| -------Le 
        6 novembre 1792, sur le sol belge, le général Dumouriez, 
        à la tête de l'Armée du Nord, remporte sur les Autrichiens 
        l'éclatante victoire de Jemmapes. A son côté, participe 
        à la bataille un jeune lieutenant ci-devant duc de Montpensier, 
        fils de ce Philippe d'Orléans qui se dit Egalité.-------Cinquante six-ans plus tard , le 14 
        février 1848, devenu Louis Philippe roi des Français, l'ex- 
        aide de camp de Dumouriez signe une ordonnance créant 17 colonies 
        agricoles en Algérie. L'un de ces centres portera le nom de Jemmapes, 
        et doit se situer, sur 2 850 hectares, à l'embranchement des routes 
        à créer d'El Arrouch et de Philippeville à Bône.
 ------Les 851 colons recrutés à 
        Paris pour peupler Jemmapes constituent le dixième convoi. Les 
        hommes sont artisans ou boutiquiers mais nullement terriens. Seuls ou 
        en famille, ils quittent la capitale le 12 novembre, sur un train de chalands, 
        gagnent lentement, par rivières et canaux, Châlon sur Saône 
        où des "paquebots" fluviaux les amènent au delta 
        du Rhône. D'Arles, ils ralient Marseille par chemin de fer. "Le 
        Cacique" leur fait traverser la merjusqu'à Philippeville via 
        le petit port de Stora.
 ------Enfin, ils atteignent les terres riveraines 
        de l'oued Fendeck, immense cuvette couronnée de djebels dont les 
        principaux ont nom Oust, Bou Fernana, Serrak, Mekdoua, Denchaba, Tengout, 
        Saïafa, Ferfour, Regouat, Mazeur, Chrebik, Safia.
 ------Leur campement a été 
        installé par une compagnie du 8ème de Ligne que commande 
        le capitaine Prosper Couston, directeur de la colonie. Hébergement 
        précaire sous les guitounes, maigre rata, climat capricieux, fièvres 
        et choléra morbus deviennent vite le lot quotidien de la fragile 
        communauté dont la plupart des membres ne sont pas de taille à 
        supporter de telles épreuves.
 ------Beaucoup vont mourrir, dont le capitaine 
        lui-même, noyé en traversant à cheval un oued grossi 
        par les crues. Cinquante familles plus ou moins rescapées sont... 
        "rapatriées" (déjà !). On comble les vides 
        avec des volontaires mieux rompus aux travaux agricoles et aux rudesses 
        du climat : Provençaux, Languedociens et Maltais, qui se mettent 
        à défricher âprement leur morceau de terre.
 ------La vie s'organise tant bien que mal. 
        Chaque colon a théoriquement reçu I 200 mètres carrés 
        de lot urbain et 8 à 15 hectares de "terre arable". L'Armée 
        fournit vivres, protection des lavandières et quinine. On ouvre 
        un registre d'état?civil dès 1849, on trace des chemins, 
        on élève des remparts, un four banal, des baraquements d'intendance 
        et d'ambulance, on creuse des puits. Deux soeurs enseignent le rudiment 
        scolaire et le catéchisme.
 ------En 1851, sont installées les 
        colonies de Sidi Nassar et Ahmed ben Ali (où s'implantent des Francs 
        Comtois et des Dauphinois), qui deviendront Foy et Bayard, administrativement 
        rattachées au chef-lieu dont elles sont peu distantes.
 ------Jemmapes devient commissariat civil 
        en 1857, avec 12 membres... nommés. Les colons ont fini par quitter 
        leurs baraques de planches pour occuper enfin des maisons en dur où 
        la vie continue : on nait, on meurt, on se marie... souvent entre veufs, 
        ce qui permet d'étendre le domaine initialement concédé 
        et ne manque pas de poser de délicats problèmes de succession 
        aux notaires et tabellions.
 ------En 1867- après 19 années 
        d'existence -voici l'ex-colonie promulguée commune de plein exercice, 
        avec pour premier maire le colonel Antoine d'Hesmivy d'Auribeau, arabisant 
        distingué ( il peut lire " les Mille et une Nuits "dans 
        leur texte littéraire) et homme intègre, qui n'hésite 
        pas à se déposséder de terres offertes en récompense 
        de ses brillants états de service pour y implanter des familles 
        de colons.
 -------Un maire non pas élu - ni lui, 
        ni ses successeur M. M. Kayser, de Lannoy Denis et Merle - mais toujours 
        nommé par l'administration tant impériale que républicaine.
