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          Dc Edmond SERGENT
          
          Comme tous les pays du monde, l'Algérie a bénéficié 
          grandement, dans le passé, des découvertes de Pasteur 
          et de son école : dans le présent elle en tire chaque 
          jour de nouveaux profils. Ici comme partout, en effet, l'emploi des 
          vaccins et des sérums préventifs ou curatifs, l'application 
          des principes pastoriens de l'hygiène rationnelle ont contribué, 
          contribuent sans cesse, et de la façon la plus efficace, à 
          préserver la santé et la vie des populations. A cette 
          sauvegarde, qui est l'uvre quotidienne des médecins praticiens 
          autant que des organisations prophylactiques officielles, l'Institut 
          Pasteur et ses filiales, essaimées dans la France d'outremer, 
          apportent leur concours bénévole. Quelle part y prend 
          l'Institut Pasteur d'Algérie depuis l'origine, et avec quels 
          moyens, quels résultats, enfin, il a pu obtenir déjà 
          c'est ce dont on voudrait donner ici un court aperçu. 
          
          En 1894, sur l'initiative des professeurs Trolard et Soulié, 
          de l'Ecole de Médecine, un service de traitement préventif 
          de la rage fut organisé à Alger afin d'éviter aux 
          personnes appelées à s'y soumettre le long voyage de Paris. 
          En 1900, l'Institut Pasteur organise une mission permanente de recherche 
          scientifique en Algérie : l'état de civilisation du plus 
          grand nombre des indigènes, le climat donnent un caractère 
          particulier à la pathologie humaine et vétérinaire 
          du pays ; des maladies épidémiques y subsistent qui ont 
          disparu de l'Europe occidentale, d'autres y possèdent un pouvoir 
          d'expansion singulier; il en est qui n'ont pas encore livré le 
          secret de leurs causes ou de leurs voies de transit ; et il en est peut-être 
          d'inconnues ; un vaste champ d'éludés s'offre ainsi à 
          l'activité des travailleurs de laboratoire. En 19119, le Gouverneur 
          général .Jonnard demande au docteur Roux de créer 
          à Alger un centre de recherches scientifiques d'après 
          les méthodes pastoriennes. pour l'élude des maladies virulentes 
          et contagieuses de l'homme, des animaux et des plantes intéressant 
          l'Algérie et les pays de l'Afrique du Nord. Il désire, 
          eu outre, que les nouveaux laboratoires soient chargés de l'enseignement 
          supérieur des méthodes microbiologiques appliquées 
          à la médecine humaine à la médecine vétérinaire 
          et à l'agriculture, et qu'ils assument la préparation 
          et la délivrance des sérums thérapeutiques, des 
          vaccins et des produits biologiques nécessaires aux Services 
          publics d'hygiène et d'assistance médicale et aux Services 
          vétérinaires sanitaires ressortissant au Gouvernement 
          général de l'Algérie. Ce vaste programme, le Gouverneur 
          général Steeg le résumait plus tard en cette saisissante 
          formule ": " à l'Institut Pasteur, la science se crée, 
          la science s'enseigne, la science s'applique ". 
          Par ses travaux, le nouvel Institut Pasteur d'Algérie, inauguré 
          en 1910, s'est, du moins, efforcé de répondre aux vux 
          confiants de l'homme d'État qui l'a fondé. Au long des 
          jours, il a pu réaliser quelques acquisitions scientifiques où 
          la santé publique et l'économie du pays ont trouvé 
          des avantages certains. C'est ainsi, entre autres, que l'étude 
          précise des facteurs qui président à l'apparition, 
          à la répartition et à la propagation du paludisme 
          en Algérie, l'élaboration de méthodes épidémiologiques 
          permettant de mesurer, en tout lieu, l'importance de ces facteurs, l'expérimentation 
          des techniques prophylactiques ou thérapeutiques ont abouti à 
          l'organisation actuelle de la lutte antipaludique. Par ailleurs, la 
          recherche du mode de propagation de diverses maladies infectieuses ou 
          des agents encore inconnus qui les provoquent ont permis de découvrir 
          que le pou transmet la fièvre récurrente mondiale, les 
          Phlébotomes le bouton d'Orient (clou de Biskra) et aussi, selon 
          toute vraisemblance, la leishmaniose viscérale infantile et canine 
          - première démonstration du rôle de ces insectes 
          comme convoyeurs de virus humains - un hippobosque (Lynchia maura) le 
          paludisme des pigeons, les taons et les mouches d'écurie le debab 
          ou trypanosomiase des dromadaires, certaines tiques les piroplasmoses, 
          de mettre en évidence pour la première fois, chez le pou, 
          le germe du typhus exanthématique (Rickettsia prowazeki), de 
          soupçonner la tique du chien (Rhipicephalus sanguineus) de communiquer 
          à l'homme la fièvre récurrente hispano-africaine, 
          de montrer l'existence d'une myiase oculaire humaine due aux larves 
          de l'stre du mouton, etc. 
          
