| -----ASSISTANAT 
        ET CONTRÔLE SOCIAL
 -----La répartition de la population 
        "harkie" sur le territoire français reflète l'histoire 
        de leur installation et celle des institutions mises en place pour l'accueillir.
 -----Les premiers rapatriements (19 mars 
        1962-été 1962) s'effectuent à l'initiative de quelques 
        anciens responsables militaires des supplétifs, parfois épaulés 
        par des officiers SAS, démissionnaires ou non, et des responsables 
        militaires français. Les directives officielles restreignant, voire 
        interdisant, les rapatriements, ces opérations passent par des 
        filières clandestines qui perdureront après la mise en place 
        d'un dispositif administratif d'accueil. Considérés comme 
        des "isolés" parce qu'ils échappent à toute 
        tutelle officielle, ces rapatriés clandestins (peut-être 
        42 500 personnes) forment en fait des communautés assez dispersées 
        sur le territoire français et qui, souvent, regroupent des familles 
        apparentées ou originaires du même douar. Outre les régions 
        du SudEst, du Sud-Ouest et des bordures méridionales du Massif 
        Central (Ardèche, Dordogne, Lozère, Tarn...) ; l'agglomération 
        lyonnaise et le Nord deviennent des terres d'accueil pour les anciens 
        supplétifs qui se concentrent notamment à Roubaix.
 -----Après les massacres de l'été 
        1962 en effet, un dispositif officiel d'accueil et de reclassement des 
        Harkis se met en place (décret du 8 août 1962). Les premiers 
        points de chute sont des camps militaires, dotés de vieux bâtiments 
        retapés, qui ont parfois déjà été utilisés 
        pour d'autres populations (Espagnols catalans, militants suspects d'appartenir 
        au FLN, Indochinois).
 -----Ce sont d'abord les camps de transit 
        du Larzac et de Bourg-Lastic (Puy -de-Dôme) ; puis celui de Rivesaltes 
        (Pyrénées-Orientales), de Sainte-Livrade près de 
        Villeneuve-sur-Lot, de Sain-MauriceL'Ardoise et Lascours, situés 
        sur la commune de Saint-Laurent-des-Arbres (Gard), de La Rye (Vienne), 
        de Bias (Lot-et-Garonne).
 -----Deux d'entre-eux (Saint-Maurice et Bias), 
        rebaptisés cités d'accueil, deviendront des centres pour 
        invalides, handicapés ou inadaptés. D'une manière 
        générale, les camps, par où transitent quelque 42 
        500 personnes entre 1962 et 1969, ont pour vocation d'éviter un 
        déracinement brutal à des familles déjà très 
        éprouvées, de les protéger contre d'éventuelles 
        représailles du FLN, et d'organiser leur reclassement en fonction 
        de leur capacité présumée d'enracinement et d'adaptation 
        à la vie française. Ils sont essentiellement de deux types 
        :
 ---Les hameaux forestiers du Midi (Languedoc-Roussillon et Provence-Côte 
        d'Azur surtout, plus quelques-uns dans le Massif Central, le Jura et les 
        Vosges), perdus en pleine campagne ; 42, puis 47 à 75 hameaux (qui 
        ne sont pas tous simultanément en activité) constituent 
        ainsi des isolats de 20 à 50 familles chacun, que la fermeture 
        progressive des chantiers et le redéploiement des forestages par 
        l'Office National des Forêts (ONF) à la fin des années 
        60 et dans la décennie 70 obligera à recaser (il n'y a plus, 
        en 1982, que 23 hameaux de forestage) ;
 --- 42 "cités urbaines" installées, dans le cadre 
        d'un programme de constructions spécial, à la périphérie 
        des villes (Amiens, Bourges, Dreux, Lodéve, Louviers, Montpellier...) 
        dans quelque 2 000 logements Sonacotra, capables d'accueillir 10 000 personnes 
        en tout, presque toujours loin des centre-ville.
