LE KOUIF, UN VILLAGE 
          PAS COMME LES AUTRES
        Depuis bientôt 40 à 50 
          ans, le KOUIF, ce village, jadis isolé mais très accueillant, 
          a vu partir en silence le legs de la mine qui lui a donné la 
          naissance.
          
          
          Historique sommaire de la découverte des phosphates du Kouif
          C'est en 1873 que Philippe THOMAS, vétérinaire militaire, 
          découvrit des couches de phosphates près de RAS-EL-AIOUN 
          au sud-ouest de la Tunisie. Les échantillons collectés 
          par THOMAS furent ensuite analysés par Adolphe CARNOT en octobre 
          1885. Précédemment, l'ingénieur français 
          JULES TISSOT avait découvert en 1878 le gisement de minerai de 
          fer de ANINI.
          
          Le mouvement d'urbanisation qui donnera naissance à l'agglomération 
          d'EL KOUIF, dont l'appellation coloniale était DJEBEL KOUIF, 
          a commencé au lendemain de la découverte du phosphate 
          dans la région, d'abord au niveau du DYR, localité attenante 
          à MORSOTT, actuellement commune de la wilaya de TEBESSA, plus 
          tard à EL KOUIF.
          
          C'est à partir de 1893 que le minerai du KOUIF, a été 
          exploité et acheminé vers le port de BÔNE, par chemin 
          de fer à vapeur dont les lignes BÔNE-SOUK AHRAS et SOUK 
          AHRAS-LE KOUIF furent définitivement électrifiées, 
          respectivement en 1932 et en 1951.
          
          La production a connu une courbe croissante, atteignant 41 348 Tonnes 
          en 1898, 650 000 Tonnes en 1947, et 757 000 Tonnes en 1955. A partir 
          du 18 Avril 1912, la Compagnie des phosphates de CONSTANTINE va s'atteler 
          au développement des conditions d'exploitation du phosphate et 
          de vie au village.
          
          Ainsi, le creusement des galeries est complété par la 
          mise en place d'un réseau ferré reliant le fond de la 
          mine aux usines de tri, de traitement et de conditionnement du phosphate 
          et l'ouverture de celles-ci, la construction d'une centrale thermique 
          et d'une usine à oxygène pour la préparation des 
          explosifs, de même qu'un laboratoire d'analyse du minerai et un 
          bâtiment de compresseurs pour alimenter en air les galeries de 
          la mine et divers ateliers (mécanographie, menuiserie, forge, 
          mécanique...).
          
          Parallèlement, pour accueillir les cadres, agents de maîtrise 
          et ouvriers français, il est édifié un cercle-hôtel 
          avec salles de lecture, de correspondance et de jeux, un café-restaurant, 
          puis un salon de coiffure, un bureau de tabac, un bureau de poste et 
          une grande salle de fêtes, qui servirent pour les loisirs. Dans 
          le même moment, commencera le mouvement d'urbanisation du village.
          
          Historique sommaire du mouvement d'urbanisation 
          du village
          
          Le village peut-être saisi en corrélation avec le mouvement 
          d'urbanisation. Son origine se trouve dans la division sociale et professionnelle. 
          Le village devient compréhensible par la place des couches sociales 
          et des catégories professionnelles, c'est à dire par la 
          logique de localisation des uns et des autres. Ainsi pour assurer les 
          conditions des cadres, des agents de maîtrises et des ouvriers 
          de la mine, il sera édifié des villas pour les cadres, 
          des " villages " (ensemble de petites villas sinon de maisons 
          de moindre importance), pour les agents de maîtrise, les ouvriers 
          français et quelques Algériens des couches moyennes. Le 
          recrutement de la main d'oeuvre abondante et bon marché étant 
          recherché, la mine a été obligée d'élargir 
          la zone de mobilisation jusqu'à englober tout l'Est algérien 
          et la Kabylie, voire des communes plus éloignées.
          
          Ces maisons furent attribuées respectivement aux Espagnols et 
          autres habitants européens, aux Algériens issus de la 
          Kabylie, et de l'Est (Constantine, Djidjelli et Philippeville) qui se 
          sont regroupés par affinité familiale, régionale 
          ou même ethnique. Enfin, le village de la gare a été 
          réservé à des habitants des couches moyennes, alors 
          que le village de Aïn El Bey, constitué de studios, était 
          destiné aux célibataires.
          
