| ---------Passé 
        depuis la guerre en premier plan de l'actualité. le problème 
        des Nord-Africains en France n'en est pas moins fort mal connu du grand 
        public qui n'en est trop souvent informé que par des faits isolés 
        et exceptionnels résultant d'une forte sélection spontanée.---------Il 
        convient tout d'abord de préciser que le terme très général 
        de " Nord-Africains " englobe trois catégories de personnes 
        très distinctes. En fait, il y a en France des Tunisiens, des Marocains 
        (Pour ce qui est de l'émigration 
        marocaine cf. " Les Marocains en Lerance " par J. Pey - Paris-Sirey.) 
        et des Algériens.
 ---------Les 
        Tunisiens et les Marocains sont des protégés français 
        qui ne peuvent venir en métropole que munis d'un passeport et d'un 
        contrat de travail.
 ---------Toute 
        autre est la situation des Algériens ou plus exactement des Français-Musulmans 
        d'Algérie.
 ---------Si 
        avant la guerre de 1939-45 des mesures restrictives, souvent illusoires 
        d'ailleurs, ont pu être prises pour freiner l'émigration 
        algérienne, il n'en est plus de même aujourd'hui.
 ---------En 
        effet, l'article 2 du Titre ler de la loi du 20 septembre 1947 portant 
        statut organique de l'Algérie prévoit que " 
        L'égalité effective est proclamée entre tous les 
        citoyens français, Tous les réesortissants de nationalité 
        française, des départements d'Algérie jouissent, 
        sans distinction d'origine, de race, de langue, ni de religion, des droits 
        attachés à la qualité de citoyens français 
        et sont soumis aux mêmes obligations. Ils jouissent notamment de 
        toutes les libertés démocratiques, de tous les droits politiques, 
        économiques et sociaux, attachés à la qualité 
        de citoyens de l'Union Française, garantis par le préambule 
        et l'article 81 de la Constitution de I République Française. 
        "
 ---------Aussi, 
        est-il normal que le Français-Musulman d'Algérie puisse 
        se rendre librement à Paris ou à Lyon tout comme le ferait 
        un Alsacien ou un Breton.
 ---------Mais 
        pourquoi le Français-Musulman d'Algérie quitte-t-il sa campagne 
        ou sa montagne natale pour venir en France ? Pourquoi tente-t-il la grande 
        aventure au delà de la mer ? Pourquoi constitue-t-il l'immense 
        majorité du groupe " nord-africain se trouvant en Métropole 
        ?
 ---------Pour 
        des raisons simples et souvent identiques à celles qui poussèrent 
        et poussent encore les gens des pays pauvres du Massif Central, de Bretagne 
        ou des Alpes soit vers les cités industrielles, soit vers des régions 
        plus fertiles.
 LES CAUSES DE L'EMIGRATION ---------Les 
        causes de l'émigration algérienne sont en gros de trois 
        ordres : démographiques, économiques et psychologiques. 
        Le problème démographique est indéniablement celui 
        qui domine et surtout pèse sur la vie algérienne.---------Evaluée 
        en 1856 environ à 2.300 000 habitants, la population de l'Algérie 
        est déjà supérieure à 4 millions en 1901, 
        De 1921 à 1936, la population musulmane passe de 4 millions 890.000 
        habitants à 6 millions 160.000. Le recensement de 1948 démontre 
        7 millions 800 000 Français-Musulmans et des sondages effectués 
        ces dernières années permettent d'affirmer que l'accroissement 
        annuel de cette population dépasse le chiffre de 210.000 unités.
 ---------La 
        poussée démographique traduit un taux des naissances extrêmement 
        élevé (40 %) qui indique que la limitation des naissances 
        est restée jusqu'ici négligeable dans cette population. 
        Ce taux de natalite résulte de la conjugaison d'une forte fécondité 
        et d'une nuptialité très élevée et très 
        précoce.
 ---------L'accroissement 
        démographique pose automatiquement des problèmes économiques.
 ---------Tout 
        individu, pour qu'il puisse vivre, doit, pouvoir satisfaire Ies besoins 
        élémentaires et naturels suivants : se nourrir, se vêtir, 
        se loger. Or, dans notre société moderne, ces trois impératifs 
        ne peu-vent être satisfaits que dans la mesure où l'individu 
        gagne sa vie, c'est-à-dire dans la mesure où il peut travailler, 
        donc dans la mesure où il peut trouver un emploi.
 ---------C'est 
        là que le drame commence.
 ---------En 
        étudiant les rapports qui existent entre les richesses et la population 
        de l'Algérie, on s'aperçoit que celle-ci n'arrive plus à 
        employer ni à nourrir tes populations habitant sur son sol.
 ---------Alors 
        qu'au Maroc apparaît une marge réelle entre les richesses 
        existantes et les richesses possibles, ainsi qu'entre les niveaux de vie 
        existants e,, les niveaux de vie possibles, cette marge est dans bien 
        des régions d'Algérie (Kabylie, Aurès, Trara, etc.) 
        pratiquement inexistante. Si au Maroc le problème économique 
        l'emporte encore sur le probleme démographique, en Algérie 
        le problème démographique pose le problème économique 
        mais aussi le paralyse. Dès 1935, l'Algérie ne suffit plus 
        à assurer la subsistance d'une grande partie de sa population. 
        Les Pouvoirs publics doivent lutter contre la famine en prélevant 
        100.000 quintaux de blé sur le stock de sécurité 
        pour le ravitaillement des populations nécessiteuses, En 1936, 
        430.000 quintaux sont ainsi distribués et ces dernières 
        années 17 % des récoltes céréalières 
        commercialisées étaient retenues pour faire face a d'éventuelles 
        calamités.
 ---------Chaque 
        année, par suite du simple accroissement de la population plus 
        de 200.000 quintaux supplémentaires de céréales sont 
        nécessaires. La population vivant essentiellement de céréales, 
        on calcule qu'en 1871 chaque habitant disposait de 2,5 q et aujourd'hui, 
        avec une bonne récolte, il n'en a plus guère que 2 q à 
        sa disposition.
 ---------L'émigration 
        vers la France devient donc une nécessité vitale pour permettre 
        à une masse sous-alimentée, et en voie de prolétarisation, 
        de vivre.
 ---------A 
        la lueur de ces faits, on comprend fort bien que les quelques 5.000 Algériens 
        qui se trouvaient en France en 1912 soient devenus plus de 300.000 de 
        nos jours (Cf. 
        graphique n" 1 et " Les Musulmans algériens en France 
        et dans les pays islamiquess " (pages 57 à 83). par Jean-Jacques 
        Rager. Presses Universitaires de France.). Les Marocains 
        sont environ 20.000 et les Tunisiens 5.000.
