| ------Nous 
        sommes, mon épouse et moi, la troisième ou quatrième 
        génération, selon les branches familiales, à être 
        née en Algérie. " Pur mélange " 
        d'Alsaciens, d'Espagnols et d'Aveyronnais, plus " Pied-Noir que 
        ça, tu meurs!". Bien que née à Tlemcen, 
        mon épouse, fille de cheminot, a toujours vécu à 
        Hussein-Dey. Elle y a fait ses études primaires puis, pour les 
        secondaires, à Pasteur et 
        Delacroix. Quant à moi, né en Algérie, 
        j'ai vécu à Mostaganem où mes parents s'étaient 
        installés pour le travail de mon père, vinificateur (on 
        dirait nologue aujourd'hui), et j'y ai fait mes études primaires 
        et secondaires au lycée René Basset. 
 ------C'est à la Faculté 
        des sciences, au début des années cinquante, 
        que nous nous sommes rencontrés. Il est vrai 
        que l'amphi B, dont l'entrée dominait la rue Berthezène, 
        facilitait ces rencontres. Prévu pour cent cinquante étudiants, 
        il en contenait jusqu'à quatre cents pour certains cours. Ce n'était 
        plus un amphi de fac, c'était l'agence " tasse ". 
        Les futurs médecins (P.C.B.) (1) venaient suivre quelques cours 
        avec nous (S.PC.N.)(2). Raconter " l'ambiance " qui régnait 
        pour les cours de biologie végétale avec un certain professeur 
        manquant d'autorité, risquerait d'épuiser tous mes superlatifs.
 
 ------Par contre, nous avons eu l'indicible bonheur 
        (et honneur à la fois) de suivre les cours de sommités comme 
        MM. Berlande en chimie, Bernard en zoologie, Hollande, décédé 
        récemment, et qui nous parlait déjà de l'ADN et de 
        sa double hélice alors que l'encre de la publication et des découvreurs, 
        Watson et Crick, n'était pas encore sèche. En biologie animale 
        et travaux pratiques de zoologie, nous avions également M. Dieuzède 
        qui était le directeur de l'Aquarium de Castiglione, 
        où il nous invitait à admirer la flore et la faune méditerranéenne. 
        Le mot " invitait " n'est pas trop fort car nous nous souvenons 
        d'un jour où, alors que nous nous étions levés à 
        6 heures pour prendre le car, il nous demanda entre 10 et 11 heures
 -
 -----" Voulez-vous un sandwich napolitain ? 
        ". Nous avions vingt ans ! Autant demander à des SDF s'ils 
        veulent gagner au loto ! Quelques minutes après, nous les avons 
        vus arriver, Mme Dieuzède et lui-même, les bras chargés 
        de bouteilles de sodas et de plateaux de petits pains beurrés, 
        dans lesquels ils avaient glissé une allache (grosse sardine) 
        pochée. Les Napolitains avaient donc inventé le " Hot-Fish 
        " sinon le "Hot-Dog". Mais Dieu, que c'est bon quand 
        on a faim.
 ------Et 
        comment ne pas parler de M. Robert Laffitte que les Algérianistes 
        connaissent bien et qui sera un peu plus tard le doyen de la Faculté 
        des sciences. Il nous épuisait à le suivre dans des sorties 
        de géologie. Il est vrai que nous n'avions pas, comme lui, les 
        20000 km à pied dans l'Aurès comme entraînement. À 
        chaque pause, nous n'avions qu'une hâte, nous apprentis géologues, 
        celle de chercher une " couche ".-
 -----À propos de M. Laffitte, j'aurais un 
        reproche à lui faire. En effet, sans ses remarquables travaux sur 
        la géologie de l'Algérie et sur les recherches pétrolières..., 
        nous serions peut-être encore là-bas.
 -
 -----Parce qu'il connaît l'admiration que 
        nous avons pour lui, je sais qu'il prendra cela comme une boutade.
 ------Pour 
        en terminer avec l'université d'Alger, il faut dire qu'il fallait 
        " s'accrocher ", comme on dit de nos jours, car le niveau 
        en était très élevé et la sélection 
        aux examens, très sévère (une centaine de réussites 
        au P.C.B. sur 300 candidats et 13 sur 87 au S.P.C.N. l'année de 
        notre promotion). Et comme j'ai eu l'occasion de le faire remarquer à 
        un collègue qui pensait que notre université était 
        "facile", les professeurs du P.C.B. refusaient les étudiants 
        qui, ayant échoué en mai-juin à Alger, revenaient 
        en première année de médecine après avoir 
        passé l'examen en métropole dans une fac plus coulante. 
        Tout cela pour faire savoir aux générations actuelles d'étudiants, 
        que la surpopulation universitaire et la sélection draconienne 
        ne datent pas d'aujourd'hui. ------Donc, 
        nos études presque terminées (il nous restait encore un 
        certificat que nous devions passer en octobre pour avoir le nombre de 
        certificats requis pour présenter le concours du C.A.P.E.S (3), 
        nous avons postulépour un premier poste d' adjoint d'enseignement. Nous avons donc été 
        nommés, ma future épouse au lycée de jeunes filles 
        et moi, au lycée Duveyrier de Blida 
        en octobre 1955. Et en mars 1956, nous avons célébré 
        nos noces à 
        l'église Saint-Augustin, comme toute ma famille.
 
