| ------------LES 
        légendes ont, généralement, la vie dure ! Celle qui 
        donne à Algérie la configuration d'une vaste plaine, en 
        général sablonneuse, est au nombre des plus tenaces. Un 
        certain jour, il y a de cela quelques années seulement, au cours 
        d'une manifestation publique, un Gouverneur général de l'Algérie 
        contait l'anecdote suivante dont le souvenir ne s'est pas perdu chez tous 
        ceux qui l'ont entendue. Ce Gouverneur général venait de 
        recevoir, ce jour-là, vers 16 heures, quelques jeunes gens d'une 
        grande école métropolitaine de passage en Alger. Sentant 
        chez ses auditeurs une certaine impatience, il leur en demanda la cause. 
        Les jeunes gens ne firent pas mystère de leurs intentions. Ils 
        étaient pressés de se rendre à El-Biar d'où 
        ils devaient, suivant ce qu'on leur avait affirmé avant leur départ 
        de la Métropole, assister au coucher du soleil dans les sables 
        du Sahara.------------Ah 
        ! sans aucun doute, la poésie perd à l'inexactitude de cette 
        naïve affirmation, mais la réalité y trouve son compte. 
        Car on se demande comment serait assurée la vie des Algériens 
        si le désert commençait aux portes d'Alger.
 ------------En 
        vérité, l'Algérie a un relief singulièrement 
        tourmenté. D'ouest en est, elle est traversée par deux chaînes 
        de hautes montagnes qui culminent à plus de 2.300 mètres 
        (le Lalla Khedidja, en Kabylie, et le Chélia dans l'Aurès) 
        .
 ------------Aussi, 
        pour les franchir, les mules doivent soit escalader des cols, soit s'infiltrer 
        dans des défilés naturels que les cours d'eau ont creusé 
        depuis la création du monde.
 Les gorges de la Chiffa ------------LA route 
        d'Alger à Laghouat, 
        entre Blida (voir 
        ce lieu) et le village de la Chiffa, remonte le torrent du 
        même nom qui dévale des pentes de l'Atlas. D'abord rectiligne 
        et délicieusement ombragée, elle s'élève soudain 
        pour atteindre Sidi-Madani. Pendant longtemps, la voie ferrée d'Alger 
        à Djelfa lui tient compagnie.------------C'est 
        après Sidi-Madani qu'elle épouse intimement le cours du 
        torrent. Elle n'aurait pu passer ailleurs ! Et, dès cet instant, 
        elle fait une impression-profonde à qui la parcourt. Quel spectacle 
        cyclopéen d'à-pics vertigineux et de roches grises et noires 
        jouant à cache-cache avec le soleil dont les rayons n'illuminent 
        l'eau de la rivière qu'à l'heure méridienne.
 ------------Audacieusement 
        accrochée en encorbellement aux flancs de la falaise à laquelle 
        elle a imposé sa volonté, mais qui se venge souvent aux 
        premières pluies d'automne, en interrompant son trafic par les 
        amas de pierres et de terre qu'elle y projette, la route accompagne l'oued, 
        s'en éloignant en s'élevant, la rejoignant en s'abaissant 
        dans une fantasmagorie constante de jeux d'ombre et de lumière.
 ------------La 
        voie ferrée a eu moins de scrupules. Quand la montagne l'a gênée, 
        elle l'a percée de multiples tunnels. L'homme a vaincu deux fois 
        les monts orgueilleux qui, de part et d'autre de la rivière, lui 
        criaient : Tu ne passeras pas. Il 
        est passé. C'est en juillet 1848 que les zouaves, les biffins du 
        53è de ligne et des disciplinaires entreprirent les travaux de 
        percement de cette magnifique voie de pénétration vers le 
        sud, emmenant dans leurs chars à outils la paix française 
        et la prospérité.
 ------------Mais 
        les gorges de la Chiffa ne sont pas seulement célèbres par 
        leur beauté sauvage. Les singes ont contribué à leur 
        réputation. Je laisse à Guy de Maupassant le soin de vous 
        conter sa promenade.
 ------------" 
         Le passage se rétrécit encore. 