 ---------Quelques 
        chiffres de ces dernières années montrent nettement l'allure 
        que prend l'émigration algérienne.
 ---------En 
        1951, on compte 142.651 départs et 88.084 retours, soit une émigration 
        effective de 54.567 personnes ; en 1952, les départs se chiffrent 
        à 149.000, les retours à 134.000, soit une émigration 
        effective de 12.000 personnes ; en 1954, 151.000 départs contre 
        129.000 retours, sort une émigration effective de 22.000 personnes 
        ( Graphique n°2. l'immigration aurait 
        rapporté en 1954 aux Compagnies de Navigation et aux Compagnies 
        Aériennes1 milliard 300 millions.).
 ---------Enfin, 
        une importante cause d'ordre psychologique pousse le Français-Musulman 
        à franchir la mer : il se trouve en France, malgré bien 
        des frictions, dans une situation morale différente de celle qui 
        lui est faite en Algérie.
 ---------Il 
        ressort donc clairement que chaque année des milliers de Français-Musulmans 
        viennent grossir le nombre de ceux qui se trouvent déjà 
        en France.
 ---------La 
        situation économique de l'Algérie ne s'etant guère 
        modifiée par rapport aux besoins croissants de la population, il 
        est certain que l'émigration continuera, au cours des années 
        prochaines, à jouer le rôle de soupape de sécurité.
 ---------Aux 
        causes économiques algériennes pulsatrices s'ajoutent des 
        raisons économiques métropolitaines attractrices : les rémunérations 
        supérieures obtenues dans l'industrie, des régimes d'allocations 
        familiales et de sécurité sociale plus avantageux que ceux 
        existant en Algérie.
 ---------A 
        côté de ces diverses raisons constantes et normales, il convient 
        de mentionner sans y attacher une trop grande importance, des causes artificielles 
        et p issagères telle la propagande diffuse de recruteurs sans vergogne 
        qui, à une certaine époque, n'ont pas hésité 
        à parcourir les douars pour le compte de compagnies de transports 
        et de faire de Belleville et de Clichy des sortes d'Eldorados (Il 
        convient, par contre, de féliciter " Air France" pour 
        son effort d'humanisation de l'émigration.Voir photo).
 LES PRINCIPALES REGIONS 
        D'EMIGRATION ---------Les 
        centres essentiels de l'émigration sont les Kabylies. D'importants 
        départs sont également en-registrés dans un certain 
        nombre d'îlots berbères des Babors (El-Milia) ou d'Oranie 
        (Mazouna, Médrona, Marnia). L'émigration tend toutefois 
        à s'étendre aux douars sédentaires de la région 
        de Sétif et de Maadid. Le dépouillement du dernier recensement 
        (1954) de la population en Algérie permettra de mieux connaître 
        la répartition des émigrants dans chaque département 
        Toutefois, [enquête effectuée en 1949 permettait déjà 
        de constater (Les musulmans algériens 
        en France et dans les pays islamiques p. 107 124, par Jean-Jacques Rager. 
        Presses Universitaires de France.) que certaines communes des arrondissements 
        de Tizi-Ouzou ou de Bougie envoyaient en France de 4 % a 12 % de leur 
        population totale soit de 20 % à 50 % parfois de leur population 
        masculine adulte. Ainsi, la commune mixte de Fort-National sur le territoire 
        de laquelle vivaient 83.000 individus, soit une densité de 295 
        habitants au kilomètre carré contre 230 en 1936, comptait 
        en France 8.000 hornmes, soit 10 % de sa population totale. Elle n'en 
        comptait que 5.500 en 1933. CARACTERES GENERAUX 
        DE L'EMIGRATION ---------La 
        durée de l'émigration est assez inégale. Elle varie 
        selon les régions et selon le degré d'enrI-chissement de 
        l'émigrant. Beaucoup de retours s'effectuent pour le Ramadan et 
        l'Aid-el-Kébir.'---------L'Algérien 
        émigre généralement seul. Toutefois, on constate 
        depuis 1948 une tendance (qui va en s'accentuant) des émigrants 
        à partir en France avec leur épouse et leurs enfants. Contrairement 
        à une légende solidement accréditée, le Musulman 
        n'est plus polygame, bien que sa religion l'y autorise : aussi, les amateurs 
        d'exotisme seront-ils déçus s'ils espèrent voir arriver 
        en France des " harems " (Sur 
        40.000 dossiers d'allocataires de la Caisse interprofessionnelle du département 
        d'Alger, on ne comptait que sept polygames.). Le nombre de familles 
        musulmanes installées en France dépasse actuellement le 
        chiffre de 5.000. L'implantation de ces courageuses familles doit, dans 
        l'intérêt général, être favorisée.
 ---------Les 
        départs maxima sont enregistrés en septembre, c'est-à-dire 
        au lendemain des récoltes, et le maxima des retours en octobre, 
        donc à l'approche de l'hiver.
 80 % des émigrants ont de 20 à 40 ans. Ils arrivent en France 
        dans la pleine force de l'âge et représentent, de ce fait, 
        une puissance de travail intégrale. Peu d'émigrants ont 
        plus de 55 ans. On peut estimer qu'un sur sept parmi les hommes adultes 
        algériens se trouve en France.
 ---------Les 
        qualités physiques et morales varient quelque peu selon les groupes 
        ethniques. Le Kabyle des régions scolarisées est indéniablement 
        le plus apte à s'adapter au travail industriel et au genre de vie 
        occidentale. Aussi, l'émigration kabyle, la plus ancienne d'ailleurs, 
        est-elle celle qui connaît le moins d'échecs. D'une manière 
        générale, de solides traditions migratoires sont établies 
        en pays berbère alors que les gens des hauts plateaux tâtonnent 
        davantage et s'insèrent plus difficilement dans la vie économique 
        française.
 REPERCUSSIONS DE L'EMIGRATION ---------Le 
        départ massif de l'élément masculin musulman ne s'effectue 
        pas sans provoquer directement ou par contre-coup des modifications dans 
        la situation économique, sociale, sanitaire et politique de l'Algérie.---------Sous 
        l'angle économique, l'émigration se traduit, d'une part, 
        par un départ de main-d'oeuvre et, d'autre part, par des envois 
        d'argent de la Métropole vers l'Algérie. Ce départ 
        de main-d'oeuvre diminue le nombre de bouches à nourrir sur une 
        terre pauvre et surpeuplée.
