Casernes 
          - suite
          Le corps des Janissaires
        
          Chaque homme, dit Venture-Paradis, recevait à son arrivée 
          à la caserne, une chemise de toile grossière, un manteau 
          de gros drap, un pantalon de coton, une chéchia, une ceinture 
          rouge, une foutah verte, une paire de souliers et une couverture de 
          laine très courte et très étroite; enfin une natte 
          devant lui servir de lit.
          
          Les armes qu'on lui prêtait étaient : un mousquet, un yatagan, 
          une paire de pistolets dont le prix, en cas de perte, était retenu 
          sur sa solde. Une livre de plomb lui était fournie, dont il devait 
          faire des balles. L'achat de la poudre lui incombait. Il touchait, par 
          jour, quatre pains de 6 à 7 onces chacun.
          
          Les janissaires logeaient par trois dans des chambres spacieuses. Des 
          esclaves les servaient et prenaient soin de leur caserne. Lorsqu'ils 
          étaient destinés aux camps ou aux garnisons éloignées 
          d'Alger, ils recevaient une paire de semelles pour la réparation 
          de leurs souliers.
          
          Le service était d'un an, suivi d'un congé d'égale 
          durée; il recommençait ensuite dans les mêmes conditions, 
          tant que l'homme était valide. L'exécution d'un Janissaire 
          n'avait jamais lieu publiquement.
          
          La hiérarchie se décomposait ainsi :
          
          L'agha ou général, 
          à qui étaient remises, chaque soir, les clefs de la ville 
          ( Celles de Bab-Azoun, 
          de Bab-el-Oued 
          et de Bab-ed-Djedid.), avait le droit de se faire précéder 
          au-dehors de deux chiaoux.
          
          Le chaya ou bachi-boulouk-bachi, 
          colonel remplaçant l'agha. Cet officier portait des plumes blanches 
          à son turban.
          
          Les boulouk-bachi, sortes de capitaines, 
          coiffés d'un long bonnet et parés, dans le dos, d'une 
          croix rouge tracée sur une pièce de cuir.
          
          Les yodach-bachi ou lieutenants, 
          portant dans le dos une longue bande de cuir. 
          
          Au-dessous venaient :
          Les peis, qui étaient les 
          quatre plus anciens soldats de la compagnie attendant leur avancement. 
          Ils portaient un bonnet plaqué de cuir.
          
          Les soulaks, les 
          huit plus anciens après les peis. Ils avaient un bonnet 
          présentant en avant un tuyau de cuivre et portaient un sabre 
          doré. Ils servaient de gardes au Dey.
          
          En campagne il y avait, pour chaque tente de vingt hommes, un 
          oukil el hardj chargé de pourvoir aux besoins de cette 
          tente.
          
          L'armée comprenait aussi, pour la fourniture de l'eau et pour 
          la défense de cette eau, des lanciers nommés sagiards.
        Au Camp
        Les soldats étaient abrités 
          par des tentes circulaires pouvant contenir jusqu'à trente hommes.
          
          Chaque tente avait un boulouk-bachi, un yodach-bachi, un oukil el hardj. 
          Il s'y trouvait dix-sept soldats et quelques Maures armés, destinés 
          au service de la tente et à la conduite des bêtes de somme.
          
          Le transport des bagages était assuré, pour chaque tente, 
          par six chevaux ou mulets.
          
          Les soldats ne portaient en marche que leur sabre et leur mousquet. 
          Les bagages précédaient l'armée. En arrière 
          de la troupe, se trouvaient les chevaux destinés à remplacer 
          ceux qui avaient été tués. Ils servaient aussi 
          au transport des blessés.
        La Solde
        La solde, touchée tous les deux 
          mois, était de quarante sols au début. Elle doublait après 
          six mois. La solde du colonel correspondait à vingt livres tournois 
          environ.
          
          En 1828, la haute-paye n'était plus, pour deux mois, que de trois 
          piastres, soit seize francs.
          
          Les janissaires recevaient leur solde au Palais, en présence 
          du Dey, de l'agha et du divan. L'agha demeurait assis. Le Dey faisait 
          l'appel nominal.
          
          Les janissaires, peu intimidés par la présence de ces 
          hauts personnages, examinaient scrupuleusement la monnaie qui leur était 
          remise et refusaient impitoyablement les pièces leur paraissant 
          légères.
          
          Le Dey qui demeurait toujours janissaire, ne touchait que la haute-paye, 
          mais il avait en plus, des profits sur le droit d'ancrage, sur la vente 
          des esclaves, sur la vente des prises. Les présents consulaires 
          et autre redevances faisaient aussi partie de ses bénéfices. 
          Quant à l'agha, il ne touchait que 2.000 pataques 
          (1.600 francs tous les deux mois).
          
