|  PRESENTATION GENERALE 
        HISTORIQUE A/ Une plaine presque sans histoire 
        avant les Turcs
 Coincée entre un littoral qui posséda deux capitales (Iol-Caesarea) 
        et (Icosium-Djazaïr des Beni-Mezghana), et un Titteri 
        où furent situés les deux centres de pouvoir d'Achir et 
        de Médéa, 
        la plaine de la Mitidja resta en permanence un territoire dépendant 
        de l'une ou l'autre de ces quatre villes.
 
         
          | Caesarea 
              Mauretaniae (Cherchell) est 
              le nom romain de la ville phénicienne de Iol 
              fondée au IVè siècle avant j-c. Après 
              la chute de Jugurtha en - 105 elle passa sous le contrôle 
              des Romains qui se contentèrent de protéger, tout 
              en les romanisant, les rois de Maurétanie ; et notamment 
              Juba II (-25 +23).
 
 Rome attendit l'an 40 (le vrai en 40) pour annexer de facto la province 
              dont le nouveau roi Ptolémée, fils de Juba II, avait 
              été assassiné à Lyon sur ordre de Caligula.
 
 L'annexion officielle fut décidée par Claude en 44. 
              La Mitidja fit alors partie de cette " Maurétanie Césarienne 
              ".
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          | Achir, 
              près d'Ain-Boucif, fut à partir de 936 
              la capitale du nouveau royaume ziride fondé par Ziri ibn 
              Menad. Le fils de ce dernier, Bologhine ibn Ziri, fortifia sur la 
              côte un ancien port phénicien, puis romain (Icossim-Icosium) 
              qu'il rebaptisa Djazaïr des Beni-Mezghana, à l'emplacement 
              de l'actuel Alger. En fait la Mitidja et le littoral échappèrent 
              très vite à l'autorité des Zirides plus intéressés 
              par l'Ifrikiya (Tunisie) et l'Egypte. La Mitidja devint une dépendance 
              de fait de la ville d'Alger ; son arrière-pays immédiat 
              et nourricier. |  
       1° 
        sur la Mitidja sous les Carthaginois, je ne sais rien de sûr. 
        On peut néanmoins imaginer que des éléphants carthaginois 
        ont pataugé dans les marécages de la plaine ; pas les 37 
        éléphants qui, en -218, ont franchi avec beaucoup de difficultés 
        les Alpes, on ne sait où au juste, pour attaquer Rome en vain, 
        car ils étaient partis d'Espagne. Mais ceux qui ont aidé 
        Hasdrubal à créer précisément cette Espagne 
        carthaginoise autour de la ville de Carthagène, la bien nommée, 
        en -227.      2° 
        La Mitidja romaine est un peu mieux connue Elle appartient à la Maurétanie Césarienne administrée 
        par un procurateur qui dépendait directement de l'Empereur et qui 
        n'avait à sa disposition que des troupes auxiliaires. Donc pas 
        de légionnaires dans la Mitidja. Le procurateur résidait 
        à Cherchell.
  On y a identifié quelques ruines romaines très 
        modestes : rien qui ressemble à une ville ou à une chaussée 
        empierrée. La ville la plus proche était sur la côte, 
        à Tipasa. Seules quelques pierres taillées ont été 
        trouvées, parfois enfouies profondément, comme celles aperçues 
        près de Blida en creusant un puits. Il est certain qu'en deux millénaires 
        les pierres romaines ont eu le temps d'être ensevelies sous les 
        alluvions descendues de l'Atlas, ou d'être récupérées, 
        plus tard, pour bâtir quelques fermes ou haouchs plus solides que 
        les gourbis traditionnels.  La Mitidja romaine est restée à l'écart 
        des itinéraires majeurs. La route stratégique Est-Ouest 
        principale avait été tracée beaucoup plus au sud. 
        Entre leurs provinces d'Afrique les Romains avaient aménagé, 
        de la Proconsulaire (Tunisie) à la Tingitane (Oranie, Maroc) une 
        sorte de rocade qui reliait Sitifis (Sétif) à la vallée 
        du Chéliff par Auzia (Aumale), Rapidum (Masqueray) et Tirinadi 
        (Berrouaghia). Le camp romain principal était celui d'Auzia, le 
        plus proche de la Mitidja, celui de Thanaramusa, près de Berrouaghia.  En 212 les berbères 
        de la Mitidja, avec l'édit de Caracalla, 
        sont tous devenus citoyens romains. On peut donc dire, soit qu'il n'y 
        avait que fort peu de Romains dans la plaine, soit qu'il étaient 
        tous romains après 212. En réalité cette citoyenneté 
        juridique n'a pas dû modifier grand chose. Et pas davantage le christianisme 
        qui a connu quelques succès limités.  J'ignore s'il subsistait encore de vrais Romains en 429. 
        Si oui, ils ont été éliminés ou chassés 
        par les Vandales. Surtout la minorité qui s'était convertie 
        au catholicisme, car les Vandales avaient adopté l'hérésie 
        arienne. 
         