 ---------Les 
        envois de fonds métropolitains constituent une très importante 
        source de richesses pour le pays et permettent à de nombreuses 
        familles d'équilibrer leur maigre budget.
 ---------On 
        a estimé pour 1954 à 35 milliards de francs le montant des 
        salaires expédiés en Algérie par les travailleurs 
        émigrés en Métropole, soit plus du quart du total 
        des salaires payés en Algérie par le commerce et l'industrie 
        et un chiffre à peu près égal au montant global des 
        salaires versés par l'agriculture. Environ deux millions d'Algériens 
        vivent de l'émigration qui, dans certaines régions (Soummam,etc.), 
        procure plus de 80 % du total des revenus (produits du sol + solariat 
        local + mandats de Métropole). La moyenne annuelle expédiée 
        par un ouvrier algérien travaillant en Métropole e situe 
        autour de 140.000 francs. L'émigration a des conséquences 
        importantes sur le plan social et en particulier sur celui de la famille.
 ---------On 
        situe à peu près à une dizaine de milliers le nombre 
        des Musulmans algériens mariés à des Européennes. 
        Quelques centaines de ces ménages seulement sont venus s'installer 
        en Algérie. Par ailleurs, plus de 15.000 femmes musulmanes se trouvent 
        abandonnées et l'on peut penser que près d'une trentaine 
        de milliers d'émigrants songent à se fixer définitivement 
        en France.
 ---------L'émigration 
        accélère également l'évolution des moeurs 
        : le costume s'occidentalise, les vieilles superstitions telle celle de 
        1' "Enfant endormi " disparaissent. Souvent aussi, l'autorité 
        du vieux père de fa-mille est battue en brêche, l'idée 
        de l'indispensable scolarisation progresse, le médecin remplace 
        le marabout, le mariage forcé recule.
 ---------Certes, 
        souvent l'émigrant de retour au pays retrouve ses anciennes formes 
        de pensée et est repris par la conscience collective du douar, 
        mais il n'en est pas moins vrai que dans les régions où 
        l'émigration est une habitude solidement établie, les modifications 
        du genre de vie ne feront que s'accentuer et ce, peut-être plus 
        rapidement qu'on ne le pense généralement.
 ---------Si 
        l'argent envoyé de France contribue essentiellement à nourrir 
        (Une enquête alimentaire menée 
        sur l'ensemble du territoire algérien ne manquerait pas de fournir 
        des don-nées extrêmement utiles tant sur le plan éeonomique 
        que sur le plan sanitaire.) les familles restées au pays, 
        certains émigrants, après avoir payé leurs dettes, 
        achètent souvent un lopin de terre et augmentent leur cheptel.
 ---------L'habitat 
        se modifie également, mais assez lentement.
 Certains commerçants de Fort-National en particulier ont construit 
        des habitations confortables () où ils pourraient, si les femmes 
        étaient éduquées, vivre d'une façon moins 
        primitive. L'apparition de placards, buffets, matelas dans les demeures 
        est signalée un peu partout, ainsi que l'inévitable réchaud 
        à pétrole.
 ---------Il 
        est souvent difficile de faire dans ces transformations la part de l'influence 
        de l'émigration et celle de l'enseignement. Il convient toutefois 
        de noter que beaucoup de Kabyles souhaitent la construction d'écoles 
        professionnelles, de chemins de pénétration dans les douars 
        et l'adduction d'eau " tout comme en France ", disent-ils.
 Par ailleurs, on s'accorde généralement pour reconnaître 
        que si l'émigrant rentre au pays plus " revendicateur " 
        qu'avant son départ, il n'en est pas moins devenu plus sociable. 
        Très sensible aux égards dont il a pu être l'objet 
        en France, il supporte mal d'être traité différemment 
        à son retour en .Algérie. Il demeurera toujours " 
        celui qui a été en France " et jouira d'un certain 
        prestige auprès de ses coréligionnaires.
 ---------Si 
        socialement l'émigration constitue une soupape de sécurité 
        pour les classes aupérisées d'Algérie, elle ne paraît 
        toutefois pas encore avoir provoqué des réflexes tendant 
        à une limitation du nombre de naissances.
 ASPECTS METROPOLITAINS 
        DE L'EMIGRATION ---------Le 
        nombre des Français-Musulmans actuellement en Métropole 
        est évalué à environ 300.000 (Étude 
        de M. Main Girard " Les Algériens musulmans en France " 
        dans " Réalités Algériennes " n° 1, 
        pages 40-4I, COMITEC, 1, rue Languedoc, Alger.). Rapportée 
        aux populations française totale et musulmane algérienne 
        totale au ler janvier 1954, elle représente respectivement 0,7 
        % et 3,5 %.---------De 
        tout temps, la région parisienne a exercé sur les travailleurs 
        algériens une grande attraction, sans doute en raison de l'importance 
        des besoins de main-d'oeuvre qui s'y manifestent et aussi de la facilité 
        avec laquelle les Algériens parviennent à se fondre dans 
        une énorme population agglomérée. On les évalue 
        présentement à plus d'une centaine de mille.
 ---------Après 
        la région parisienne, les départements des Bouches-du-Rhône, 
        du Nord, de la Moselle et du Rhône, de la Loire et du Gard, du Pas-de-Calais, 
        de la Meurthe-et-Moselle et de l'Isère en comptent le plus grand 
        nombre. Toutes ces régions sont fortement industrialisées.
 ---------Si 
        l'on compare la situation actuelle avec celle de 1938 où la localisation 
        urbaine était déjà très marquée, on 
        remarque que celle-ci demeure mais que la densité' croit et que 
        la pénétration rurale atteint les campagnes les plus reculées. 
        Seuls des départements comme la Vendée, la Vienne, les Côtes 
        du Nord, le Vaucluse ne connaîtraient guère d'arrivées 
        de Nord-Africains.
 ---------Ainsi 
        que nous l'avons déjà écrit, les qualités 
        physiques et morales varient quelque peu selon les groupes ethniques. 
        Les Kabyles des régions scolarisées sont indéniablement 
        les plus aptes à s'adapter au travail industriel. Leur genre de 
        vie sédentaire tes prépare également à cette 
        adaptation. Il est en effet compréhensible qu'un villageois arboriculteur 
        ait plus de prédispositions pour un travail demandant de la précision 
        qu'un pasteur nomade ou semi-nomade.