          Le janissaire avait en outre, une part sur les prises maritimes quand 
          il était embarqué sur les vaisseaux corsaires. Par suite 
          de libéralités d'anciens miliciens parvenus à de 
          hauts emplois, certaines chambres de janissaires se trouvaient propriétaires 
          d'immeubles mis en valeur par des oukils que nommaient ces chambrées. 
          Ceux-ci disposaient des revenus pour améliorer la situation des 
          janissaires.
          
          Le retour d'une grande fête ou encore un changement de Dey valaient 
          à chaque soldat une augmentation de salaire. 
          
          Aussi l'appât d'une meilleure solde fit-il égorger plus 
          d'un Dey.
          
          Cette milice redoutable dont les principaux officiers faisaient partie 
          de droit du Divan, était véritablement maîtresse 
          à El-Djezaïr. Au moindre mécontentement les janissaires 
          allaient manifester à la porte du palais de la Jénina 
          où ils portaient leurs marmites renversées. Bien souvent 
          l'équipée tournait au drame et se terminait par l'égorgement 
          du Dey.
          
          L'avancement en ce corps étant donné à l'ancienneté 
          et à l'élection, le dernier des miliciens pouvait prétendre 
          aux plus hauts grades. Quelques uns arrivèrent à la dignité 
          suprême de la Régence. Cette haute fortune ne les rendait 
          cependant pas oublieux de leur passé, et chacun de ces deys faisait, 
          suivant la tradition, réparer et enjoliver sa chambre de soldat 
          ainsi que le prouvent diverses inscriptions du genre de celle-ci qui 
          fut retrouvée au 
          Cercle Militaire.
        "Achji Hassan a fait inscrire 
          cette date: 1205 (1791) et a réparé et restaura sa chambre".
        Cet Hassan devint Dey, le 12 juillet 1791. 
          
          
          L'achji (cuisinier) goûtait 
          les mets du pacha; il était aussi directeur du personnel de celui-ci 
          et parfois, des prisons militaires.
          
          Les archives relatives aux casernes "Médée" 
          nous renseignent sur les denominations qu'y avaient certaines chambres 
          :
          C'étaient par exemple :
          
          - La chambre d'El-Hadj Ali, agha des spahis.
          - La chambre de Soliman Raïs.
          - La chambre d'Osman Bey.
          - La chambre du pacha Ahmed.
        L'Embarquement 
          des Janissaires en 1830
        Après la prise d'Alger, le Maréchal 
          de Bourmont dédaigna l'utilisation des Janissaires. Il ordonna 
          leur transfert en Asie Mineure.
          
          Voici la relation de Barchou sur leur embarquement :
          
          "Des détachements d'infanterie les allaient prendre à 
          leurs casernes ou bien à domicile et les amenaient par bandes 
          nombreuses sur les quais. Ils attendaient là, les issues gardées 
          de tout côté, leur tour de se rendre à bord où 
          les transportaient de nombreux canots allant incessamment du rivage 
          à nos vaisseaux et revenant de nos vaisseaux au rivage."
          
          "Parmi ces soldats, les uns étaient tellement chargés 
          de vêtements et d'effets, qu'ils ployaient sous le poids; d'autres 
          portaient à la main quelques corbeilles de dattes ou de figues; 
          d'autres des vases pleins d'eau, qu'ils s'efforçaient de conserver 
          entiers et pleins au milieu du mouvement de la foule, inestimable trésor 
          par la chaleur qui nous accablait."
          
          "Le bagage du plus grand nombre ne se composait que de ces deux 
          choses : une longue pipe, qu'ils avaient à la bouche, et un sac 
          de tabac suspendu à leur veste. J'en vis un toutefois, qui avait 
          sous le bras un magnifique exemplaire du Coran et à la ceinture, 
          une fort belle écritoire."
          
          "Quand un bateau s'éloignait, c'était un échange 
          de signes de mains et de cris d'adieux entre ceux qu'il emportait et 
          ceux qui demeuraient au port. Quand au contraire, une embarcation accostait 
          le rivage, on voyait se former des groupes distincts et compacts parmi 
          ceux dont le tour d'embarquement arrivait."
          
          "Ceux des exilés qui se trouvaient liés par quelque 
          rapport d'humeur, de goûts ou de caractère, se rapprochaient 
          ainsi les uns des autres pour faire la traversée ensemble et 
          débarquer au même port ( L'arriéré 
          de deux mois de solde, 5 piastres d'Espagne, avait été 
          payé par la France aux Janissaires. Ceux-ci furent fort étonnés 
          de cette libéralité."Ainsi vous nous payez pour le 
          temps où nous nous sommes battus contre vous ?" dit l'un 
          d'eux à l'aide de camp du général Berthezène. 
          "Vous l'avez dit" lui répondit l'officier. Le Turc 
          ne pouvait en revenir.)."
          
          "Orgueil, courage ou résignation à la fatalité, 
          ils ne laissaient échapper aucune plainte et ne nous adressaient 
          aucune prière, aucune réclamation."
          
          "Les femmes qui partagaient cette émigration, montrèrent 
          la même fermeté que les hommes ( En 
          raison de la confusion qui se produisit au cours de certains embarquements, 
          toutes les femmes ne purent accompagner leurs maris. Quelques-unes ne 
          le voulurent point.)."
          