 -------L'eau est amenée à Jemmapes 
        depuis la lointaine source d'Aïn Saïafa ; on construit des fontaines, 
        une gendarmerie, une modeste mairie. Une église aussi, où 
        peut officier le curé Auguste Estienne, dans un sanctuaire placé 
        sous le patronnage de Spérat (ou Speratus), premier martyr chrétien 
        d'Afrique, décapité à Carthage à la tin du 
        IIème siècle avec ses onze compagnons scillitains.
 -------En 1871, au lieu dit Souk el Sebt, 
        sont attribuées des concessions à des familles alsaciennes 
        ayant quitté leur province pour ne pas subir l'occupation allemande. 
        Ce sera La Robertsau, nom d'un village de l'agglomération strasbourgeoise. 
        Ce centre, avec ceux d'Auribeau (Aïn Cherchar), Lannoy (Djendel) 
        et Roknia, délègue bientôt un adjoint spécial 
        au siège jemmapois de la commune mixte créée en 1874 
        sur 123 558 hectares, avec une population indigène répartie 
        en 21 douars.
 -------Près de Roknia, se dissimulent 
        les fameuses grottes de Taya, jamais complètement explorées 
        en raison de leur immensité ; près d'Auribeau, les sources 
        chaudes d'Oued Hammimine sont appréciées, depuis la plus 
        haute antiquité, pour leurs vertus curatives.
 -------Le 1 1 mai 1884, pour la première 
        fois, les citoyens peuvent avoir un maire élu. A Jemmapes, c'est 
        Ernest Perney ; à Gastu, Alexandre d'Hesmivy d'Auribeau, arabisant 
        distingué comme son père, et qui assure la fortune de sa 
        commune en faisant greffer les milliers d'oliviers sauvages dont est couverte 
        la région.
 -------Ainsi, après 36 années 
        de génèse, peut-on considérer que la maturité 
        est atteinte : indépendance municipale assurée, épidémies 
        et maladies en régression, terre rationnellement travaillée, 
        qui dispense ses richesses en céréales, agrumes, tabac, 
        chêneslièges, vignes, oliviers...
 -------Richesses ? Voire !... C'est compter 
        sans le phylloxéra qui, après avoir ravagé la Métropole 
        et permis l'implantation du vignoble algérien, vient ruiner (souvent 
        avec l'aide des banques et des spéculateurs) les espoirs de maints 
        colons. Les uns renoncent et s'effacent, les autres s'acharnent. Le travail, 
        le courage, la solidarité des syndicats agricoles embryonnaires 
        font que la machine se remet en route malgré sirocco, cryptogames, 
        grèle et sauterelles.
 -------Le vin des cépages nouveaux 
        titre un degré élevé : en témoignent les médailles 
        que commencent à décerner les concours agricoles ; les agrumes 
        alignent largement leurs frondaisons bien vertes en toutes saisons ; les 
        scourtins des pressoirs à olives suintent d'une huile de grande 
        qualité.
 -------L'intense marché du lundi rassemble 
        des centaines de vendeurs et des milliers d'acheteurs entre les mains 
        desquels passent grain, couffins ou poignées d'oeufs, pesantes 
        mottes de beurre, légumes, criblure, dattes pressées, tout 
        ce qui beugle, glousse, braie, caquette, bêle, hennit... en échange 
        de gros billets de la banque de l'Algérie qui sortent de portefeuilles 
        souvent ligotés par une interminable lanière de cuir.
 -------En 1903, le chemin de fer à 
        voie étroite qui reliait depuis 1864 Bône aux mines du Mokta 
        el Hadid, est prolongée vers l'ouest jusqu'à la ligne ferroviaire 
        Constantine-Philippeville, via le canton jemmapois. Ce B.M.S.C. (Bône 
        Mokta Saint-Charles) est vite surnommé Bien Marcher Sans Courir, 
        tant sa poussive locomotive et ses rustiques wagons peinent dans les moindres 
        montées ; au point que , affirme-t-on , l'on peut en descendre 
        et y remonter en marche pour cueillir quelques fleurs, piéger des 
        grives à la glu ou "changer l'eau des olives"...
 -------Et, coup d'audace !, voici qu'à 
        l'heure où le manchon du gaz (de ville) concurrence la mêche 
        fumeuse de la lampe à pétrole, une petite usine électrique, 
        sous son toit de tôle ondulée, dispense, dès la tombée 
        de la nuit, sa clarté souvent hésitante mais symbole de 
        progrès.