        Les rochers droits vous menacent, le ciel apparaît comme une bande 
        bleue entre les sommets, puis soudain, dans un brusque détour, 
        une petite auberge se montre à la naissance d'un ravie couvert 
        d'arbres. C'est l'auberge du Ruisseau des Singes.
 ------------"Devant 
        la porte, l'eau chante dans les réservoirs ; elle s'élance, 
        retombe, remplit ce coin de fraîcheur, fait songer aux calmes vallons 
        suisses. On se repose, on s'assoupit à l'ombre, mais soudain, sur 
        votre tête, une branche remue ; on se lève : alors, dans 
        toute l'épaisseur du feuillage, c'est une fuite précitée 
        de singes, des bondissements, des dégringolades, des sauts et des 
        cris... " ( Guy 
        de Maupassant : "Au soleil. La province d'Alger".).
 ------------La 
        petite auberge qu'a aimée l'auteur de "Bel ami " a pris 
        de l'importance. (note du déjanté 
        : dire que tout jeune, j'ai mis mes pas dans ceux de Maupassant et ce, 
        sans qu'on m'en dise un mot!)C'est aujourd'hui un grand établissement 
        recevant, les dimanches et souvent en semaine, des promeneurs et des touristes, 
        en grand nombre, qui y viennent pour oublier un moment les soucis de la 
        vie, pour s'amuser au spectacle des singes espiègles et querelleurs, 
        pour goûter la fraîcheur exquise et l'ombre douce de ce coin 
        délicieux.
 Palestro ------------LA route 
        d'Alger à Constantine (par Bouira et les hauts plateaux sétifiens) 
        n'est jamais monotone. C'est qu'aussi bien elle traverse des sites variés 
        parmi lesquels le défilé de Palestro.------------L'oued 
        Isser, venu des monts lointains du Tittery, a ouvert la voie à 
        ses eaux tumultueuses, à travers rocs et éboulis, avant 
        de s'épanouir dans la plaine qu'il fertilise ou ravage au gré 
        de son humeur fantasque et bourrue.
 ------------C'est 
        à pied qu'il faut parcourir les gorges pour en apprécier 
        la splendeur, à pied et sac au dos, dans une liberté totale 
        de mouvements.
 ------------" 
        A droite et à gauche se dressent de hautes 
        murailles dont le sommet est vivement éclairé par le soleil. 
        Sous ces reflets dorés, l'Isser scintille comme unruban argenté. 
        La paroi rocheuse, constituée par des stratifications coupées 
        de fissures régulières, s'élève obliquement 
        à une grande hauteur. Il arrive aussi qu'à la muraille succède, 
        en une sorte de chaos, des amoncellements de roches aux couleurs variées. 
        Sous la lumière, ce qui domine, sur cette palette, c'est le rouge 
        irisé.
 ------------Voici qu'un passage idyllique 
        vient faire un contraste inattendu avec cette nature sauvage : sur la 
        rive opposée à la route, une source abondante tombe en cascade 
        dans la rivière du haut des sommets escarpés. L'eau a fait, 
        là encore, des merveilles : les roches sont parées de mousses, 
        de lichens et de pariétaires de toutes sortes, tandis qu'en une 
        végétation luxuriante et échevelée, des arbustes, 
        des lianes, du lierre s'enchevêtrent dans tous les sens et, suspendus 
        en festons verdoyants, semblent monter à l'assaut de la source 
        et faire une parure à la cascade divine.
 ------------" 
        La source chantant en un pareil décor a quelque chose de sacré. 
        A l'époque lointaine où, humble nomade, je parcourais ce 
        pays, les indigènes attribuaient à cette source des vertus 
        curatives, quand ils allaient offrir leur corps à la douche bienfaisante 
        " (Ch. 
        de Galland : " Alger et l'Algérie ".).
 Kerrata" Le Défilé de la mort "
 ------------L'ON 
        a dit des gorges de Kerrata qu'elles sont les plus belles de l'Algérie. 
