| LORSQUE, dans un même pays, deux civilisations se 
        confrontent, il est nécessaire, pour qu'une harmonieuse vie en 
        commun soit durable, de s'intégrer mutuellement ou de se tolérer 
        en supportant les faiblesses d'autrui.
 Imposer ses points de vue, vouloir régler la vie sociale dans un 
        sens unilatéral, sans permettre le phénomène d'osmose, 
        c'est vouloir se diriger vers la faillite ou l'écrasement d'une 
        des deux civilisations sans toutefois garantir une existence durable à 
        l'autre.
 
 Une juxtaposition n'est jamais perpétuelle. La nature humaine a 
        horreur des superpositions et le phénomène statique n'est 
        valablement possible que dans le domaine physique.
 
 Si en Algérie des difficultés de vie sont nées, et 
        si leur ampleur a fini par provoquer des drames, c'est parce qu'on ne 
        s'est pas suffisamment attaché à résoudre un problème, 
        essentiel pour l'être humain immédiatement après celui 
        du pain : celui de la justice.
 
 LA FONCTION DE CADI ET SON ÉVOLUTION
 
 Dès 1830, l'arrivée d'un élément nouveau provoque 
        les plus grandes craintes : la peur de voir disparaître sa religion, 
        ses institutions, son droit.
 
 Le général de Bourmont, lors de la capitulation du Dey d'Alger 
        donne l'engagement formel, par sa déclaration du 5 juillet 1830, 
        que la France respectera la vie des musulmans, leurs biens, leur religion, 
        leur droit et les institutions ayant trait à leur vie privée.
 
 L'organisation de la Justice musulmane bien établie à l'époque 
        turque était confiée à des Cadis statuant en première 
        instance, des Medjelès comme Tribunaux d'Appel et des Conseils 
        de recours en grâce sur lequel le souverain chef de l'État 
        avait un droit de regard suprême.
 
 Le droit applicable, d'inspiration coranique, était, non pas modifié, 
        mais déjà établi par des jurisconsultes de l'époque 
        brillante de la civilisation musulmane. Les grands cadis et les muphtis, 
        tout en respectant la jurisprudence des quatre grands Imams Malékite, 
        Hanéfite, Hanbalite et Chafiîte - pouvaient émettre 
        des avis d'interprétations - des Fétouas - lorsqu'un 
        cas nouveau non encore étudié par les auteurs du moyen âge 
        se présentait aux juges. Au M'zab où le rite ibadite est 
        prédominant le "Kitab Ennil " faisait force de 
        loi, pendant qu'en Kabylie les " Kanouns " coutumiers 
        avaient tendance à supplanter le droit purement coranique.
 
 Au point de vue puritanisme musulman et tel que le conçoit le Coran, 
        le Cadi est le substitut de l'Imam, c'est-à-dire du Chef spirituel 
        de l'Islam devant qui le souverain lui-même doit se plier quand 
        il s'agit de questions religieuses. Or on ne doit pas oublier que le Coran 
        englobe dans son texte administratif tous les actes des fidèles, 
        publics et privés. En outre l'Imam représentant de Dieu 
        sur la terre doit être musulman, de sexe masculin, libre et remplir 
        toutes les conditions
 
 LES ABUS AMÈNENT LA RESTRICTION DES POUVOIRS
 
 De 1830 à 1842 les engagements pris ont été respectés. 
        Malheureusement les abus qui dataient d'avant la pénétration 
        française ont continué à se perpétuer : le 
        manque d'organisation et le respect de la justice la plus élémentaire 
        ont placé les autorités judiciaires devant l'obligation 
        de mettre un terme à un chaos qui risquait de devenir dangereux 
        pour les justiciables et: pour la bonne marche de la Société 
        nouvelle (art. 37,. § 2 de l'ordonnance du 26 septembre 1842).
 
 Le Cadi (et sa mahakma) s'est vu alors démuni de ses prérogatives 
        qui faisaient de sa fonction la plus haute- charge de l'Islam.
 
 Sa compétence qui s'étendait aux personnes et aux choses, 
        devient non seulement restreinte mais on lui ôte tout pouvoir juridictionnel 
        pénal et criminel pour ne faire de lui qu'un juge de premier ressort, 
        dont la compétence se limitera au civil et aux biens non francisés, 
        c'est-à-dire les terres habous, les biens " arches 
        " et les propriétés qui n'ont pas encore fait l'objet 
        d'inscription au cadastre et appartenant uniquement aux. musulmans.
 
