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 Les gorges du Rhumel 
              à Constantine
 |  Pour  dégager 
        les perspectives d'avenir du tourisme en Algérie, il est nécessaire 
        de faire un léger retour dans le passé.
 Les premiers qui, il y a quelques dizaines d'années, comprirent 
        l'intérêt qu'il y avait à entraîner le touriste 
        vers ce pays à peine sorti du chaos physique, politique et économique 
        de la domination turque, crurent habile de n'en révéler 
        que les types, les scènes et les sites de caractère oriental. 
        Pour ces propagandistes sincères, mais maladroits, l'Algérie 
        fut uniquement le pays des mosquées et des femmes voilées, 
        des chameaux, des palmiers et des fantasias.
 
 C'est à l'occasion de la célébration des fêtes 
        du Centenaire, en 1930, que l'on comprit la nécessité de 
        redresser les erreurs commises. Sans doute l'Algérie est le pays 
        des minarets d'où partent dans l'air calme du crépuscule 
        les appels à la prière, des caravanes nonchalantes et des 
        fantasias bruyantes et colorées. Mais elle n'est pas que cela.
 
 Par un labeur tenace, auquel ont collaboré tous les éléments 
        de sa population, l'Algérie est devenue le prolongement de la France 
        au sud de la Méditerranée. Et le touriste attiré 
        par les visions d'Orient promises, trouve sur sa route des villes modernes, 
        des ports équipés pour recevoir les plus grands bateaux 
        du monde, des vergers, des vignobles et des champs de blé admirables.
 
 Mais est-ce à dire que ce nouveau visage de l'Algérie a 
        fait disparaître l'ancien, celui importé de l'Orient ? Pas 
        du tout. L'Algérie, point de rencontre de l'Europe et de l'Asie 
        en terre africaine, carrefour de races venues de trois continents, reste 
        le pays aux ressources touristiques illimitées. La ville européenne 
        a respecté les vieilles mosquées, le vignoble ou le verger, 
        la kouba élevée à la mémoire d'un saint homme 
        musulman et la loi française, les murs, les coutumes et les 
        traditions des Arabes et des Berbères.
 
 L'Algérie demeure aussi la terre des contrastes; contraste entre 
        deux civilisations, contraste entre les villes modernes et trépidantes 
        et les casbahs aux ruelles silencieuses, contraste entre le douar arabe 
        ou l'agglomération kabyle et le village bâti par des paysans 
        et des colons immigrés, contraste enfin entre les paysages typiquement 
        africains et les riches plaines de grande culture dont l'opulence, la 
        prospérité et l'harmonie peuvent rivaliser avec les plus 
        belles régions agricoles de l'Europe.
 
 Le touriste européen amateur de sites exotiques, de scènes 
        orientales et d'architecture mauresque continuera à trouver en 
        Algérie matière et spectacle à s'extasier. Mais dorénavant 
        il trouvera aussi autre chose.
 
 Par son climat tempéré qui atténue les rigueurs de 
        l'hiver, par son soleil presque constant, par la mer qui la baigne et 
        qui se pare de grâces tranquilles dans les criques et les baies 
        dont son rivage est creusé, par son relief accidenté, ses 
        vallonnements et ses hautes montagnes, l'Algérie dispose d'un grand 
        nombre de stations climatiques propres à accueillir l'estiveur 
        comme l'hiverneur, depuis celles blotties dans les anfractuosités 
        de la côte jusqu'à celles de moyenne et haute montagne de 
        l'Atlas, de la Kabylie et des Hauts-Plateaux. Faut-il en citer quelques-unes 
        ? 
        Bugeaud au vaste paysage et à la flore métropolitaine, 
           
        Yakouren avec sa forêt profonde où vivaient 
        encore des panthères il y a quelque vingt-cinq ans, Michelet 
        et ses hauts pics que domine orgueilleusement le Lalla Khedidja, 
        Tlemcen et ses vergers et sa voisine Bou Médine la pieuse où 
        se rencontrent les plus belles mosquées du Moghreb, Teniet-El-Hâd 
        et sa magnifique forêt de cèdres, Chréa, 
        Tikjda et leurs pistes de ski sous les cèdres centenaires, Dellys, 
        ses jardins et ses vieux oliviers, Ténès et son vieux pont 
        romain unique, croyons-nous, en Algérie, Mansouriah la luxuriante, 
        Djidjelli ceinturée de chênes-liège, Stora et sa corniche.
 
