
          
          
        LE TÉLÉPHONE A ALGER
        Au moment où la 
          question du téléphone préoccupe à juste 
          titre l'opinion publique, nous avons pensé qu'il ne serait pas 
          sans intérêt d'exposer à nos lecteurs l'origine 
          de ce service à Alger, son développement progressif, son 
          fonctionnement et les projets de l'Administration en vue d'en assurer 
          l'extension, projets adoptés par les Assemblées financières 
          dans un programme d'ensemble qui. d'ailleurs, est en voie de réalisation 
          
          
          Concédé tout d'abord à la Société 
          Générale des Téléphones, de 1882 à 
          1889, ce service était resté peu important ; au moment 
          du rachat à cette Société, le 31 i août 1889, 
          le réseau d'Alger comptait 84 abonnés : il n'existait 
          aucun autre réseau d'abonnés en dehors de la ville d'Alger 
          et aucune ligne ne reliait cette ville avec d'autres localités 
          : le service interurbain était donc inexistant. 
          
          Progressivement, des réseaux furent établis à Oran, 
          à Constantine et dans d'autres localités des trois départements. 
          
          
          En 1900, on comptait 18 réseaux comprenant 735 abonnés 
          : mais les lignes téléphoniques reliant les villes entre 
          elles étaient encore, à cette époque, peu nombreuses 
          ; elles se bornaient aux lignes d'Alger à Blida, d'Oran à 
          Sidi-bel-Abbès et de Constantine à Philippeville ; la 
          longueur totale de ces lignes était de 469 kilomètres. 
          
          
          Mais à partir de l'année 1900, le développement 
          du service téléphonique en Algérie n'a cessé 
          de se manifester. 
          
          En 1912, il existait 357 réseaux groupant 5.598 abonnés, 
          et la longueur des lignes interurbaines était de 10.068 kilomètres 
          ; à la fin de 1920, le nombre des réseaux était 
          passé à 492, celui des abonnés à 10.529 
          et la longueur des circuits interurbains atteignait 17.239 kilomètres 
          ; enfin, au 31 décembre dernier, la situation se présentait 
          ainsi : 592 réseaux, 12.404 abonnés et 19.030 kilomètres 
          de lignes interurbaines, dont, pour le département d'Alger, 222 
          réseaux, 6.096 abonnés et 7.643 kilomètres de lignes. 
          
          I
          l est quelquefois intéressant de consulter les documents officiels 
          pour se rendre compte de l'importance d'un service dont tout le monde 
          parle parce qu'il est indispensable à tout le monde, et pour 
          se faire une idée du travail qui incombe au service téléphonique 
          qu'il faut améliorer constamment, personne n'en doute, et l'Administration 
          la première. 
          
          Dans l'exposé de la situation générales de l'Algérie 
          en 1922, présenté aux Délégations financières 
          par M. Steeg, gouverneur général, où nous avons 
          pris les renseignements afférents à l'année 1922, 
          et que nous venons de donner, il est indiqué aussi que le nombre 
          de communications échangées par les lignes interurbaines, 
          exception faite, par conséquent, des conversations locales, avait 
          été, pour le département d'Alger, de 4.190.000 
          ; pour Constantine, de 3.368.000, et pour Oran, de 2.178.000. 
          
          Si l'on remarque, en outre, que pour l'année 1922 seulement le 
          nombre des abonnés s'est accru de 825 et qu'il a été 
          construit 853 kilomètres de lignes, on ne peut méconnaître 
          que non seulement le trafic a été considérable, 
          mais aussi qu'un effort sérieux a été fait quant 
          à la constitution de nouvelles communications. 
          Mais il faut bien se persuader que cet effort, s'il a pu améliorer 
          une situation très tendue, ne pouvait pas résoudre toutes 
          les difficultés qui existaient et dont l'origine tient à 
          la constitution d'un réseau de lignes faite pour ainsi dire, 
          au hasard sans programme d'ensemble répondant aux besoins réels 
          du service ; l'arrêt de toute construction, pendant les années 
          de guerre, a encore, singulièrement compliqué la situation. 
          
