|  ET ALORS ET OILA  Cette histoire authentique, j'te jure, s'est écrite dans le magasin 
        de Maurice,
 Situé rue Bab-Azoun, non loin du boulevard Front-de-Mer qui,
 Souviens-toi, sentait les acres odeurs du port, le goudron, les épices
  Dans le magasin à Maurice y'avait 
        de tout,Epicerie, bazar et même parfois des cafards,
 Y'avait aussi des habitués, des salaouetches, des vrais,
 Qui venaient regarder, acheter, et surtout tchatcher,
  Comme la Mère Sintès, avec 
        sa voix haut perchée,Qui racontait comment Canova, le boucher, lui avait répondu,
 Alors qu'elle se plaignait de la hausse du prix des côtelettes
 " Eh alors, madame, vous avez déjà vu des côtes 
        qui descendent, vous ? "
  Et Popaul, le pilier couperosé 
        du bar de la Marine,Qui avait promis, juré, de boire du lait
 Quand les vaches mangeront de la vigne,
  Sans oublier Rossi, le douanier louette,Que le médecin lui avait interdit de boire l'anisette,
 Supputant à voix haute " supposons qu'on m'offre le pastis,
 A chi dente, j' peux pas refuser "
 Et encore Georgeot, le mécano de 
        Mercurio,Qu'il avait toujours les ongles aussi noirs que le brasero,
 Et le portefeuille aussi plat qu'un stockafisch,
 Mais y'en avait pas deux capables comme lui
 Pour régler le ralenti capricieux de la vespa ou du rumi,
 Sans oublier le grand Antoine dit Tonio,Le marin de Schiaffino qui revenait de ses courses lointaines,
 Les poches pleines de cigarettes américaines,
 Aouf, comme qui dirait gratis pro deo,
 Y'avait enfin Toussaint, le pince-sans-rireQui buvait le caoua si chaud que parfois y se brûlait,
 Répondant invariablement aux interrogations :
 -Tu pleures ?
 -C'est à cause de ma sur
 -Oh
la putain
 -Non, pas celle-la, l'autre
 -Et alors ?
 -Et oila
 
 François Rosello 25 octobre 2005
 
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