 La guerre a porté un rude coup à l'industrie hôtelière 
        et touristique de l'Algérie. D'innombrables hôtels ont été 
        dévastés par des réquisitions abusives. Le linge 
        s'est usé. La vaisselle, la verrerie ont été brisées. 
        Mais déjà s'amorce l'oeuvre du rééquipement. 
        Déjà la chaîne des luxueux hôtels transatlantiques 
        est en partie remise à la disposition du voyageur. Déjà 
        aussi, des lignes aériennes sillonnent notre ciel dans tous les 
        sens. Ce sont là des signes indéniables de la renaissance 
        prochaine du tourisme.
 
 D'admirables paysages, un vivifiant soleil, un climat tempéré, 
        des stations climatiques ne sont pas les seules richesses du tourisme 
        algérien. Il faut y ajouter les vestiges de la domination romaine 
        et les sources thermo-minérales.
 
 C'est surtout au début de notre ère que Rome put étendre 
        sa puissance en Afrique du Nord et plus particulièrement sur les 
        provinces de Numidie et de Maurétanie Césaréenne 
        dont les territoires ont, depuis, formé l'Algérie française. 
        En outre de, l'organisation administrative et économique du pays, 
        la civilisation romaine se manifesta par l'édification d'un grand 
        nombre de villes, elles-mêmes décorées de beaux monuments.
 
 Les troubles graves qui précédèrent la fin de l'empire, 
        puis l'invasion de l'Afrique du Nord par les Vandales anéantirent 
        l'ouvre magnifique de la colonisation romaine. Les villes furent ravagées 
        par les incendies, la vie se réfugia dans les campagnes et petit 
        à petit, en beaucoup d'endroits, sous l'action des éléments, 
        les enceintes fortifiées, les remparts, les murs des maisons, et 
        les pierres des monuments écroulés disparurent de la surface 
        du sol.
 
 Aussitôt que s'affirma la présence de la France, des historiens, 
        des épigraphistes, des géologues et des archéologues 
        entreprirent la tâche minutieuse et savante de rechercher les ruines 
        des villes ensevelies et de les mettre à jour. Conduits avec patience 
        et science, les travaux et les fouilles ont exhumé les cités 
        disparues, redressé les colonnes abattues, rétabli les monuments 
        effondrés. C'est ainsi qu'aujourd'hui l'Algérie s'enorgueillit 
        de présenter au touriste et au voyageur toute une série 
        de ruines reconstituant partiellement les villes et les monuments par 
        quoi se manifestait, il y a deux mille ans, la grandeur de Rome. 
        Timgad, l'ancienne Thamugadi,
 
 Djemila, l'antique Cuicul sont les joyaux de ces splendeurs 
        archéologiques. Mais il y a aussi Lambèse et Tébessa, 
           
        Tipasa et 
        Cherchell, le tombeau de la Chrétienne et le Médracem, 
        etc... Le voyageur attaché aux choses du passé, qui aime 
        à les évoquer au spectacle de vieilles pierres chargées 
        d'ans, d'art et de poésie, trouve sur notre sol une infinie variété 
        de ruines. Timgad ne ressemble pas à Djemila, ni Tébessa 
        à Lambèse, Cherchell a ses statues, Hippone ses thermes 
        et Djemila présente, en outre de ses ruines, les plus belles mosaïques 
        romaines. Dans maints autres lieux, les vestiges romains sont moins importants 
        qui méritent cependant le regard du passant et soulèvent 
        son émotion. Il en est ainsi à Tigzirt, à Tana, à 
        Announa (l'ancienne Thibidis) à Marcatina, à Guelma, à 
        Khemissa, enfin, où l'on peut voir les fameuses piscines qu'alimente 
        la même source qu'il y a deux mille ans. Le seul attrait de contempler 
        ces témoins d'un passé dont la magnificence est venue jusqu'à 
        nous, vaut, à lui seul, le déplacement du touriste, au même 
        titre que Pompéi, Arles ou Nîmes.
 
 Mais les touristes, hélas, ne sont pas toujours des gens robustes. 
        Beaucoup aimeraient pouvoir concilier la thérapeutique avec leur 
        désir de voyager. L'Algérie leur en offre le moyen.
 
 Les ruines dont nous venons de parler montrent par les thermes qu'elles 
        renferment que les Romains pratiquaient abondamment l'hydrothérapie. 
        Ils utilisaient les sources avoisinant les grandes villes ou amenaient 
        l'eau de très loin comme le révèlent les vestiges 
        d'aqueducà Cherchell et à Tébessa. C'est qu'il n'avait 
        pas échappé à leur attention que le sol de notre 
        pays est riche en sources minérales aux propriétés 
        curatives ou aux effets bienfaisants.
 