          Plus tard sera construit le " village blanc ".
          
          Au même moment, une solution arrangeant le mieux la compagnie 
          s'est mise en place : fournir le plus grand nombre d'abris rudimentaires 
          dans des sortes de " ghettos ", le plus près de la 
          " bouche " de la mine, de ses différents ateliers et 
          garages. Des abris portant les noms de douar El Ghorba (des étrangers), 
          pour les uns, et de douar El Fougaâ (des champignons), pour les 
          autres. " Ces zones d'habitations, constituées exclusivement 
          de " gourbis " (taudis), étaient sans aucun confort 
          ou d'hygiène et surpeuplées (d'un lumpenprolétariat) 
          ". Il importe, à ce stade de la réflexion, d'avoir 
          à l'esprit que " la dispersion de l'habitat et la dépendance 
          engendrée par l'insécurité de l'emploi pour les 
          indigènes " vont participer à rendre la main-d'oeuvre 
          de la mine " peu combative " et peu " organisée 
          ". Pourtant, le village induira une plus grande ouverture d'esprit 
          du fait des nombreux contacts directs et des relations entretenues avec 
          les voisins, les camarades de travail et les commerçants.
          
          Pour prendre en charge les problèmes d'hygiène, il sera 
          construit une station de pompage avec stérilisateurs d'eau et 
          un bain maure, avec salles de massage, de sudation et de repos.
          
          Ces édifices seront complétés par de nombreuses 
          infrastructures sportives : un stade de football, des courts de tennis, 
          de terrains de boules et de basket, et plus tard, une piscine, initialement 
          réservée aux seuls européens de souche. La mine 
          devenait petit à petit une ville. Vivant pratiquement en autarcie, 
          avec ses infrastructures modernes, LE KOUIF était intimement 
          lié à l'exploitation de ses richesses dont la production 
          annuelle de phosphates avoisinait les 900 000 T, dans les années 
          1950-1955.
          
          Entre-temps, d'autres infrastructures avaient été créées 
          en amont (fermes pour les exploitants agricoles, jardin-maraîcher 
          pour la production de fruits et légumes, grande étable 
          pour la production du lait, moulin, boulangerie, mécanique..) 
          et en aval (abattoirs, boucherie, charcuterie, etc..).
          Pour les services publics, il a été créé 
          un bureau de poste, un hôpital de 25 lits, une infirmerie, un 
          bloc opératoire, des cabinets (dentaire et de radiologie), ainsi 
          qu'une pharmacie. Pour les besoins de la scolarité des enfants 
          des Européens et très accessoirement des Algériens, 
          l'école d'apprentissage a été convertie en groupe 
          scolaire de la classe enfantine à l'école de troisième 
          (niveau moyen).
          Enfin pour répondre aux croyances et voeux de la population, 
          une chapelle (Notre Dame du KOUIF) et une mosquée ont été 
          construites.
          
          La mine disposait également d'un parc-autos appréciable 
          et d'un aérodrome reliant Ras-el-Ayoun, situé au Nord-Ouest 
          de la région de BATNA à TÉBESSA et à BÔNE.
          
          Vivant en autarcie, avec ses infrastructures modernes, LE KOUIF intimement 
          lié à l'exploitation de ses richesses, n'avait rien à 
          envier aux villages miniers de la Métropole...
          
          Lors de l'Indépendance de 1962 et après 8 années 
          de guerre et d'insécurité quotidienne, la grande majorité 
          de la population européenne quitta le village. Beaucoup d'entre 
          eux, n'ayant jamais vécu en France, se sont retrouvés 
          disséminés dans toutes les régions de l'Hexagone, 
          avec l'obligation de se reconstruire une nouvelle vie.
          
          45 ans après, une amicale est née, les kouifiens et les 
          kouifiennes, les anciens des phosphates sont heureux de se retrouver 
          tous les ans bien entendu dans la joie et le bonheur que l'on imagine.
        Jean-Mare LABOULBENE
        BIBLIOGRAPHIE : Résumé 
          de différents sites Internet.