| LE NAUFRAGE DU 
        BANEL En janvier 1802, au cours d'une tempête qui dura 
        plusieurs jours, un vaisseau français, le "Banel," superbe 
        Trois-Mâts, qui transportait des troupes à Saint-Domingue, 
        où le frère du 1er Consul se trouvait en difficulté, 
        fit naufrage au large de la côte nord-africaine, dans la baie des 
        Souhalias, entre le Cap Ténès et Beni Haoua. 
        
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               Le trois-mâts le "Banel" |  Cette baie fut baptisée, plus tard, "La 
        Baie de l'Ancre", car on y retrouva, échouée, l'ancre 
        du Banel, ainsi que deux canons reposant à une dizaine de mètres 
        de fond. 
         
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  Le "PAIN DE SUCRE", pointe ouest de la
 baie de Beni Haoua,derrière laquelle est située La 
              Baie de l'Ancre.
 |  La famille LATY nous confie le document ci-dessous, et 
        nous l'en remercions. LA FAMILLE LATY 
        EN ALGERIE Introduction L'histoire commence par un tragique naufrage.
 Lorsque le 15 janvier 1802 à 4 heures du matin, César LATY 
        met les pieds sur la terre d'Afrique, au CAP TENES, entre ALGER et ORAN 
        , il ne se doute pas que son exemple sera suivi par tous ses descendants 
        qui viendront, tous sans exception, s'installer en ALGERIE.
 César LATY, né à LA CIOTAT (BOUCHES 
        DU RHONE), le 19 novembre 1779, embarqué comme novice sur le chébec 
        " LE CASSIUS " décide en décembre 1801 de partir 
        pour l'AMERIQUE. Il embarque comme aide timonier sur le vaisseau " 
        le BANEL " en partance pour SAINT DOMINGUE et appareille de TOULON 
        le 11 janvier 1802 à 16 heures.
 Le BANEL fait naufrage le 15 janvier 1802 au CAP TENES.
 Après un séjour d'une trentaine de jours 
        comme prisonnier-esclave des Maures, et un voyage à pied de TENES 
        à ORAN, César LATY est rapatrié par les Espagnols 
        d'ORAN à TOULON via BARCELONE.
 C'est en quarantaine, au Lazaret de TOULON qu'il écrit à 
        sa mère, le 22 mars 1802, le récit de ses aventures.
 (Nous laissons sa lettre, telle qu'elle a été écrite 
        initialement, avec son orthographe originale, dans un respect d'authenticité).
 César LATY reprend sa carrière de marin 
        à TOULON, et, embarqué comme commis de marine, participe 
        sur le brick " LE FURET " à la bataille de TRAFFALGAR. 
        Prisonnier des Anglais, puis des Espagnols, il sera libéré 
        et rentre à TOULON. Il termine sa carrière comme trésorier des 
        invalides de la marine à MARTIGUES. César LATY épouse le 1er mai 1817 Marie 
        Magdelaine SOLEILLET qui lui donne deux enfants : Joseph-Antoine et Marie-Césarine, 
        qui mourront et seront enterrés tous deux à ALGER . Du Lazaret de TOULON, ce 1° Germinal an 10
 Ma chère et bonne mère, dans quelle douleur doit vous avoir 
        plongée l'affreuse nouvelle de notre naufrage. Mais, aujourd'huy 
        tranquilisés vous, Dieu a voulume conserver, il a veillé 
        sur mes jours, malgrè tout ce que j'ay souffers, il m'a donné 
        assés de courage pour tout supporter et sortir de cet exécrable 
        pays . C'est le 25 nivôse à 4 heures du matin que nous avons 
        naufragé à l'est du cap de TENES, entre ORAN et ALGER, par 
        un coup de vent de nord-est.
 