          | 
 
    
              
                | Seuls les Vandales (trait vert) sont venus 
                  en Afrique. NB. L'empire romain d'Occident disparut en 476
 NB. Les vandales ont saccagé Rome en 455
 Les Wisigoths l'avaient déjà saccagée en 
                  410
 |  |   On peut noter, tout en s'en étonnant, que malgré 
        plusieurs siècles de présence, il n'est resté des 
        Romains, en Algérie dans son ensemble, que des pierres et des ruines 
        de villes. Ils ont raté leur colonisation, autant que nous, voire 
        plus. La langue latine a été totalement oubliée, 
        alors qu'ailleurs, elle a donné naissance au français, au 
        portugais, à l'espagnol et à l'italien. Le christianisme, 
        encore présent en 647, a été éradiqué 
        au Maghreb, alors que des minorités chrétiennes ont subsisté 
        jusqu'à nos jours au Liban, en Syrie, en Irak et en Egypte ! Le 
        berbère s'est donc révélé parfaitement inassimilable. 
        Cependant, plus tard, il adoptera la religion des nouveaux conquérants 
        musulmans ; et parfois leur langue.        4 
        ° Les Vandales n'ont fait que traverser la MitidjaLes Vandales avaient franchi le détroit de Gibraltar sur des navires 
        romains ! En effet Rome leur avait consenti le statut de fédérés, 
        donc d'amis. En Espagne ils étaient soumis à la pression 
        des Wisigoths (le trait noir de la carte ci-dessus) et ils saisirent volontiers 
        l'occasion de partir lorsqu'un gouverneur romain de Maurétanie 
        (Bonifacius) les appela à l'aide 
        contre l'autorité de la régente à Rome (Placidie 
        depuis la mort d'Honorius en 423).
 Leur chef était Genséric. On estime le nombre des guerriers 
        à au moins 30 000, plus les membres de leurs familles. Une fois 
        débarqués près de Tanger, au printemps 429 
        ils se divisèrent en plusieurs dizaines de bandes qui 
        se mirent en marche vers l'est en saccageant la Maurétanie. Certaines 
        bandes, sinon toutes, traversèrent la Mitidja. L'une de ces bandes 
        prit le temps de raser les murailles de Caesarea (Cherchell) et de Tipasa 
        ; signe qu'elle n'avait pas l'intention de se fixer en ces lieux. Cela 
        n'empêcha pas Genséric d'obtenir de Rome, en 435, la confirmation 
        de son statut de fédéré avec possession de la Mitidja. 
        Mais le but véritable de Genséric était la prise 
        de Carthage qu'il conquit en 439 et dont il fit la capitale d'un royaume 
        dont les limites n'englobaient pas la Mitidja.
  Pourtant, autant que l'on puisse en juger, Rome n'a rien 
        tenté pour réoccuper un territoire laissé libre après 
        le départ de la horde vandale. Les textes n'ont gardé aucune 
        trace d'une quelconque réaction du pouvoir impérial : voilà 
        qui en dit long sur la dissolution interne d'un empire d'Occident voué 
        à disparaître bientôt, en 476 précisément.  Après la conquête de Carthage par les Byzantins, 
        les hommes en âge d'être soldats furent déportés 
        à Constantinople pour y être engagés dans l'armée 
        impériale et combattre sur d'autres fronts. Les autres, les femmes 
        et les enfants restèrent en Afrique et se fondirent dans la population 
        berbère locale. De l'Afrique vandale il ne resta rien, sinon une 
        mauvaise réputation sans doute injustifiée, à cause 
        du discours d'un député à la Convention à 
        Paris vers 1793/1794 ; celui de l'abbé Grégoire. Voulant 
        stigmatiser les pillards parisiens de son époque, il les traita 
        de vandales, épargnant ainsi la mémoire des Wisigoths et 
        des Ostrogoths qui ne devaient pas valoir mieux.       5° 
        La Mitidja est très marginale pour les Byzantins 
         