 -----Ce logement d'urgence et ce type de 
        reclassement qui, dans la plupart des cas, fait coexister regroupement 
        et isolement, sont d'abord conçus comme provisoires. Mais le provisoire 
        se pérennise, favorisant la marginalisation de populations trop 
        coupées du reste de la société et maintenues dans 
        une position d'assistés par l'encadrement social et administratif 
        des cités et hameaux. Un encadrement qui a donné l'habitude, 
        voire le goût, d'un certain contrôle social et enfermé 
        parfois les populations dans une logique identitaire que le clientélisme 
        associatif et politique a pu renforcer ;
 -----Des mesures d'action éducative 
        et de promotion sociale, financées par le ministère de l'Intérieur, 
        parfois relayé, en ce qui concerne les "isolés", 
        par des associations habilitées à cet effet ("Comité 
        Parodi", oeuvrant notamment à travers la Cimade ou le Secours 
        catholique), sont mises en couvre sous l'impulsion du Comité national 
        pour les Musulmans Français, créé en 1964.
 -----DISPOSITIFS 
        SPÉCIFIQUES ET DISPERSION
 -----L'été chaud de 1975, qui 
        voit se révolter les résidents des camps de Bias et Saint-Maurice-l'Ardoise 
        entre avril et août, révèle les fissures du dispositif 
        mis en place en 1962 et les déficiences des actions menées. 
        Déjà esquissée avec le redéploiement des forestages, 
        la politique de dispersion et de mobilité géographique succède 
        aux regroupements.
 -----L'ensemble du dispositif d'accueil et 
        de reclassement est remanié et une politique de déconcentration 
        menée à partir de 1975 : camps et hameaux sont officiellement 
        supprimés (mais leurs résidents restent souvent sur place) 
        ; 17 bureaux d'information, d'aide administrative et de conseils (BIAC) 
        sont créés dans les zones où les Français 
        musulmans sont concentrés. Des mesures spécifiques sont 
        prises en matière d'emploi et d'habitat (accès à 
        la propriété) pour disséminer les communautés 
        " harkies" et favoriser leur intégration.
 -----L'échec des BIAS, qui ont pour 
        effet d'étendre à toute la population francomusulmane rapatriée 
        les interventions sociales jusque-là réservées aux 
        seuls habitants des camps, hameaux et cités urbaines, avec les 
        effets pervers que cela comporte, amène une nouvelle réorganisation 
        des services dans les années 80, visant à casser l'engrenage 
        de l'assistanat. En 1981, Raymond Courrière, Secrétaire 
        d'Etat chargé des Rapatriés, supprime les BIAC et remplace 
        les 17 chefs de BIAC par 19 délégués régionaux. 
        Dépendant d'abord des préfets de région, ceux?ci 
        sont rattachés à une Délégation nationale 
        à l'action sociale, éducative et culturelle, créée 
        en mai 1982. En juillet 1984, la Délégation est transformée 
        en Office national à l'action sociale, éducative et culturelle 
        (ONASEC). Inauguré officiellement en janvier 1985, celui-ci est 
        à son tour supprimé en 1987 (décret du ler mars), 
        en même temps que les délégués régionaux, 
        par le nouveau Secrétaire d'Etat, André Santini, qui confie 
        aux préfets la pleine compétence sur les Français 
        musulmans dans leur circonscription géographique.
 |  | -----SPÉCIFIQUE 
        OU DROIT COMMUN ?-----Cette évolution, qui relativise 
        la place accordée aux modes de traitement spécifiques des 
        harkis, se poursuit en 1988 sous légide de Maurice Benassayag, 
        nommé Délégué aux Rapatriés. Le discours 
        politique souligne désormais que le spécifique doit accompagner, 
        et non remplacer, le droit commun. Les raisons de cette inflexion sont 
        multiples : outre qu'ils peuvent paraître contraires aux principes 
        constitutionnels de l'égalité de tous devant la loi, les 
        dispositifs spécifiques peuvent indifféremment favoriser 
        des discriminations positives et des discriminations négatives 
        ; légitimes s'ils visent à résoudre des problèmes 
        économiques ou sociaux immédiats, ils sont plus contestables 
        quand ils sont institués au nom d'un passé (1).
