| ------------Au lendemain 
        de la conquête, l'armée se trouva confrontée à 
        d'énormes problèmes sanitaires dus à une importante 
        épidémie de maladies vénériennes qui eut pour 
        effet de décimer ses régiments, officiers et sous officiers 
        compris, qui se traduisit par un engorgement des hôpitaux militaires 
        et des infirmeries régimentaires. ------------Le 
        12 Juillet 1830 un service de salubrité sera créé 
        à ALGER et le mézouar, charge confiée, moyennant 
        finances, sous les Turcs à un maure généralement 
        douteux descendant de renégat, ayant pour charge l'organisation 
        de la prostitution ne sera pas supprimé.
 ------------Cette 
        charge lui permettait de recruter dans les tribus les femmes faisant commerce 
        de leurs charmes; il était aidé dans sa tâche par 
        des agents à sa solde pour le recrutement.
 
 ------------Dès 
        que l'une d'entre elle était repérée, le mézouar 
        devait apporter la preuve devant le cadi qui l'inscrivait sur un livre 
        à cet effet ; jeunes filles et femmes mariées convaincues 
        d'adultère ou supposées telles, parfois par vengeance ou 
        par connivence étaient recrutées.
 
 ------------Le 
        mézouar percevait sur chacune de ses protégées 2 
        douros d'Alger (7,44 F) par mois et il avait le privilège de pouvoir 
        organiser plusieurs fois par an des " festivités " dont 
        le produit lui revenait intégralement; il avait la possibilité, 
        et il ne s'en privait pas, de vendre des concubines aux musulmans.
 
 ------------En 
        1832, le " fermage " du mézouar fut officiellement alloué 
        pour la somme de 2 046 Francs ce qui laisse à penser que quelques 
        200 femmes étaient nécessaires pour couvrir la charge.
 
 ------------Les 
        résultats laissant à désirer, le 12 Juin 1831 le 
        Lieutenant Général du corps expéditionnaire décida 
        la création d'un dispensaire chargé de la visite médicale 
        des filles publiques, les maladies vénériennes décimant 
        le corps expéditonnaire.
 
 ------------La 
        situation sanitaire ne faisant que se détériorer, le 28 
        Décembre 1835 un nouveau décret abroge le mézouar, 
        fixe les conditions d'inscription des prostitués sur un registre 
        et le nombre de visites mensuelles obligatoires auprès du dispensaire.
 
 ------------Il 
        est difficile, à cette époque, d'évaluer l'importance 
        de la prostitution ; si l'officielle ne devait représenter qu'une 
        infime partie, la prostitution sauvage, non contrôlée, se 
        déroulant aussi bien à domicile que dans la rue, se taillait 
        la part du lion.
 
 ------------Le 
        30 juin 1853, la commission municipale d'ALGER décide que la prostitution 
        ne pourra s'exercer uniquement qu'en maisons de tolérance, ce qui 
        aura pour effet de limiter les débordements, la Police Municipale 
        s'étant montrée vigilante.
 
 ------------En 
        dehors d'ALGER la situation était plutôt anarchique ; Azriat, 
        danseuses traditionnelles, se livraient au plus vieux métier de 
        monde, les villages Kabyles avaient tous leur gourbi de passage et le 
        visiteur qui venait y passer la nuit était interrogé dès 
        son arrivée: " Tu viens pour la mosquée ou pour la 
        femme ? ".
 
 ------------Pour 
        la mosquée, suivant la tradition de l'hospitalité Kabyle, 
        il passait la nuit à la mosquée et était nourri gratuitement 
        au frais du village ; si c'était pour la femme, on lui indiquait 
        le gourbi de passage et tout était à sa charge.
 
 ------------Les 
        OULED NAILS, autre tribu du SAHARA, étaient renommées pour 
        leurs danseuses qui monnayaient leurs charmes. A BOU SAADA il existait 
        plusieurs cabarets très prisés des touristes où les 
        danseuses se produisaient, d'abord habillées puis en tenues légères 
        exhibant leurs bijoux, l'orchestre traditionnel qui les accompagnaient 
        jouaient la face au mur y compris le violoniste qui était aveugle, 
        ce qui n'empêchait pas toute la troupe de se retrouver le spectacle 
        terminé dans la même arrière-salle faisant office 
        de vestiaire...
 
 ------------A 
        ALGER, c'est dans le quartier de la CASBAH que furent regroupées 
        les maisons de tolérance, rues BARBEROUSSE, SOPHONISTE, KATTAROUGGIL, 
        de CHARTRES, BAB AZOUN, du CHÊNE, CAFTAN et impasse René 
        CAILLE.
 
 ------------En 
        1859 ALGER comptait 14 maisons de tolérance, en 1905, 17 étaient 
        réservées aux indigènes et 15 aux européens 
        ; en 1935, 34 pour les indigènes et 5 pour européens.
 
 ------------En 
        1930 l'Algérie comptait 68 maisons closes tenues par des européens, 
        22 dans le département d'Alger, 28 dans celui de Constantine et 
        18 dans celui d'Oran.
 
 ------------En 
        1942, la police des moeurs avait répertorié, 46 bordels, 
        115 magasins, 79 hôtels, 600 meublés et une centaine de maisons 
        clandestines abritant la prostitution, parmi celles ci, se trouvait le 
        bar de chez COCO, la Taverne des Bas Fonds située près de 
        la rue de la Marine.
 
