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        ---------Élégante 
          villa, datant vraisemblablement du XVIIIè siècle, le Bardo 
          dissimule ses murs blancs parmi les frondaisons d'un parc exotique. 
          Cette belle résidence où un prince tunisien aurait abrité 
          son exil, est le type même de ces maisons des champs que les riches 
          citadins d'El-Djezaïr aimaient à se faire bâtir. Ses 
          propriétaires successifs eurent le bon goût de respecter 
          l'harmonieuse ordonnance de son architecture, aussi lorsqu'à 
          l'occasion du centenaire de l'Algérie l'Etat en fit l'acquisition 
          pour y établir un musée de préhistoire et d'ethnographie, 
          son cadre se révéla-t-il un décor idéal 
          où le professeur Marçais put reconstituer des scènes 
          familières la vie musulmane.---------La 
          cour, dallée de marbre blanc et noir, charme par la grâce 
          de ses proportions ; les sveltes colonnades de trois portiques, les 
          feuilles des strélizias et le fût noir d'un cyprès 
          s'y reflètent dans un miroir d'eau; seul le ruissellement discret 
          d'un jet d'eau dans une vasque souligne le calme ambiant.
 ---------Un 
          café maure, décoré de naïves enluminures, 
          aligne ses tasses et ses verres sur une étagère faïencée 
          ; des jeux de cartes, de dominos, de dames s'étalent sur sa banquette 
          recouverte de nattes... Dans une salle voisine sont rassemblés 
          des panoplies d'armes, des instruments de musique, divers ornements 
          cultuels.
 ---------Sur 
          le vestibule s'ouvre une pièce étroite et longue dont 
          les murs s'ornent d'une magnifique collection de faïences de Delft.
 ---------Montant 
          à l'étage, le visiteur débouche dans un patio dont 
          les huit arcs sur colonnes torsadées supportent une coupole octagonale 
          ; son regard est tout de suite sollicité par la scène 
          " Femmes d'Alger dans leur intérieur " qui, 
          librement inspirée de la célèbre toile d'Eugène 
          Delacroix évoque jusque dans le détail un intérieur 
          algérois aux environs de 1830, ses meubles, ses bibelots au milieu 
          desquels des femmes en costumes d'époque conversent autour d'une 
          table de goûter Dans une autre pièce, l'on trouve, sous 
          vitrines, des mannequins habillés de costumes de différentes 
          régions et de différentes époques, des chaussures, 
          des coiffures, l'outillage de artisans du costume. Tous ces documents 
          ethnographiques sont d'autant plus intéressants qu'ils perpétuent 
          le souvenir de modes qui se perdent ou ont évolué sensiblement. 
          Une petite salle est réservée aux costumes tunisiens, 
          une autre à divers type. de poteries berbères. Ailleurs 
          des lances, poignards, boucliers, selles, bijoux et jouets rappellent 
          les moeurs et coutumes du Sahara et, plus particulièrement, du 
          Hoggar.. C'est là qu'ont été réunis colliers 
          et autres accessoire trouvés à Abalessa, dans le monument 
          de Tin Hinan, oi l'on pense qu'aurait été inhumée 
          la première reine du Hoggar, vers le temps où régnait 
          Constantin.
 ---------Mais 
          le fonds le plus important du musée est, sans conteste, constitué 
          par les cinq salles de préhistoire qui, aménagées 
          dans les anciennes écuries, contiennent outre les belles collections 
          de M. Reygass (conservateur du musée depuis sa création) 
          , les résultats de plus récentes découvertes.
 ---------Au 
          fil des salles, l'on découvre des séries d'une valeur 
          exceptionnelle de pièces du paléolithique inférieur 
          de l'Afrique du Nord (entre autres, l'admirable collection d'outils 
          acheuléens
 d'El-Ma-el-Abiod) , du paléolithique moyen (moustérien, 
          atérien, S'Baikien, dont les plus nombreux spécimens connus 
          sont ici rassemblés), du paléolithique supérieur 
          que représentent des milliers de pièces de l'industrie 
          capsienne provenant de la région de Tébessa, des civilisations 
          néolithique et mégalithique
 ---------Une 
          vitrine est consacrée au mobilier funéraire trouvéé
 dans les tumuli et dolmens de l'Afrique du Nord. 