          | 
  
 
               
                | En bistre les provinces reconquises par 
                  Byzance |  |  Carthage est conquise en 533, ainsi que la Tunisie. Les 
        deux étoiles de la carte situent les deux batailles décisives 
        perdues par les Vandales. Au delà de Sétif et d'Auzia (Aumale) 
        les troupes du général Bélisaire, sous l'empereur 
        Justinien (527/565), n'ont occupé que les ports de Cherchell et 
        de Tipasa. S'ils sont passés par la Mitidja, les Byzantins ne s'y 
        sont pas installés. Cela a permis aux tribus de la plaine d'échapper 
        aux troubles de la période : exactions fiscales, persécutions 
        religieuses et mutineries de soldats. De toute façon, à 
        partir des années 550, la priorité militaire de Byzance 
        fut de combattre les Ostrogoths.   Il est probable qu'à l'écart du littoral 
        l'effacement de Byzance a entraîné une sorte d'anarchie politique 
        : le pouvoir central disparu ou très affaibli n'a pu s'opposer 
        à la résurgence de formes de pouvoir tribales. Le pouvoir 
        s'est éparpillé en reprenant, chez les indigènes 
        berbères, les traditions ancestrales.
 6° La 
        " colonisation " arabe de la Mitidja fut réussie
 Je mets le mot colonisation entre guillemets car le but des compagnons 
        d'Okba ben Nafi, n'était nullement 
        de coloniser, mais de conquérir et sans doute aussi de propager 
        les paroles du nouveau prophète Mahomet. Il menait un djihad et 
        proposait la conversion aux vaincus païens, chrétiens et juifs, 
        sans la leur imposer. Les conversions auraient été rapides, 
        favorisées, pense-t-on, par le fait que les berbères échappaient 
        ainsi au paiement de deux impôts spéciaux : la capitation 
        et l'impôt foncier. Il se peut également que les chrétiens 
        aient été préparés à l'acceptation 
        d'un nouveau monothéisme plus simple que les précédents 
        car ignorant les querelles théologiques sans fin sur la double 
        nature du Christ.
  L'invasion arabe en Tunisie a commencé en 647 
        ; le passage du détroit dit de Gibraltar par Tarik 
        ibn Ziyad est de 711. Les arabes sont donc arrivés dans 
        la Mitidja entre ces deux dates, et sont restés assez longtemps 
        pour avoir islamisé les berbères et pour les enrôler 
        dans un djihad vers l'Europe où les occasions de pillage ne seraient 
        pas rares.  Pour l'arabisation ce fut plus long. L'arabe étant 
        la langue des nouveaux maîtres, il est sûr que l'ascension 
        sociale, ou plus simplement les contacts avec les représentants 
        du pouvoir, exigeaient de connaître quelques mots d'arabe parlée. 
        Il ne s'agissait pas de l'arabe du Coran, mais d'un arabe des bédouins 
        d'Egypte, que nous appellerions dialectal. En 1830 le processus était 
        allé à son terme dans les plaines, mais pas dans les montagnes 
        de l'Atlas tellien. Entre 1830 et 1842 les rapports des officiers français 
        qualifiaient de Kabyles les populations de l'Atlas qui venaient piller 
        les premières fermes de la Mitidja.  Entre le XIè siècle et 1515 (arrivée 
        des Turcs) la Mitidja disparut des chroniques et demeura une région 
        sans histoire malgré les nombreux passages des conquérants 
        venus de l'est, de l'ouest et même du sud 
        
