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   Le FURET II
 
 
    ABORDÉ A LA PASSE PAR LE 
                « DJOLIBA »
 Le « Furet-II » coule dans le port d'Alger
 Le chef mécanicien 
                et un chauffeur du remorqueur ont péri 
 Un drame de la mer, brutal, imprévisible, est venu endeuiller 
                hier matin le monde maritime algérois : le cargo-bananier 
                « Djoliba », de la compagnie Fraissinet-Fabre, peu 
                après avoir doublé la passe de larrière-port 
                de lAgha, a heurté de son étrave le « 
                travers » du remorqueur « Furet-II », du service 
                dacconage et de remorquage du port, qui avait été 
                demandé par son commandant, e|t la couché 
                sur son flanc tribord en provoquant son naufrage immédiat.
 
 Deux membres de léquipage du « Furet-II 
                » ont péri dans cet accident. Ce sont MM. François 
                Llopis, chef mécanicien du bord, 59 ans, marin depuis 35 
                ans et père de trois enfants, demeurant 22, boulevard de 
                Provence, et Messaoud Ahmed, 35 ans, chauffeur, au service de 
                lacconage depuis six ans, également père de 
                trois enfants, demeurant 4, rue des Marseillais.
 
 Le patron du remorqueur, M. Balzano, qui a vingt-huit ans de commandement, 
                les deux matelots de pont et une des victimes, M. François 
                Llopis, ont pu être recueilli presque aussitôt par 
                la vedette du pilotage qui évoluait à proximité 
                du « navire à entrer ».
 
 Malheureusement le chef mécanicien devait décéder 
                peu après, des suites dune congestion, à l'infirmerie 
                du poste Morard où il avait été transporté 
                par les pompiers aux fins de respiration artificielle.
 
 Quant au corps de M. Messaoud Ahmed, bloqué dans les machines, 
                il ne pourra être dégagé quau moment 
                du renflouement dont lopération délicate sera 
                entreprise dès aujourdhui.
 
 Les survivants, dont létat est sans gravité, 
                ont pu regagner leur domicile.
 
 Que s'est-il passé ?
 
 Il est encore très difficile de le dire. Dautant 
                que le patron du remorqueur, un des témoins les plus autorisés 
                de laccident, na encore fait aucune déposition 
                officielle. Cest du moins ce que lon nous a affirmé 
                au service dacconage où nous sommes allés 
                nous renseigner.
 
 Il est évident que seule une enquête approfondie 
                pourra faire la part de malchance ou définir les
 responsabilités de chacun.
 
 Toutefois, voici laccident tel que la vu « lofficier 
                de la manuvre avant », du m/s « Djoliba », 
                qui, beaucoup plus que létat-major et le pilote de 
                la timonerie, était en mesure, de par sa position, de donner 
                des précisions sur la collision : « 5 h. 40, le remorqueur 
                se trouve sur bâbord avant, et, sur sa demande, le m/s « 
                Djoliba » lui envoie une « touline », ou câble 
                permettant de tracter le navire à entrer.
 
 Le remorqueur vient alors « tribord en grand » et 
                « passe sur lavant » du cargo en marche, ou 
                double son étrave à quelques mètres (manuvre 
                certes dangereuse mais fréquemment exécutée 
                par les acconeurs). Jusque-là donc rien de plus normal. 
                Mais brusquement, et pour une raison encore inconnue, le remorqueur, 
                après sêtre « rangé sur tribord 
                », « remet bâbord », revient sur lavant 
                et cest la collision. »
 - Le choc fut-il violent ?
 - Non, et n eût été létrave arrondie 
                (étrave Maïer) du m/s « Djoliba », 
                le « Furet-II » aurait été simplement 
                poussé de quelques mètres, ce qui aurait été 
                absolument sans gravité, étant donné la petite 
                vitesse du cargo et les pneus protecteurs qui entourent le remorqueur.
 - En quoi létrave arrondie a-t-elle provoqué 
                la catastrophe ?
 - Celle-ci, de par sa rotondité, au lieu de donner une 
                « franche poussée », a soulevé le remorqueur
 par son flanc bâbord et la fait chavirer dans les 
                flots.
 - On a prétendu que la machine du remorqueur naurait 
                pas répondu aux ordres. Est-ce exact ? avons-nous demandé 
                au service du remorquage.
 - Nous croyons que cest là une mauvaise interprétation 
                dune réflexion faite par le patron du « Furet-II 
                », nous fut-il répondu. Ce dernier, en effet, aurait 
                assuré « que la timonerie navait plus répondu 
                », cest-à-dire que le gouvernail navait 
                plus agi sur la route à suivre, quand se voyant sur le 
                point de chavirer, le patron avait essayé de se dégager.
 
