| -----Ma grand-mère 
        maternelle était messine. Sa famille était de celles qui 
        après l'annexion de la Lorraine par l'Allemagne en 1871 étaient 
        restées sur place. Ne fallait-il pas que certaines s'y révoltent 
        afin de conserver secrètement le pays à la France dans l'espoir 
        un peu fou qu'un jour les armes françaises connaitraient un sort 
        plus favorable. Ce jour vint en 1918 et le retour de la Lorraine annexée 
        à la mère patrie fut officialisé par une clause du 
        Traité de Versailles en 1919. A cette époque l'administration 
        commençait déjà à devenir sérieusement 
        paperassière et il fallait donc organiser l'échange des 
        cartes d'identité allemandes détenues par la population 
        contre des papiers français.-----Une autre clause du traité de 
        Versailles concernait le sort de la Sarre, importante région industrielle 
        qui passait sous administration française pour 15 ans et devrait 
        ensuite choisir par référendum son appartenance à 
        l'un ou à l'autre pays. II y avait alors à Metz un nombre 
        assez important d'habitants originaires de Sarre qui s'y étaient 
        installés durant l'annexion. Bien que ne parlant guère le 
        français et dans tous les cas avec un accent tudesque prononcé, 
        bon nombre de ces Sarrois décidèrent de demander leurs nouveaux 
        papiers. Pour ces Lorrains de fraîche date, l'échange avait 
        lieu dans les mêmes bureaux et sous le contrôle des mêmes 
        fonctionnaires que pour les familles implantées là depuis 
        toujours.
 ÊTRE FRANÇAIS -----Un phénomène 
        étrange est alors apparu : les Sarrois obtenaient leurs papiers 
        français en quelques jours sur présentation de quelques 
        documents simples du genre extrait de naissance et certificat de domicile. 
        Par contre, les Français de souche étaient obligés 
        de multiplier les démarches, se voyant réclamer à 
        chaque fois de nouveaux justificatifs du genre acte de naissance du grand-père 
        ou acte de mariage de l'arrière-grand-mère.-----Après avoir supporté quelque 
        temps cette comédie, ma grandmère décida que la plaisanterie 
        avait assez duré et demanda une audience aux autorités en 
        la personne non pas d'un préfet mais, d'un Général-Gouverneur 
        installé par la France pour cette période transitoire. Mon 
        grand-père avait une situation suffisamment assise pour que cette 
        requête ne puisse être refusée. Après les quelques 
        phrases courtoises d'usage dans ce genre d'entretien, le Général 
        s'est aimablement enquis du motif de cette visite.
 -Général, répondit ma grand-mère, je suis 
        venue vous demander un conseil. Pensez-vous qu'il soit utile... ou nécessaire... 
        ou même indispensable que mes amis et moi-même, Lorrains de 
        souche, allions nous installer pendant quelques semaines ou quelques mois 
        en Sarre pour pouvoir obtenir nos papiers de Français ?
 -----Le Général sursauta. Mais 
        comme la plupart des vrais militaires, il avait le sens de l'humour et 
        demanda des explications. Les gouverneurs ont des pouvoirs étendus 
        et les généraux l'habitude d'être obéis. Le 
        Général-Gouverneur en question a vraisemblablement frappé 
        du poing sur la table : les fonctionnaires en cause ont aussitôt 
        mis une sourdine à leurs exigences stupides et tout est rentré 
        dans l'ordre. Peut-être peut-on penser à leur décharge, 
        qu'ils avaient reçu de quelque chien coiffé de ministère, 
        une directive leur enjoignant de traiter avec la plus grande complaisance 
        les demandes formulées par les Sarrois : ne fallait-il pas préparer 
        sans attendre le futur référendum ?
 CELA RECOMMENCE EN 1996 -----Trois quarts 
        de siècle sont passés, mais le règne des tyranneaux 
        n'a pas pris fin pour autant. En ce printemps 1996, il semble bien que 
        l'Administration s'ingénie à compliquer la vie de certains 
        français, très exactement de tous ceux qui ont eu la mauvaise 
        idée de naître en pays étranger. Tirant argument de 
        la multiplication des fraudes et n'ayant pas assez d'imagination pour 
        inventer des méthodes propres à les combattre efficacement, 
        elle a obtenu d'un pouvoir politique trop souvent dépassé 
        par les évènements, d'obliger les malheureux Français 
        natifs de Pernambouc ou Saïgon à fournir un certificat de 
        nationalité française pour n'importe quel dossier de requête, 
        même pour leur état de service militaire.-----Pour corser les choses et augmenter 
        encore les difficultés de
 nos compatriotes on a confié aux Greffiers des Tribunaux d'Instance 
        le soin de délivrer ces certificats. Souvent plus prétentieux 
        que compétents en matière de nationalité, ces honnêtes 
        fonctionnaires s'entourent de toutes les précautions possibles 
        et imaginables. Selon le langage familier bien connu, ils ouvrent en grand 
        le parapluie.