          | 
              Quelques jalons : 
                | vers 950 les Zirides venus d'Achir, vers 1000 les Hammadides venus de Bougie,
 vers 1100 les Almoravides venus de Marrakech
 vers 1200 les Almohades venus de Marrakech
 vers 1300 les Hafsides venus de Tunis
 vers 1350 les Zianides (ou Abdelwadides) venus de Tlemcen
 vers 1400 les Mérinides venus de Fès.
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 .
 
 
     B/ La Mitidja turque 
        1515-1830
 Avec la conquête turque la Mitidja renoue avec une histoire écrite, 
        précisément datée et localisée. Les Turcs 
        y furent souverains durant 315 ans.
       1° 
        La conquête fut quasi accidentelle et très facileElle fut accidentelle car ce sont les Algérois, du moins leur chef 
        Salim el Teumi, qui appelèrent au secours, contre les Espagnols, 
         Baba Aroudj, un corsaire grec renégat 
        entré au service des Turcs et entouré d'un halo d'invincibilité. 
        En 1515 Aroudj et son frère Kheir ed Din (plus tard sur nommé 
        par nous Barberousse) accoururent, prirent la ville, tuèrent Salem 
        el Teumi qui était le chef d'Alger et aussi de la tribu qui dominait 
        la Mitidja. Ils occupèrent leurs compagnons en les lançant 
        à la conquête de la Mitidja et des montagnes du Titteri et 
        du Zaccar. Il ne leur fallut que quelques semaines pour soumettre toutes 
        les tribus de la plaine.
 Après la mort de son frère, Kheir 
        ed Din se plaça sous la protection du sultan de Constantinople 
        qui légitima sa conquête, lui envoyant 12 000 janissaires 
        tout de suite et des administrateurs ensuite. C'est ainsi que la Mitidja 
        devint turque et ottomane pour 315 ans.
       2° 
        La Mitidja turque fit partie du Dar es SoltaneCe qui signifie qu'elle dépendait directement du dey d'Alger. Elle 
        fut divisée en quatre outhans (ou 
        districts) qui découpaient la plaine en quatre bandes méridiennes 
        dont les noms et localisations approximatives sont indiqués sur 
        le croquis ci-dessous.
 
         
          | 
  
 
               
                | NB. Le tunnel n'a été creusé qu'en 
                  1930 par les Français pour vider le lac Halloula et lutter 
                  contre le paludisme. |  |   A la tête de chaque outhan le dey nommait un caïd, généralement 
        turc ; et le caïd avait pour adjoint des cheikhs généralement 
        arabophones, voire arabes. Au-dessus des quatre caïds, un agha (chef 
        militaire) dit agha des arabes. C'est lui qui nommait les cheikhs, après 
        que ceux-ci lui aient offert des cadeaux jugés suffisants. Curieusement 
        les cheikhs n'avaient pas le droit de résider dans leur tribu, 
        afin de ne pas être tentés de prendre le parti de leurs administrés.
 