 La position exacte du « FURET II » n'a été 
                définie que vers 15 heures
 
 Les efforts des scaphandriers de lentreprise Zagamé, 
                pour définir le point de chute du « Furet-II », 
                nont été coutonnés de succès 
                qu'à 15 h., soit près de dix heures après 
                le naufrage.
 
 La raison de la longueur de ces recherches est que, après 
                avoir disparu de la surface, le remorqueur, au lieu de couler 
                à pic, a dû continuer sa course, en oblique, entre 
                deux eaux, jusquà l'arrêt complet de son hélice.
 
 Car, étant donné la « douceur » du choc, 
                tout porte à croire que le remorqueur renversé, 
                puis immergé, na nullement été atteint 
                dans ses parties vives et que, peu après son renflouement, 
                il pourra de nouveau reprendre son service.
 Dès que lépave fut repérée, 
                un chaland fut « embossé » dessus.
 
 Elle se trouve couchée sur tribord par 16 mètres 
                ae fond, légèrement en dedans de la passe de larrière-port, 
                larrière tourné vers le feu vert, lavant 
                vers le feu rouge, mais plus près du feu vert, 180 à 
                200 mètres séparant son avant du feu plein large. 
                La passe ayant une largeur de 225 mètres et 9 mètres 
                20 deau se trouvant au-dessus de la partie la plus haute 
                de lépave, la navigation nest donc pas entravée.
 Caractéristiques 
                du « FURET II » 
 Le « Furet II » est un remorqueur de port de 700 CV ; 
                par ordre de puissance, il vient immédiatement après 
                le « Saint-Louis ». Il a une longueur hors-tout de 
                24 m 36 et a été lancé en 1932.
 
 Quant au « Djoliba », élégant bananier 
                de la compagnie Fralssinet, il na été que 
                très légèrement éraflé en la 
                partie médiane de son étrave, ce qui prouverait 
                bien que le choc na pas été violent.
 
 Arrivant de métropole, cet accident ne la nullement 
                retardé puisqu'il est reparti en fin de matinée 
                pour Konakry, via Dakar.
 
 MM. Jacques Chevallier, député-maire dAlger; 
                Laurent Schiaffino, président de la Région écoomique 
                et directeur du Service d'acconage, ainsi que de nombreuses personnalités 
                du monde maritime, sont allés sincliner devant le 
                corps de M. François Llonis, déposé dans 
                un local de la caserne Morard, transformé en chapelle ardente. 
                En fin de matinée, la dépouille mortelle était 
                remise à la famille.
 
 Nous présentons nos plus sincères condoléances 
                aux familles touchées par le décès de ces 
                deux marins.
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 Le « Furet II » 
                  sera renfloué demain au plus tard
 LES SCAPHANDRIERS ONT DISPOSE HIER LE SYSTÈME DE RELEVAGE
 Le corps de M. MESSAOUD n'a pu être dégagé
 Malgré les 
                  efforts déployés par les services intéressés, 
                  le remorqueur Furet-II, coulé dimanche matin dans notre 
                  port par le cargo Djoliba, na pu encore être remis 
                  à flot et le corps du chauffeur, M. Messaoud Ahmed, reste 
                  coincé dans la salle des machines. 
 Cependant, le travail effectué au cours de la journée 
                  dhier par les trois scaphandriers de lE.R.S.A. et 
                  des établissements Picone, na pas été 
                  vain : tout dabord, ils ont pu constater que le « 
                  Furet II », reposant sur un fond de 16 mètres, 
                  légèrement penché sur tribord et son arrière 
                  enfoncé dans la vase, na quune légère 
                  trace de choc sur bâbord arrière : ce qui paraît 
                  corroborer la relation de laccident de lofficier 
                  « de la manuvre avant » du m/s « 
                  Djoliba », que nous avons donnée hier.
 Ensuite, ils se sont employés à disposer le système 
                  délingues aux fins de renflouement, composé 
                  de deux « câbles de ceinture » autour de la 
                  coque et de nombreuses attaches secondaires destinées 
                  à « régler » les élingues 
                  ou à les empêcher de glisser.
 
 Ce travail préparatoire, particulièrement délicat, 
                  car le succès du renflouement en dépend entièrement, 
                  n 'était pas terminé hier à la tombée 
                  de la nuit.
 