          
          Faire face à un trafic qui s'accroît sans cesse, compenser 
          par des travaux hâtifs, l'insuffisance des moyens de communications, 
          constituer de nouvelles voies, en résumé, créer 
          un réseau rationnel : voilà l'uvre qui incombe à 
          l'Administration. 
          
          Grâce aux décisions des Assemblées financières, 
          qui ont bien compris l'intérêt qui s'attache à faciliter 
          les communications téléphoniques, le programme qu'elles 
          ont adopté en 1920 est en voie d'exécution. 
          
          Le nombre de lignes doit être augmenté, des lignes transversales 
          dégageant les centraux et évitant des bureaux intermédiaires 
          doivent être construites, et, enfin, le réseau doit être 
          complété par l'installation du téléphone 
          dans les localités où il n'existe pas encore. 
          
          Mais tout ne peut être fait à la fois ; la construction 
          des lignes ne peut dépasser un certain nombre de kilomètres 
          par an. et il y a aussi et surtout des difficultés qui n'apparaissent 
          pas aux yeux de tous pour obtenir les approvisionnements d'un matériel 
          spécial. 
          
          C'est donc une tâche importante qu'il faut prévoir et dont 
          les effets ne seront appréciés que lorsque les travaux 
          envisagés auront été exécutés. 
          
          A Alger, comme à Oran et à Constantine, le service urbain 
          est fait au moyen d'un " multiple " sur lequel arrivent les 
          lignes des abonnés. 
          
          Nous ne décrirons pas les nombreux organes, très délicats, 
          devant fonctionner sous l'influence de courants relativement faibles 
          pour arriver à établir la communication entre deux abonnés 
          ; il faudrait entrer dans les explications d'ordre technique qui ne 
          sauraient trouver leur place ici ; mais on conçoit facilement, 
          lorsqu'on connaît le détail de tous ces organes dont le 
          réglage exige des soins constants et une surveillance de tous 
          les instants, que des dérangements passagers se produisent et 
          que les abonnés ne s'expliquent pas, attribuant, par erreur, 
          aux téléphonistes des difficultés momentanées 
          dont la cause est, d'une manière générale, un déréglage 
          de l'appareil de l'abonné ou d'un de ces nombreux organes accessoires, 
          mais indispensables ; situation ignorée aussi bien de la téléphoniste 
          que de l'abonné et qui trop souvent occasionne des malentendus 
          ou des pertes de temps. 
          
          Aussi ne peut-on que recommander aux abonnés, lorsque ces difficultés 
          se produisent, de prévenir le service, la dame surveillante notamment, 
          en utilisant le poste d'un autre abonné ou celui d'une cabine 
          publique ; c'est le seul moyen pratique et rapide de provoquer une vérification 
          du poste et les réparations nécessaires. 
          
          Le téléphone a d'autres difficultés ; en dehors 
          des appareils, il y a les lignes. 
          
          Dans les réseaux des villes, les câbles souterrains sont 
          sujets aussi à des dérangements ; un trou dans la gaine 
          de plomb qui protège les câbles peut se produire et l'humidité 
          arrive ainsi à pénétrer dans le câble lui-même 
          met la ligne de l'abonné hors de service, car cette humidité 
          enlève l'isolement indispensable à chaque paire de conducteurs 
          constituant les lignes des abonnés, isolés les uns des 
          autres par des enroulements en papier. 
          
          Dans le service interurbain, les lignes aériennes sont, elles 
          aussi, soumises à des épreuves continuelles diminuant 
          leur isolement, condition essentielle d'une bonne communication : bris 
          d'isolateurs, rupture des fils par suite des chutes de branches d'arbres, 
          orages, vent renversant les poteaux, en un mot tout ce qui peut porter 
          atteinte au bon fonctionnement des communications. - ! 
          
          En ce qui concerne les bris des isolateurs, véritables cibles 
          utilisées par les jeunes indigènes, sait-on que l'on a 
          compté plus de 20.000 cloches brisées dans une année 
          ? 
          
          Nous donnons ci-dessus l'aspect d'un organe, appelé le " 
          répartiteur général ", sur lequel arrivent 
          à Alger les lignes téléphoniques ; il est donc 
          placé entre, les postes des abonnés et le " multiple 
          ". 
          