 Les questions d'ordre criminel, les jugements à contestation immobilière 
        vont désormais lui échapper. Seuls les tribunaux français 
        en seront compétents et le droit musulman, non encore traduit et 
        encore moins codifié sera supplanté par le droit civil français.
 
 Le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 qui fait des Musulmans algériens 
        des sujets français possédant le droit de garder le statut 
        personnel musulman, donne un coup fatal aux mahakmas et à la compétence 
        du. Cadi en tant que juge.
 
 MODIFICATION DÉCISIVE DE LA FONCTION DE CADI
 
 Le décret du 17 avril 1889 organise une fois pour toutes la marche 
        de la justice musulmane.
 
 Les tribunaux d'appel - medjelès - sont supprimés.Les 
        Cadis deviennent des juges d'exception, c'est-à-dire n'ayant droit 
        de regard que sur les affaires personnelles et mobilières à 
        un taux très réduit. Faut-il encore que les affaires personnelles 
        aient trait aux matières de divorces, à la validité 
        des mariages, des habous, des successions au point de vue attribution 
        des quotes-parts sans jamais avoir le droit de procéder au partage 
        des biens immobiliers dépendant de la succession.
 
 Au point de vue marche du service intérieur des mahakmas, le décret 
        consacre un état de fait ancestral. Le Cadi demeure, comme dans 
        l'ancien temps le juge, l'officier public et ministériel, le notaire, 
        l'huissier, l'agent d'exécution de ses propres jugements et de 
        ceux prononcés par les juridictions françaises en matière 
        musulmane.
 
 D'ailleurs les propres jugements du Cadi sont désormais prononcés 
        en premier ressort. Ils sont susceptibles d'appel devant un tribunal composé 
        uniquement de juges français de souche européenne non musulmans 
        et statuant en matière musulmane sur le vu d'un droit musulman 
        traduit ou composé par des professeurs de droit de la Faculté 
        d'Alger récemment constitué.
 
 Les Cadis perdent leur charge islamique véritable. Ils deviennent 
        des fonctionnaires subalternes, des auxiliaires de la justice dénués 
        de tout caractère de souveraineté.
 
 Pour ne pas heurter l'opinion publique on les tolère tout en continuant 
        à les considérer comme les reliques d'un temps révolu.
 
 Les protestations ne servent à rien. Devant le mécontentement 
        général et les émigrations massives vers l'Orient 
        on fait la sourde oreille et on prépare d'autres projets de lois 
        en guise de promesse d'organisation de la justice musulmane.
 
 D'autre part, l'organisation judiciaire en Kabylie, régie par le 
        décret du 29 août 1874 avait également suscité 
        des mécontentements. Est-ce pour calmer les esprits qu'en Kabylie 
        on supprime le Cadi en tant que juge? Le Cadi ne conserve plus en effet 
        que le titre de notaire. Le juge de paix devient le juge kabyle appliquant 
        tantôt les " kanouns " (lois coutumières), tantôt 
        le droit français, les Kabyles étant considérés 
        comme des non-Arabes et pour ainsi dire des non-musulmans (article 7 - 
        2e du décret du 17 avril 1889).
 
 La guerre 1914-18 se termine avec l'émigration d'éléments 
        puritains tlemcéniens, algérois et constantinois vers la 
        Grande Syrie. C'est le commencement des luttes politiques avec les Délégations 
        financières, les élus municipaux et départementaux. 
        Les tentatives de l'assimilation s'amorcent mais les musulmans continuent 
        à voir dans le Cadi le juge civil et religieux, ignorant bien qu'il 
        ne possède plus aucune compétence réelle (Loi du 
        4 août 1926).
 
 NOUVEAUX TRANSFERTS DE COMPÉTENCE
 
 La 2e guerre mondiale 1940-45 gratifie les justiciables musulmans de l'ordonnance 
        du 23 novembre 1944 qui offre au musulman le droit d'aller demander justice 
        devant le Cadi ou devant le juge de paix sur les matières réservées 
        jusque là à la compétence exclusive du Cadi. Les 
        notaires, les greffiers-notaires et les huissiers pourront, concurremment 
        avec le Cadi recevoir la rédaction des actes de cadis. Seulement 
        le Cadi n'a pas le droit de connaître des mêmes affaires que 
        le juge ou de recevoir Ies actes de notaire dussent-ils être l'émanation 
        de la volonté des clients musulmans (T. Alger 20 juillet 1915, 
        R.A. 1917, 2, 162 ; art. 12 de l'ordonnance du 23 novembre 1944).
 