 ------C'est donc avec une somme, cadeau de mariage 
        envoyée à mon épouse par une tante vivant au Maroc, 
        que nous avons décidé d'acheter une caméra 8 mm avec 
        une petite idée derrière la tête. Nos premiers cours 
        nous avaient, en effet, montré qu'il n'était pas aisé 
        de parler à nos élèves de choses 
        qu'ils ne connaissaient pas et que nous ne pouvions pas leur montrer. 
        Des petits films de dix à quinze minutes au maximum, muets pour 
        nous laisser faire les commentaires adaptés à chaque classe, 
        nous permettraient d'illustrer nos cours.
 
 ------Notre caméra était un modèle 
        de base, donc sans visée reflex. À l'aide d'un objectif, 
        retiré d'un vieil appareil à soufflet qu'un sympathique 
        collègue m'avait donné, j'ai réalisé un téléobjectif 
        pour faire du macrocinéma. Deux lamelles couvre-objets de microscope 
        à 45° et une petite lentille placées dans un tube en 
        cuivre soudé au téléobjectif, me donnaient un viseur 
        reflex analogue à ceux que l'on trouve sur les camescopes actuels. 
        Toutes ces pièces étaient réalisées avec les 
        moyens du bord du lycée : un petit moteur électrique et 
        une lame de scie à métaux meulée en guise de tour 
        et d'outil. Bien sûr, l'image était inversée comme 
        dans une télé qu'on regarderait la tête en bas, car 
        doter mon " viseur " d'un véhicule, c'est-à-dire 
        un système à deux lentilles ou à prismes pour redresser 
        l'image, était hors de la portée de mon outillage. Qu'importe, 
        nous allions " faire avec " ! Les années d'entraînement 
        au microscope nous avaient appris à inverser les mouvements dans 
        nos observations. Cela allait nous servir. Oh, il n'était pas question 
        de filmer un lièvre à la course! Et c'est pour cela que 
        nous avons commencé par un escargot, qui risquait moins de nous 
        en faire baver.
 ------Enthousiasmés 
        par le rendu de ces images en gros plans que nous projetions à 
        nos élèves avec un petit projecteur acheté d'occasion 
        rue Colonna-d'Ornano à Alger, nous avons décidé de 
        continuer dans cette voie. Pensant à nos classes de  
        Première M' (4), que nous avons eu le plaisir de créer à 
        Blida dans nos lycées respectifs, nous avons filmé des dissections, 
        dont celle de l'escargot, qui étaient à leur programme. 
        Car, hormis le fait qu'elles nécessitaient de sacrifier de nombreux 
        animaux, elles étaient souvent très délicates et 
        c'était le professeur qui devait réaliser une bonne partie 
        des dix ou douze selon les groupes de la classe, d'où une perte 
        de temps considérable. Un pied de camera spécial pour ce 
        travail étant très onéreux, c'est encore le "système 
        D" qui est venu à notre secours. J'ai fabriqué 
        avec du matériel de récupération, un support avec 
        deux fortes lampes pour éclairer la cuvette de dissection, et un 
        déclencheur souple que j'actionnais avec les dents tout en suivant 
        mon travail au travers de l'objectif. Il était impossible de procéder 
        à deux; nous nous serions gênés. D'autre part, je 
        ne filmais que par courtes séquences pour économiser le 
        film couleur et n'avoir que très peu de " rushes " 
        (c'est le terme consacré au cinéma commercial) à 
        couper au montage. Tout le monde sait qu'un professeur débutant, 
        surtout à cette époque, n'a pas un traitement mirobolant; 
        il fallait donc songer aussi à manger. Or, un escargot disséqué 
        n'est plus comestible! 
 ------Ce qui nous intéressait surtout, c'était 
        la grande mobilité du système : un projecteur très 
        léger que l'on posait sur une table, un écran au tableau, 
        des rideaux aux fenêtres et par un petit film de quelques minutes, 
        on remplaçait des quarts d'heure d'explications.
 