 Les Turcs répartirent les tribus en deux catégories : les 
        tribus du Makhzen supérieur 
        (les Hadjoutes seuls) et les tribus raïas (les autres). Les tribus 
        raïas payent tous les impôts, y compris les exceptionnels, 
        à chaque investiture d'un nouveau dey par exemple. Les tribus Makhzen 
        sont exemptées des impôts non coraniques mais doivent fournir 
        au dey ou aux agents du dey un appui militaire en cas de besoin. Le besoin 
        le plus fréquent, annuel, était la collecte des impôts. 
        Les Hadjoutes devaient aider les cheiks dans cet exercice impopulaire, 
        d'autant plus impopulaire que chacun savait que les cheikhs gardaient 
        pour eux une partie de la collecte. L'agha était aussi le responsable 
        de la sécurité des fellahs, souvent troublée par 
        les incursions des tribus montagnardes de la plaine. Les Turcs, ayant 
        conquis ces montagnes, installèrent un bey du Titteri à 
        Médéa en 1548 et un autre, du Zaccar, à Miliana.
  Tous les ans , au printemps, la Mitidja était 
        traversée par une troupe de janissaires qui montaient à 
        Médéa pour aider le bey du Titerri à collecter les 
        impôts. Une fois la collecte achevée, ils redescendaient 
        pour porter le trésor à Alger et le remettre au Khasnadar, 
        trésorier du dey. Tous les trois ans le bey devait se rendre en 
        personne à Alger pour y déposer son tribut et obtenir son 
        maintien en fonction. Il faisait halte à Blida, la seule agglomération 
        protégée par une muraille pourvue de 5 portes fermées 
        la nuit et gardées.       3° 
        Blida est la seule ville de la Mitidja turque Et elle est toute récente. Cette cité a été 
        créée à l'époque turque, pour héberger 
        des réfugiés morisques fuyant l'Espagne. Ces musulmans convertis 
        de force au christianisme après 1499 supportaient mal cette situation. 
        De surcroît les autorités espagnoles se méfiaient 
        d'elles estimant leur nouvelle foi fragile. Sans être chassés, 
        certains ont pris la décision d'émigrer vers un pays musulman. 
        Les autres ne seront chassés qu'en 1609. La date retenue pour la 
        création de Blida est 1533 ou 1535. Ces morisques ont apporté 
        avec eux leur savoir-faire agricole qui maîtrisait notamment les 
        techniques d'irrigation.
 
 La Blida turque eut quatre rôles principaux :
 -ville 
        de garnison,
 -ville 
        étape sur la route de Médéa,
 -ville 
        de relégation,
 -ville 
        de plaisir enfin.
 
 Les militaires devaient, d'une part sécuriser une étape 
        importante sur les chemins conduisant au sud par Médéa, 
        et à la vallée du Chéliff par celle de l'Oued Djer 
        ; et d'autre part protéger les jardins du piémont contre 
        les pillards de l'Atlas.
 
 Les fonctionnaires en disgrâce y attendaient le changement de dey 
        et une grâce éventuelle.
 
 
         
          | Les militaires et la plupart 
            des fonctionnaires étaient sans famille ou l'avaient laissée 
            à Alger. La présence de ces célibataires obligés 
            eut deux conséquences à Blida : |   
          |  | - le grand nombre des prostituées 
            ; un Mezzouar était nommé. Ce fonctionnaire était 
            spécialisé dans la gestion de tous les problèmes 
            associés à cette profession ; |   
          |  | - le grand nombre des Koulouglis, 
            métis nés d'un père turc et d'une mère 
            indigène. Ces Koulouglis étaient craints par les indigènes pour 
            ce qu'ils avaient de turc et méprisés par les Turcs 
            pour ce qu'ils avaient d'arabe ou de berbère. Quand, en 1830 
            la France aida au " rapatriement " vers Salonique des officiels 
            turcs, les Koulouglis ne furent pas du voyage et restèrent 
            en Algérie.
 |  Peu avant la conquête française la ville 
        eut à souffrir de deux malheurs qui l'affaiblirent : en 1817 une 
        épidémie de peste, et au printemps 1825 un séisme 
        qui ébranla les murailles, détruisit des maisons et , plus 
        grave, des mosquées. Il aurait tué la moitié de la 
        population qui serait tombée de 6000 à 3000 habitants.       4° 
        Quelle mise en valeur ?La Mitidja turque était-t-elle riche ? Difficile à dire 
        tant les témoignages diffèrent sur sa richesse, tout en 
        s'accordant pour accabler les trois siècles de gestion turque. 
        En 1727 le consul des Etats-Unis, Schaler, a vu " de riches pâturages, 
        de nombreux troupeaux et de splendides jardins " là où 
        le capitaine de Saint-Arnaud, en 1838 n'a vu que des " mares boueuses 
        et des fossés ".
 