 ---------Aussi, 
        n est-il donc pas étonnant qu'ayant plus de cordes à leur 
        arc que les Musulmans des autres régions, les Grands Kabyles ét 
        les Petits Kabyles aient réussi à se faire une place dans 
        diverses branches de l'économie française. Vétérans 
        de l'émigration, ils ont, certes, plus de traditions migratoires 
        que les gens des régions voisines des Hauts Plateaux, mas c'est 
        indéniablement leur atavisme villageois au-quel s'ajoute un acquis 
        dû à leur passage à l'école ou à leur 
        contact relativement fréquent avec la société occidentale, 
        qui leur permet de différencier non seulement des non-Kabyles, 
        mais même entre eux : Les petits Kabyles, gardiens et laveurs de 
        voitures dans plus d'un, garage parisien ne travaillent-ils pas pour les 
        propriétaires de taxis originaires de certains villages anciennement 
        scolarisés des environs de Fort-National ?
 ---------Venus 
        les premiers en France, Grands Kabyles et Petits Kabyles ont pu progressivement 
        s'im-.)lanter dans divers secteurs industriels au fur et à mesure 
        des besoins en main-d'oeuvre. La solidarite villageoise jouant, ils se 
        sont soit regroupés dans telle et telle usine ou dans tel et tel 
        quartier où ils ont d'ailleurs " leurs cafés ", 
        véritables têtes de lignes de " petits réseaux 
        téléphoniques berbères ".
 De fort intéressantes monographies pourraient être écrites 
        sur la vie de chacun de ces noyaux qui ont certainement chacun leur grande 
        et leurs petites histoires mais tel n'est pas notre propos.
 ---------Une 
        prochaine publication de l'Institut national d'études démographiques 
        et du Groupement d'études sociales nord-africaines fera connaître 
        quelle était approximativement, ces dernières années 
        en Métropole, la répartition des Algériens par région 
        d'origine. S'il est, certes, intéressant de savoir qu'un groupe 
        de Kabyles originaires des villages du douar Aït-Ameur ou Ali (C.P.E. 
        de Bougie) travaillant à Lyon, se retrouve dans un café 
        proche de la place du Pont et tenu par X... X.., lui-même originaire 
        de Bougie et véritable restaurateur, facteur, banquier et conseiller 
        de cette petite colonie, il n'en est pas moins vrai que l'important de 
        l'affaire est de retenir que si ces Bougiotes ont pu s'insérer 
        dans la vie économique française, donc se fixer relativement, 
        c'est parce qu'ils étaient déjà un peu dégrossis 
        (Ces petits Kabyles ont tellement bien 
        compris qu'ils avaient pu à peu près réussir parce 
        que un peu " dégrossis ", que certains d'entre eux ont 
        emrnené leurs fils avec eux pour leur assurer une scolarisation 
        normale. Autre exemple : dans une usine du bassin de la Sambre, se trouvent 
        employées 3 générations de la même famille 
        L'adaptation est réalisée.).
 ---------Toute 
        autre est la situation des pasteurs semi-nomades des régions voisines 
        des Hauts-Plateaux.
 ---------Ayant 
        connu un genre de vie ne les prédisposant pas au rythme de vie 
        industriel, appartenant à des régions jusqu'ici peu touchées 
        par la scolarisation, venus les derniers à l'émigration, 
        ils sont automatiquement relégués vers les travaux tes plus 
        durs et les plus simples, vers les travaux de pelle et de pioche.
 ---------De 
        ce fait, ils sont amenés à parcourir la France au hasard 
        des chantiers de travaux publics et lorsque la mauvaise saison interrompt 
        ces travaux, ce sont eux qui refluent vers les grandes villes où 
        ils submergent les centres d'accueils et les bureaux d'embauche, inquiètent 
        le Français moyen qui ne se doute pas que ces vagabonds rêveurs 
        pensent, prabablement à un être cher qui risque la misère 
        là-bas au pays, là-bas dans ce pays si proche et si différent 
        où les femmes chantent encore :
 " Nous avons levé nos tentes. nous avons rassemblé 
        nos troupeaux,
 " Nos chameaux sont bardés, nos chevaux 
        sont libres d'entraves,
 "Nous allons de l'autre côté de 
        la terre chercher dss astres nouveaux,
 " Chercher un pays lointain, oublié 
        depuis l'origine des mondes ".
 REPARTITION PROFESSIONNELLE ---------Quelle 
        est la répartition professionnelle des travailleurs algériens 
        ? Selon le " Bulletin d'Information et de Documentation Professionnelle 
        " du Ministère du Travail, la répartition par qualification 
        professionnelle des travailleurs nord-africains occupés en Métropole 
        se présentait au ler septembre 1954 de la façon suivante 
        : 114.757 manoeuvres, 33.129 ouvriers spécialisés, 7.519 
        ouvriers qualifiés, 95 dans la maîtrise et 147 employés.---------Ces 
        salariés se répartissaient à la même date par 
        branches d'activité comme suit : agriculture 2.445 ; énergie 
        : 1.013 ; mines de houilles et de lignites : 7.689 ; autres mines et carrières 
        : 3.541 ; production des métaux : 20.272 ; industries mécaniques 
        et électriques : 30.781 ; verre, céramique, matériaux 
        de construction : 4.453 ; chantiers d'aménagement hydro-électriques, 
        barrages : 1.370 ; entre-prises, établissements, chantiers non 
        compris dans la rubrique précédente : 50.568 ; industrie 
        chimique : 10.185 ; industrie textile : 5.006 ; transports 3.306 ; autres 
        activités : 15.108. Total : 155.647.
 ---------Si 
        l'on compare la répartition par qualification professionnelle des 
        travailleurs nord-africains employés dans les principales industries 
        de la Métropole au 30 septembre 1952 avec celle au 30 septembre 
        1953, on constate que dans toutes les branches d'activité, exception 
        faite du bâtiment et des travaux publics, le nombre des manoeuvres 
        et des ouvriers spécialisés diminue, tandis que le nombre 
        des Nord-Africains de la catégorie " ouvriers qualifiés 
        " et de la catégorie " maîtrise " augmente. 