 ------Où le film est presque indispensable, 
        c'est dans le cas d'observations au microscope du plancton, des protozoaires 
        ou encore des crustacés d'eau douce. Ces petits êtres étant 
        très mobiles, le temps que votre élève se mette à 
        votre place derrière le microscope et le règle à 
        sa vue, au lieu de voir le peloton de tête que vous vouliez lui 
        montrer, c'est la caravane publicitaire qu'il voit passer. Allez lui dire 
        après cela, que le " maillot jaune " avait les 
        yeux bleus
 
 ------Nous avons ainsi réalisé sept 
        ou huit films, surtout durant l'été 1956 que nous avons 
        passé à Mostaganem, chez mes parents. Tous les jours, nous 
        descendions aux Sablettes ou à la Salamandre et nous remontions 
        avec quelques animaux capturés et vingt-cinq litres d'eau de mer 
        dont je remplissais un petit aquarium. Et l'après-midi, à 
        l'heure de la sieste (oh sacrilège!), nous tournions des séquences 
        sur les oursins, les holothuries (boudins ou concombres de mer), les méduses, 
        les aplysies (lièvres de mer), les poulpes, les crabes, les crevettes, 
        etc..., en faisant vite car l'eau de mer se corrompt très rapidement 
        (un aquarium d'eau de mer entretenue était hors de notre portée, 
        financièrement parlant) et nous voulions nos animaux en pleine 
        vitalité. C'est ainsi que nous avons pu filmer des reproductions 
        (d'oursins entre autres), des repas, la locomotion... Bref, la vie au 
        fond de l'eau!
 ------Nos 
        élèves aimaient beaucoup la petite crevette grise de 2,5 
        cm de long, mangeant délicatement un petit poisson mort, trois 
        fois plus gros qu'elle; ou encore le crabe qui le portait à ses 
        mandibules en le tenant entre les pinces comme " nous autres on 
        faisait d'une sardine frite dans un bistro à kémias à 
        la marine en bas le port ! ".
 ------Tout cela naturellement, nécessitait 
        des heures de patience, l'il vissé à l'oculaire, à 
        attendre que celui-ci ait faim, que celui-là veuille bien nager 
        ou pondre.---J'ai 
        le souvenir d'un poulpe dont je voulais filmer les changements de couleurs 
        pour expliquer le rôle des chromatophores et qui se refusait à 
        ces changements tout en semblant me regarder d'un oeil goguenard en croisant 
        deux bras comme pour me faire un " tentacule d'honneur ". 
        Ou bien ce bernard-l'ermite dont nous avions brisé, en partie, 
        la coquille d'adoption pour obliger à en changer devant la caméra 
        et qui, calmement pendant que la caméra tournait, prenait son temps 
        pour choisir son nouveau mobil-home avec... vue sur la mer ! Ou encore, 
        cette mante religieuse à laquelle nous avions présenté 
        un mâle en vue de filmer leurs étreintes et qui l'a consommé 
        avant que lui-même ait le temps de... consommer. Encore un qui a 
        été victime de mots d'amour du genre: " Je t'aime; 
        tu es tendre! ".
 | ------ | -------Mais je crois 
        que le record fut celui de cette mouche à..., enfin cette mouche 
        bleue que nous avions enfermée dans une minuscule boîte de 
        verre avec un morceau de viande en décomposition pour qu'elle y 
        ponde sans sortir du champ de la caméra. Elle nous a fait attendre 
        tout un dimanche après-midi. Fine mouche..., bien que grosse, elle 
        avait dû se dire que, prisonnière d'un professeur, elle était 
        un peu fonctionnaire et qu'il n'y avait pas de raison de se casser le..., 
        l'oviducte en dehors des 35 heures ouvrables! Et ce n'est qu'à 
        la tombée de la nuit qu'elle a consenti à arrondir son orifice 
        comme le fait un Anglais avec sa bouche quand il veut faire des " 
        the ". 
 --------En 
        utilisant de la pâte à modeler et le déclenchement 
        vue par vue, nous avons réalisé également des films 
        d'animation permettant d'expliquer, beaucoup mieux qu'une suite de schémas, 
        plus ou moins clairs au tableau, la circulation sanguine ou la division 
        cellulaire. Ce dernier film, par exemple, nous a demandé une centaine 
        d'heures de travail pour dix minutes de projection. Comme je l'ai souvent 
        dit, cela demandait 10 % de connaissances et 90 % de patience.
 -
 -----Voulant reproduire, en accéléré, 
        la germination d'un grain de blé, puis d'un haricot, j'ai dû 
        construire un système qui n'existait pas dans le commerce. Il me 
        fallait, toutes les trente à quarante-cinq secondes, éteindre 
        une lampe qui simulait le soleil durant le jour, allumer deux projecteurs 
        une fraction de seconde pendant que la caméra prenait une vue d'un 
        petit pot de terre où germait un grain de blé ou un haricot,puis 
        allumer de nouveau la lampe "soleil". Le tout était 
        placé dans un placard obscur pour deux raisons. La première 
        était qu'il ne fallait pas être gêné par le 
        jour extérieur pour avoir une uniformité d'éclairage. 
        Et la seconde raison était que, logeant à cette époque 
        dans une HLM au neuvième étaie en face de la montagne de 
        Chréa, ces éclairs successifs, de nuit, n'auraient pas manqué 
        d'attirer l'attention d'un gendarme trop zélé. J'avais utilisé 
        pour construire tout ce mécanisme, un vieux tourne-disque électrique 
        complété par quelques pièces de Meccano qu'un jeune 
        cousin algérois m'avait prêtées. L'ensemble a fonctionné 
        pendant un mois sans interruption pour chaque graine.
 -
 -----Naturellement, il y avait un gros travail derrière 
        tout cela, et pris sur nos loisirs, mais quelle récompense de découvrir 
        les réactions de nos élèves qui, pour la plupart, 
        voyaient cela pour la première fois et dont l'enthousiasme n'était 
        pas encore émoussé par toutes les heures de télévision, 
        souvent débiles qu'ils subissent actuellement !
 ------En 
        plus de cet encouragement moral, nous avons eu le bonheur de faire la 
        connaissance de deux hommes remarquables dans cette aventure.
 ------Tout d'abord M. Rey, professeur agrégé 
        de sciences naturelles au 1ycée 
        Bugeaud d'Alger, qui avait été désigné 
        comme notre conseiller pédagogique pour la 
        préparation de la partie pratique du C.A.P.E.S. Très vite, 
        il devint notre ami et, en supplément de tous les conseils très 
        utiles aux professeurs débutants que nous étions, nous donna 
        celui de persévérer dans la voie " cinématographique 
        ". Et une première récompense nous arriva sous 
        la forme d'une excellente mention au C.A.P.E.S. dont le jury nous avait 
        dit avoir été intéressé par le côté 
        pédagogique de ces petits films. Enfin, M. Rey en a parlé 
        à M. Fresneau, agrégé de sciences physiques, qu'il 
        connaissait bien puisqu'il avait été proviseur du Lycée 
        Bugeaud et qui était à ce moment-là, inspecteur pédagogique. 
        Il devint ensuite vice-recteur de l'Académie d'Alger au début 
        des années soixante. C'est donc lui qui, s'étant déplacé 
        à Blida pour visionner la petite douzaine de films déjà 
        tournes et montés, nous a proposé de transformer notre artisanat 
        bénévole en un travail plus officiel et rémunéré.
 -
 -----En l'espace de quelques mois, il nous a acheté 
        nos films, payés sur un budget d'heures supplémentaires, 
        les a fait copier en 150 exemplaires, dans un premier temps, et les a 
        distribués gratuitement comme dotation de matériels scientifiques 
        dans tous les lycées d'Alger et nombreux collèges, avec 
        un projecteur et un écran.
 