 Il est sûr que quelques haouchs étaient prospères, 
        possédés le plus souvent par des propriétaires absentéistes, 
        arabes ou turcs, qui vivaient à Alger, loin des fièvres 
        de la plaine. Sur place les travaux agricoles étaient assurés 
        par des khammès, (métayers). Le propriétaire y venait 
        de temps à autre ; de préférence hors des mois à 
        moustiques. Il est tout aussi sûr qu'il y avait des fellahs modestes 
        qui donnaient vie aux nombreux souks hebdomadaires ; et qu'il y avait 
        des marécages. En fait la Mitidja était diverse ; plus saine 
        et cultivée au sud, au pied de l'Atlas, et à l'est ; plus 
        pauvre et paludéenne au nord et à l'ouest où le lac 
        Halloula stérilise des milliers d'hectares.
  Ces marécages, les Turcs les connaissaient, mais 
        l'idée d'engager des travaux de drainage ne leur est jamais venue. 
        A vrai dire, hors de la ville de Blida, les Turcs n'ont bâti qu'une 
        seule infrastructure durable : un pont sur l'Harrach (voir 
        sur ce site: 
        l'Harrach) 
        construit en 1697 et restauré en 1735. En 1724, pour protéger 
        ce pont situé près d'Alger, ils avaient installé 
        le bordj Sidi Yahia : un fort de forme 
        carrée. Cette forme serait à l'origine du toponyme français 
        de Maison-Carrée. C/ La Mitidja et la France       1° 
        Douze ans de conquête, difficileLa conquête fut longue, en partie parce que la décision de 
        conquérir fut tardive. La prise d'Alger avait été 
        décidée par Charles X que la révolution de juillet 
        1830 écarta bientôt du pouvoir. Son successeur, Louis-Philippe, 
        et le président du conseil, Casimir Perrier, ne savent que faire 
        de cet encombrant héritage. Fallait-il partir ? Ou rester et donc 
        contrôler l'arrière-pays ? La décision de rester ne 
        fut prise qu'en juillet 1834.
 Elle fut très difficile en raison d'une forte résistance 
        qu'il fallut combattre, dans la Mitidja, jusqu'à la fin 1839 ; 
        voire au-delà à certains endroits.
  Par ailleurs elle fut menée par des commandants 
        en chef qui n'eurent pas la même stratégie, et qui restaient 
        en poste trop peu de temps : 8 responsables furent nommés entre 
        de Bourmont en 1830 et Bugeaud nommé en 1840. Ce dernier fut une 
        exception car il resta en poste 5 ans. Il ne se contenta pas de consolider 
        notre présence dans la Mitidja : dans la foulée de sa lutte 
        conte Abd-el-Kader, il conquit presque toute l'Algérie, sauf la 
        Kabylie.  Voici la liste de ces chefs. Les 5 premiers eurent le 
        titre de Commandant en chef ; les suivants celui de Gouverneur Général. 
        Tous étaient des officiers supérieurs, lieutenants-généraux 
        ou maréchaux. La date mentionnée est celle de la prise de 
        fonction théorique et non celle de l'arrivée à Alger. 
         