 Nous croyons d'abord être tous perdu mais le jour nous a montré 
        la cote très peu distante. Mais la mer était si affreuse 
        que l'on ne pouvait s'hasardé à se jetter à la nage, 
        quelques un cependant bien téméraires,l'ont fait et presque 
        tous ce sont noyés . Un sort guère moins doux étoit 
        reservé à ceux qui atteignoient le rrivage. Là, les 
        Maures de ces contrées s'étoient ramassé en arme 
        ils commençoient par dépouiller entièrement et chassoinet 
        à coup de sabre dans les montagnes les malheureux qui s'étoient 
        sauvés. Du vaisseau nous voyins ce triste spectacle, la mer toujours 
        très grosse, comment se décider à rejoindre la terre, 
        cependant quelques personnes abordent la côte, ils éprouvent 
        le même sort que les autres, dans ces indécisions le jour 
        se passe. Il faut passer la nuit dans un vaisseau battu continuellement 
        par des lames d'eau hautes comme le ciel, craignant sans cesse que le 
        navire se briseroit entièrement. Cependant nous la passons cette 
        affreuse nuit quelle fut longue . Le jour vint et la mer étoit 
        un peu calmée et il se sauva encore du monde. Ils éprouvèrent 
        le même sort que les autres. Cependant, il faut se décider 
        ou à périr à bord ou tacher d'aller à terre 
        et à quatre du soir l'Etat Major prit ce dernier parti. L'on construisit 
        un radeau sur lequel nous fumes à terre poussé par une lame 
        d'eau qui nous fit franchir bien des dangers. Nous fumes entièrement 
        dépouillés, beaucoup furent blessés mais comme nous 
        étions une douzaine quelques uns évitèrent les coups 
        et coururent dans les montagnes. Je fus du nombre. Alors nouvel embarras, 
        ou aller ? Il faisoit un temps affreux il tomboit des grele et il pleuvoit 
        à verse. Nous devions tous périr de froid étant nud 
        tout à fait. Quant à moi plus heureux que tant d'autres 
        j'avais conservé une culotte de toile. Mais quelle nuit allions-nous 
        passer, de distance en distance nous rencontrions de nos camarades morts 
        de froid Nous ne pouvions éviter pareil sort quand Dieu nous fit 
        trouver deux mauvaises cabanes de paille. Il y en avait aussi quelque 
        peu à terre. Nous nous couchâmes les uns sur les autres pour 
        nous réchauffer et nous passames là cette nuit craignant 
        sans cesse d'être rencontré et sabré par les Maures. 
        Enfin le jour nous sortons de là et nous marchions à la 
        garde de Dieu sans cesse harcelè par ces barbares qui nous tiroient 
        des pierres et des coups de fusil. Moi, heureux, j'évitais tout. 
        Enfin vers midi, une troupe de ces Maures nous força à la 
        débandade, et qui fuit d'un coté, qui de l'autre . Deux 
        nous primes la même route et quand nous eumes bien couru, que nous 
        étions hors d'haleine, nous cachames dans des buissons. Il passa 
        des Maures près de nous qui ne nous virent pas. Vers le soir je 
        décidai mon camarade à sortir ; nous étions quasi 
        gelés ; j'enrageai de faim depuis rois jours je ne mangeai rien. 
        Je me résolu de chercher quelque cabane habitée et d'y mourir 
        plutot que d'en sortir nous courumes longtemps il étoit nuit et 
        il commençait à pleuvoir quand j'aperçu une lumière 
        nous y fumes. J'étais bien résolu. En approchant j'entendis 
        parler français. Nous heurtames la porte et priames de nous ouvrir. 
        Ils le firent, et là nous trouvames trente Français qui 
        se chauffoient à un grand feu. Ils nous réchauffèrent 
        car les forces me manquèrent. Quant je fus revenu je demandai à 
        manger et ils me donnèrent des figues sèches en quantité. 
        Je me rempli, et je repris toute mes forces. Vous seres etonnée 
        comme moi de voir trente Français maitre d'une cabane qui paraissait 
        habitée. Ces Français, poussés par la faim et le 
        désespoir avoient rencontré cette cabane et l'avoient emporté 
        de vive force. Elle était habitée par deux maures dont on 
        se saisit et qu'on garotta et qu'on gardoit bien. Nous passames la nuit 
        tranquillement auprès d'un bon feu. Je reposai un peu. Le jour 
        vint, il s'agissait de décamperet nous le fimes en doublant le 
        pas. Les deux Maures qui sont liés se mirent à jeter des 
        cris affreux pour appeler du secours, et dans moins d'un quart d'heure 
        toute la contrée fut couverte de barbares armés, ils nous 
        poursuivirent vivement et nous entourèrent bientôt ils nous 
        eurent joins alors la sabrade commença chacun en a eu sa part, 
        je me frottois contre plusieurs blessés et j'eu mon corps tout 
        couvert de sangde façon que paroissant blesssé, je ne reçu 
        aucun coup de sabre, je vis ensuite un peu de jour et que cinq ou six 
        en avoient profité pour s'échapper ; il y avait de la confusion, 
        et je m'échappai aussi. J'avois de la force et je courus comme 
        un diable et je rncontrais deux Français et nous fimes route ensemble 
        vers une heure nous trouvames une centaine de Françaisqui s'étoient 
        ralliés nous nous joignimes à eux et nous fimes route d'un 
        coté qu'on disait qu'il y avait un village car jusqu'alors nous 
        n'avions vu que des cabanes mais bientôt nous apperçumes 
        une soixantaine de brigands armés nous fumes à eux décidés 
        à recevoir la mort ou à les attendrir. Ils nous couchèrent 
        en joue. Nous tombames à genou, élevant les mains au ciel 
        pour implorer notre grace. Ils hésitèrent. Nous rapprochames 
        d'eux, nous leur primes les mains les genoux que nous tenions embrassés. 
        Cela fit quelqu'effet . Ils nous firent tous lever quelques uns de nous 
        leur parlèrent et se firent entendre. Nous leur demandions la vie. 
        Ils se consultèrent longtemps. Enfin pour finir court ils nous 
        séparèrent de dix en dix et nous conduisirent vers des cabanes. 
        La on nous fit un nouveau partage et moi et un autre fumes la proie d'un 
        brigand fini. Il nous conduisit à son habitation, et là 
        j'ay resté tente et un jour ayant continuellement la mort sous 
        la gorge. Employé aux travaux les plus vils et quoique j'étois 
        bien blessé u pied droit, je n'étois pas exempte du travail 
        et le baton jouoit souvent. Cette blessure provenait d'avoir tant couru 
        dans les glaces et à travers les montagnes. Je passe sous silence 
        tout ce que j'ay souffert, tout ce qui m'est arrivé. Ce seroit 
        trop long. Enfin Dieu m'a conservé, il a voulu ma bonne mère 
        que je vous revis que je vous embrasse encore. C'est la seule grace que 
        je demande à Dieu de vous conserver vous et moi asses pour nous 
        rejoindre un jour.Ha certainement, je ne croyois pas avoir cette grace 
        si tot, mais dans quel état allez vous me voir dépourvu 
        de tout, souvent me voyant ainsi j'envie le sort de ceux qui ne souffrent 
        plus, mais j'en reviens à mon histoire pour la terminer. Le Bey 
        d'ALGER ayant eu connoissance de notre malheur envoya des agens dans nos 
        montagnes qui employant prieres menaces et argent, après bien des 
        pourparlers nous rachetèrent. C'est dans ces intervalles que nous 
        avons tous le plus souffert. Nous fumes conduits à un village, 
        TENES. Là nouvelle misère, je passe sous silence. L'on nous 
        fit partir après un long séjour pour ORAN et nous y arrivames 
        après dix huit jours de marche. Vous ne pourries vous imaginer 
        ce que nous avons souffert dans cette route; plus de vingt fois on a failli 
        nous égorger surtout les blessés qui ne pouvaient courir. 
        A ORAN, le consul espagnol d'après les ordres du consul français 
        à ALGER nous a prodigué bien des secours. Il nous a donné 
        à tous une chemise, un mouchoir, une paire de babouche et un pantalon 
        tout fait et une carmagnole entière toute coupée que notre 
        départ prompt lui a empêché de nous faire faire voila 
        donc tout mon equipage nous avons relaché à BARCELONE là 
        je vous ay écrit vous recevres ces jours-ci cette lettre ; enfin 
        avant-hier nous sommes arrivés après une traversée 
        de dix neuf jours.
 
