
          
        L'ÉCOLE D'ENSEIGNEMENT MÉNAGER 
          AGRICOLE 
          DU JARDIN-D'ESSAI DU HAMMA 
        L'enseignement ménager 
          agricole est d'origine essentiellement française et, s'il commence 
          à peine à être largement et rationnellement organisé 
          chez nous ce n'est, certes, pas faute d'avoir eu d'illustres précurseurs 
          ! 
          
          Faut-il citer le distique bien connu qu'Olivier de Serres inscrivait 
          dans son Théâtre d'agriculture et mesnage des champs : 
          
          " On dict bien vrai, qu'en chacune saison, " La femme fait 
          ou défait la maison. " 
          
          Faut-il évoquer, en des temps plus rapprochés, le souvenir 
          de l'agronome français Pierre Joigneaux qui exposa dans son ouvrage 
          Conseils à la jeune fermière, publié à Bruxelles 
          en 1859, sa conception de l'enseignement ménager agricole en 
          ces quelques lignes frappées: au coin de la plus robuste logique 
          et inspirées par une claire vision du rôle de la femme 
          à la ferme : "Vous voulez, - écrivait-il - que le 
          cultivateur sache distinguer ses terrains, raisonner ses labours, apprécier 
          la valeur de ses engrais, le mérite de ses outils ; vous voulez 
          qu'il se rende compte de la manière de vivre des végétaux 
          ; fort bien. A cet effet, vous lui faites enseigner toutes sortes de 
          bonnes choses scientifiques ; c'est toujours fort bien... Mais, pour 
          Dieu, soyez donc conséquents et faites pour les filles ce que 
          vous faites pour les garçons. Elles ont dans l'exploitation une 
          large part de besogne et de responsabilité. " 
          C'était là, à n'en pas douter, du féminisme 
          du meilleur aloi. 
          
          Passons maintenant aux résultats. | 
          
          La nécessité d'un enseignement spécial permettant, 
          de donner aux futures compagnes d'agriculteurs les connaissances les 
          mettant à même de remplir leur double rôle de ménagères 
          et de fermières s'est fait, sentir dans tous les pays. 
          
          L'Algérie, pays essentiellement agricole, ne pouvait, s'en désintéresser. 
          Aussi, la Commission instituée dans la Colonie par arrêté 
          du 14 février 1914, en vue de l'étude des questions concernant 
          l'élevage avait-t-elle tout particulièrement insisté 
          sur la nécessité d'y organiser cet enseignement. 
          
          A la faveur de la réorganisation des services économiques 
          de l'Algérie et, plus spécialement, de celle des services 
          d'études, des recherches, d'expérimentation et de vulgarisation 
          agricole - uvre d'envergure à la réalisation de 
          laquelle M. Brunel, directeur de l'Agriculture, et M. Chervin, sous-directeur, 
          se sont obstinément attachés - il fut décidé 
          que le bénéfice de l'enseignement agricole ménager 
          serait acquis à l'Algérie par la création d'une 
          École spécialisée, conçue sur le modèle 
          de celles de la Métropole. Cette École ménagère 
          serait installée au Jardin d'Essai du Hamma. Les travaux de restauration 
          et d'aménagement que cette entreprise nécessitait ne permirent 
          pas son fonctionnement à la rentrée d'octobre 1918, comme 
          ont l'espérait. Elle fut donc provisoirement installée 
          à 
          Maison-Carrée dans les locaux de l'École d'Agriculture 
          disponibles par suite de l'absence dès jeunes gens et elle y 
          fonctionna durant l'année scolaire 1918, 
          
          Enfin, à la rentrée d'octobre 1919, l'École d'Agriculture 
          rouvrit ses. portes et ses locaux à ses élèves, 
          et comme, d'autre part, la mise en état du bâtiment principal 
          du Jardin d'Essai et de ses communs destinés à recevoir 
          l'École ménagère étaient prêts, cette 
          dernière put se mettre " dans ses meubles ". 
          Mlle Quintin, qui assura pendant plusieurs années le fonctionnement 
          d'Écoles ménagères en France, dirige très 
          habilement l'École, admirablement secondée par un professeur,, 
          Mlle Bernard, également diplômée de Grignon. 
          
