
        Le Vapeur Lydford
          Échoué sur les Rochers de Saint-Eugène 
        Le vapeur Lydford s'est 
          échoué, dimanche, sur un haut-fond situé à 
          3oo mètres en face de Saint-Eugène. 
          
          Ce navire, qui jauge 2,575 tonneaux, était arrivé à 
          Alger aux premières heures de la matinée de dimanche, 
          venant de Nicolaïeff, avec un chargement complet de grains. Après 
          avoir fait le plein de ses soutes, le Lydford reprenait la mer dans 
          le même jour, à une heure et demie de l'après-midi, 
          à destination de Hambourg. Le capitaine, à la passe, remerciait 
          le pilote de ses bons offices et, après avoir doublé la 
          bouée à feu vert qui marque le prolongement de la jetée 
          Nord, faisait route vers l'Ouest. Le temps était clair avec brise 
          d'Est rendant la mer légèrement clapoteuse. 
          
          Vingt minutes après, le Lydford était au plein, sur un 
          haut-fond en face de l'endroit appelé les " Deux Chameaux 
          ". Le vapeur, frappant de l'avant sur le plateau, s'y était 
          engagé sur près de la moitié de sa longueur, la 
          partie arrière flottant et le navire donnait aussitôt une 
          légère bande. L'orientation du navire était Ouest-Est. 
          
          
          Aussitôt que fut connue à Alger la nouvelle de l'échouement, 
          quatre remorqueurs, l'Arlésienne, du Service du Pilotage ; la 
          Suzanne, de la Compagnie Générale Transatlantique ; la 
          Garonne, le Surcouf, à MM. Schiaffino et Prosper Durand, se rendaient 
          sur le lieu de l'accident et offraient leurs services au capitaine du 
          Lydford pour tenter de mettre à flot le navire. 
          
          Le commandant déclina ces offres pour la Suzanne, le Surcouf 
          et la Garonne, mais retint l'Arlésienne, à bord duquel 
          se trouvait le pilote Grégori qui, de concert avec le capitaine, 
          prenait les dispositions nécessaires pour essayer le renflouement. 
          
          
          A minuit, malgré plusieurs tentatives, la situation du vapeur 
          ne s'était pas modifiée. Cependant, le vent et le courant 
          aidant, l'orientation du Lydford avait changé et l'étrave 
          se trouvait dans la direction Nord-Ouest, la muraille tribord recevant 
          en plein la houle de l'Est. 
          
          A ce moment, les pompes du bord rejetaient de l'intérieur du 
          navire une grande quantité d'eau, ce qui faisait supposer qu'une 
          voie d'eau, provenant d'une déchirure de la flotte, s'était 
          produite. Mais le navire, étant à compartiments étanches, 
          l'envahissement de l'eau était localisée dans un compartiment. 
          Cette nouvelle position semblait avoir aggravé sa situation. 
          
          
          De l'avis des gens de mer, on ne peut s'expliquer l'échouement 
          du Lydford que par une avarie survenue au gouvernail ou à la 
          machine. Si ces deux organes fonctionnaient normalement au moment de 
          l'échouement, il ne reste à conjecturer qu'une imprévoyance 
          inadmissible, car le navire n'était pas dans sa route et avait 
          le cap vers le Sud-Ouest, c'est-à-dire sur la côte de Saint-Eugène. 
          
          
          Favorisées par le beau temps, les opérations de renflouement 
          du vapeur anglais ont continué pendant la nuit et la matinée 
          et ont été fort heureusement menées à bien. 
          Dès le matin, le vapeur côtier Aurore venait se ranger 
          près du Lydford. Un scaphandrier faisait alors plusieurs plongées, 
          relevant exactement la nature des fonds, par rapport à la " 
          souille " du Lydford et venait ensuite faire part de ses observations 
          à M. Ch. Schiaffino qui dirigeait le sauvetage. C'est sur ces 
          données que les travaux de renflouement, après plusieurs 
          tentatives infructueuses, amenaient enfin le résultat espéré. 
          A 11 h. 40 du matin, sur la puissante action de l'Aurore et des remorqueurs, 
          le Lydford glissait dans sa " souille " et flottait librement. 
          Précédé de l'Aurore et convoyé par les remorqueurs, 
          le vapeur faisait route sur le port par ses propres moyens et, à 
          1 heure de l'après-midi, s'amarrait aux quais Bab-Azoun, au poste 
          Sud des Hangars-Abris de la Chambre de Commerce. 
          
          Ajoutons que les pompes du navire échoué n'ont pas cessé 
          de fonctionner depuis son renflouement, épuisant l'eau qui pénètre 
          par les disjonctions de tôles. On pense qu'il sera nécessaire 
          de le faire passer dans la grande forme du radoub avant d'entreprendre 
          la continuation de son voyage.