 -----Constituée à l'automne 
        1990 par Michel Rocard, alors Premier Ministre, après les émeutes 
        de Bias, la mission de réflexion sur la communauté rapatriée 
        d'origine nord-africaine, co-présidée par Rémy Leveau 
        et le colonel Meliani et composée de 15 membres, dont 13 issus 
        de la communauté franco?musulmane, présente, en mai 1991, 
        des propositions qui confirment le souci des pouvoirs publics de favoriser 
        l'accès des catégories défavorisées de la 
        population " harkie" au droit commun tout en répondant 
        à la revendication identitaire.
 -----L'actualité des années 
        90-91 a en effet relancé le débat en révélant 
        les limites des actions spécifiques et des mesures de dispersion. 
        Vingt-cinq ans de pratiques d'assistance et de clientélisme électoral, 
        parfois relayées par un mouvement associatif très dense 
        (on recense aujourd'hui plus de 400 associations), ont laissé des 
        séquelles, concentrée dans le Midi et dans la périphérie 
        des villes une population qui ne veut plus partir. Parce qu'elle a tissé 
        sur place des solidarités ou pour des raisons financières, 
        celle-ci résiste en effet à la dispersion, alors même 
        que les chantiers forestiers n'assurent guère de débouchés 
        aux seconde et troisième générations ou que l'évolution 
        économique a fait disparaître les emplois (Lorraine). Au 
        contraire, là où la dispersion a réussi, la population 
        "harkie" a disparu des listes de demandeurs d'aides ou de prestations 
        spécifiques et s'est fondue dans la population de souche française 
        sans s'enfermer dans une revendication identitaire paralysante.
 (1) Que veut dire l'auteur ?
 -----On voit bien que son travail lui a été 
        commandé par la Vème République et qu'elle doit respecter 
        la ligne " politiquement correcte" 
        de celle-ci.
 -----Il convient de rappeler dans le 1er 
        article (Mag n° 63) que l'auteur parlait de la "guerre Franco-Algérienne". 
        Départements français, l'Algérie n'était pas 
        une nation souveraine mais bien la France, aussi il vaut mieux, pour l'auteur, 
        étant historienne, parler de "guerre civile franco-française"
 -----Les dispositifs spécifiques sont 
        au contraire légitimes parce qu'ils ont été institués 
        au nom du Passé non moins spécifique des bénéficiaires 
        car s'ils ont été parqués dans les camps de Bias, 
        St Maurice etc... c'est bien en raison de leur passé patriotique.
 -----Enfin, pour mettre un terme aux élucubrations 
        et à l'imposture FLN-Gaulliste, rappelons que personne ne conteste 
        que les Français de confession musulmane qui dans les unités 
        les plus diverses (GMR, Harkas, Supplétifs...) qu'on désigne 
        aujourd'hui sous le vocable de " Harkis" , étaient de 
        l'ordre de 250 000 hommes.
 -----150 000 seront torturés et assassinés 
        grâce à leur livraison par les gaullistes au FLN.
 -----100 000 trouveront refuge en Métropole, 
        par le "rapatriement", grâce à des patriotes civils 
        ou militaires.
 -----Or, plus personne n'ignore en Métropole 
        désormais, pour les cotoyer quotidiennement que pour un homme apte 
        à porter les armes, dix personnes l'entouraient de l'enfant aux 
        grands-parents, frères, sueurs, oncles, tantes et famille proche.
 -----Soit en faisant un calcul simple que 
        dans les écoles on n'enseigne plus, 250 000 x 10 = 2 500 000 personnes 
        ayant choisies d'être Français.
 -----La résistance à la dictature 
        FLN (dans une SAS, une Harka, la présence d'un seul responsable 
        d'origine métropolitaine est révélatrice du choix 
        fait par les hommes qu'il commandait) était énorme.
 -----Y a-t-il eu, pour respecter les chiffres 
        pour les thuriféraires de De Gaulle, en Métropole 10 millions 
        de résistants, armes à la main, de 1940 à 1944 ?
 Catherine Wihtol 
        de Wenden,Avec l'aimable autorisation de la Documentation Française
 "Regards sur l'actualité" novembre 91
 
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