 -------Arrive la Grande Guerre, avec son 
        cortège de misères et de deuils. Les familles accueillent 
        de jeunes réfugiés venus des territoires où l'on 
        se bat et où meurent tant de pères, frères, fils 
        dont il faudra graver le nom sur des plaques de marbre extrait du proche 
        Filfila, pour les sceller sur un monument aux Morts conçu par le 
        sculpteur Maxime Real del Sarte.
 -------On panse les plaies, on prépare 
        l'avenir, on parle déjà de la célébration 
        du Centenaire de l'Algérie. On construit des écoles, une 
        mosquée. On abat la vieille mairie où se sont succédés, 
        depuis 1884, M.M. Perney, Châtellain, Gouvert, d'Hespel, Xuereb 
        pour la remplacer par un vaste hôtel de ville où se succéderont, 
        à leur tour, M. M. d'Hespel, Willemin, Rochette, Di Scala et Antoni.
 -------Chaque année, les premiers 
        samedi, dimanche et lundi de septembre, revient le temps de la grande 
        fête. Très réputée, elle attire en foule la 
        population des "faubourgs" : Philippeville, Bône, Guelma, 
        Constantine, tant elle est préparée avec soin et tant sont 
        renommés ses feux d'artifice, fantasia, orchestres de danse, course 
        cycliste, tournois de boules, stands forains, jeux, attractions scéniques, 
        et cette parure florale d'ensemble dont le thème varie chaque année 
        et que font éclore les mains de fée des belles Jemmapoises.
 
 
 Hommes et femmes d'exception.
 -------Que dire de ces femmes et de leurs 
        hommes qui peuplent le terroir jernmapois ? Peut-on en établir 
        un portrait-robot, en cet entre-deux guerres relativement heureux, avant 
        l'accablement de 1940 ?
 -------La collaboration d'une Zakina ou d'une 
        Bardoucha , rarement des deux, ne les dispense pas de manier la tête 
        de loup ou le chiffon-par-terre ; elles cuisinent assez souvent du moyen 
        et du petit gibier, aiment remplir des corbeilles de blondes oreillettes 
        et tiennent en réserve dans leur buffet une odorante bouteille 
        de "jus de sauterelles".
 
 -------Elles 
        sortent peu, sinon pour effectuer une rapide emplette, bavarder avec la 
        proche voisine après "l'avisse !" du tambour de ville, 
        emmener les enfants à l'école ou au "Royal Cinéma 
        Parlant", se rendre au cimetière pour nettoyer et fleurir 
        les tombes, aller faire leurs dévotions et s'installer devant la 
        porte de la maison à la fraîcheur du soir.
 -------Certaines "sortiront" un 
        peu plus loin, entre 1942 et 45, pour se retrouver dans l'Aviation, les 
        Transmissions ou la Marine. Quelques-unes sont sorties aussi, un certain 
        11 novembre 1918, pour carillonner l'Armistice... avec tant de vigueur 
        qu'une des cloches de l'église en restera fêlée.
 ------Les 
        hommes sont, en politique, pareils au vin : ils se divisent en blancs, 
        rosés, rouges et... incolores comme la fameuse eau de vie de marc 
        du pays dont le titre frise 90 degrés. Une fois leur journée 
        plus ou moins bien gagnée, ils se complaisent à pratiquer 
        une joie de vivre qui les mène au boulodrome, au bistrot, au califourchon 
        d'une chaise pour une sieste supplémentaire, ou au chien qu'on 
        siffle pour aller tirer , seul, un lièvre, des grives ou un perdreau.
 -------Mais c'est par bataillons fournis 
        que " la Diane " ou " l'hallali " les dirigent vers 
        Tsmara, Dem el Begra, Zaïtria, Radjeta, Oum Djedien et autres forêts 
        à gland, opulentes en bête noire, pour des battues somptueuses 
        qu'embaument des macaronades mijotant en de vastes lessiveuses.
 -------Femmes, hommes, marmailles, par familles 
        groupées, sacrifient collectivement au rite de la Saint-Couffin, 
        pantagruelique casse-croûte de Pâques, Pentecôte, Assomption 
        et autres opportunités festives, vers Grébissa ou la Zaouîa, 
        à moins que ce ne soit au Guerbes dont nul ne leur dispute la plage 
        salée, les amples vagues et les abris de roseaux criblés 
        de soleil.