          Tous ces noms, familiers aux savants, laissent rêveur le visiteur 
          profane, lui ouvrent d'étonnantes perspectives sur les premiers 
          âges du monde et de l'humanité. Mais ce qui ne peut manquer 
          de retenir son attention, de la toucher plus directement, ce sont les 
          reproductions de gravures rupestres du Sud oranais et des gravures et 
          des peintures de l'oued Djerat, en pays touareg Ajjer. ---------Ces 
          oeuvres, très remarquables, apportent des précisions sur 
          le peuplement primitif du Sahara, alors que dans des temps très 
          reculés il était moins inhabitable.
 |  | ---------Les 
        gravures relevées dans le sud oranais, au trait profond, souvent 
        poli, représentent en grandeur naturelle des animaux ; caractérisées 
        par le réalisme de leur style, elles semblent, d'après les 
        observations faites, appartenir à la période néolithique.---------Les 
        gravures archaïques de l'oued Djerat proviendraient, les unes du 
        paléolithique supérieur, les autres du néolithique 
        : les plus anciennes, qui ne représentent que des animaux de la 
        faune tropicale, sont l'oeuvre de populations primitives restées 
        au stade de la chasse et de la cueillette ; les autres, par la présence 
        d'animaux domestiques, apparaissent comme l'oeuvre de
 pasteurs.
 ---------Les 
        reproductions des peintures rouges, blanches ou noires découvertes 
        dans des abris sous roches, au Tassili des Ajjer, frappent par la justesse 
        des proportions et des formes, le sens de l'observation qu'elles révèlent 
        (fresque aux autruches, girafes, éléphants stylisés) 
        . Le dépouillement de leur graphie, l'austérité des 
        couleurs en font de véritables chefs-d'oeuvre auxquels on se plaît 
        souvent à comparer certaines des oeuvres les plus caractéristiques 
        de l'art moderne.
 ---------Le 
        musée possède encore la seule série de bétyles 
        néolithiques anthropomorphes et zoomorphes découverte au 
        Sahara (idole en pierre polie de Tabelbalet, tête de bélier 
        de l'oasis de Tamentit, tête de gazelle d'Imakassen) .
 ---------L'ensemble 
        des collections du Bardo est unique au monde et, pour mieux les mettre 
        en valeur, un plan de réorganisation et de modernisation du musée 
        a été établi après la guerre. M. le professeur 
        Balout, maître de conférence à l'Université, 
        chargé de mission à la direction des Antiquités, 
        a été détaché au musée afin d'en poursuivre 
        la réalisation. Certaines salles, complètement rééquipées 
        avec des vitrines bronzées, éclairées par des rampes 
        lumineuses, ont soulevé l'admiration des nombreux savants français 
        et étrangers venus dernièrement assister au IIè Congrès 
        panafricain de Préhistoire. Leur réaménagement fait 
        contraste avec les anciennes installations encore en place et donne une 
        idée très nette de ce que sera, dans un proche avenir, l'ensemble 
        du musée.
 ---------D'autre 
        part, la nécessité s'imposait d'adjoindre au musée, 
        organisme de conservation, un centre de recherches orienté vers 
        le progrès scientifique. A cet effet, l'on a édifié, 
        au cours de l'année 1950, à l'est des salles de préhistoire, 
        un bâtiment qui s'intègre harmonieusement à l'ensemble 
        du Bardo : il renferme un laboratoire, une salle de collections anthropologiques, 
        une salle de travail, un bureau et une salle de dessins ; son sous-sol 
        abrite un magasin et un atelier. Avec la bibliothèque, agréablement 
        aménagée par le peintre Fernez, en 1952, ce centre de recherches 
        s'avère être l'instrument indispensable aux étudiants 
        qui peuvent y faire des exercices pratiques, aux chercheurs qui ont la 
        possibilité de préparer et d'étudier les documents 
        provenant des fouilles. L'on s'efforce de restaurer scientifiquement la 
        quantité considérable de documents anthropologiques réunis. 
        En outre, le
 laboratoire a entrepris la publication d'une série de " Travaux 
        du laboratoire d'anthropologie et d'archéologie préhistoriques 
        du musée du Bardo ". Ainsi le Bardo, depuis sa fondation l'un 
        des musées les plus importants en son genre, est en train de devenir 
        le centre de recherches des plus appréciables qui fait honneur 
        aux traditions culturelles de notre pays.
 
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