DENREES EN QUÊTE DE FRAÎCHEUR
        L'approvisionnement 
          en viande
          
          A Francis-Garnier, avant 1954 et l'installation de l'électricité, 
          rares étaient les personnes qui possédaient un réfrigérateur. 
          Aussi l'approvisionnement en viande était-il difficile. 
          
          Il faut dire que la base de l'alimentation reposait surtout sur les 
          pêches magnifiques faites par tous les habitants, au moulinet 
          sur la plage. Qui ne se souvient de ces magnifiques ombrines pêchées 
          surtout à la nuit, ou de la bouillabaisse prise à la ligne 
          au Pic, tout comme les oursins. On allait aussi à la Mine au 
          retour des pêcheurs, ou tout simplement on bénéficiait 
          des énormes rougets rapportés par le Petit-Fils, "pointu" 
          des Bortolotti.
          
          Il y avait aussi les lièvres achetés aux habitants du 
          douar.
          
          Ceux-ci arrivaient au portail. On entendait leur grosse canne en bois 
          taper sur le sol, et ils nous proposaient soit des oeufs, que l'on trempait 
          dans une bassine d'eau pour vérifier leur fraicheur, soit des 
          lièvres ou lapins de garenne qu'ils sortaient de dessous leur 
          gandourah, braconnés sans doute, et que l'on mangeait en civet 
          avec une bonne polenta. Délicieux, j'en salive encore ! La polenta 
          n'a pas le même goût aujourd'hui ! Quelquefois le" 
          téléphone arabe" se déclenchait : 
          " - Mokarnia tue un mouton demain ! " 
          
          Et tout le monde d'arriver avec son filet ou son panier pour acheter 
          ses côtelettes ou son gigot. La boucherie était au fond 
          de l'impasse, prés de la poste où habitaient dans le temps 
          les Franzetti. C'était très propre. C'est du moins le 
          souvenir que j'en ai !!! 
          Le dimanche on pouvait aller au marché où le mouton était 
          accroché à un eucalyptus, dépecé, les entrailles 
          qui dégoulinaient sur la terre, et le mouton était ensuite 
          découpé. On regardait ça sans frayeur ni dégout. 
          Ah, les règles d'hygiène étaient inexistantes à 
          l'époque ! Mais jamais personne n'était malade.
          
          Et puis il y avait Yous ! Yous était le boucher de Gouraya qui 
          venait une fois par semaine à Francis-Garnier avec sa camionnette 
          ouverte à tous vents en plein soleil, les soubressades attachées 
          aux ridelles. En arrivant au tournant au-dessus de la Mine, il klaxonnait 
          sans arrêt, et sur la plage c'était l'effervescence ! Tout 
          le monde se dépêchait de remonter pour l'accueillir devant 
          chez soi, pour acheter son steak qui devait être boucanné 
          !
        
          
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        Enfin, vous allez dire que je me répète 
          mais c'était le bon temps !
        Juliette BAILLY
        ET PEU IMPORTAIENT LES PETITS 
          PROBLEMES MATERIELS DE LA VIE QUOTIDIENNE
        La Flamme qui 
          gèle
        Comme le dit Juliette Bailly dans son récit, 
          avant 1954 " rares étaient les personnes qui possédaient 
          un réfrigérateur. "
        
           
            |  Publicité Frigélux | 
        
        En faisant des recherches dans Gallica, 
          on peut découvrir dans " L'Afrique du Nord illustrée 
          " du samedi 29 juin 1935, une réclame de Frigélux, 
          avec un titre percutant : LA FLAMME QUI GELE.
          
          Dans le texte, il est dit : 
          " une simple lampe à pétrole comme celles qu'employaient 
          nos aïeules " 
          En ville, oui, mais à Francis Garnier il fallait bien les utiliser 
          pour s'éclairer, tout comme les lampes à carbure, à 
          essence et les simples bougies.
        Cette illustration devrait raviver les 
          souvenirs de quelques anciens.
         
        Solange: " Il y en avait un chez mes 
          parents... Lorsqu'il se mettait en panne, on étendait des sacs 
          sur le sol, et à plusieurs personnes on retournait la bête 
          tête-bêche, on le laissait dans cette position, peut-être 
          confortable pour un specimen de ce genre, durant une demi-journée, 
          puis on le redressait, et...il se remettait en marche. Le dit réfrigérateur 
          a continué d'exister, en parallèle avec les modernes électriques 
          de l'époque... et il est arrivé en France, au moment de 
          l'exode, dans le déménagement..." Loin d'être 
          classé comme une pièce de Musée, donné à 
          son dernier fils, puis... à un copain de ce dernier, il a continué 
          à marcher longtemps encore....
        La Glacière.
        Mais pour garder les aliments et les boissons 
          au frais, la plupart des villageois avaient une glacière, petit 
          meuble revêtu de zinc à l'intérieur. Dans la partie 
          basse nous y mettions les aliments et les boissons, et dans la partie 
          haute des morceaux de pains de glace artificielle qu'il fallait réapprovisionner 
          tous les deux ou trois jours... en faisant le plus vite possible pendant 
          le trajet achat de la glace/glacière. Comme le Petit Poucet, 
          on pouvait nous suivre à la trace... des gouttes d'eau de la 
          glace qui fondait !
          
          En Algérie il n'existait pas de glacières pour fabriquer 
          de la glace-neige, comme dans les hautes montagnes enneigées 
          de métropole, et les fabriques de glace artificielle n'ont du 
          apparaître qu'autour de 1900. Cependant, à la Mine, de 
          la glace artificielle était fabriquée, en petite quantité, 
          mais le plus gros de l'approvisionnement se faisait grâce aux 
          cars Mory, avec Allel ou Mamy, dévoués conducteurs habitués 
          à transporter toutes sortes de choses pour les villageois depuis 
          Alger jusqu'à Ténès. (Je me rappelle les avoir 
          entendu pousser un énorme ouf de soulagement, lorsque, arrêtés 
          au tournant de la Mine, ils avaient descendu de l'impériale et 
          livré ... de la dynamite.)
        
        
          La Gargoulette. 
        
           
            |  La gargoulette (Photo 
                Geneviève Troncy) | 
        
        Pour rafraichir l'eau ? Nos simples et 
          précieuses gargoulettes en terre cuite arrivaient par bateaux 
          entiers sur les quais d'Alger, d'Oran, ou de Bône. Gargoulettes 
          traditionnellement placées dans un courant d'air, à l'ombre, 
          sur le rebord d'une fenêtre. Certains, plus doués que d'autres, 
          pouvaient même boire leur eau fraîche à la régalade, 
          sans s'étouffer -Tout un art... 
        Et le Garde-manger.
        Pour protéger des insectes (ou éventuellement 
          des souris ?) la charcuterie, les légumes ou les fruits : un 
          garde-manger dans une pièce fraîche. Garde-manger qu'à 
          ma grande surprise, on trouve toujours très utile aujourd'hui, 
          puisqu'on en fabrique encore.
        La vie des mères de famille n'était 
          pas si facile, mais heureusement le gibier à poils ou à 
          plumes était abondant (souvenez-vous du goût des perdrix 
          qui se nourrissaient de lentisques), la mer généreuse, 
          et surtout nous avions le goût de la joie de vivre.
          Tout simplement, au bord de la Méditerranée.
        Huguette COHET