| "Je souhaite que 
        notre magazine soit un trait d'union ouvert, tonique, tolérant 
        et qu'il se souvienne que quoi que l'on soit, on est toujours le fils 
        de quelqu'un. Je vous souhaite longue vie et prospérité"Robert Castel
 -------Lui demander s'il est pieds-noirs 
        est pour lui insultant. C'est s'apprêter à recevoir une gifle 
        tant Robert est pieds-noirs jusqu'au bout des ongles.
 -------Notre communauté lui doit beaucoup 
        sur scène, à l'écran (le grand, comme le petit) car 
        avec humour, il ravive nos souvenirs et rend présent plus que jamais 
        notre cher passé.
 
 -------"Parle-nous du Maître 
        Labassi, ton père et de ton quartier Bab el Oued
 - Chanteur, auteur, compositeur et violoniste de musique algérienne 
        dite Chââbi (populaire), mon père fut adoré, 
        adulé par tout un peuple.
 C'est ce public qui lui a donné son nom, Labassi "qui vient 
        de Bel Abbés" en arabe, phonétiquement. A 16/17 ans, 
        c'était déjà un maître.
 -------Né Boulevard de Champagne, 
        face à l'école de la place Lelièvre, j'ai toujours 
        été bercé par la musique. Je joue du luth et du violon. 
        Bab El Oued, mon quartier, était un petit New York avec ses maltais, 
        ses espagnols, ses juifs, ses arabes.
 Ce fut ma source vive, spirituellement parlant. Il m'a tout donné.
 J'y ai fait mes études primaires, secondaires. Je fus footballeur 
        à l'ASSE (Saint Eugène. Ne pas confondre avec Saint Etienne).
 
 "Te destinais-tu à la scène ?
 - Non. Instituteur pendant quatre ans dans le département d'Alger, 
        je fus ensuite journaliste à "Dernière heure" 
        le quotidien du soir d'Alger.
 -------En première année de 
        licence de lettres, je me suis trouvé à la croisée 
        des chemins.
 -------Inscrit au CRAD d'Alger, je fais la 
        connaissance de Lurette Sahuquet en 1956. J'avais auparavant eu un petit 
        rôle dans la "Clémence du Pacha". J'y jouais du 
        luth !
 -------Le virus du théâtre commençait 
        à m'envahir. Lucette au cours de surprises 
        parties, pour amuser la galerie commença à improviser, créant 
        petit à petit le personnage de la famille Hernandez.
 Avec son amie Anne Berger, elles me demandèrent de faire le bègue 
        pour faire long, gagner du temps...
 Je me suis mis à écrire des sketches. Notre premier spectacle 
        fut "scènes de la vie algérienne" qui allait devenir, 
        au fil des improvisations de la troupe, la famille Hernandez de Geneviève 
        Baïlac.
 
 " Et ton retour ?
 - Avec Lucette Sahuquet, nous avons fait du Music Hall, puis nous avons 
        écrit "la Purée de nous z'ôtres". II fallait 
        un sacré courage à l'époque pour écrire et 
        jouer cette pièce. Le succès fut énorme.
 Nous faisions de la radio, des disques, de la télé, des 
        tournées, des galas.
 -------C'est alors que j'ai publié 
        "Inoubliable Algérie" (Edition P. Horay)
 
 "Et Kaouito le Pied-Noir
 - C'est Georges Folgoas qui m'a invité dans son émission 
        "Alors, raconte".
 -------Les pieds-noirs, nous étions 
        complexés tels des provinciaux qui approchaient les grands.
 -------Je me souviens de mes premières 
        scènes des "Saintes Chéries" avec Daniel Gelin 
        et Micheline Presle (celle qui avec Danielle Darrieux avaient conquis 
        Hollywood !) ou Charles Vanel que j'ai adoré et amusé par 
        mes milliards de questions !
 Puis, nous nous aperçumes que chez nous aussi, nous avions des 
        gens de qualité, peintres, recteurs, généraux...
 -------Maintenant c'est fini, avec le temps, 
        plus de complexes et j'ai créé de toute pièce ce 
        Kaouito. Je rigole quand certains me disent l'avoir vu avant hier !
 
 "As-tu connu le racisme ?
 -Dans mon univers, jamais mon père ne nous en a parlé. Il 
        était au dessus de cela. Je connaissais le mot bien sûr mais 
        ne l'ai jamais ressenti.
 -------De la Bassetta à la place du 
        gouvernement, je prenais le T (notre tramway) comme tout le monde. J'étais 
        inscrit au RUA sans complexe aucun.
 -------Il y a un mois, j'ai fait un gala, 
        à la demande de l'Unesco pour les enfants dyalisés de l'Algérie.
 Ce fut merveilleux.
 
