M. de Galland, accompagné de M. Voinot, 
            commandant des pompiers, et de M. Raffi, s'est rendu en automobile 
            à l'hôpital civil de Mustapha, apporter aux blessés 
            l'expression de sa sympathie.
 Dans un lit de la salle Sédillot, la tête 1 entièrement 
            enveloppée dans un pansement, le sergent Passani repose. Pas 
            une plainte ne s'échappe de ses lèvres.
 Il reconnaît la voix de M. de Galland et de son commandant. 
            Malgré ses souffrances, il a encore le courage de dire dans 
            un rire : . « Eh bien, nous l'avons échappé belle.
 Le sergent Passani a la face entièrement couverte de brûlures 
            ; les yeux mêmes sont atteints. Il a de plus les mains douloureusement 
            brûlées.
 Il écoute les paroles de réconfort que lui disent successivement 
            le maire, le commandant Voinot, et M. Raffi, puis celles de M. Dubief, 
            qui, accompagné de M. Venisse, vient d'arriver en voiture pour 
            adresser des félicitations aux blessés au nom du Gouverneur 
            général.
 Au m'ornent où ces messieurs prennent congé de lui, 
            le sergent Passani esquisse de sa main droite emmitouflée dans 
            la ouate, un salut militaire.
 Dans la salle Dupuytren se trouvent dans deux lits voisins le sergent 
            Laudet et le sapeur Sénac. Le premier a la figure brûlée 
            et se plaint de violentes douleurs au côté gauche ; sa 
            femme est à son chevet. Il ne se plaint pas et s'enquiert simplement 
            de ses camarades, de Passani, et surtout -du sergent Martin qui lui 
            a sauvé la vie.
 Le second est légèrement brûlé à 
            la figure et aux mains, mais il a la jambe gauche fracturée. 
            Il n'exhale pas une plainte.
 Au moment où les visiteurs quittent la salle, Laudet se soulève 
            et s'écrie : « Mon commandant, Martin m'a sauvé 
            la vie. »
 Dans la salle Larrey, un' quatrième blessé. Le visagre 
            boursouflé, tuméfié, disparaît, ainsi que 
            les deux mains, sous d'épais pansements. Le malheureux souffre 
            horriblement.
 L'interne de service qui nous a accompagnés dans notre visite 
            nous assure que ces braves ne sont pas en danger. « Ils souffrent 
            beaucoup, nous dit-il, mais leur. ,état n'est, pas inquiétant. 
            »
 Ce que furent les pompiers
 Au cours du sinistre, le corps des pompiers a été tout 
            simplement merveilleux de dévouement, de courage, d'audace.
 Ces hommes qui, perdant le bénéfice d'une journée 
            de travail, quittent l'atelier ou le bureau pour venir ainsi s'exposer, 
            sans l'appât d'un gain, se sont stoïquement comportés. 
            Il faudrait les citer tous, car tous ont été admirables. 
            Le nombre seul des blessés est une preuve éclatante 
            de leur dévouement.
 Nous citerons pourtant les sergents Prive et Martin qui, lors de la 
            première explosion, se sont portés audacieusement au 
            secours de leurs camarades blessés.
 Nous citerons aussi le commandant Voinot, constamment en vedette, 
            qui a dirigé les opérations avec un sang-froid et une 
            compétence remarquables.
 Nous citerons enfin le capitaine Eygle et le lieutenant Tarifions- 
            qui, taus deux orûlés à la figure et aux mains, 
            sont restés à leur poste jusqu'à la dernière 
            minute ; le lieutenant Brenet, qui paya sans cesse de sa personne, 
            etc., etc...
 Sur les lieux du sinistre
 Parmi les autorités et les présentes, nous avons noté 
            les noms de MM. Dubief, représentant le Gouvernement général 
            ; Hild, représentant le Préfet ; Hoube, député 
            ; de Galland, maire, docteur Barraud, premier adjoint ; Raffi, Tiné, 
            Luc, Marquand, Blasselle, conseillers municipaux ; Nivet, conseiller 
            général ; Biseuil, procureur de la République 
            ; général Muteau ; Salmon et Moreau, secrétaire 
            généraux de la Préfecture ; Billiard, président 
            de la Chambre ,de commerce ; Nayrac, commissaire central ; Venisse 
            (ce n'est pas moi.); 
            Baïlac, directeur de l'« Echo d'Alger » ; Fontaneau, 
            commissaire de police ; le commandant et le capitaine de gendarmerie 
            ; le capitaine Saulain ; MM. Roddier et Labat ; Vinciguerra, chef 
            de la Sûreté départementale.
 Le service d'ordre était assuré par des agents de police 
            sous les ordres de M. Moreau, officier de paix, et Soule, inspecteur- 
            chef, et une compagnie de zouaves.
 Une vingtaine de matelots de la direction du port, sous la direction 
            du capitaine Saulain, ont prêté un concours efficace 
            aux opérations de sauvetage.
 LES A-COTÉS DU SINISTRE
 Une chatte victime de l'amour maternel
 Parmi les amoncellements des sacs, une chatte avait mis bas six petits, 
            il y a quelques jours. Quand le feu se déclara, la pauvre bête 
            comprit. que sa progéniture courait un danger et résolut 
            de la sauver. Ayant pris dans sa gueule un de ses petits, elle s'élança 
            au dehors et alla le cacher sous ,des marchandises des quais. Puis, 
            sans hésiter, elle pénétra à nouveau dans 
            les magasins en feu et un instant après en ressortit, à 
            demi suffoquée, les yeux injectés de sang, mais tenant 
            fièrement dans sa gueule un autre petit qu'elle alla porter 
            en lieu sûr.
 Et, sans souci du péril, qu'elle ne méconnaissait pas 
            puisqu'elle en tirait ses petits, la bonne mère rentra encore 
            dans le foyer.
 On ne l'en vit plus sortir.
 La chatte avait succombé en accomplissant , le devoir que lui 
            dictait son instinct maternel.
 Sur le quai, deux petits chats orphelins miaulaient désespérément 
            appelant leur mère.
 Une hécatombe de rats
            Dès le début du sinistre on vit des rats 
            al. folés se précipiter en tous sens, et finalement 
            s'élancer au dehors, pour fuir les vapeurs sulfureuses.
 Mais l'action délétère des gaz asphyxiants avait 
            fait son oeuvre et les malheureux rongeurs avaient à peine 
            fait quelques mètres au dehors qu'ils tombaient agonisants, 
            aux pieds des spectateurs, et expiraient.
 C'est là un résultat inattendu de l'incendie, une véritable 
            dératisation des voûtes voisines et du chemin de ronde 
            où cette vermine pullule toujours.
 |  | Echo d'Alger du 
        2 mai 1913
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