        Pourquoi chercher toujours à hiérarchiser, en quelque sorte, 
        la beauté que chacun apprécie personnellement et de manière 
        absolument subjective ?------------Longues 
        de sept kilomètres, elles ont été creusées 
        dans le calcaire par l'oued Agrioun et sont dominées parfois de 
        plus de mille mètres par les monts aux pieds desquels elles serpentent.
 La légende veut qu'avant le percement de la route qui relie aujourd'hui 
        Bougie à Sétif nul n'avait la vie sauve qui tentait de franchir 
        le défilé. C'est pourquoi le nom de Chabet-el-Akra (le défilé 
        de la mort) lui fut donné.
 ------------C'est 
        en 1862 que fut entreprise la construction de la route. Il fallut huit 
        ans pour l'achever. Elle coûta la vie à des dizaines d'ouvriers, 
        rançon fréquente des grandes uvres humaines. Les troupes 
        françaises les franchirent, pour la première fois, en 1864. 
        Une inscription taillée dans la falaise, au kilomètre 55.300, 
        en a fixé le souvenir.
 ------------" 
        Les mots sont impuissants à dépeindre 
        la sauvage et grandiose harmonie de ces entassements de roches dont on 
        ne voit ni la cime ni la base, perdues dans le même infini de cieux 
        et de gouffres... II faut savoir s'arrêter et se laisser envoûter 
        par toute cette majestueuse grandeur, goûter le subtil délice 
        d'une pointe de vertige, admirer tour à tour l'ensemble et le détail, 
        le ruissellement des eaux et le chant des cascades, les jeux incessants 
        de la lumière et des ombres. Et aussi l'incomparable variété 
        d'agencements et de coloris de ces masses informes : encorbellements audacieux, 
        arêtes déchiquetées, panneaux craquelés, plissements 
        fantastiques, toute la somptuosité de la pierre et du rocher " 
        ( Martial Rémond : "La Kabylie".).
 ------------Un 
        des rochers les plus remarquables est assurément le pain de 
        sucre " qui se trouve, à un certain moment, placé 
        dans l'axe de la route et que l'on peut alors admirer au centre d'un paysage 
        de montagne bien équilibré.
 ------------Puis 
        la vallée s'élargit, la cime des monts s'abaisse progressivement. 
        Les montagnes ne sont plus que des collines C'est bientôt la riche 
        plaine de Bougie et la mer. On se sent
 soulagé, l'esprit comme libéré d'un poids énorme. 
        Au fil des kilomètres parcourus, une sensation d'écrasement 
        avait fait naître une véritable angoisse que la vue de la 
        plaine et de la mer a fait disparaître.
 ------------Quel 
        contraste étonnant, en un parcours si bref, entre les gorges que 
        l'on vient de quitter et la mer au chant éternel et puissant. C'est 
        là un des charmes de l'Algérie, non le moins séduisant.
 ***
 
 -----------C'est 
        dans le décor infernal des gorges de Kerrata que le génie 
        français s'est manifesté avec une maîtrise extraordinaire, 
        par la création de l'aménagement hydroélectrique 
        de l'oued Agrioun. Un ensemble de travaux gigantesques comprenant plusieurs 
        barrages, des galeries de plusieurs kilomètres de longueur et une 
        usine souterraine constituant l'élément principal de cet 
        ensemble augmentera de 185.000.000 de kwh. la production énergétique 
        de l'Algérie. Le Rhummel à 
        Constantine ------------ON a 
        beaucoup écrit sur Constantine et le Rhummel. 
        Maupassant a été séduit par le site. Jean 
        Lorrain, en se penchant sur l'abîme, évoque toutes les vies 
        humaines qui s'y sont englouties.------------Qui 
        descend au fond du gouffre ne peut écarter l'idée de l'enfer. 
        L'ombre de Dante rode en permanence. On craint de voir surgir, à 
        l'entrée des gorges, les trois bêtes horribles qui barrèrent 
        le chemin au poète génial quand il décida de pénétrer 
        en enfer.
 ------------Ces 
        eaux jaunes, qui coulent tout en bas en grondant, c'est l'Achéron 
        et chacun s'attend à voir apparaître la barque des damnés 
        de quelqu'une des voûtes sous lesquelles disparaît la rivière 
        pour reparaître un peu plus loin.