 ------------COCO, 
        un personnage haut en couleur, se pavanait dans sa taverne ; c'était 
        un petit nain déluré, mulâtre au cheveux crépus 
        qui ne passait pas inaperçu.
 
 -----------Dans 
        cette caverne où tout était pacotille, on venait s'encanailler 
        autour du comptoir mais aussi se restaurer, une salle aux tables basses 
        et tabourets vous accueillaient.
 
 ------------Quant 
        à la décoration, elle est basée uniquement sur le 
        sexe et le macabre tel ce squelette dont un voile rouge dissimule la partie 
        intime... en érection... ou encore la célèbre esquisse 
        des courses de Boufarik où les montures enfourchent les jockeys 
        et le poteau d'arrivée n'est autre qu'un phallus géant.
 
 ------------Cet 
        établissement, très prisé des touristes, des artistes 
        et de la jeunesse algéroise, et des moins jeunes, était 
        le lieu idéal où l'on invitait les jeunes filles naïves, 
        histoire de les dessaler, Coco se faisant le complice idéal faisant 
        admirer son célèbre porte-manteau, son plat de moules, sa 
        collection de godemichés, sa série de photos pornographiques 
        était aux anges quand la demoiselle, rouge comme une pivoine ne 
        savait plus où se mettre.
 
 ------------Mais, 
        plus discrètement, il y avait aussi un livre d'or proposant les 
        mérites de certaines femmes habituées de l'établissement 
        et monnayant leurs charmes.
 
 ------------La 
        législation en vigueur sur les maisons closes est draconienne à 
        en juger par les règlements : toutes les fenêtres et les 
        volets devaient être clos et cadenassés, la porte pleine 
        donnant accès à l'établissement devant être 
        équipée d'un judas, seul le numéro d'immatriculation 
        devant figurer sur la façade ; les corridors devront être 
        éclairés jour et nuit, les accès aux terrasses fermés 
        à clef et les prostitués ne devront en aucun cas être 
        vues de l'extérieur.
 
 ------------Alors 
        qu'en France certaines maisons closes sont de petits palaces, en Algérie 
        c'est tout le contraire : locaux vétustes situés dans des 
        quartiers crasseux aux immeubles dont les façades sont défraîchies, 
        les intérieurs laissent apparaître des décorations 
        de pacotille, l'hygiène plus que sommaire, sans parler des odeurs...
 
 ------------Les 
        évènements d'Algérie eurent pour effet d'attirer 
        une nouvelle clientèle composée de militaires. De nombreuses 
        prostituées métropolitaines mais aussi le milieu marseillais 
        qui se porta acquéreur de plusieurs établissements mais 
        il semblerait que le nombre de maisons resta inchangé par rapport 
        à 1942.
 
 ------------L'O.A.S, 
        dès 1961, prit pour cible les souteneurs et contribua à 
        l'élimination des proxénètes locaux qui étaient 
        les financiers du F.L.N.
 
 ------------Réparties 
        sur tout le territoire les maisons closes se situaient dans les principales 
        villes généralement dans des quartiers à forte population 
        musulmane, leurs noms : La Patte de chat, La Villa des fleurs, La Villa 
        des roses, La Lune, Le Chat noir, Les Palmiers, Le Chabanais, Le Moulin 
        rouge, Le Moulin vert, Le Soleil, Les Andalouses ou encore Le Sphinx se 
        retrouvaient dans tous les départements d'Algérie.
 
 ------------A 
        Alger le plus sélect était le Sphinx, n'acceptant que les 
        européens ; la maîtresse de maison, une forte femme trônant 
        derrière le bar confortablement installée dans un fauteuil 
        dirigeait ses filles du doigt et du regard, un sourire aux lèvres 
        et faisait croire à qui voulait l'entendre que son établissement 
        rivalisait avec les palaces parisiens ; son sphinx en carton mâché, 
        au dessus du bar et les quelques décorations de style rococo ne 
        le différenciait guère des autres .
 
 ------------Autres 
        établissements tout à fait légaux : les bordels militaires 
        de campagne (B.M.C.) au nombre de 9 suivaient les troupes en campagne 
        et débarquèrent même en Provence à la suite 
        des régiments en 1944. Réservés à l'armée 
        et sous son autorité il y accueillaient aussi les civils dans les 
        régions isolées ; ils ont de nos jours disparu.
 
 ------------On 
        ne peut parler de la prostitution en Algérie sans se pencher sur 
        le sort des filles soumises et des conditions de vie dans ces maisons.
 
 ------------Dès 
        qu'elles en avaient franchi la porte elle perdaient toute liberté 
        et étaient considérées comme des esclaves : interdiction 
        de sortir seules, toujours accompagnées lors des visites chez le 
        médecin ou au dispensaire pour les visites obligatoires, repas 
        pris en commun à l'intérieur de la maison, rares sorties 
        sur la ter-rasse quand il y en avait une, rémunérées 
        uniquement par les pourboires sans parler des brimades et des coups, surveillées 
        sans cesse par un personnel ignorant l'humanité et régulièrement 
        transférées d'une maison à l'autre dans un but de 
        rentabilité maximum, ainsi peut se résumer le calvaire de 
        ces filles, parait-il,
 de joie...
 Pierre CARATERO
 
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