        S'il est heureux de constater un accroissement du nombre des Algériens 
        qualifiés, il convient néanmoins de souligner que l'évolution 
        précitée est due au fait que dans l'ensemble de l'industrie 
        le " manoeuvre balai " tend de plus en plus à disparaître, 
        chassé par les progrès de la technique. Une conclusion s'impose 
        donc : les travailleurs algériens ne conserveront à l'avenir 
        une place dans l'industrie que dans la mesure où ils bénéficieront 
        d'une qualification professionnelle de plus en plus poussée. Or, 
        toute formation professionnelle suppose 'à priori la connaissance 
        de la langue française. Aussi peut-on se demander si les régions 
        d'Algérie où l'émigration est devenue une nécessité 
        ne devraient pas bénéficier d'une certaine priorité 
        lors de l'application du plan de scolarisation ?
 |  | -LES 
        NORD-AFRICAINS AU TRAVAIL ---------La 
        main-d'oeuvre algérienne étant assez rarement qualifiée 
        est souvent reléguée aux postes les plus humbles.---------En 
        période de crise, elle est la première frappée par 
        le chômage. On évalue actuellement à environ 100.000 
        le nombre des " sans emploi " algériens se trouvant en 
        France (Soulignons qu'un " sans emploi 
        " n'est pas obligatoirement un chômeur au sens de la législation 
        du travail. L'Algérien qui n'a pas effectivement perdu son emploi 
        niais qui, simplement, ne trouve pas d'emploi, ne bénéficie 
        pas de l'allocation de chômage.). Aussi conviendrait-il que 
        les Pouvoirs publics se décident à limiter sérieusement 
        l'émigration officielle ou clandestine de travailleurs étrangers 
        non qualifiés ou soi-disant qualifiés susceptibles de concurrencer 
        la main-d'oeuvre algérienne. Le graphique n°3 montre nettement 
        les incidences de l'émigration étrangère sur le recrutement 
        de la main-d'oeuvre algérienne. Le Ministère du Travail 
        a d'ailleurs fort bien compris l'importance de ce problème, mals 
        il est néanmoins souhaitable de voir le Gouvernement préciser 
        lors des discussions internationales que toute politique européenne 
        d'émigration devra tenir compte de l'excédent démographique 
        des trois départements français d'Algérie (Cf. 
        Intervention de M. Amar Illoull sur les questions de population et d'émigration 
        (Journal officiel de l'Algérie - Débat de l'Assemblée 
        algérienne du 26-3-51, pages 348 à 350, et Bulletin Hebdomadaire 
        de la Confédération Générale du Patronat Algérien) 
        " L'Europe est-elle surpeuplée ? " no 188 à 194, 
        ainsi que " Etudes Européennes de Population ". Publication 
        du Centre Euro péen d'Etudes et de Population. Kdition de l'Institut 
        National d'Altudes Démographiques, Paris 1954).
 ---------Les 
        métiers exercés par les Algériens sont en général 
        pénibles, malsains et salissants. Ils correspondent très 
        souvent à une branche de métier fort simple exigeant peu 
        ou pas de formation.
 --------Les 
        métiers pénibles sont ceux qui exposent aus inconvénients 
        des températures élevées (conduites des fours, chaudières, 
        chauffeurs dans les raffineries de sucre et dans l'industrie des corps 
        gras). Les postes malsains sont ceux occupés dans les fabriques 
        d'accumulateurs, de produits chimiques, d'alliages divers et de caoutchouc. 
        Les postes salissants sont ceux que nécessitent la préparation 
        de la soude, le broyage dans les fabriques de produits chimiques, la manutention 
        du charbon et du minerai dans les aciéries. Seule une formation 
        professionnelle sérieuse peut amener les Nord-Africains à 
        occuper des postes moins pénibles.
 ---------Cette 
        formation professionnelle est-elle possible ? Cette question ne supporte 
        plus, à l'heure actuelle, aucun doute car l'expérience de 
        la dernière guerre ayant prouvé qu'une forte proportion 
        d'Algériens même incultes pouvait accéder assez rapidement 
        à une certaine technicité, bon nombre d'industriels français 
        en particulier dans les industries des métaux et dans le bâtiment, 
        ont, sous l'impulsion d'hommes avertis et généreux, donné 
        leur chance aux Français-Musulmans et tenté les expériences 
        de base indispensables. Sélection psychotechnique appropriée, 
        politique du logement, alimentation rationnelle, éducation des 
        cadres en vue de l'accueil du Nord-Africain dans l'usine, cours du soir, 
        hygiène industrielle, sécurité, organisation des 
        Loisirs, bref, toutes les mesures appropriées ont été 
        étudiées et prises pour mettre au maximum le travailleur 
        algérien dans les mêmes conditions de vie matérielle 
        et morale que le travailleur européen (Différents 
        cahiers publiés Dar les Etudes Sociales Nord-Africaines (ESNA), 
        6, rue Parye, Paris (17°) traitent de ces questions qui ont également 
        fait l'objet de la part du patronat français de publications hors 
        commerce destinés aux employeurs de main-d'oeuvre nord-africaine.).
 ---------La 
        légende de l'imperfectible musulman, le slogan du " travail 
        arabe " ont été balayés et relégués 
        au sottisier sociologique tandis qu'à l'occasion de l'inauguration 
        de logements modernes construits pour les travailleurs nord-africains, 
        le directeur du personnel d'un important groupement industriel du Nord 
        n'hésitait pas à déclarer :
 ---------" 
        La main-d'oeuvre nord-africaine représente plus du quart de notre 
        effectif et pour un service important, l'aciérie Martin plus de 
        la moitié.
 ---------Il 
        est bon que l'on sache, et c'est tout l'honneur des travailleurs nord-africains, 
        que plus des deux cinquièmes d'entre eux ont pu accéder 
        à des postes d'ouvriers spécialisés et de professionnels 
        et par-mi ces derniers 17 sont professionnels PI, 8 professionnels P2 
        et 1 professionnel P3.
 ---------Si 
        l'on veut bien penser que l'énorme majorité de ces ouvriers 
        est nouvellement venue à l'industrie, on doit admirer cette promotion 
        exceptionnellement rapide à des postes supérieurs dans la 
        hiérarchie, et ceci devrait pleinement édifier ceux qui, 
        mal documentés, pouvaient douter de la qualité des ressources 
        que nous apporte cette main-d'oeuvre ".
 ----------Certes, 
        l'effort maximum n'est pas pleinement réalisé. Si dans certaines 
        usines sidérurgiques les Nord-Africains spécialisés 
        montent déjà à l'assautde l'échelle de la 
        hiérarchie dans bien d'autres secteurs le mouvement ne fait que 
        s'amorcer et ce n'e st que par une action continue, par des contacts multiples 
        et une persuasion de tous les moments que l'on parviendra à faire 
        disparaître les préjugés, à modifier les habitudes 
        pour finalement " implanter " l'ingénieur social qui 
        lancera la promotion ouvrière nord-africaine envers et contre tout.
 ---------Ajoutons 
        que diverses mesures d'ordre général peuvent contribuer 
        à accélérer l'intégration des Français-Musulmans 
        dans l'économie et la vie françaises. Il convient tout d'abdrd 
        de noter que de même qu'il est normal d'adapter la formation professionnelle 
        aux besoins de l'économie, il serait hautement souhaitable de voir 
        réalisée en Algérie une liaison entre l'enseignement 
        et l'économie.