 Les Cadis protestent, menacent, mais ils ne peuvent rien. Leur nombre 
        restreint (120 pour toute l'Algérie, Territoires du Sud compris) 
        ne pèse guère dans la balance administrative. Et puis ce 
        ne sont que des semi-fonctionnaires mal vus par la population et gardés 
        en réserve par l'administration qui les forme à la Médersa 
        et les nomme à sa guise. La compétence manque faute d'application 
        d'un droit devenu théorique. L'honnêteté est aussi 
        douteuse que les jugements rendus, car le Cadi, chichement payé 
        n'a souvent qu'un choix : démissionner ou faire suer le burnous. 
        Sans compter que le personnel subalterne : hachadels, adels et aoûns, 
        n'est pas compris dans le cadre de la fonction publique, ne bénéficie 
        d'aucun avantage d'ordre familial ou social. Considérés 
        comme des tâcherons, ils vivent comme les cadis sur des honoraires 
        bien maigres, sans rapport avec ceux des officiers publics ou ministériels. 
        La haute administration ferme les yeux jusqu'au jour où elle se 
        réveille en sursaut.
 
 UNE REFORME CONSTRUCTIVE S'IMPOSE D'URGENCE
 
 Les événements tragiques et malheureux que nous traversons, 
        les tentatives acharnées déployées par les hommes 
        de bonne volonté pour sortir de cette impasse doivent nous guider 
        sur la réforme de la justice musulmane en Algérie.
 
 NOUS n'avons guère le temps de nous jeter réciproquement 
        la pierre. L'essentiel consiste dans la coexistence pacifique. Il s'agit 
        de construire et non de détruire. Et lorsque l'on parle de réforme 
        il faut comprendre utilisation de tous les moyens propres à provoquer 
        un bouleversement complet, une révolution capable de maintenir 
        la paix.
 
 LE POINT DE VUE DES CADIS
 
 Avant de faire une suggestion constructive quelconque, il importe de consulter 
        les avis autorisés.
 Les principaux intéressés sont les cadis eux-mêmes. 
        Or quelle est la position des magistrats musulmans, quelles sont leurs 
        craintes ?
 
 Lors de leur dernière réunion en Assemblée générale 
        du 13 juin 1959 ils ont émis la crainte que la réforme de 
        la justice musulmane constitue une suppression de cette justice et le 
        transfert des pouvoirs juridictionnels des cadis aux tribunaux de droit 
        commun. Ils s'élèvent contre toute ingérence nouvelle, 
        disant notamment :
 
 " On sait dans quel contexte politique se place cette initiative. 
        II s'agit, dit-on, d'unifier, d'uniformiser la justice dans les territoires 
        métropolitains et algériens. Cette unification devra, comme 
        on peut le penser, et pour se conformer à une rigoureuse logique, 
        porter non seulement sur l'organisation judiciaire nationale mais aussi 
        sur la loi à appliquer.
 
 " De fait, nous pensons que si la réforme envisagée 
        devait recevoir une consécration légale, nous ne tarderions 
        pas à voir disparaître les règles d'inspiration religieuse 
        qui régissent la famille musulmane pour faire place à celles 
        du Code Civil ; de telle sorte que ce qui n'a pu être réalisé 
        par les textes relatifs à l'option de juridiction et de législation, 
        ainsi que la loi sur la naturalisation, mis à la disposition des 
        musulmans de ce pays depuis des décades, se trouvera imposé 
        par un acte octroyé auquel il n'aura pas fallu rechercher l'adhésion 
        des intéressés.
 
 " Ainsi le justiciable musulman sera obligatoirement dirigé 
        vers la juridiction de droit commun pour faire trancher un litige se rapportant 
        à son statut familial religieux et son juge naturel, le Cadi, ayant 
        disparu comme entité juridique spéciale ne sera plus là 
        pour lui garantir que c'est bien la loi musulmane qui lui a été 
        appliquée. Et il est fort douteux que son absence puisse être 
        comblée dans ces juridictions de droit commun, par la présence 
        de magistrats de confession musulmane, mais de formation purement laïque.
 