 Il reprendra aujourdhui dès laube et, si 
                  de nouvelles difficultés ne surgissent pas au dernier 
                  moment, les techniciens pensent pouvoir amener dès ce 
                  soir le ponton-grue « Atlas » à pied-uvre, 
                  ou demain matin au plus tard.
 
 Hier matin, la vedette « Ombrine », de lInscription 
                  maritime, sest rendue sur le lieu du naufrage, délimité, 
                  comme lon sait, par un chaland « embossé 
                  », pour procéder à la surveillance « 
                  des travaux de fond ».
 
 A son bord se trouvaient MM. Caillebotte et Auffrey, respectivement, 
                  chef de quartier de lInscription maritime, et Inspecteur 
                  de navigation, qui, avec le capitaine au long cours Lucas, directeur 
                  de la Cie Venture-Weir, sont chargés de lenquête.
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 Le « Furet-II » 
            a été renfloué
 AU COURS D'UNE DÉLICATE OPÉRATION
 SUIVIE HIER PAR DES CENTAINES D'ALGÉROIS
 M. MESSAOUD, dont le corps a été dégagé 
            est mort courageusement à son poste
 Tout ayant été « paré » 
            dès samedi, les techniciens chargés du renflouement 
            du remorqueur Furet-II ont mis à profit la journée dominicale 
            - le dimanche, le trafic du port est en effet toujours moins intense 
            - pour mener définitivement à bien leur délicate 
            entreprise. 
 Une semaine exactement après son naufrage, le remorqueur a 
            donc pu être remis à flot et le corps du malheureux chauffeur 
            Messaoud dégagé de la chambre des machines où 
            il était resté bloqué.
 
 Au sujet de ce dernier, un des experts maritimes chargés de 
            lenquête, le commandant Carabin, nous a précisé 
            « quil était manifestement mort à son poste, 
            et en brave ; lorsque nous lavons découvert, hier, à 
            13 heures, il étreignait encore un levier de commande de son 
            moteur, comme sil venait dobéir à un ordre 
            lancé du poste de timonerie. La mort est venue le surprendre 
            en plein travail ».
 
 Également interrogé sur létat du remorqueur 
            après sa remise à flot, cette personnalité maritime 
            nous a répondu :
 « Comme vous lavez dit dans vos colonnes du 15 décembre, 
            où vous aviez reproduit une déclaration dun des 
            scaphandriers, le « Furet-II » ne porte une trace de choc 
            que sur bâbord arrière. Il nest nullement atteint 
            dans ses parties vives.
 - La relation de laccident que nous a fait « lofficier 
            de la manuvre avant » du « Djoliba » le jour 
            de laccident, et selon laquelle létrave arrondie 
            du cargo aurait « noyé » le remorqueur imprudemment 
            « posté sur son parcours », savérerait 
            donc tout à fait exacte ?
 - Il appartient à lenquête de le définir, 
            celle-ci vient à peine de commencer, et en tant que tiers
 expert je ne puis me permettre de vous donner une opinion qui ne pourrait 
            être, pour le moment, que personnelle... » Les diverses 
            phases du renflouement du « FURET-II »
 
 A 6 heures, alors quaucun « profane » ne sy 
            attendait, limposant ponton-grue « Atlas » quittait 
            « subrepticement » le quai de Bonifacio où 
            il est habituellement amarré, et tiré par le remorqueur 
            « Furet-II » se dirigeait vers le lieu du naufrage. 
            à l'entrée de la passe de larrlère-port. 
            Il était escorté du remorqueur de haute mer « 
            Saint Louis» de lE.R.S.A.. et du remorqueur-atelier « Atlante 
            ». des établissements Schneider. Sur son avant trapu, 
            outre les autorités du port, les techniciens et les ouvriers 
            chargés du renflouement, on distinguait les trois experts nommés 
            aux fins dinspection du bâtiment accidenté MM. 
            Sorba, Lego et Carabin, ainsi que M. l'inspecteur de navigation Auffrey.
 
 Arrivé à proximité du chaland « embossé 
            », qui indiquait la position du « Furet-II » par 
            18 mètres de fond, le ponton-grue stoppa : la première 
            phase du renflouement commençait.
 
 De notre vedette, qui suivait la « formation » à 
            distance réglementaire, nous allions pouvoir suivre les moindres 
            détails dune entreprise particulièrement rare 
            dans le port dAlger.
 