          Et ce n'est pas petite tâche que celle qui leur est dévolue 
          ! 
          
          L'École d'Enseignement ménager agricole, nous est-il exposé, 
          comporte deux sections : la première comprenant les jeunes filles 
          désirant acquérir une solide instruction ménagère 
          et agricole et se préparer à leur rôle de femmes 
          d'agriculteurs ; la seconde, composée de personnes (élèves 
          maîtresses ou institutrices notamment) désireuses de compléter 
          leurs connaissances en vue de pouvoir donner ensuite un enseignement 
          ménager agricole dans les écoles de filles relevant de 
          l'autorité académique (enseignement scolaire ou post-scolaire) 
          ou dans les écoles ambulantes dont la Direction de l'Agriculture 
          compte proposer l'organisation dès qu'elle disposera des.éléments 
          indispensables. 
          
          L'Afrique du Nord illustrée, fidèle à son programme, 
          n'a pas manqué d'aller se rendre compte " de visu " 
          et " de auditu " - car la plus aimable, et la plus documentée 
          des interviews lui fut accordée - de ce qu'est l'École 
          d'enseignement agricole ménager. Elle se hâte d'en faire 
          part à ses lecteurs. 
          
          Le nouvel établissement a pris possession du bâtiment central 
          du Jardin, face à l'Institut Pasteur, mais de l'autre côté 
          de la rue de Lyon. 
          
          L'École ménagère agricole peut être considérée 
          comme une grande famille dans laquelle chaque membre a sa part du travail 
          quotidien. 
          
          En principe, les travaux pratiques absorbent toutes les matinées. 
          Les après-midi sont consacrés aux cours théoriques, 
          aux conférences et aux séances d'application. 
          
          Chaque promotion est scindée en trois sections d'égale 
          importance ; les élèves qui composent chacune d'elles 
          sont occupées durant une semaine aux mêmes travaux. C'est 
          ainsi que l'on distingue les sections respectives de cuisine, de ménage 
          et de travaux de la ferme. 
          
          L'enseignement théorique comporte des conférences faites 
          par le personnel de l'École et par des professeurs spécialistes 
          portant sur toutes les matières de l'enseignement auxquelles 
          s'ajoutent l'agriculture générale, les soins,à 
          donner aux animaux de la ferme, le jardinage, l'apiculture, l'hygiène, 
          la puériculture, etc. 
          
          Sous la direction du jardinier en chef du Jardin d'Essai, les élèves 
          de l'École sèment, piochent, taillent, greffent. De même, 
          au rucher, elles participent à toutes les opérations apicoles 
          : visite des ruches, soins aux abeilles, récolte du miel. 
          
          Enfin, des conférences extrêmement goûtées 
          leur sont faites à l'Institut Pasteur sur les maladies épidémiques, 
          sur la prophylaxie du paludisme notamment.. Des visites aux établissements 
          intéressants des environs (frigorifique de Maison-Carrée, 
          laverie de laines d'Hussein-Dey) complètent cet enseignement 
          si vivant. ...
          
          L'École dispose d'un internat meublé simplement, mais 
          avec goût, et où l'air et la lumière pénètrent 
          largement. 
          
          Le dortoir, vaste, est doté de cellules individuelles coquettement 
          aménagées. 
          
          Les locaux d'enseignement, distribués au rez-déchaussée, 
          comprennent une salle de cours, une cuisine et un office remarquablement 
          installés.. À côté, une buanderie, des salles 
          de travaux pratiques de couture, de blanchissage et de repassage, pourvues 
          de tout le matériel nécessaire. Une salle de lecture-bibliothèque 
          vient ensuite. Enfin, voici une salle de récréation où 
          un piano, maintenant sagement recouvert de sa housse, permet aux élèves, 
          en fin de journée, de plaquer quelques accords qui leur fait 
          oublier, pour quelques instants, le réalisme des travaux de la 
          journée. 
          
