| De sa création à son algérianisation, l'établissement 
        situé à Alger, au bas de la rue Hoche, s'est appelé 
        successivement: Petit Lycée de Mustapha, lycée Émile- 
        Félix Gautier, lycée Victor Hugo.
 
         
          |  La cour du petit lycée 
              de Mustapha entre 1900 et 1910 |  Fin XIXè siècle,pour tenir 
        compte de l'extension de la ville et de l'augmentation de la population 
        scolaire, le Grand Lycée (qui deviendra 
        Bugeaud) est doté de deux annexes, la première 
        à Ben-Aknoun 
        (un internat surtout destiné aux élèves venus de 
        " l'intérieur "), l'autre à Mustapha en 1898. 
        La commune de Mustapha, définitivement rattachée à 
        Alger en 1903, sera la zone de recrutement du Petit Lycée, englobant 
        les " beaux quartiers " de Mustapha Supérieur, mais aussi 
        les espaces populaires de l'Agha, du Champ-de-Manoeuvres, de Belcourt, 
        du Hamma, du Ruisseau.
 Modeste, le Petit Lycée comprend une école primaire (mixte) 
        et seulement les trois premières classes du secondaire, dont les 
        directeurs respectifs dépendent du proviseur du Grand Lycée, 
        où les admis en troisième poursuivent leur cursus. Parmi 
        ces dirigeants, Charles de Galland (Douéra 1851- Alger 1923), qui 
        fut professeur à Bugeaud, directeur à Ben-Aknoun avant de 
        le devenir à Mustapha de 1902 à 1907, et d'être élu 
        conseiller municipal, puis maire d'Alger (jusqu'en 1919; le parc étagé 
        qui porte son nom, agrémenté de bassins, de parterres, d'essences 
        végétales diverses, de bâtiments néo-mauresques, 
        et de quelques curiosités animales, a assuré sa notoriété 
        dans les générations à venir).
 
 La hausse des effectifs, notamment après la Première Guerre, 
        entraîne une extension. L'édifice initial du xrxe siècle, 
        une austère bâtisse, donnant sur une terrasse nue, est augmenté 
        à la perpendiculaire de deux ailes à étages, supportant 
        des terrasses grillagées pour les activités physiques, entourant 
        d'un préau la cour plantée de ficus. Rien à voir 
        avec les lycées-casernes napoléoniens. Les classes élémentaires 
        ont un accès dans la rue Edmond Adam, tandis que l'entrée 
        principale, au 5 de la rue Hoche, affiche des arrondis en briques de verre 
        qui éclairent le hall d'entrée, dans le plus pur style des 
        années trente. A partir de 1937, s'exécute le programme 
        d'extinction progressive des classes primaires et la création des 
        sections manquantes du secondaire. En 1938-1939, le Petit Lycée 
        dispose d'un proviseur de plein exercice, M. Lalande. Le premier cycle 
        secondaire est complet (dix classes, vingt professeurs, plus cinq adjoints 
        et répétiteurs), le primaire encore présent (six 
        classes, six maîtres d'école). Il est possible de recevoir 
        un enseignement religieux chrétien (catholique ou réformé) 
        et... de s'initier à l'escrime. Les langues proposées sont 
        l'anglais, l'allemand et l'arabe, le littéraire et le dialectal 
        (curieusement, ce dernier n'est plus enseigné aujourd'hui). On 
        étudie le grec et le latin en Al, le latin en A2, on reçoit 
        même des cours d'hygiène en 3e. La distribution des prix 
        du 4 juillet 1939 décerne des prix de fondation, des prix d'excellence 
        jusqu'aux cours préparatoires et donne la liste des lauréats 
        du Certificat d'Etudes Secondaires du ter degré (aujourd'hui, brevet 
        des collèges).
 