          "Assises sur des pierres ou sur des piles de boulets, elles attendaient 
          à côté de leurs maris, leur tour d'embarquement."
          
          "Autour d'elles jouaient leurs enfants, tantôt insouciants 
          de ce qui se passait, tantôt criant, pleurant, s'effrayant de 
          ce que tout cela avait d'étrange et de nouveau. Voilées 
          comme à leur ordinaire, ces femmes se cachaient plus sévèrement 
          que de coutume, quand un chrétien passait auprès d'elles 
          ou les frôlait involontairement" (2 
          Le journal L'Aviso, du 18 août, dit à ce sujet : "On 
          voit tous les jours la baie sillonnée par des barques chargées 
          de femmes et d'enfants, celles-ci à la recherche de leurs maris. 
          oCependant, nombre de Turcs embarqués déjà, ont 
          en vain demandé leurs femmes, car ces dernières ne se 
          sont pas souciées de les suivre.").Telles furent 
          les conditions dans lesquelles s'effectuèrent les départs 
          de ces vaillantes cohortes barbaresques qu'on exilait si hâtivement 
          de ce pays avec leurs familles, et qui, on le reconnut plus tard, eussent 
          pu nous rendre ici de si précieux services!
        Les Fours de 
          la Jénina(Rue Bab-el-Oued)
        Les Fours de la Jénina étaient, 
          en suite du palais de la Jénina, qui s'élevait, place 
          du Gouvernement, de vastes galeries couvertes par des voûtes 
          que soutenaient des colonnes très courtes. De larges ouvertures 
          s'y trouvaient pour la distribution de l'air et de la lumière. 
          Les foyers, au nombre de seize, étaient en brique, de forme elliptique 
          et très élevés, ce qui nécessitait une grande 
          quantité de combustible. II y avait là neuf moulins.
          
          Les pétrins étaient comme à l'ordinaire, en bois. 
          Il y avait en ces bâtiments, des magasins pour la farine, le pain, 
          le biscuit, qu'on trouva tous remplis, en 1830 (Rozey).
          
          La Manutention turque fut utilisée par nos troupes ainsi que 
          de nombreux magasins voisins de celle-ci, où l'on installa le 
          Campement ( Ces bâtiments s'étendaient 
          jusqu'à la rue Jénina.).
          
          En 1857, la Manutention française fut sur l'actuel 
          boulevard Carnot, voisine du Campement. Sur son emplacement 
          va s'élever la 
          nouvelle Mairie.
        DAR-en-NHAS (Fonderie)
        Ce bâtiment, situé près 
          de la porte Bab-el-Oued (la rue de la Fonderie en rappelle le souvenir) 
          ( Là se trouvait le quartier 
          Bir-ez-Zenak (le puits des rues).) avait trente mètres 
          de longueur. Il était très haut et comportait une tour. 
          Son nom signifie Maison du Cuivre.
          
          Cet établissement ne comprenait qu'un seul fourneau, mais fort 
          bien construit. Le moule destiné à recevoir la fonte était 
          placé dans une fosse devant l'ouverture par où elle s'écoulait. 
          Un treuil placé au-dessus servait à retirer la pièce 
          massive. Celle-ci était forée ensuite. Pour cela on la 
          plaçait verticalement dans un appareil très complet, composé 
          de plusieurs roues qui étaient disposées les unes au-dessus 
          des autres, suivant plusieurs étages, et qui occupaient dans 
          la tour, une hauteur de vingt mètres.
          
          De l'autre côté de la rue, se trouvaient les ateliers des 
          moules et des bombes dont plusieurs étaient d'une grosseur énorme 
          (Rozey), ainsi que plusieurs forges et fourneaux dans lesquels on fabriquait 
          les projectiles. On en fabriquait tant que les magasins situés 
          hors des portes Bab-el-Oued, en étaient remplis jusqu'au plafond.
          
          Près de ces magasins, dans le fossé de la ville, se trouvaient 
          d'autres magasins où étaient réunis les matériaux 
          des navires capturés qu'on avait démolis. La démolition 
          s'effectuait sur une plate-forme, voisine de la mer.
          
          Au XVIIIème siècle (détail donné à 
          : La Casbah (voir)), 
          un maître-fondeur français, François Dupont, fut 
          attaché à cet établissement. Un acte de 1706 fait 
          déjà mention de Dar-en-Nhas. L'artillerie en prit possession 
          en 1830 ( L'arsenal français 
          fut créé en 1854, sur l'esplanade Bab-el-Oued, où 
          il demeura jusqu'en 1896, époque où il fut réinstallé 
          à l'extrémité du Champ-de-Manoeuvre.).
        
          (Illustration de la page 102 des Feuillets 
          d'El-Djezaïr)
          Médaille frappée 
          à l'occasion de la première pierre du boulevard de l'Impératrice 
          Eugènie ( puis 
          bd de la République)