 ------------Constantine 
        fait corps avec son fleuve dantesque. Il l'étreint de tous côtés, 
        la garde jalousement, en fait un véritable nid d'aigles, un repaire 
        longtemps imprenable qui demeure immuable dans le temps et malgré 
        le progrès.
 Les canyons de l'Aurès ------------AUJOURD'HUI 
        comme avant, une excursion dans les canyons de l'Aurès a un parfum 
        d'aventure. Il émane de l'ensemble du pays, un pays demeuré 
        sauvage, comme figé dans son passé, réfractaire à 
        toute évolution, où les hommes vivent simplement, aussi 
        " bibliquement " que dans des temps très anciens.------------A 
        la Chiffa, à Palestro, à Kerrata, un acte de la vie moderne, 
        le passage d'un véhicule automobile, le survol d'un avion, les 
        chants d'un groupe joyeux de pique-niqueurs viendront, à tout instant, 
        interrompre votre rêverie.
 ------------Ici, 
        rien de semblable. Vous demeurez des heures en contact avec la pleine 
        nature, qu'animent seulement les mouvements d'un troupeau de chèvres, 
        les abois lointains d'un sloughi qui veut se donner du courage ou les 
        appels d'un berger. D'ailleurs, on ne peut vraiment connaître les 
        gorges de l'Aurès qu'en les parcourant à pied ou juché 
        sur un mulet au pied sûr.
 ------------" 
        Ces falaises de calcaire, tantôt d'une blancheur crayeuse et aveuglante 
        sur la paroi ensoleillée, tantôt d'un ocre chaud, gravées 
        de stries, moulures de frises et de corniches plus sombres, interrompues, 
        de place en place, par des redans et des bastions... disent, avec une 
        muette éloquence, la fureur du torrent qui... s'est creusé 
        son lit en direction du sud.
 ------------" 
        ...Plus loin, construites avec la même audace, au ras des lèvres 
        de l'abîme, des "guelaas" à deux étages 
        murées du côté du plateau terminal, mais qui ouvrent 
        sur le gouffre leurs galeries d'exposition et de séchage des fruits... 
        " (Georges 
        Rozet : "L'Aurès, escalier du désert ". ).
 ------------Sur 
        la piste qui conduit de Biskra à Arris, le long de l'oued El Abiod 
        dont on remonte le cours, M'Chounèche, Rouffi 
        et Tighanimine sont les sites les plus remarquables. Parfois, 
        les gorges s'évasent, le ravin prend l'allure d'une étroite 
        vallée qu'envahissent alors les palmiers-dattiers et les arbres 
        de la Méditerranée, les pêchers, les abricotiers, 
        les grenadiers et les figuiers.
 El-Kantara ------------ET nous 
        voici, après maint détour, à El-Kantara dont le défilé 
        est " une sorte de brèche de Roland 
        du désert. Dans la vallée encadrée de hautes murailles 
        aux parois lisses et luisantes sur lesquelles le soleil jette un éclat 
        insoutenable, l'oued serpente mystérieusement ; ses eaux coulent 
        discrètement parmi les éboulis de roches et les arbustes 
        rabougris " (Léon Lehuraux : " 
        Le Sahara, ses oasis ").------------Ici, 
        un nom s'impose à l'esprit : celui de Fromentin qui, le premier, 
        fit du défilé 
        d'El-Kantara une description magistrale dont on cite constamment 
        une phrase, une seule, alors que son contexte mérite tout autant 
        l'hommage reconnaissant du lettré.
 ------------L'extrait 
        qu'on va lire d' " Un été au Sahara " va 
        clôturer cette brève étude sur les défilés 
        et les gorges qui ponctuent le relief de l'Algérie. Prédécesseur 
        illustre d'une lignée d'écrivains conquis par le charme 
        de l'Algérie, Fromentin fut à l'origine de bien des vocations 
        et de bien des voyages. Il demeure encore, malgré tant d'années 
        passées, celui qu'on relit avec le plus de profit, le guide le 
        plus averti et le plus captivant.