          La ferme est dotée d'une étable où six magnifiques 
          vaches fournissent le lait qui sera traité dans la laiterie voisine. 
          
          
          Cette dernière, parfaitement agencée, est munie d'un outillage 
          des plus modernes : écrémeuses, barattes, malaxeurs, presses 
          et moules à fromages, petit laboratoire d'analyse du lait. Inexpérimentées 
          au début, les élèves, nous assure-t-on, réussissent 
          à souhait, au bout de quelques essais, la fabrication du beurre 
          et de certains fromages. 
          
          La basse-cour est nombreuse et bruyante. Un matériel d'élevage 
          complet y existe : couveuses, éleveuses artificielles, gaveuses, 
          etc. 
          
          A ce propos, il est intéressant d'insister sur le développement 
          que doit prendre l'aviculture à l'École ménagère 
          agricole. Des travaux en cours d'exécution la doteront d'un parc 
          d'aviculture modèle où seront représentées 
          les différentes races de poules françaises et étrangères, 
          susceptibles d'améliorer les races indigènes. Les nombreuses 
          demandes adressées à l'École en vue de l'achat 
          d'ufs et de reproducteurs sélectionnés laissent 
          entrevoir déjà le rôle intéressant que pourra 
          jouer cet établissement dans le domaine de l'aviculture. Ainsi 
          va se trouver réalisé le vu émis au congrès 
          de l'élevage, en 1914, " tendant à obtenir que les 
          femmes et filles de colons soient instruites de l'élevage de 
          la volaille qui leur revient plus particulièrement à la 
          ferme. " 
          
          A signaler aussi que l'extériorisation de l'activité de 
          l'École s'étendra, sous peu, à la création 
          d'une série de cours relatifs à la fabrication des conserves, 
          auxquels pourront assister les personnes que la question ne laisse pas 
          indifférentes. 
          
          Telle est l'École d'enseignement agricole ménager, située, 
          ce qui ne gâte rien, dans le cadre le plus riant qui soit et où 
          le travail devient un plaisir. 
          Les buts que.l'on s'est proposé en la créant sont-ils 
          atteints ? Il est prématuré de juger cette uvre 
          qui, en réalité, peut à peine commencer à 
          fonctionner dans de bonnes conditions matérielles. 
          
          Les élèves-maîtresses qui se sont succédé 
          à l'École, en stage d'études pratiques d'une durée 
          de trois mois à peine, ont toutes fait preuve d'entrain, de volonté 
          attentive. Il ne saurait être question de faire d'elles des " 
          fermières accomplies ". Leur faire comprendre, au cours 
          d'un aperçu rapide des travaux de ménage et de la ferme, 
          l'importance insoupçonnée du rôle que la femme doit 
          tenir à la campagne était, semble-t'-il, le but visé. 
          Nous sommes persuadé qu'il a été largement atteint. 
          
          
          Mais il reste à l'École " instituée pour recevoir 
          .simultanément des jeunes filles de colons désireuses 
          d'acquérir une éducation; ménagère et agricole 
          et des personnes appelées a donner ultérieurement l'enseignement 
          ménager dans les écoles de filles de la Colonie ", 
          à remplir la première partie de ce programme. 
          Il est sélect, " up to date ", en Angleterre, d'envoyer 
          les jeunes filles de la bourgeoisie agricole - voire même les 
          riches héritières de la campagne - se préparer 
          à leur métier d'" agricultrices " et à 
          leur futur rôle de compagnes de gentlemen-farmer, dans les collèges 
          agricoles féminins de Studley, Swanley, Reading, etc. 
          
          Ce mouvement, commencé dès avant la guerre, s'accentue 
          de plus en plus. 
          
          Ce que le sens pratique et la mode ont pu faire on Angleterre - et dans 
          d'autres pays (Belgique, Allemagne, Hollande), la nécessité 
          de la restauration agricole de notre pays, qui exige une collaboration 
          avisée et intelligente, entre le cultivateur et sa compagne, 
          saura, nous en sommes certains, le réaliser chez nous.