 -------Temps bénis !... dont arrive 
        la contrepartie lorsqu'il faut entamer la longue marche - parfois meurtrière 
        - par dorsale tunisienne, ravins italiens, plages provençales, 
        brouillards francs-comtois, neiges alsaciennes, avant de parvenir aux 
        éclaircies printanières entre Rhin et Danube, puis retourner 
        au pays et à la paix... pour neuf ans.
 --------En 1948, la tête annuelle se 
        double des cérémonies du Centenaire, avec illuminations, 
        personnalités galonnées, hommage aux pionniers-fondateurs, 
        inauguration de plaques commémoratives, reprises martiales des 
        musiques militaires et retrospective d'un siècle d'histoire locale.
 --------Puis six petites années encore, 
        pour savourer un peu de félicité avant l'engrenage : subversion, 
        incendies, assassinats gachis exode...
 --------Dispersés par le vent de l'Histoire, 
        les Mougeot, Cini, Ballet, Ravanetti, Bellichon, Abéla, Chapuis, 
        Scanu, Bonmarchand, Olivero, Grest, Croce, Pellegrini, Thëvenon, 
        Zazzi, Vaudey, Greck, Berbessou, Mattéra, Hentz, Paraire, Farina, 
        Lacombe, Frassati, Clément, Cangi, Chambard, Salon Monfourny, Izac, 
        Laffont, Chazeau. Laurent, Javel, Barbato, Delaporte, Losson, Dupont, 
        Aucel, Gamba, Seyvet, Dessertaine, Bouteiller, Flandin, Mangion, Trapp, 
        Bonnici, Goger, Teuma, Huck, Caruana, Blanc, Rodot, Sultana, Biaudet, 
        Lombardo, Magnon, Saliba, Hugonnot, Camillieri, Tournier, Aquilina, Besart, 
        Cornec, Bertucchi, Bourge, Di Napoli, Illarion, Trévisio, Rochette, 
        Didier, Raybaud, Torasso, Bontoux, Jeanmasson, Belle, Curetti, Richard, 
        Breysse, Meilac, Canuel, Xuereb, Berrux, Avril, Nublat, Trouillas, Vitel, 
        Denis, Eiberstein, Paoli, Colnat, Ehrlacher, Faillant, Natrella, Dacre 
        Wright, Rambert, Palenc, Cals, Gougot, Conangle, Hersant, Criscuolo, Jean, 
        Bianco, Kalafat, Langolf, Brethous, Chavanon, Xerri, Letteri, Orosco, 
        Morvan, Bertagnoli, Montacié, Silvestro, Marot, Refalo, Mège, 
        Dol, Monti, Rivano, Massari, Riera, Corgia, Rémy, Antoni, Bouny, 
        Courbon, Réjany, Valibus, Borghéro, Fratti, Reynaud, Guedj, 
        Toumi, Ferrer, Tournou, Faret, Kondratieff, Fenech, Bastien, Baresi, Fède, 
        Santmann, Dupas, Gamboni, Saillard, Brisset, Pétyx... et tous ceux 
        dont la mémoire du chroniqueur, plus de 30 ans après , a 
        l'ingratitude de ne pas avoir conservé le nom.
 --------Au delà des ultimes arrachements, 
        deux vieux célibataires : Mathieu et Guérin se résignent 
        aussi à boucler la symbolique valise...
 --------Mais le rideau qu'on pourrait croire 
        tombé sur cette scène finale se relève peu à 
        peu. Au fil des années, les lignes du téléphone arabe 
        se mettent à grésiller pour les reprises de contact. Avec 
        quelques autres, Maria Tournier, Gaston Brandi et Jean Benoit se partagent 
        une pieuse mission : à l'une la présidence d'une Amicale 
        qui groupe 300 familles, au second la sauvegarde des tombes demeurées 
        là-bas, au troisième la parution d'un bulletin de liaison 
        "Jemmapes et son canton". Après le décès 
        de Maria, son fils Henri prend le relais.
 --------En Ile de France d'abord, puis çà 
        et là dans l'Hexagone, des réunions amicales autour d'une 
        bonne table réunissent ceux qui ne veulent pas oublier. Certains 
        s'en vont pérégriner parfois au pays natal où ils 
        reçoivent un accueil fraternel et émouvant ; et où, 
        grâce à un ami fidèle, le cimetière, annuellement 
        desherbé, reçoit, des autorités municipales algériennes, 
        la réparation des injures du temps.