 ------------" 
        Est-il vrai que la première colonne militaire 
        qui ait, en 1844, franchi ce pont célèbre, se soit arrêtée 
        par un mouvement de subite admiration ; et que les musiques se soient 
        mises à jouer d'enthousiasme ? le ne sais là-dessus que 
        ce qu'on m'en a dit, mais, ce soir-là, le spectacle que j'avais 
        sous les yeux m'eût fait croire à cette tradition.
 ------------" 
        Les palmiers, les premiers que je voyais, ce petit village couleur d'or, 
        enfoui dans des feuillages verts déjà chargés des 
        fleurs blanches du printemps, une jeune fille qui venait à nous 
        en compagnie d'un vieillard, avec le splendide costume rouge et les riches 
        colliers du désert, portant une amphore de grès sur sa hanche 
        nue ; cette première fille à la peau blonde, belle et forte 
        d'une jeunesse précoce, encore enfant et déjà femme, 
        ce vieillard abattu, mais non défiguré par une vieillesse 
        hâtive ; tout le désert m'apparaissant ainsi sous toutes 
        ses formes, dans toutes ses beautés et dans tous ses emblèmes, 
        c'était, pour la première, une étonnante vision. 
        Ce qu'il y avait surtout d'incomparable, c'était le ciel : le soleil 
        allait se coucher et dorait, empourprait, émaillait de feu une 
        multitude de petits nuages détachés du grand rideau noir 
        étendu sur nos têtes et rangés comme une frange d'écume 
        au bord d'une mer troublée. Au delà commençait l'azur 
        ; et alors, à des profondeurs qui n'avaient pas de limites, à 
        travers des limpidités inconnues, on apercevait le pays céleste 
        du bleu. Des brises chaudes montaient avec je ne sais quelles odeurs confuses 
        et quelle musique aérienne, du fond de ce village en fleurs ; les 
        dattiers, agités doucement, ondoyaient avec des rayons d'or dans 
        leurs palmes et l'on entendait courir, sous la forêt paisible, des 
        bruits d'eau mêlés aux froissements légers du feuillage, 
        à des chants d'oiseaux, à des sons de flûte. En même 
        temps, un muezzin, qu'on ne voyait pas, se mit à chanter la prière 
        du soir, la répétant quatre fois aux quatre points del'horizon 
        et sur un mode si passionné, avec de tels accents, que tout semblait 
        se taire pour l'écouter.
 ------------" 
        Le lendemain, même beauté dans l'air et même fête 
        partout. Alors, seulement, je me donnai le plaisir de regarder ce qui 
        se passait au nord du village ; et le hasard me rendit témoin d'un 
        phénomène, en effet, très singulier. Tout ce côté 
        du ciel était sombre et présentait l'aspect d'un énorme 
        océan de nuages, dont le dernier flot venait, pour ainsi dire, 
        s'abattre et se rouler sur l'extrême arête de la montagne. 
        Mais la montagne, comme une solide falaise, semblait le repousser au large 
        ; et, sur toute la ligne orientale du Djebel-Sahari, il y avait un remous 
        violent exactement pareil à celui d'une forte marée. Derrière, 
        descendaient lugubrement les traînées grises d'un vaste déluge 
        ; puis, tout à fait au fond, une montagne éloignée 
        montrait sa tête couverte de légers frimas. Il pleuvait à 
        torrents dans la vallée du Metlili, et quinze lieues plus loin 
        il neigeait. L'éternel printemps souriait sur nos têtes.
 ------------' 
        Notre arrivée au désert se fit par une journée magnifique, 
        et je n'eus pas une seule goutte-de pluie pendant tout mon séjour 
        dans le Sahara, qui fut long.
 ------------" 
        Tel fut, cher ami, le préambule radieux de mon voyage aux Ziban. 
        Ce passage inattendu d'une saison à l'autre, l'étrangeté 
        du lieu, la nouveauté des perspectives, tout concourut à 
        en faire comme un lever de rideau splendide ; et cette subite apparition 
        de l'Orient, par la porte d'or d'El-Kantara, m'a laissé, pour toujours, 
        un souvenir qui tient du merveilleux ".
 Victor PROUTEAU.
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