 La Seconde Guerre va désorganiser l'enseignement. Beaucoup de professeurs 
        sont mobilisés, en 1939-1940, puis en 1942-1945. On lira le symbole 
        de leurs décorations à côté de leurs noms sur 
        les palmarès ultérieurs et il ne s'agit pas seulement des 
        palmes académiques. Une plaque dans le hall d'entrée portera 
        gravée la liste des " Morts pour la France ": deux enseignants 
        (J'étais en e B3 dans la salle 
        Arsène Albrand, professeur de lettres.) et vingt anciens 
        élèves. Surtout, l'établissement sera réquisitionné 
        et occupé par l'armée américaine à la suite 
        du débarquement allié de novembre 1942. Les classes seront 
        délocalisées, éparpillées. On en trouvera 
        jusqu'à Médéa, 
        à l'abri dans la montagne.
 Changement de nom La réouverture se fait à la 
        rentrée 1944. Le lycée - un externat de garçons mais 
        quelques filles sont acceptées en terminales ( 
        On en voit sur une photo de Sciences Ex en 1947-1948.) - porte 
        un nouveau nom, celui d'Emile-Félix Gautier (né en 1864 
        à Clermont-Ferrand, décédé à Pontivy, 
        en Bretagne en 1940) qui fut à l'Université d'Alger, un 
        éminent géographe du terrain saharien et un historien aux 
        vues audacieuses, et parfois aventureuses. Gautier, germaniste converti 
        à la géographie avait suivi le général Gallieni 
        dans la grande île de Madagascar, équipée dont il 
        avait tiré un important ouvrage, avant de s'installer à 
        Alger en 1900. Il a beaucoup travaillé sur l'histoire de l'Afrique 
        du nord (Genséric le Vandale; Le passé de l'Afrique du nord 
        ou les siècles obscurs du Maghreb, paru en 1930 sous ce titre jugé 
        plus tard politiquement très incorrect; Moeurs et coutumes des 
        musulmans) et arpenté le désert en compagnie des militaires 
        et de scientifiques (La conquête du Sahara, 1935).
 Surtout, l'établissement devient un vrai lycée, avec vingt-sept 
        classes, de la 6e aux trois terminales (philo, sciences-ex, math-élem, 
        pour parler comme les potaches). Les dernières 7e (CM2) disparaissent 
        en 1947 et plusieurs instituteurs sont intégrés dans l'enseignement 
        secondaire avec la qualification d'adjoint d'enseignement. Des amphithéâtres 
        spécialisés sont affectés aux disciplines expérimentales, 
        qui bénéficient aussi de laboratoires, de salles de travaux 
        pratiques et de collections. Les installations sportives demeurent médiocres. 
        De nouvelles sections apparaissent, les M (dispensées de latin, 
        donc... modernes), ainsi que l'enseignement de l'espagnol en deuxième 
        langue vivante. Une " préparation militaire " est organisée. 
        Effet d'une démobilisation tardive peut-être et d'un manque 
        de personnel, les classes sont chargées, avec plus de quarante 
        élèves. Le record est à cinquante-deux pour une classe 
        de re en 1946-1947, sur une photo avec leur professeur de lettres, M. 
        Videau.
 
 L'ambiance est celle des bons lycées de province. Sous la présidence 
        d'une haute personnalité en uniforme de circonstance, le préfet 
        ou un général, aux accords d'une musique de garnison, celle 
        des Zouaves le plus souvent, sous l'oeil bienveillant du proviseur Plane, 
        qui disposait d'une impressionnante collection de citations de Saint-Exupéry 
        à l'usage des cancres et des félicités, à 
        l'ombre clairsemée et pour l'occasion solennelle des ficus, un 
        agrégé frais émoulu (Braun le latiniste en 1946; 
        Ageron l'historien - pas encore Charles - Robert, pas encore une tête 
        barbue d'illuminé slavophile mais un bon géant à 
        la démarche élastique, qui n'avait pas son pareil pour déplisser 
        son front en faisant l'étonné et qui rendait l'histoire 
        passionnante tout en prétendant n'avoir aucune mémoire - 
        en 1948 (Décédé 
        en 2008, il laisse une oeuvre considérable.) ; Prenant, 
        le géographe, actif propagandiste communiste en 1951 (Son 
        papa était membre du Comité central du PCF.); 
        Mercadier, brillant hispanisant en 1954) prononce devant ses collègues 
        suant sous leur toge, arborant l'épitoge rouge ou jaune à 
        rangs d'hermine en peau de lapin, le discours d'usage avant la remise 
        des prix aux heureux lauréats endimanchés, devant la foule 
        émue de leurs proches parents et de leur lointain cousinage.
 
 Le nombre d'élèves et consécutivement d'enseignants 
        s'alourdit. C'est que le " secteur géographique " s'est 
        considérablement peuplé et que le centre de gravité 
        d'Alger s'est déplacé, au cours de la première moitié 
        du xxe siècle, de la rue Bab-Azoun à la rue d'Isly, puis 
        à la rue Michelet. La rumeur prétend que Gautier est bourré 
        de " fils à papa ", en feignant d'ignorer que le recrutement 
        se fait dans toute la partie sud de la ville, dans ces quartiers populaires, 
        sites d'infrastructures industrielles, traversés par le tram et 
        le train, en bordure des quais et du port de l'Agha, et dans les communes 
        périphériques comme Hussein-Dey. De fait, le lycée 
        accueille tous ceux qui ont réussi, dans un rang honorable, au 
        concours d'entrée en 6e. En 1953, 48 professeurs et 9 adjoints 
        d'enseignement. Parmi eux, une proportion d'agrégés de l'ordre 
        du 30 %, célibataires et métropolitains en majorité, 
        certains de passage (la première affectation, le choix du dépaysement, 
        l'attrait du tiers colonial, le sujet de leurs recherches?), d'autres 
        attachés au pays et d'une fidélité à toute 
        épreuve (certains déjà présents en ACADEMIE 
        D'ALGER 1938, parfois poursuivant leur carrière à l'Université 
        et demeurés " jusqu'au bout " (Lionel 
        Balout, préhistorien et directeur du musée du Bardo; Pierre 
        Bertrand, historien enthousiaste; Taillefer, le sérieux de la mathématique; 
        arrivés plus tard, le truculent Jean Bogliolo; et Jean Choski, 
        le " filôsôf "; les physiciens Bringuier et Vendevelle... 
        J'en passe, à regret.)). La majorité des professeurs 
        fait donc partie de la catégorie des certifiés, soit titulaires 
        du concours du CAPES, soit licenciés et assimilés.
 