 "Ne te dit-on pas que tu ressasses le passé ?
 - On ressasse toujours le passé ! Ça m'énerve mais 
        oui je ressasse le passé.
 ------Le vent de l'histoire, on ne peut pas 
        l'oublier. Oui je ressasse toujours les mêmes choses. (Les instituteurs 
        en France ne ressassent-ils pas toujours les 95 départements, la 
        Vienne, la Loire...) et bien moi aussi, je ressasse ce vent de l'histoire, 
        ces pauvres instituteurs dans les gorges de Palestro, les couteaux au 
        vestiaire, la paix des braves. "Inutile de dire que l'Algérie 
        est française, cela va de soit", croyez-moi, je ne peux pas 
        oublier. On ne peut pas quitter un pays comme on nous l'a fait quitter 
        ! Ça a été possible ça !!! Un chien, tu le 
        perds, tu pleures. Et vous ne voulez pas pleurer un pays !
 J'aime la France, je ne connais pas d'autres pays. Mon diplôme était 
        le même que celui de Dieppe, Biarritz ou Quimper mais je ne peux 
        pas oublier que nous étions le département 91. C'est l'Assemblée 
        Nationale à Paris, qui décidait de tout. Grave erreur, ils 
        avaient décidé que nous n'aurions pas la même monnaie 
        ! Il y avait mille manières de perde ou de garder l'Algérie. 
        On a choisi la plus mauvaise.
 |  | "Aujourd'hui on te voit moins à 
        l'écran ?-Je dois moins intéresser les metteurs en scène ! Il faut 
        dire que je fais mal mon métier. En 36 ans, je n'ai jamais eu d'agent. 
        Je ne suis pas un courtisan. La « promostitution" ne m'intéresse 
        pas.
 -------C'est pour cela que je n'intéresse 
        pas les Druker et feu Sabatier... Il est possible que je sois un ringard.
 -------A la télé, le copinage 
        est de règle. On fait venir les copains du pouvoir. Je ne dois 
        rien à Mitterand, ni aux autres d'ailleurs.
 Je suis assez fier de n'avoir jamais été demago... ou si 
        peu !
 -------Il faut de la dignité. Beaucoup 
        mangent de manière inimaginable. Certains ont gaspillé des 
        milliards dans des Festivals. Aujourd'hui à la télé 
        on voit les mêmes. Elisabeth Guigou et Jack Lang.
 -------Moi je suis neuf tous les matins. 
        Enfin, j'essaie.
 Croyez-moi l'araignée est bien fixée sur sa toile. Pour 
        couper les fils, c'est une usine de ciseaux, que dis-je, il faut tout 
        Nogent !.
 -------Qui voit-on à la télé 
        aujourd'hui ?
 -------Anne Sinclair a toujours son 7/7. 
        Levail est toujours à France Inter. Comment peut-on accepter les 
        leçons de morale de tous ces gens ?
 -------Je n'ai pas besoin de Paul Amar, Bromberger, 
        Yves Montand ou Poivre d'Arvor. Les vrais maîtres à penser 
        sont dans ma bibliothèque, Chamfort, Chateaubriand, Vauvenargues, 
        Moïse et Jésus.
 -------Pour voter je n'ai pas besoin d'envoyés 
        spéciaux. Avec mon pois-chiche, je sais réfléchir. 
        J'ai certes le droit à l'erreur. Même Moïse s'est trompé 
        et Moïse c'était pas Marguerite Duras !
 Le Christ en avait marre des marchand du temple de la synagogue, et je 
        vois qu'avec Monsieur Toubon, rien ne change.
 
 "Y a-t-il une culture du français d'Algérie ?
 - Je ne sais pas. J'aime la qualité de l'écriture de Jean 
        Brune (c'est pas Serge July). Camus est PiedsNoirs dans Noces ou l'Eté. 
        Meursault dans l'Etranger n'est pas Pieds-Noirs et la Peste peut se passer 
        partout ailleurs qu'à Oran.
 -------Il y a une culture française 
        avec une couleur pieds-noirs.
 
 "Comment définir les Pieds-Noirs ?
 - Ils sont comme tout le monde mais ils le sont un peu plus.
 -------Je suis un français pieds-noirs 
        qui souffre devant le drame des harkis, des cimetières (à 
        propos, on a toujours pas de réponse pour celui de Carpentras !) 
        les Pieds-Noirs sont des hommes. Ils pleurent comment les Japonais.
 -------J'ai peur pour notre survie. La culture 
        est toujours celle du pays économiquement le plus fort. Nos petits-enfants 
        seront avec "Hélène et les garçons" ou 
        "Premier Baiser". Ils iront à la cafet... Hélas 
        !
 "Merci Robert pour ton accueil. Il est sûr que tes propos 
        vont aller droit au coeur de nos amis, de tes amis".
 
 Propos recueillis par Fernand d'Abbundo et 
        Jean-MarcLopez
 "Ni Sala ! Ni Malek !" en cassette vidéo ou "Schoking" 
        le dernier CD sont en vente chez vos disquaires.
 
 
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