| Jean Brune, 
        ou la révolte de la fidélité par Pierre Dimech  | 
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| Nouméa. 
      23 septembre 1973. Un faisceau de maladies arrache sans peine la vie a un 
      homme de soixante-et-un ans usé dans son corps, et fait se taire 
      une voix aux résonances d'orage, support d'une personnalité 
      qui a passionné des milieux très divers, suscité des 
      admirations sans borne chez des fidèles éparpillés 
      aux quatre vents de la planète, qui se définissent entre eux 
      comme ses "Amis", et qui n'ont d'ailleurs parfois que cette amitié 
      en commun. Le tout, dans l'indifférence générale, celle 
      des officiels de tout poil, bien sûr. Mais hélas, pas seulement 
      la leur. Même les notices nécrologiques comportent des erreurs, 
      mentionnant que Brune vivait en Nouvelle Calédonie "depuis 60" 
      (l'Aurore du 4.10.73) ou depuis une douzaine d'années (Le Monde 5.10.73). 
      II est particulièrement pénible de constater que cette méconnaissance 
      a affecté jusqu'à notre Communauté. Ainsi parlant à 
      bâtons rompus de Jean Brune, il y a de cela quelques années, 
      justement en pensant au vingtième anniversaire de sa disparition, 
      dans le cadre d'une soirée "parisienne" d'une association 
      réunissant des élites de notre Communauté, son objet 
      social la situant au niveau universitaire ?, je m'entendis répondre 
      par mon interlocuteur, un petit four à la main, et sur le ton d'une 
      parfaite mondanité : "au fait comment va-t- il ?"... Il 
      parlait de Jean Brune, et nous étions en 1993... Jean s'est il ce 
      soir- là, retourné dans sa tombe, ou son âme a- t-elle 
      été prise d'un énorme fou rire ? Jean Brune avait refusé les facilités d'un quotidien sans histoires, celui qui, au-dessus des épaules, laisse la trace du collier. L'Algérie pesait sur son esprit blessé de tout le poids de sa dépouille martyrisée. Il en vivait la privation jusque dans ses silences, prêt à revivre les rites dionysiaques dès qu'il se retrouvait en présence de quelques "frères" d'Alger, d'Oran, de Bône ou d'ailleurs, gens des villes ou gens du bled, pétris de la même terre, enfants de la même Méditerranée. C'est ce qui se passa sur les Terres Australes où, par effet d'aimant, s'était reconstituée la cellule d'amis qui, sous des noms différents, l'avaient toujours accompagné, tout au long de son existence faite d'errances, depuis les nombreux déplacements de villes en villages, dans sa petite enfance et prime jeunesse, à la suite de sa famille, jusqu'à l'Errance absolue, qui commença en fin 1900, avec son départ d'Alger, sous les foudres répressives que l'on sait, et qui devait le mener de ville en ville, à travers l'Europe, jusqu'à ce que, vers 1967, il s'essaie à une implantation dans l'Hexagone, qui débouchera sur un échec, le conduisant à partir aux Antipodes... Etrange ballet de proscrit volontaire tout autant que fugitif, de dénonciateur des turpitudes d'une Métropole indigne, des lâchetés de concitoyens ingrats et -déjà-décérébrés, avachis, incapables d'accéder aux hautes ferveurs qui donnaient toute sa noblesse au grand rêve d'Empire, qui était tout sauf une construction avilissante. Il faut le savoir, il faut le dire, Jean Brune, l'Homme de l'Algérie Française, qui, dans sa jeunesse algéroise, avait activement milité au sein des "Camelots du Roi", connaissait, aimait l'Homme Algérien tout autant que Camus, l'Engagé à gauche. On peut même avancer, sans esprit de polémique, que Brune, élevé dans le bled, notamment en Kabylie, arabisant berbérisant, connaissait l'âme indigène mieux que Camus, qui fut son condisciple au lycée Bugeaud (ils n'avaient qu'un an de différence), et avec qui il entretint jusqu'au bout des relations d'amitié personnelle, dont malheureusement nous n'avons pas pour le moment de trace écrite suffisante pour éclairer ce qu'il faut bien qualifier de "mystère Camus" en ce qui concerne l'Algérie Française. On évoquera seulement l'émouvant témoignage de notre ami Georges Laffly, qui aperçut Camus et Brune, incognito, bien sûr, dans un café algérois au bas des Facs, au mois d'octobre 1959 (oui, en fin 1959 !). Que se dirent les deux hommes pendant les deux heures qu'ils passèrent ensemble, à un moment ou Camus terminait le manuscrit de son "Premier Homme", que l'on retrouverait bientôt, hélas, contre son corps sans vie, dans la voiture de Gallimard ? Brune, lui, était sur son premier ouvrage romanesque "Cette Haine qui ressemble à l'amour, dont on a pu dire qu'il constitue une sorte " d'Au tant en emporte le Vent " de l'Algérie Française... 
 Aujourd'hui, 
        c'est à un autre universitaire, allemand lui, pas Pieds-Noirs, 
        que l'on doit de trouver à nouveau disponible cet ouvrage, qui 
        devrait figurer dans les programmes classiques, si nous n'étions 
        pas à la fois sous le règne du gauchisme, pensée 
        unique, et de la destruction du Beau. Et on lui doit également 
        l'édition de textes jusqu'alors inconnus, car jamais publiés, 
        tels la pièce de théâtre "Les Mutins"... 
        méditation scénique très forte, sur le thème 
        de la révolte des Fidèles, inspirée du Putsch d'Alger, 
        et doublée d'une méditation mystique très surprenante 
        chez Brune... 
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| J'ai eu la chance de connaitre Jean Brune quand il est 
        arrivé en Nouvelle-Calédonie , aprés l'amnistie de 
        1968. J'étais alors Président de l'Amicale des PN et il 
        a été l'invité d'honneur à toutes les manifestations 
        que nous organisions .  Pierre Maresca |