 ------Quant à nous, les originaux ne nous 
        appartenant plus, il nous donna une copie de chaque film et nous prêta 
        du matériel professionnel 16 mm car les copies de 16 vers 8 sont 
        meilleures que les copies de 8 vers 8. Il nous avait également 
        demandé de fournir un petit texte explicatif pour chaque film afin 
        de faciliter la tâche de chaque professeur.
 
 ------Enfin, à deux reprises, d'abord devant 
        un petit nombre de professeurs de lycées et de collèges 
        algérois au rectorat, puis ensuite dans une salle de cinéma 
        d'Alger en présence du recteur et de trois cents personnes intéressées 
        par ces films, M. Fresneau m'avait demandé d'en faire une démonstration 
        d'emploi. Il avait même prévu, devant les difficultés 
        de déplacement de toutes ces personnes, que nous irions dans l'Oranais 
        et le Constantinois pour les mêmes démonstrations. Malheureusement, 
        nous avions entamé les années soixante et ces réunions 
        n'ont jamais pu se faire.
 ------Et 
        voilà comment en juin 1962, nous sommes venus en métropole 
        pour des " vacances prolongées " avec une valise 
        pleine de vingt-cinq copies de films qui nous avaient été 
        données, les originaux et tout le matériel qui nous avait 
        été prêté étant restés "là-bas". 
        Que sont-ils devenus? De toute façon, que peuvent avoir à 
        faire des intégristes d'une dissection d'un petit mammifère, 
        eux qui ne peuvent pas voir une souris dévoilée?
 ------Au début de juillet 1962, M. Fresneau, 
        en tant que vice-recteur d'Alger, nous a reçus dans un couloir 
        de la Sorbonne, n'ayant à sa disposition que deux chaises et une 
        table, pour nous annoncer qu'il y avait encore deux postes doubles au 
        choix : l'un à Caen, l'autre à Château-Thierry. Nous 
        avons retenu ce dernier car nous étions dans le même lycée 
        mon épouse et moi-même.
 