 Au cours de ces dernières années, des travaux de prospection 
        ont permis d'en dresser l'inventaire et bien que non encore définitif 
        il en fait entrevoir les vastes possibilités.
 
 Les sources sont parfois situées en des régions 
        touristiques ce qui permet d'allier les exigences du traitement curatif 
        à leur exploration. C'est le cas de l'Hammam Salahine près 
        Biskra, de Youks-les-bains (ancienne Aqu Canaris) à peu de 
        distance de Tébessa, de l'Aïn Ramersit et de l'Aïn El 
        Hammam à Khenchela d'où l'op peut visiter l'Aurès, 
        de l'Hammam Mélouane à 35 kms d'Alger, de l'oued Ghalia 
        à 1890 mètres d'altitude dans le massif de l'Ouarsenis, 
        de l'Hammam des Béni-Guéchat à Fedj M'zala dans les 
        environs de Djemila, de Hammam Rhira dans le Zaccar, de l'Hammam Guergour 
        (l'ancienne Ad Sava Municipium) dans la commune de Lafayette et de l'Hammam 
        Takitount d'où l'on peut rayonner dans toute la petite Kabylie 
        qui offre tant de belles excursions (gorges du Chabet El Akra, corniche 
        de Bougie à Djidjelli, grottes merveilleuses, etc.), de l'Hammam 
        Meskoutine (l'ancienne Aqu Thibilitan) près de Guelma, 
        dans une région pittoresque et sauvage, à proximité 
        de Announa et de ses ruines, des sources de Téniet-El-Hâd 
        à près de 1.200 m. d'altitude.
 
 D'autres sources sont situées en des régions moins favorisées 
        du point de vue touristique mais l'itinéraire à suivre pour 
        s'y rendre ou en revenir peut être judicieusement chc isi et faire 
        l'objet d'une belle randonnée : Hammam Bou Hanifia (l'ancienne 
        Aqu Sirenses), Hammam Bou-Hadjar dans le département d'Oran, 
          
         Berrouaghia, Aïn-Bessem dans le 
        département d'Alger, l'Hammam El Biban, près des Portes 
        de fer dans celui de Constantine et combien d'autres lieux qu'il serait 
        fastidieux de citer. La valeur thérapeutique de ces diverses stations 
        est de tout premier ordre et il est notamment aujourd'hui reconnu que 
        les eaux de l'Aïn Mentila (à quelques kilomètres d'Ammi-Moussa 
        dans le département d'Oran), de l'Hammam Meskoutine et de l'Hammam 
        Guergour sont les plus sulfureuses, hyperthermales et radioactives du 
        monde.
 
 Sans doute toutes les stations que nous venons de citer ne sont-elles 
        pas encore équipées pour recevoir la clientèle. Certaines 
        cependant, comme Hammam-Rhira, 
        Bou-Hanifia, Hammam Meskoutine, Hammam Bou Hadjar, etc... disposent d'établissements 
        balnéaires et d'hôtels de première ou seconde catégorie 
        et ont pu reprendre leur activité d'avant-guerre. L'équipement 
        de toutes les stations thermo-minérales d'Algérie est en 
        route et bientôt les eaux de toutes les sources connues et recensées 
        seront mises à la disposition des malades et des touristes et leur 
        apporteront réconfort, soulagement, guérison.
 
 Telles sont, pensons-nous, les vues d'avenir du tourisme algérien. 
        Elles sont brillantes. Cependant un effort considérable est à 
        faire mais " le succès est au bout du chemin ". Déjà 
        renaissant, le tourisme algérien sera favorisé par la réorganisation 
        des transports maritimes, par le développement de la navigation 
        aérienne. Il redeviendra pour l'Algérie une source de profits 
        que la guerre avait tarie, il participera à sa prospérité 
        et surtout il contribuera à faire mieux connaître dans le 
        monde notre pays dont on a pu écrire qu'il est " un pays de 
        lumière et de beauté, d'énergie féconde, de 
        vaste avenir, dont cent ans de vaillance et de labeur ont déjà 
        fait plus et mieux qu'une colonie, un puissant et magnifique prolongement 
        de la France "(Georges Rozet " 
        L'Algérie ". Editions des Horizons de France, Paris 1929.)
 Victor PROUTEAUDirecteur de l'Office Algérien d'Action Économique et Touristique.
 
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