 L'effectif rendait nécessaire un nouvel agrandissement, dont le 
        projet resta un véritable serpent de mer dans la décennie 
        1950. Le site s'y prêtait mal, le lycée occupant le rebord 
        d'un lambeau de plateau incliné, limité par un ravin en 
        forte pente (la rue Edgar Quinet) et dominant l'étroit liséré 
        littoral que rejoignait la volée d'escaliers de la rue Hoche. Les 
        hésitations de l'administration, tant du lycée que du rectorat, 
        finirent par tomber en 1959 et une annexe fut construite, au-delà 
        du ravin, sur un terrain acquis aux dépens de l'Hôpital de 
        Mustapha, de façon assez acrobatique car elle nécessita 
        une passerelle couverte, comme un pont des soupirs du potache, entre l'existant 
        et le nouveau bâtiment tout en hauteur, où s'installa le 
        premier cycle. Les " événements " qui secouèrent 
        l'Algérie à partir du ler novembre 1954 ne laissèrent 
        pas les lycéens, ni leurs maîtres, indifférents, même 
        si le climat des études n'eut pas trop à en souffrir. C'est 
        juste en face de l'entrée de Gautier qu'explosa une des premières 
        bombes de la nuit de la Toussaint, devant Radio Alger, au 10 de la rue 
        Hoche. Le corps enseignant était politiquement divisé, certains 
        de ses membres fortement " engagés " (secrétaire 
        du SNES, Pierre Vidal-Naquet passa un an dans l'établissement) 
        d'un côté ou de l'autre. Les élèves nettement 
        " politisés " réagirent lors des nombreuses " 
        journées " d'Alger, qui, parfois, réduisaient l'effectif 
        des classes (en février 1956, tant au départ mouvementé 
        de Jacques Soustelle qu'à l'arrivée agitée de Guy 
        Mollet), alimentaient des discussions épiques (en mai 1956, lors 
        de la grève décrétée par le FLN et du départ 
        d'un certain nombre de condisciples musulmans), provoquaient l'interruption 
        des cours et l'occupation par l'armée (une compagnie de légionnaires 
        lors de la semaine des barricades, en janvier 1961). Des élèves 
        et un professeur payèrent un lourd tribut lors des attentats terroristes 
        qui, pour beaucoup, se produisirent dans un périmètre proche 
        du lycée.
 
 En 1962, au lycée d'état Gautier, on dénombre 55 
        classes, plus d'une centaine d'enseignants, et 1887 élèves 
        (Bugeaud n'en a que 1821, mais Ben Aknoun en compte 1919).
 
         
          | Cliquer sur la vignette.Pour agrandir et pour 
              faire apparaître quelques noms.  Professeurs en 60? 61? |  Changement de nom 1962. Nouveau changement de nom : Gautier 
        cède la place à Victor Hugo, qu'on pense plus consensuel 
        et moins compromettant pour le nouvel organisme de tutelle, l'OUCFA (Office 
        Universitaire et Culturel français en Algérie). Il devient 
        un établissement mixte, avec demi-pension et classes primaires, 
        sous la direction du proviseur Fontaine. L'effectif est réduit 
        en 1962-1963 (autour de 600) mais il remonte rapidement les années 
        suivantes avec l'afflux d'enfants de coopérants, de diplomates 
        et de jeunes algériens arguant de leur " double culture ", 
        à tel point que le nombre de classes passe à 45 en 1967-1968. 
        Les langues enseignées s'enrichissent du russe tandis que sont 
        organisés des cours de français pour les étrangers. 
        Ce " lycée français " est remis aux autorités 
        algériennes pour la rentrée 1969. C'est aujourd'hui un lycée 
        de filles, voué à Omar Racim (1884-1959, peintre miniaturiste 
        et enlumineur). o Mes remerciements vont à ceux qui 
        m'ont communiqué renseignements et documents: Mmes Jocelyne Revel-Mouroz 
        et Suzy Rognon; MM. André Cambours, Pierre Canard, Georges Fontaine, 
        Jean-Jacques Galle y, André Gille, Henri Tixador, Guy Imart, Lucien 
        Vendevelle, et à mes amis proches.Ils vont aussi à ceux qui tiennent des sites internet sur les lycées 
        d'Alger. Mes remerciements sont contraints d'ignorer les services culturels 
        de l'ambassade de France en Algérie qui ignorent superbement les 
        sollicitations qu'on leur présente.
 
 |