 ---------Par 
        ailleurs, de l'avis même de nombreux industriels métropolitains, 
        le jeune Algérien qui a été " dispensé 
        " d'accomplir son service militaire se trouve sérieusement 
        handicapé au départ lorsqu'on veut lui donner, en usine, 
        une formation professionnelle. Aussi, conviendrait-il de réviser 
        certaines positions et de procéder dans ce domaine aux réformes 
        nécessaires.
 ---------Les 
        ouvriers algériens employés en France dans l'agriculture 
        sont peu nombreux. Leur nombre est toutefois passé de 600 en 1949 
        à 1.800 en 1953, le plus important contingent - environ 600 - étant 
        implanté dans les Pyrénées-Orientales (Il 
        convient de signaler que dans cette région les cultures pratiquées 
        se rapprochent de celles du littoral algérien et que les conditions 
        d'accueil ont été favorables. Plusieurs travailleurs sont 
        inscallés avec leur famille.).
 ---------D'importants 
        groupes sont également utilisés dans les rizières 
        de Camargue et pour l'arrachage des betteraves.
 Divers projets d'implantation de familles paysannes musulmanes dans tes 
        campagnes françaises ont été étudiés. 
        Si beaucoup de prudence s'impose en la matière, il n'en est pas 
        moins vrai qu'une gamme d'expériences allant de l'équipe 
        de village à la gérance de fermes inexploitées, mériterait 
        d'être tentée.
 ---------Le 
        placement individuel à la campagne doit, pour l'instant, être 
        écarté car le Nord-Africain n'ai-me pas la solitude. Il 
        a trop longtemps été habitué à la vie patriarcale 
        pour passer brusquement à ta vie de l'ouvrier agricole. Il serait 
        rapidement gagné par l'ennui et, au bout de quelques jours, réintègrerait 
        la ville où il retrouve ses amis ou ses parents, ses cafés 
        et des gens avec lesquels il peut parler du pays. En matière de 
        salaires, la main-d'oeuvre algérienne perçoit présentement 
        les mêmes émoluments que les autres main-d'oeuvre, dans to 
        us les métiers et partout en France. De tout temps le manoeuvre 
        algérien travaillant en France a plus gagné que l'ouvrier 
        agricole ou le manoeuvre occupés en Algérie. Cette différence 
        de salaires est une des causes de l'émigration.
 ---------Depuis 
        1944, les travailleurs algériens employés en Métropole 
        bénéficient des allocations familiales. Ces dernières 
        sont versées à leurs familles restéesen Algérie 
        mais à un taux inférieur à celui pratiqué 
        en France. Cette différence de taux explique partiellement le développement 
        de l'émigration familiale. Le montant des allocations familiales 
        versées en 19 53 aux familles des salariés algériens 
        occupés dans la Métropole s'est élevé à 
        5 milliards 232 millions répartis entre 73.600 allocataires comptant 
        169.000 enfants, soit une moyenne de 71.000 fr. par allocataire et de 
        30.900 fr. par enfant ( Les allocations 
        familiales sont comprises dans les 35 milliards transférés 
        de Métropole.).
 ---------Le 
        problème des lois sociales se pose également différemment 
        pour les travailleurs algériens qui se sont mariés en France 
        ou qu, y ont emmené leur famille et pour ceux qui ont laissé 
        les leurs en Algérie. Les premiers sont traités, ainsi que 
        leurs familles, sur le même pied que les travailleurs métropolitains, 
        les seconds ne sont traités comme les travailleurs de Métropole 
        qu'en ce qui les concerne personnellement. leurs familles bénéficiant 
        toutefois. depuis 1953, du même régime que les ayants-droit 
        des assurés sociaux algeriens du secteur noa agricole. Les prestations 
        allouées à ces familles sont d'ailleurs à la charge 
        du regime métropolitain de sécurité sociale.
 On estime que si tous les travailleurs algériens cotisant en France 
        avaient emmené leurs familles, ils auraient perçu, depuis 
        1947, tant en allocations familiales proprement dites, qu'en autres prestations, 
        plusieurs milliards. Le principe de la territorialité ne pouvant 
        en aucun cas être transgressé, il est logique que le Fonds 
        d'Action Sanitaire et Sociale de Métropole réalise un sérieux 
        effort en vue de faciliter la construction de logements destinés 
        aux travailleurs algériens de Métropole et à leurs 
        familles.
 LES PROBLEMES EXTERIEURS 
        AU TRAVAIL ---------En 
        raison de leur faiblesse économique qui, pour les sans-travail, 
        atteint la véritable misère, les travailleurs algériens 
        sont, plus que quiconque, victimes de l'actuelle crise du logement, particulière-ment 
        grave dans la région parisienne,---------Certes, 
        les centres d'hébergement organisés grâce aux initiatives 
        officielles ou privées en dépannent un nombre toujours croi;,ant, 
        mais la grande majorité continue à s'entasser dans des garnis 
        où la location d'une paillasse sordide atteint plusieurs centaines 
        de francs par jour. Leurs conditions de logement sont un défi aux 
        lois les plus élémentaires de l'hygiène. Ces conditions 
        mediocres de logement découlent également du fait que, trop 
        souvent, pour pouvoir envoyer plus d'argent à leurs familles, les 
        travailleurs limitent au plus juste tes dépenses strictement indispensables 
        à leurs besoins matériels, de logement, de vêtements 
        et de nourriture.
 ---------Aussi, 
        sont-ils, dans les grandes villes naturellement portés vers les 
        taudis. Ajoutons à cette rai-son d'économie que, dépaysés, 
        le, Nord-Africains cherchent à se grouper pour éviter l'isolement.
 ---------Actuellement, 
        un nombre de plus en plus important d'industriels se préoccupent 
        de loger leur main-d'oeuvre algérienne.
 ---------Diverses 
        expériences allant du dortoir collectif à la chambre individuelle 
        en passant par le pavillon loué aux familles musulmanes, ont été 
        réalisées.
 ---------D'une 
        façon générale, les ee.ployeurs qui togen leur main-d'oeuvre 
        algérienne ét qui lui facilitent ravitaillement et cuisine, 
        obtiennent des résultats,
 ---------Si 
        la politique du logement en faveur des Nord-Africains doit être 
        souple et acaptée à leur besoin de vivre en groupes il convient 
        toutefois de ne pas perdre de vue le désir que manitestent bon 
        nombre d'entre eux de s'évader du cadre tribal.
