| -----0n ne peut pas dire qu'à Alger 
        on aime les animaux plus qu'ailleurs mais il est un fait : c'est qu'on 
        déteste Galoufa. On nomme ainsi "l'attrapeur de chiens", 
        le pauvre bougre qui ramasse les chiens errants et les transporte à 
        la fourrière. Souvent il s'appelle Lopez, Séror ou Mendoza. 
        Mais le nom de Galoufa lui est attaché, sub specie oeternitatis. 
        Son matériel est rudimentaire : une sorte de charette à 
        bras, fermée et grillagée, où les pauvres klebs sont 
        trimbalés dans toute la ville, en attendant la fosse commune.
 -----Pareille attraction fait partie, pour 
        les salouetches d'Alger, des distractions de la rue ; le sinistre équipage 
        est à peine signalé, de grand matin, que déjà 
        les enfants s'attroupent et crient : « Ho, Galoufa !
 -Ti attrapes les chiens ? Tiens, attrape çuilà !»
 -----Le pauvre employé municipal ne 
        sait que répondre. Souvent il se contente d'ébaucher un 
        geste, qui n'est pas toujours celui d'un homme du monde. Alors les quolibets 
        et les cris redoublent. Oh ! ce n'est pas un poste de tout repos.
 -----Tout fait prévoir qu'un jour 
        le misérable mesloute qui accepte d'exercer ce métier infamant, 
        sera remplacé par un fonctionnaire syndiqué. Peut-être 
        par un ramasseur de chiens automatique, qui opérera à la 
        façon d'un aspirateur.
 -----Nous verrons sans doute le Galoufa-automobile, 
        le Galoufa-électrique, le Galoufa-robot, peut-être le Galoufa-volant, 
        aérien, l'aviateur galouféen. Espérons que le nom 
        générique lui restera, comme le nom de Marie reste aux bonnes 
        et celui de Collignon aux cochers. Mais rien ne remplacera ce cri aigu, 
        troublant la quiétude de la rue algéroise, au début 
        du siècle et à l'heure silencieuse de la sieste.
 -"Oh ! Galoufa !..." suivi de ce commentaire
 -"Ti attrapes les chiens ? ... Tiens, attrape çuila !" 
        suivi d'un geste obscène .
 Paul AchardSalaouetches chez Balland
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