 --------Episodiquement, Jemmapois et Mondoviens 
        se rassemblent, au souvenir de leurs lointains pionniers qui, fin 1848, 
        au Grand Lazaret de Marseille, vécurent quelques jours de vie commune 
        avant leur départ pour l'aventure algérienne. Des Mondoviens 
        et des Jemmapois qui ne désespèrent pas de voir Paris célébrer 
        en 1998, avec eux et quelques autres, le cent cinquantenaire du départ 
        vers l'Afrique des colonies agricoles.
 Camille Regnault de Lannoy de 
        Bissy--------En 1865, on extrait au prix d'un 
        travail de Romain... et d'Egyptien, au flanc du djebel Oust proche de 
        Jemmapes, un obélisque de grès haut de huit mètres.
 --------L'initiative de cette tâche 
        hors du commun revient à l'ingénieur en chef des Ponts et 
        Chaussées de la province de Constantine, Camille Regnauld de Lannoy 
        de Bissy, qui a l'intention de faire figurer ce monolithe à l'exposition 
        universelle de Paris, en 1867.
 --------M. de Lannoy , comme on l'appelle 
        dans la région de Jemmapes où il a acquis des terres et 
        fait édifier une résidence, est né en 1809 à 
        Bissy, près de Chambéry, un demi-siècle avant que 
        la Savoie redevienne française. Aussi lui a-t-il fallu bénéficier 
        d'une dispense pour faire ses études au lycée Henry IV à 
        Paris (il y est condisciple du duc de Chartres, fils ainé de Louis 
        Philippe), puis à Polythechnique et à l'Ecole des Ponts 
        et Chaussées.
 --------Après avoir exercé 
        à Angers, Grenoble et Valence... où dit-on, il aurait tiré 
        la barbe du préfet, il est nommé dans la province de Constantine 
        en 1852, et y déploie, pendant 20 ans, une activité prodigieuse.
 --------Excellent cavalier, il sillonne interminablement 
        le Constantinois, ne craignant ni les fauves (il écarte les lions 
        de son chemin à mains nues) ni les bandits qui sévissent 
        le long des chemins. I1 fait tracer 800 kilomètres de routes et 
        des lignes de chemin de fer, multiplie les puits artésiens et les 
        ouvrages d'art, lance des ponts, creuse des ports, dresse des phares et 
        ouvre des chantiers de fouilles archéologiques.
 --------Dans les Babors, il découvre 
        un conifère qui sera désormais répertorié 
        sous le nom d'abies numidica de Lannoy ; l'espèce figure dans la 
        pépinière qu'il crée à Djebel Ouach, au dessus 
        de Constantine, autour de quatre lacs artificiels destinés à 
        fournir le chef-lieu en eau de bonne qualité. Au Mansourah, il 
        fait planter une vaste forêt en forme de Légion d'Honneur, 
        qui couvre ce coin rocailleux d'une ombre bienfaisante.
 --------Pressantant que, malgré la 
        violente opposition des viticulteurs du Midi de la France, la vigne fera 
        un jour la richesse de l'Algérie, il expérimente, sur ses 
        terres jemmapoises, tous les cépages connus, pour sélectionner 
        les meilleurs ; l'émir Abd el Kader lui-même, lui en fait 
        parvenir de son exil syrien. II rassemble aussi de nombreuses plantes 
        exotiques dans une sorte de jardin d'essai, et multiplie les eucalyptus 
        pour assécher rapidement les zones marécageuses où 
        prolifèrent les moustiques.
 --------Seul échec de sa magnifique 
        carrière : il n'a pas la fierté de voir son obélisque 
        se dresser au centre d'une place parisienne en 1867... aucun capitaine 
        de navire faisant escale dans le port de Philippeville n'a voulu se charger 
        de transporter une aussi encombrante cargaison.
 --------Plus prosaïquement, le monument 
        finira par être érigé au centre de Jemmapes, au milieu 
        de la vaste place qui va de la mairie à l'église. Une plaque 
        y est apposée, plus tard, pour rendre hommage au maire et bienfaiteur 
        de la commune, décédé en 1881 et enterré au 
        milieu de ses vignes, sous un mausolée dont l'ancien polytechnicien 
        a lui-même tracé les plans.
 Jean Benoit "Jemmapes et son canton"J. Benoit : 440 route de Vulmix (A36)
 73700 Bourg St Maurice
 |