          | 
               
                | Louis de Bourmont | 31/01/1830 |   
                | Bertrand Clauzel | 12/08/1830 et 7/07/1835 |   
                | René Berthezène | 31/01/1831 |   
                | René Savary | 6/12/1831 |   
                | Théophile Voirol | 29/04/1833 |   
                | Jean-Baptiste Drouet d'Erlon | 27/07/1834 |   
                | Charles Denys de Damrémont | 12/02/1837 |   
                | Sylvain Valée | 13/10/1837 |   
                | Thomas-Robert Bugeaud | 2/02/1841 |   
                | NB Je n'ai pas tenu compte des intérimaires |  |              -1a/ 
        1830-1834 fut le temps des hésitations 
        et des opérations de reconnaissanceLe 6 juillet 1830, au lendemain de 
        la prise d'Alger, de Bourmont franchit l'Harrach sur le pont turc de 1697 
        et longe la limite nord de la Mitidja pour aller au cap 
        Matifou voir, d'en face, la ville d'Alger
 Le 22 juillet 1830, 
        avec 1200 soldats il traverse toute la Mitidja jusqu'à Blida : 
        simple reconnaissance sans idée d'une prise de la ville qui aurait 
        exigé un siège. Il reçoit une délégation 
        de notables de la ville : entrevue sans suite. Sur le chemin du retour, 
        le 24 juillet, il est harcelé par les tribus. Il ne laisse pas 
        de soldats près de Blida, mais a pu constater le mauvais état 
        des murailles. Le 17 novembre 1830 
        c'est Clauzel qui traverse la Mitidja 
        pour monter à Médéa et y châtier le bey Bou 
        Mezrag qui nous a trahis après une apparente soumission. Il arrive 
        à Blida le 18, s'empare de la ville, installe une garnison et transforme 
        une mosquée en hôpital. Le 21 il repart pour Médéa. 
        Le 26 les tribus attaquent la garnison qui tient bon, et gênent 
        la progression des éléments de renfort. 
         
          | NB1 Blida joua 3 fois encore 
            le rôle de gîte d'étape sur le chemin de Médéa 
            ; en juin 1831 avec Berthezène
 en août 1836 avec Clauzel
 en mai 1840 avec Valée
 
 NB2 A cette époque le chemin de Médéa ne remontait 
            pas les gorges de la Chiffa (voir 
            sur ce site: 
            les gorges) alors 
            impraticables, mais gravissait le djebel Mouzaïa qui était 
            franchi par un col haut de 1 043m.
 |              -1b/ 
        1834 fut décisive pour trois raisons : une parisienne et deux locales.Le 22 juillet 1834 est publiée 
        une ordonnance royale qui décide que la France restera en Algérie. 
        Par conséquent Louis-Philippe nomme un " Gouverneur Général 
        des possessions françaises dans le nord de l'Afrique " au 
        lieu d'un commandant en chef. Le premier fut Drouet 
        d'Erlon qui dut contrôler les environs d'Alger, à 
        commencer par le Sahel et par la Mitidja.
 Le 15 juin 1834 Voirol 
        attaque les Hadjoutes dans leur territoire 
        et engage un conflit à répétitions contre notre adversaire 
        principal. Les tribus du centre de la Mitidja, Beni-Moussa et Beni-Khelil, 
        nous ont aidés en rejoignant le camp français. Les tribus 
        montagnardes, surtout du côté de la Kabylie, ont aidé 
        les Hadjoutes en nous obligeant à combattre aux deux extrémités 
        de la plaine.  Fin 1834 un camp militaire 
        fortifié permanent est envisagé près du lieu-dit 
        Bou Farik où se tenait, le lundi, un souk très fréquenté 
        dans une zone marécageuse. Ce camp est appelé d'abord camp 
        d'Erlon ; puis après que des européens aient 
        été autorisés à venir commercer, le Bazar 
        d'abord et Médina Clauzel ensuite. 
        Il se forma ainsi une sorte de village informel qui obtint, le 20 septembre 
        1836, une consécration officielle avec la création du centre 
        de colonisation de Boufarik, pour 
        142 familles.             -1c/ 
        1835-1838 4 ans d'insécurité due au harcèlement 
        constant des postes et des fermes français par tous les arabes 
        et berbères qui demeuraient hostiles aux infidèles ; et 
        notamment à l'ouest par les Hadjoutes et à l'est par les 
        Kabyles. La stratégie française fut de multiplier les camps 
        militaires, surtout au pied de l'Atlas. La nécessité de 
        les ravitailler et d'assurer la rotation des troupes, entraîna la 
        hausse des embuscades contre nos convois et nos détachements. Il 
        était aussi quasi impossible de sécuriser les environs de 
        Boufarik (20 colons sont surpris et massacrés en juin 1837 près 
        de Boufarik ; ils étaient pourtant armés mais avaient laissé 
        leurs armes un peu à l'écart).
 En mai 1838 Valée améliore 
        le dispositif en créant au nord de Blida deux nouveaux camps dit 
        supérieur et inférieur (origine des villages de Joinville 
        et Montpensier créés en 1843). Il s'agissait de sécuriser 
        les routes de Médéa et du Chéliff. Contre les Hadjoutes, 
        le général Berthois avait imaginé la création 
        d'un obstacle susceptible de bloquer les cavaliers. Cet obstacle, appelé 
        " fossé continu " était un fossé, de préférence 
        ennoyé, et ponctué de blockhaus en bois tous les 500m. Ce 
        fossé resta inachevé, après la soumission des Hadjoutes 
        en 1842, mais les blockhaus furent utiles aux colons : ils leur servirent 
        de réserves de planches.
 