 Voici minutées les principales opérations qui, de 6 
            à 12 heures, se sont déroulées sans le moindre 
            incident. avec une apparence de facilité. comme un mouvement 
            d horlogerie bien réglé
 
 La réussite de ce renflouement est tout à lhonneur 
            de ceux qui sétalent donnés pour mission de létudier 
            dans les moindres détails
 
 6 h. 30. Les extrémités des élingues étayant 
            le navire sinistré sont fixées au « grand palonnier 
            » de la grue « Atlas », dune puissance élévatrice 
            de 450 tonnes... Bien que les câbles sustentateurs plongent 
            dans leau glauque, on devine, au long frémissement qui 
            parcourt la grue, que celle-ci vient de décoller « lépave 
            » par dix-huit mètres de fond...
 
 Et les nerfs des « spectateurs » sont au moins aussi tendus 
            que les câbles.
 
 Puis ies treuils se mettent en marche. les câbles ruisselant 
            s'entourent autour des cabestans : va-t-on voir surgir tout à 
            coup le « Furet-II.» de son linceul liquide, tel un monstre 
            marin bondissant vers la lumière ?
 
 A voir leffort gigantesque déployé par la grue, 
            on pourrait le croire.
 
 Aussi prépare-t-on fébrilement la caméra ..
 
 6 h. 55. Notre attente est. provisoirement. déçue. Les 
            treuils se sont arrêtés de tourner : le « Furet-II » 
            « nage » entre deux eaux, à douze mètres 
            du niveau, soutenu par les « mains » d'acier, et tiré 
            par la grue, elle-même tractée par le « Furet-III »
 A la « formation navale » déjà nommée 
            est venue sajouter une vedette de scaphandrier.
 
 7 h. 15. Après avoir un moment longé la partie intérieure 
            de la jetée Sud, i« Atlas », entouré 
            de sa vigilante escorte, tourne sur tribord pour gagner la partie 
            médiane du plan deau, délimité par la jetée, 
            les quais de Fédala et de Fort-de-France.
 7 h. 40. Soudain un bout de mât, bientôt suivi du fanal 
            de proue émergent de leau... Le « Furet-II » 
            revient lentement à la vie. Pourtant les cabestans sont restés 
            immobiles : ce sont les fonds qui se sont élevés.
 
 8 h. 5. Apparemment, aucun progrès na été 
            réalisé. Pourtant on saffaire sur le ponton. Les 
            ouvriers ont libéré le grand palonnier pour fixer les 
            élingues au « palan de tête de flèche » 
            situé au sommet des superstructures de la grue. Si la puissance 
            est moindre, 150 tonnes au lieu de 450, la course est par contre quatre 
            fols plus grande
 
 8 h. 30. Le treuil géant s'est remis en marche : le bout de 
            la cheminée apparaît.
 
 9 h. 15. L« Atlas » se dirige vers le quai de Fédala, 
            sur lequel se presse une foule de curieux
 
 9 h. 30, une bouche à air a « rejoint » la cheminée 
            à la surface. Le navire est légèrement penché 
            sur tribord
 
 10 h. 10. Le «Furet-II» est de nouveau échoué 
            sur un fond de 7 m. 50. Les scaphandriers de lE.R. S.A. plongent 
            pour fixer sous la coque des élingues plus courtes Cette opération 
            se terminera à 11 h. 45.
 
 12 h. 5. Le « corps » du « Furet-II » commence 
            à sortir de leau, à quelques mètres du 
            quai de Fédala, où la foule se fait de plus en plus 
            dense.
 
 Pour mener à bien cette dernière phase, les techniciens 
            ont conjugué habilement les efforts du « grand palonnier» 
            et de la «flèche de tête », faisant pratiquement 
            faire â l« Atlas » l'office de deux grues 
            superposées...
 
 12 h 30. Deux bateaux-pompes vident le bateau naufragé qui 
            reprend peu à peu son aspect habituel.
 
 12 h. 55. Le corps du chauffeur Messaoud et dégagé, 
            mis immédiatement en bière, il est amené a terre 
            à bord dune vedette, en présence de M. le commissaire 
            Blanchet, du 11e arrondissement
 
 A 14 heures 45, les experts et techniciens quittaient le ponton-grue 
            sur lequel ils étaient restés à leur poste pendant 
            près de dix heures.
 
 Lopération renflouement avait pleinement réussi.
 
 Dans laprès-midl, le « Furet-II », tracté 
            par le « Furet III », était de nouveau amarré 
            à son posta, prés des cales sèches, poste qu'il 
            avait bien failli ne plus revoir
 
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