 " Après l'ordonnance sur le statut de la femme musulmane, 
        le projet de réforme en question, s'il étai retenu, constituerait 
        une incursion de plain-pied dan le domaine de la vie religieuse musulmane. 
        Nous tirerons une satisfaction du devoir accompli en en aver tissant les 
        pouvoirs publics et tous ceux qui ont pris sur eux de représenter 
        et de défendre les intérêt majeurs de la communauté 
        musulmane.
 
 " Mais loin de nous l'idée de nous confiner, en cette, affaire 
        dans une attitude négative. Chacun sait en effet que l'organisation 
        de la justice musulmane souffre d'un malaise évident. Ce malaise 
        a des cause multiples dont les cadis, objet actuellement de la phobie 
        de certains profanes en la matière, ou de musulmans inconscients 
        de leur foi, ne sont point les responsables.
 
 " Victimes d'une organisation souvent irrationnelle et peu soucieuse 
        de leur garantir le bien-être matérie et l'autorité 
        morale dus à leurs fonctions, les magis trats musulmans que sont 
        les Cadis, souhaitent que IF réforme de l'institution qui les intéresse 
        s'accomplisse sur d'autres données que celles qui ont inspiré 
        le texte gouvernemental actuellement soumis à l'Assemblée 
        Nationale. Ils sont convaincus que, pour être valable cette oeuvre 
        doit s'effectuer avec la participation d'une large représentation 
        musulmane idoine et le concours de spécialistes de ces questions, 
        pris dans la magistrature et l'Université françaises. "
 ****** Les projets de réformes envisagés à 
        l'heure actuelle par le gouvernement constitueraient pour les cadis 
        " une violation flagrante de la conscience religieuse des musulmans 
        ", de même que d'après eux les lois du 11 juillet 1957 
        sur la preuve du mariage en droit musulman et les tutelles musulmanes 
        " causent à leur activité et à leur rôle 
        un grand dommage, sans pour autant servir d'une manière pratique 
        les intérêts musulmans. "
 Cependant, si l'Association des cadis d'Algérie s'élève 
        contre le projet de réforme gouvernementale, elle ne propose aucun 
        projet constructif. Elle se complaît dans l'attentisme stérile 
        sans prendre l'initiative de suggestions d'essence pratique.
 
 Elle dit bien " qu'il est des règles et des principes religieux 
        sur lesquels aucun musulman ne saurait transiger et que l'intérêt 
        des familles et d'une cohabitation paisible des diverses communautés 
        de ce pays, commande de ne pas outrepasser ces principes, et que toute 
        réforme, adaptation ou innovation dans ce domaine religieux ne 
        peut s'accomplir valablement sans l'accord et l'adhésion des musulmans. 
        "
 
 LES RÉCENTES LOIS N'APPORTENT PAS DE REFORME RÉELLE
 
 Or la loi du 4 février 1959, celle du 17 septembre 1959 n'apportent 
        aucune réforme nouvelle. Elles entérinent un état 
        de fait déjà en vigueur. La question des mariages et la 
        procédure de divorce avec conciliation était pratiquée 
        par les Cadis. Le droit musulman l'exigeait. Seulement aucun texte législatif 
        français n'en faisait obligation et c'est pourquoi l'application 
        stricte était laissée au pouvoir discrétionnaire 
        du Cadi en tant que juge ou en tant qu'officier d'état-civil.
 
 Tout récemment encore la loi du 30 décembre 1959, dont l'application 
        demeure incertaine, continue à soulever les protestations des Cadis. 
        Cette loi d'ailleurs n'apportera, elle aussi, aucune nouveauté. 
        Le cadi étant actuellement juge, notaire et huissier, la loi nouvelle 
        intéressera une organisation intérieure des Mahalcmas en 
        séparant les pouvoirs juridictionnels, notarial et exécutoires. 
        Les cadis ne cumuleront plus les fonctions et l'application de la loi 
        ne touchera en rien au droit qui continuera à être appliqué 
        comme auparavant.
 
 Quant à vouloir faire croire que la religion est touchée 
        clans son fond, ce ne sera pas la loi de décembre 1959 qui en sera 
        la cause. La bonne foi commande que l'intérêt public doit 
        primer les intérêts personnels d'ordre corporatif.
 
 D'ailleurs la réforme qui nous intéresserait vraiment serait 
        celle qui tiendrait compte de l'évolution du temps et des êtres 
        humains.
 