 Joseph Monfort cet ami incomparable m'a apporté hier deux chemises 
        un pantalon et un gileton et doit m'apporter aujourd'huy une carmagnole. 
        Ou trouver un pareil ami je serai forc é de lui demander quelqu'argent 
        pour m'acquitte envers une personne qui m'a sauvait la vie en partageant 
        avec moi ce qu'il avait soustrait à la rapacité des Maures. 
        Il est bon de vous dire qu'en route nous ne faisions un seul petit repas 
        en 24 heures et c'étoit le soir c'est avec les secours de cet ami 
        que je me trouvai quelque subsistance je lui dois dix francs et je les 
        demanderai à Monfort. Je vous prie de m'envoyer une couple de ces 
        mauvaises chemises que nous avions laissées elles me serviront 
        pour me tenir propre de m'envoyer deux mouchoirs du nés car je 
        suis bien las de me moucher avec les doigts.
 
 Pardon ma chère mère de toutes ces importunités. 
        Un jour le ciel m'aura pardonné, il m'importunera plus, et il me 
        mettra à même de vous tout rendre. .Jusqu'à présent 
        je n'ay pu en avoir que le désir, mais vous êtes si bonne 
        que vous me pardonneres toutes mes sottises, oui je l'espère. A 
        présent ma blessure va très bien et dans dix ou douze jours 
        avec les secours nécesaires je crois être entièrement 
        guéri elle ne m'empêche pas de me lever en marchant du talon
 
 Si vous aves reçu quelques lettres pour moi durant mon absence 
        veulles bien m'en instruire et surtout si Cachard vous a écrit 
        adresses moi tout à Joseph Monfort qui me l'apportera lui-même.
 
 Je vais me faire faire la carmagnole dites mille choses à l'ami 
        Brice que j'aurai bien fait de suivre ses conseils mes amitiés 
        à Jean Baptiste et à sa famille. .Rappelles moi au souvenir 
        de Me Guérin et Daumas mes embrassades à ma marraine et 
        bien des compliments à tous nos parents et amis. Adieu ma bonne 
        mère, consoles vous ne vous inquiétes pas j'ay de la santé 
        de la bonne volonté et Dieu me mettra à même de réparer 
        tant de pertes il a voulu me sauver pour réparer toutes mes fautes 
        séches vos larmes il m'a puni je ne l'avais que trop mérité. 
        Je vous envoie mille embrassades qu'il me tarde d'avoir fini la quarantaine 
        pour être dans vos bras et y épancher toutes mes peines. 
        En attendant ce doux moment je suis votre cher et affectionné fils
 J'attends samedi de vos nouvelles sans faute. Salues Joseph 
        André. (César)
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