 ------Enfin, non sans émotion, il nous a 
        donné un dernier conseil " N'abandonnez pas le travail 
        que vous avez fait là-bas, faites profiter l'enseignement en métropole 
        de votre expérience. Allez voir le directeur du Centre
 de matériel scientifique et de l'audiovisuel du secondaire à 
        Paris et montrez-lui vos films ".
 
 ------C'est donc ce que nous avons fait au début 
        de 1963, en prenant rendez-vous avec le directeur de cet organisme.
 
 ------Venant de Château-Thierry, nous sommes 
        arrivés au jour et heure fixés, mais le directeur n'était 
        pas au rendez-vous et nous a fait recevoir par une jeune secrétaire 
        qui nous a demandé de lui projeter nos films. Nous en avions choisi 
        trois parmi ceux qui avaient eu le plus de succès. Or, après 
        nous avoir dit péremptoirement que le 8 mm n'avait aucun intérêt 
        et que nos films étaient un " aimable brouillon ", 
        elle nous demanda de les lui laisser pour les faire visionner par le directeur. 
        Nous ne les avons récupérés qu'au bout de trois mois, 
        après deux appels téléphoniques et une lettre recommandée, 
        envoyés par la poste, enveloppés dans des vieux journaux 
        et sans aucun mot. On ne voulait sans doute pas de nos pieds-noirs dans 
        ces plates-bandes. Par contre, nous avons reçu plusieurs lettres 
        de professeurs éparpillés dans l'hexagone qui, ayant obtenu 
        notre adresse je ne sais comment, nous demandaient où se procurer 
        nos films. S'ils nous lisent, ils comprendront la raison de nos réponses 
        négatives à leurs demandes d'alors et qu'ils en soient remerciés.
 
 ------Quant à nous, nous avons continué 
        à passer, en transportant notre propre projecteur, les copies que 
        nous avions ramenées dans nos classes respectives de 6e, 5e, 3e, 
        1ère et surtout terminales à Château-Thierry puis 
        à Sète où nous avons fini notre carrière. 
        En 3e et terminales, les films sur la dissection d'un petit mammifère, 
        la contraction cardiaque, la division cellulaire, etc..., nous permettaient 
        d'illustrer nos cours de physiologie aux programmes de ces classes.
 
 ------Je voudrais pourtant signaler qu'il arrivait 
        à mon épouse, à Sète où nous avons 
        fini notre carrière, d'acheter pour ses cours dans les années 
        quatre-vingt, au Centre de Documentation de Montpellier, des films scientifiques 
        et ils étaient en... 8 mm.
 
 ------Enfin, 
        en guise de conclusion, je voudrais raconter une petite anecdote. En 1995, 
        lors d'une réunion des " Anciens des lycées de Blida 
        ", nous avons eu la joie de retrouver un ancien élève, 
        actuellement ophtalmologiste à Alès, qui m'a dit au cours 
        du repas : " Vous savez, dans le petit jardin de ma maison à 
        Alès, j'ai planté des haricots et en les voyant pousser, 
        j'ai dit à ma femme que ces haricots me rappelaient celui du film 
        de mon professeur à Blida ! ". Et cela, croyez-moi, vous 
        récompense de toutes vos peines, même si vos lunettes s'en 
        trouvent un peu embuées!
 
 ------*Ce 
        n'est pas seulement dans tous les collèges et lycées d'Alger 
        mais d'Algérie que nos films avaient été distribués.
 ------*Dans 
        les anecdotes,j'avais dit que je travaillais avec une petite cage en verre 
        (fabrication maison)respectant exactement le cadre de la caméra 
        dans laquelle j'enfermais les petits animaux pour pouvoir les filmer à 
        mon aise et, entre autres une pholque, araignée commune de nos 
        plafonds, ce qui prouve que nous étions en avance sur la métropole, 
        puisque c'était là la première version de "La 
        cage aux pholques"!
 
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