 Jusqu'à présent, même à la Chambre de Révision 
        musulmane dont les arrêts font force de Loi, on continue à 
        appliquer un droit musulman datant du moyen âge fabriqué 
        par des jurisconsultes qui ont tiré ce droit suivant une interprétation 
        du Coran à leur guise et en harmonie avec les conceptions de leur 
        époque.
 
 Or nous sommes au XXe siècle et la conception de l'enfant endormi 
        est périmée. Les découvertes scientifiques récentes 
        ont bouleversé jusqu'aux idées.
 
 Et puis un droit évolue avec le temps et l'espace.
 
 Le Livre sacré doit bien entendu servir de base pour les grandes 
        lignes mais l'appréciation est laissée aux hommes du temps 
        qui s'écoule présentement.
 
 Notre époque n'est plus celle d'Ibn Malik, de Sidi Khelil ou d'Ibn 
        Acem auxquels se cramponnent les cadis et les tribunaux français 
        statuant en matière musulmane.
 
 Tous les pays musulmans dits " modernes " ont depuis longtemps 
        réformé leur droit et leurs institutions judiciaires. Seulement, 
        en Algérie on se complaît à détruire sans remplacement, 
        sous prétexte d'apporter de la nouveauté qui n'en est point 
        ou de ménager des susceptibilités déjà écrasées.
 
 REFONDRE DEUX DROITS POUR UNE SEULE JUSTICE
 
 En Algérie deux communautés vivent ensemble depuis un siècle 
        et demi. Chacune d'elles possède un droit et une manière 
        de voir personnelle. Parfois même les deux droits s'opposent d'une 
        façon catégorique. Et il est indéniable que tant 
        que la source des deux droits n'est pas remaniée en conformité 
        avec l'aspiration commune des deux éléments ethniques, le 
        problème algérien ne sera pas résolu.
 
 En ce qui concerne le droit musulman il est essentiel de revoir le Coran 
        avec des yeux neufs et contemporains. Il faut l'interpréter selon 
        les circonstances actuelles et d'après les nécessités 
        de notre pays.
 
 De son côté le droit français doit s'adapter aux besoins 
        de l'Algérie.
 
 L'amalgame des deux droits doit produire, grâce àdes jurisconsultes 
        éclairés et compétents, un droit algérien 
        applicable d'une façon égale aux deux communautés 
        vivant clans un seul pays sans qu'il y ait besoin d'avoir deux justices. 
        Le Liban où les religions sont multiples, la Suisse, la Belgique, 
        la France métropolitaine ont des tribunaux uniformes. Seule l'Algérie 
        continue à observer un attentisme stérile qui ne fait le 
        bonheur ni des musulmans, ni des chrétiens, ni des israélites, 
        ni même des libres-penseurs.
 
 Il est vrai que la population demeure encore attachée à 
        ses us et coutumes ; il est vrai aussi que le Français de souche 
        européenne se cramponne à des lois confectionnées 
        pour les besoins de la cause. Mais les deux éléments se 
        rendent bien compte que leur vie harmonieuse dépend d'une justice 
        officielle expéditive.
 
 Une troisième justice parallèle, qu'elle soit rendue par 
        des Djemaâs, des officiers de S.A.S. dévoués et soucieux 
        du maintien de l'ordre ou par des tribunaux libres de toute entrave administrative, 
        ne saurait garantir pour longtemps des droits humains et légitimes.
 Il est essentiel d'obvier rapidement à la sous-admi nistration 
        judiciaire due à l'éloignement des centres, à l'ignorance 
        des voies de procédure de plus en plus compliquées, de plus 
        en plus enchevêtrées, aux frais souvent exorbitants, aux 
        lenteurs d'exécution et bien souvent à l'impossibilité 
        de recourir à une justice officielle.
 Ahmed SEFTA. La loi du 30 décembre 1959 ayant suscité 
        des remous, M. le Ministre Edmond Michelet, garde des Sceaux, a tenu à 
        rendre hommage aux mahakma algériennes et à leur donner 
        tous apaisements. Le voici à la mahakma de Blida reçu par 
        le cadi Khelladi El-Hadj Mohamed. On reconnaît : MM. Combe, Procureur 
        de Blida ; Rocca, Procureur général ; Bénet, Président 
        du Tribunal de grande instance d'Alger. |