          Son rôle consiste à mettre les lignes des abonnés, 
          venues des différents points de la ville, à la place indiquée 
          par leurs numéros d'appel. 
          Les lignes d'abonnés, groupées par câbles de 56 
          ou 112 paires de conducteurs, traversent, dès leur sortie du 
          câble, des organes de protection composés de un coupe-circuit 
          à plomb fusible, un paratonnerre et d'une bobine thermique, et 
          sont ensuite fixées sur des plots doubles placés sur une 
          réglette verticale sur la face avant du répartiteur. 
          
          La face arrière du répartiteur porte également 
          des réglettes de 100 plots douilles, placées horizontalement, 
          et correspondant aux 100 numéros du tableau; les réglettes 
          portent elles-mêmes les numéros des différents tableaux. 
          
          
          La liaison entre les deux faces du répartiteur, c'est-à-dire 
          entre les lignes venant des abonnés (face avant) et des lignes 
          allant au multiple (face arrière) est faite à l'aide d'un 
          cordon souple à deux conducteurs. 
          
          La photographie suivante représente une vue d'une partie de la 
          salle du " multiple " d'Alger, appareil recevant les abonnés 
          de la ville et composé de tableaux ajoutés et liés 
          les uns aux autres suivant l'augmentation des abonnés qui sont 
          actuellement au nombre de près de 4.000. 
          En terminant cet exposé sommaire du service téléphonique, 
          nous indiqueront le rôle des téléphonistes donnant 
          les communications au bureau central d'Alger et nous exprimerons quelques 
          conseils qui, s'ils étaient suivis, faciliteraient le service, 
          permettraient d'activer les communications et, par conséquent, 
          profiteraient à l'ensemble des abonnés. 
          
          Une téléphoniste dessert de 80 à 100 abonnés. 
          Elle dispose de 16 paires de fiches lui permettant d'établir 
          16 communications. 
          
          Quand elle reçoit l'appel d'un abonné, elle lui répond 
          en disant : " J'écoute ". 
          
          Aussitôt que celui-ci lui a demandé la communication qu'il 
          désire, elle s'assure si l'abonné demandé est libre. 
          Si elle entend une vibration dans son récepteur, c'est que ce 
          dernier est en communication. Elle en informe aussitôt le demandeur 
          en lui disant : "Tel numéro pas libre" Si elle n'entend 
          aucune vibration, elle fait un appel et se retire pour répondre 
          à d'autres abonnés. Elle en sert deux ou trois et revient 
          sur la communication établie. 
          
          Dans le cas où le numéro demandé n'a pas répondu, 
          elle en informe le demandeur et avise la surveillante de cette non-réponse. 
          
          
          Il est indispensable que les abonnés aient un peu de patience 
          en ne rappelant pas trop vite quand ils n'ont pas obtenu, sur le champ, 
          leur communication, la téléphoniste ayant, comme il est 
          dit plus haut, 80 à 100 abonnés à desservir. Ils 
          doivent s'abstenir d'engager une conversation quelconque avec la téléphoniste 
          qui les dessert, celle-ci n'ayant pas une seconde à perdre. S'ils 
          ont une réclamation à formuler c'est à la surveillante 
          qu'ils doivent l'adresser. 
          
          Le travail d'une téléphoniste est très ingrat et 
          surtout très pénible. A certaines heures de la journée, 
          elle donne, sur certains tableaux, plus de 200 communications à 
          l'heure. 
          
          Si les abonnés procédaient toujours régulièrement, 
          en se conformant aux prescriptions figurant à l'Annuaire, pages 
          5, 6, 7 et 8, les téléphonistes seraient moins surmenées 
          et elles pourraient répondre plus rapidement. Il y a un intérêt 
          général à ce que les indications données 
          par l'Administration aux abonnés soient suivies ; toute perte 
          de temps entraîne des retards et ces retards se répercutent 
          sur d'autres abonnés qui sont soumis ainsi à une plus 
          longue attente ; enfin, un oubli fréquent dont se plaignent les 
          téléphonistes, c'est celui du signal de fin de conversation. 
          Cet oubli oblige la téléphoniste à des manuvres 
          qui pourraient être évitées au profit d'autres communications.