 ---------Aussi, 
        une politique du logement qui créerait des " cloisons étanches 
        " doit-elle être proscrite. En aucune façon, il 
        ne saurait être créé, a la porte de nos grandes villes, 
        des cités arabo-berbères qui constitueraient en fait une 
        ségregation comparable a celle pratiquée en Afrique du Sud 
        et aux Etats-Unis.
 ---------La 
        ségrégation choquerait énormément les Musulmans 
        qui, ne l'oublions pas, considèrent l'hospitalité, karam-el-Arab, 
        comme une chose sacrée et ont horreur des conceptions " concentrationnaires 
        ".
 ---------A 
        côté du problème du logement, mentionnons celui de 
        l'alimentation et des vêtements.
 ---------Dédaignant 
        généralement les cantines, le travailleur algérien 
        prépare sa nourriture lui-même, espérant réaliser 
        ainsi de plus substantielles économies. Il se nourrit mal et ignore 
        totalement l'importance qu'il y a à composer ses menus selon certaines 
        normes. Un médecin d'une importante usine sidért rgique 
        chargé de détecter les causes du bas rendement de quelques 
        travailleurs algériens mis dans les mêmes conditions de vie 
        que l'ensemble des ouvriers de cette même entreprise, constata, 
        après une enquête minutieuse, que les Algériens précités 
        préparant eux-mêmes leurs repas manquaient simple-ment de 
        certaines vitamines. Les travailleurs en question modifièrent, 
        sur les conseils du médecin, la composition de leurs menus et, 
        rapidement, leur courbe de productivité " rejoignit celle 
        de leurs camarades, tandis que, tuée par les vitamines, disparaissait 
        dans cet établissement la légende de la " paresse nord-africaine 
        "...
 ---------Négligeant 
        trop souvent de se procurer des vêtements chauds, les travailleurs 
        algériens sont une proie facile pour la tuberculose. Dans ce domaine 
        également, l'information et l'éducation des émigrants 
        demeurent à faire, tout comme d'ailleurs en Algérie la liaison 
        entre l'enseignement et la santé publique.
 ---------Plusieurs 
        milliers de familles musulmanes sont actuellement installées en 
        France (1). L'émigration familiale a débuté 
        en 1948.
 ---------Une 
        enquête approfondie per mettra d'ici quelque temps de connaître 
        la situation exacte de l'émigration familiale et l'évolution 
        ce ces familles. Vingt-quatre d'entre elles groupant 43 enfants sont fixées 
        dans le bassin de Briey. Les :tommes travaillent ; la mine et touchent 
        des salaires élevés auxquels s'ajoutent les allocations 
        familiales et des avantages en nature. Ces familles sont logées 
        dans des mai-sons ouvrières convenables pourvues de jardinets et 
        disposant de 2, 3, 4 pièces, selon le nombre d'enfants.
 ---------Les 
        enfants sont propres, bien tenus.. Tous ceux d'âge scolaire fréquentent 
        l'école. Ils sont depuis l'âge le plus tendre, vêtus 
        selon la mode française : l'adaptation des enfants s'avère 
        extrêmement rapide. Ils fusionnent et s'entendent très bien 
        avec leurs petits camarades métropolitains Sur aucune des filles 
        nées en France, on ne relève la marque de tatouage. Les 
        intérieurs sont très propres. toutefois le mobilier demeure 
        des plus sommaire. ---------Tous 
        les intérieurs sont identiques. Ceci marque le manque d'influence 
        de la femme dans ce domaine, surtout quand on compare ces intérieurs 
        a ceux des ménages mixtes.
 ---------Les 
        conditions matérielles sont égales, mais dans ces ménages, 
        on trouve des ameublements très coquets et une recherche de confort 
        et de décor.
 ---------Par 
        contre, le vestiaire des lemmes musulmanes est très bien fourni. 
        Ni leur costume ni leur aspect extérieur n'ont subi de modifications. 
        Parfois richement habillées avec de Ires beaux châles et 
        fardées à la mode oranaise, elles sont pour la plupart jeunes 
        et vivent dans l'ombre de leurs maris. Elles se rendent aux consultations 
        médicales et certaines apprennent à tricoter. Bans ces familles, 
        la religion est observée. Le carême a été accompli. 
        Il est peut-être trop tôt pour pouvoir préjuger de 
        l'avenir de ces familles. Un fait est cependant marquant : elles attachent 
        toutes un très grand prix à ce que leurs enfants reçoivent 
        une Instruction française.
 ---------Si, 
        par ailleurs, à Aix-en-Provence, 35 femmes suivaient les cours 
        de l'Ecole ménagère, il n'en est pas moins vrai qu'aucune 
        politique suivie n'existe encore en faveur de l'émigration familiale 
        algérienne.
 ---------Divers 
        services sociaux publics et privés se penchent en France sur les 
        travailleurs nord-africains et leurs familles. Leurs moyens sont toutefois 
        insuf fisants et le manque de coordination des affaires sociales nord-africaines 
        ne leur donne pas toute l'efficacité souhaitable.
 ---------Le 
        problème posé par la présence en Métropole 
        de Français-Musulmans est avant tout un problème économique 
        et social lié à l'absence d'une politique de population. 
        Il dépasse donc largement le cadre des commissariats de police.
 ---------Transplantés 
        en France, tes travailleurs algériens continuent à vivre 
        le plus possible de leur vie particulière. La vie en Métropole 
        n'est très souvent pour eux qu'une vie factice car leur vie intérieure 
        les transporte constamment vers leurs montagnes où sont restés 
        tous les êtres et toutes les traditions qui leur sont chers.
 ---------Leur 
        comportement différent, leur méconnaissance de la langue 
        française les ecartent trop souvent du milieu ouvrier français.
 ---------Notons 
        d'ailleurs que les Pott oirs publics s'efforcent d'arracher cette foule 
        à l ignorance. Une centaine de cours du soir, créés 
        par le Ministère de l'Education Nationale, fonctionnent pour les 
        travail-leurs nord-africains sur l'ensemble du territoire métropolitain. 
        Diverse: méthodes d'enseignement du français adaptées 
        aux Nord-Africains ont été mises au point. Par ailleurs, 
        un sérieux effort est présentement réalisé 
        dans le domaine de la formation professionnelle tant en Métropole 
        qu'en Algérie .