 | -----C'est ainsi 
        qu'à Rouen, un enfant de supplétif rapatrié s'est 
        vu réclamer successivement 9 documents, alors que la Direction 
        de la Population de Rezé indique que la nationalité française 
        "est de plein droit, sous réserve 
        que les enfants soient mineurs au moment de la déclaration recognitive 
        du père et que la filiation avec lui soit bien établie". 
        Il aurait donc suffi de 4 documents pour cela, mais après 15 mois 
        de démarches répétées, l'intéressé 
        est toujours sans papiers et chose plus grave se trouve, de ce fait sans 
        possibilité de travailler pour gagner sa vie. Une employée 
        du Greffe, montrant par là qu'elle n'avait rien compris, ne lui 
        a-t-elle pas demandé pourquoi il ne formulait pas une demande de 
        réintégration à la Préfecture. A côté 
        de cela, un français de fraîche date, un immigré ayant 
        obtenu sa naturalisation depuis quelques années seulement se verra 
        délivrer un certificat de nationalité sans discussion en 
        quelques jours.-----Tout se passe donc exactement comme 
        à Metz en 1919. Existe-t-il encore quelque "Général-Gouverneur" 
        capable de mettre fin à ces abus ?
 -----Pour remédier à un état 
        des choses qui devient insupportable aussi bien pour les rapatriés 
        que pour les coloniaux et les fonctionnaires de tous grades du ministère 
        des Affaires Etrangères, il suffirait probablement de rendre la 
        responsabilité de la délivrance des certificats aux seuls 
        magistrats et d'accorder aux attestations de nationalité établies 
        par la Direction de la Population installée à Rezé 
        la même valeur probante que celle des certificats de nationalité. 
        On peut espérer qu'alors cessera le règne des tyranneaux 
        de guichet.
 -----Les Rapatriés d'origine nord-africaine 
        ayant choisi de conserver la nationalité française et leurs 
        enfants s'étonnent de nouvelles dispositions les obligeant à 
        apporter dans de nombreuses démarches la preuve de leur nationalité. 
        Ils constatent avec colère que le Greffe de Rouen emploie dans 
        la rédaction des certificats une terminologie falsifiante laissant 
        entendre qu'ils n'ont pas toujours été français.
 -----Ils élèvent une solennelle 
        protestation contre la constante remise en question du choix fait lors 
        de leur rapatriement conduisant les Greffes à interroger systématiquement 
        la Direction de la Population installée à Rezé et 
        ceci sans que, semble-t-il, les moyens de communication informatique nécessaire 
        n'aient été mis en place. Il en résulte des délais 
        insupportables.
 -----Ils dénoncent l'attitude de ce 
        même Greffe qui accueille trop
 souvent les demandeurs de façon mal-aimable, exige d'eux la présentation 
        de documents sans rapport avec la nationalité, méconnaît 
        et met en doute la validité de certaines pièces produites, 
        et se réfugie derrière la lenteur des réponses de 
        la Direction de la Population pour tenter de justifier des délais 
        inadmissibles.
 -----Ils demandent en conséquence 
        à Monsieur le Premier Ministre de dessaisir les Greffes de cette 
        responsabilité dans les délais les plus brefs pour la rendre 
        aux Magistrats.
 -----Ils demandent, en outre, que les attestations 
        de nationalité délivrées par la Direction de la Population, 
        détentrice à Rezé de toutes archives utiles, aient 
        même valeur probante que les certificats auprès de toutes 
        les Administrations.
 -----Ils requièrent enfin très 
        respectueusement de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel 
        de Rouen qu'il prenne toutes les dispositions nécessaires pour 
        qu'un terme soit immédiatement mis aux exigences excessives, aux 
        délais inadmissibles et aux erreurs de terminologie du Greffe du 
        Tribunal d'Instance de Rouen.
 
 X.CamillerappPrésident d'AMFRA
 Aide aux Musulmans Français Repliès d'AlgérieMairie Annexe des Sapins
 Place A. de Musset
 76000 Rouen Les Sapins
 
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