         
          | 
              Il est possible de cliquer 
                sur la carte pour l'agrandir.
  
                
                  | Remarquez l'étendue des marais (hivernaux) en 
                    bordure du Sahel Le camp du Hamiz est à l'origine du village de Fondouk
 Le camp de Kara Mustapha est au-dessus de la plaine et vulnérable
 Le projet de fossé 
                    continu suivait à peu près le tracé de 
                    l'oued Chiffa
 |  |              -1d/ 
        Le désastre de l'automne 1839 fut l'un des épisodes 
        les plus sanglants de la lutte contre Abd-el-Kader. Ce dernier avait signé 
        avec les Français un accord dit de la Tafna le 30 mai 1837, selon 
        lequel la Mitidja était à nous. Mais les deux textes, arabe 
        et français, étaient peu clairs en ce qui concerne la limite 
        de la Mitidja du côté de la Kabylie. Or, du 23 octobre au 
        2 novembre Valée conduisit personnellement les troupes qui relièrent 
        Sétif à Alger à travers un territoire qu'Abd-el-Kader 
        considérait comme sien en vertu de l'article 2 de l'accord.Le 18 novembre il nous déclara 
        le djihad.
 le 19 ses khalifas saccagèrent 
        la Mitidja en massacrant les chrétiens et les musulmans qui travaillaient 
        pour eux.
 Le 20 un convoi est surpris et massacré.
 Le 21 unité perd 105 soldats 
        près d'Oued-el-Alleug. Les Hadjoutes emportent 98 têtes.
 
         
          |  
 
                 
                  | J'estime l'aspect des fermes des colons peu crédible. 
                    Par contre le mode de leur décollation est tout à 
                    fait vraisemblable. |  |  Décembre fut un mois désastreux pour la 
        Mitidja. Valée fit évacuer 
        tous les postes militaires sauf 5 ; à savoir Kara Mustapha, Arba, 
        Fondouk, Blida supérieur et Maison-Carrée. Ce dernier servait 
        de base de départ pour tous les envois de renforts ou de vivres. 
        Il ordonna aussi de replier de force les colons survivants.   
         
          | 
 | Valée 
            fut remplacé par Bugeaud qui décida d'attaquer les Hadjoutes 
            sur leurs terres à l'ouest de l'oued Ameur-el-Aïn. C'est 
            son adjoint Théodule Changarnier qui 
            reçut leur soumission en juin 1842, 
            mettant fin ainsi à 12 ans de brigandage. La mise en valeur 
            et la colonisation de la Mitidja par des fermiers devint possible. 
 Changarnier s'était déjà illustré en août 
            1840 en venant au secours du camp de Kara Mustapha, menacé 
            par les troupes du khalifa Ben Salem. La garnison fut sauvée, 
            mais le camp, trop vulnérable aux lisières de la Kabylie 
            fut abandonné.
 
 On avait vainement essayé d'engager les Hadjoutes, en tant 
            que tribu makhzen, parmi nos auxiliaires. Mais ils n'acceptèrent 
            pas de servir des infidèles comme ils avaient servi les Turcs 
            : ils avaient une foi aussi bien chevillée au corps qu'un turban 
            sur la tête de son mollah. Pourtant, près d'Oran, les 
            Douairs et les Smelas, dans le même cas avaient accepté.
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