 LE COMPORTEMENT DU NORD-AFRICAIN 
        DANS LA CITE FRANÇAISE ---------Sans 
        vouloir analyser dans le détail ce problème particulièrement 
        étudié dans le cahier n" 20 de l'Institut National 
        d'Etudes Démographiques, nous mentionnerons seulement quelques 
        traits essentiels :---------Tout 
        d'abord, nous insisterons encore sur le fait que si les contacts avec 
        les milieux européens sont rares et difficiles, c'est essentiellement 
        parce que les Nord-Africains sont hélas, trois souvent illettrés
 ---------Ce 
        seul fait les classe aux yeux des Métropolitain: comme des êtres 
        à part, comme des " inconnus dont on ne sait pas et ne peut 
        pas savoir grand'cn ose. Or, dans toute société, " 
        l'inconnu 2 est instinc-Uvement jugé comme quelqu'un qui risque 
        de perturber lès habitudes et la tranquillité du groupe. 
        Ce jugement peut s'avérer faux rosis à priori, on ne sait 
        pas...
 ---------Il 
        est donc certain que la barrière de la langue. une fois abattue, 
        les compte-ses qui existent de ce seul fait tant du côté 
        nord t 'icain que du côté européen, disparaîtront 
        rapidement.
 ---------C'est 
        d'ailleurs l'existence Ce ces complexes q ui contribue à provoquer 
        la mauvaise renommée des Nord-Africains sur le plan de la moralité 
        publique et à entretenir une psychose de tension.
 ---------Un 
        " inconnu s a-t-il commis un quelconque' forfait, qu'automatiquement 
        an songe au Nord-Africain. Et, pour peu qu'une certaine presse (pas toujours 
        désintéressée) renchérisse, il est probable 
        que les jeunes filles de bonnes familles n'oseront plus sortir seules 
        le soir !
 ---------Pourtant, 
        diverses statistiques, dont celles de Ir Préfecture de Police, 
        sont formelles o proportionnellement et en pourcentage, 1e, Nord-Africains 
        ne se conduisent pas plus mal qoie les Européens et il n'est pas 
        douteux qu'il leur reste encore beaucoup à faire avant d'égaler 
        " Pierrot le fou ".ou " le gang des tractions-avant ".
 ---------La 
        misère physique et l'abandon moral sont des facteurs qui poussent 
        vers le mal toutes les colonies
 lcnies de " déracinés ". Or, le campagnard algérien, 
        perdu dans nos cités techniques est moralement totalement abandonné 
        (Mentionnons l'existence de la Mosquée 
        de Paris et de quelques oratoires en province.).
 ---------Des 
        " ponts " peuvent et doivent être jetés. nor, seulement 
        par les Pouvoirs publics, mais encore et surtout par les ouvriers et les 
        industriels français car de la façon dont auront été 
        accueillis en Métropole les travailleurs algériens dependra 
        sûrement un peu l'avenir de cette Union Française que la 
        technique ne saurait bâtir sans l'aide du coeur.
 ---------Les 
        problèmes posés par l'émigration des Musulmans algériens 
        sont nombreux et complexes tant pour l'Algérie que pour la Métropole. 
        Diverses solutions peuvent être envisagées peur les résoudre. 
        Elles dépendent toutefois avant tout de la politique que le Gouvernement 
        entendra adopter non seule-ment en matière d'émigration 
        et de population, mais encore d'une façon générale 
        en matière économique.
 ---------A l'heure 
        présente, l'émigration algérienne résulte 
        du déséquilibre entre la oopulation et les ressources et 
        permet à deux millions de Français-Musulmans de vivre. Seule 
        une augmentation et une sélection rigoureuse des investissements 
        métropolitains pourront contribuer à une certaine expansion 
        de l'agriculture et de l'industrie algérienne qui entraînera 
        le dévelopement de l'emploi et l'augmentation du niveau de vie 
        des populations.---------Mais, 
        quelle que soit, en cours des années à venir, l'ampleur 
        donnée par la Métropole à ces investissements, l'émigration 
        demeurera, pendant un certain laps de temps -incore. une r.ée,essité 
        vitale Aussi convient-il de la valoriser et de la rationaliser tout en 
        ne tolérant pas d'émigration étrangère ni 
        en France ni dans l'Union Française tant qu'il y aura des Français-Musulmans 
        d'Algerie sans travail
 ---------Et, pour 
        achever cette rapide étude d'un des plus graves problèmes 
        humains que la France ait a résoudre, nous pensons qu'il n cal 
        peut-être pas in utile de rappeler les conclusions d'un remarquable 
        article sur l'émigration algérienne publié par M. 
        Al fred Sauvy, Directeur de l'Institut national d'études démographiques, 
        sous le titre " La population franco-algérienne " Les 
        raisons d'une émigration - Des droits de réciprocité 
        " ---------" 
        Un territoire colonial ". ce ne sont pas des mines ou des plantations 
        dom la main-d'oeuvre est l'accessoire, ce sont des hommes qui méritent 
        de vivre et en ont le droit,---------L'association 
        France-Algérie pourra être dissoute. Il faudrait en ce cas 
        rapatrier peu a peu la plupart des 1.100.000 Français établis 
        là-bas. Personne, à notre connaissance, n'a propose une 
        telle solution. Dès lors, la situation est claire : le droit des 
        Français de vivre en terre africaine crée la réciprocité.
 ---------Dira-t-on 
        qu'un problème de minorité risque de se poser et que nous 
        introduisons une population radicalement inassimilable, inadaptable ? 
        Qui peut l'affirmer avec une telle vigueur ?
 ---------Celui 
        qui eut prétendu au XVIè siècle que catholiques et 
        protestants vivraient un jour en commun tout en conservant leur foi, sans 
        aucun trouble, n'aurait pas été pris au sérieux. 
        Les hommes excellent à changer de temps à autre de préoccupations.
 ---------" 
        Cinquante-deux millions de Franco-Algériens, liés par les 
        caprices de l'histoire dans un même des-tin, sont pour 'e moment 
        sépares beaucoup moins oui des caractères héréditaires 
        que par une différence d'éducation, dans le sens le plus 
        large du terme. Céder à la facilite, c'est aller, tôt 
        ou tard, à une séparation qui ne pourra être que violente. 
        Nous devons donc réagit contre nos préjugés et parfois 
        contre notre confort.
 ---------" Mais, surtout, cessons de 
        considérer comme indésirables ces trois cent mille hommes 
        qui, assurant la dualité et la réciprocité du lien, 
        contribuent à le raffermir et nous aident à transformer 
        une demi-servitude en une association qui, unique en son genre, devrait 
        pouvoir, si nous en sommes dignes, être citée, dans une ou 
        deux générations, en exemple au monde entier."
 Jean-Jacques RAGER,Docteur de l'Université d'Alger
 (ès-lettres)
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