          S'attachant à dresser en quelque sorte l'inventaire de la pathologie 
          algérienne selon les méthodes pastoriennes, l'Institut 
          Pasteur d'Algérie a, d'autre part, effectué de nombreuses 
          enquêtes, dont certaines sont encore poursuivies, sur la fièvre 
          ondulante et les mesures sanitaires propres à en restreindre 
          la propagation, sur la répartition, parmi la population indigène, 
          de l'infection tuberculeuse, des teignes, des ophtalmies contagieuses, 
          le trachome en particulier, du goitre, des maladies vénériennes 
          (ankylostomiase et filariose), sur les eaux de consommation. Il a décrit 
          des hématozoaires nouveaux de l'homme (Sergeniela, hémogrégarine), 
          mis au point une technique du traitement des gastro-entérites 
          infantiles par des doses massives de cultures fraîches de ferments 
          lactiques, grâce à laquelle bien des jeunes existences 
          ont été épargnées, tracé le plan 
          d'une lutte rationnelle contre le trachome, en assignant le principal 
          rôle aux bit el aïnin (dispensaires antiophlalmiques). 
          Les recherches concernant la pathologie vétérinaire n'ont 
          pas été moins fertiles : découverte de l'agent 
          causal du debab des dromadaires (un trypanosome); - culture du virus 
          de l'agalaxie contagieuse du mouton et de la chèvre, et du cryptocoque 
          de la lymphangite épizootique; -- démonstration de l'existence,' 
          dans l'Afrique du Nord d'une anémie pernicieuse du mouton due 
          à un ultra-virus; de quatre maladies du buf, de quatre 
          maladies du mouton et de deux maladies du cheval, provoquées 
          par des piroplasmes; - description des symptômes de ces piroplasmoses, 
          des parasites qui les déterminent, des tiques qui les transmettent; 
          indication des mesures prophylactiques (vaccination prémunitive) 
          ou de la thérapeutique à y opposer; - invention d'un vaccin 
          anti-claveleux sensibilisé; préparation d'un vaccin antirabique 
          à usage vétérinaire, dont la diffusion aura les 
          plus heureuses conséquences pour la protection de l'homme contre 
          la rage; - préparation d'un sérum contre la peste porcine 
          et d'un vaccin anticryptococcique. Inventaire, enfin, et étude 
          des maladies vétérinaires locales (leishmaniose canine, 
          typhose aviaire, spirochétose des poules, ghedda des dromadaires, 
          parabotulisme des Équidés, etc.). Certains de ces travaux 
          ont eu une influence directe sur l'enrichissement du pays, et, indirectement, 
          sur l'état sanitaire de la population. Car, ici surtout, où 
          les maladies dites sociales - maladies de misère - sont si répandues, 
          tout progrès réalisé dans l'hygiène des 
          animaux domestiques a ses répercussions sur l'hygiène 
          humaine du fait de l'amélioration économique qu'il entraîne 
          à sa suite. 
          
          L'Institut Pasteur d'Algérie assure enfin, par ses Services pratiques, 
          la vaccination préventive de la rage après morsure, la 
          préparation, la conservation et la délivrance des divers 
          sérums, vaccins et ferments. Il procède aux analyses microbiologiques 
          ou chimiques, médicales ou vétérinaires qui lui 
          sont demandées par l'État, les communes ou les particuliers. 
          Pour ses recherches et son fonctionnement, il dispose d'un établissement 
          principal, situé à Alger, quartier du Hamma, près 
          du Jardin d'Essai, et d'une annexe, au centre d'Alger, - qui sert aussi 
          de bureau de ville, - où le traitement antirabique est appliqué. 
          Il loge ses animaux d'expérience dans une autre annexe, rurale, 
          de 5 hectares, à Kouba. Une Station expérimentale, celle 
          du marais des Ouled-Mendil, de 360 hectares, sise à Birtoula, 
          à 25 kilomètres d'Alger, et un laboratoire saharien, primitivement 
          fixé à Beni Ounif-de-Figuig, installé à 
          Biskra depuis 1923, complètent ses moyens de travail.