| Aux échos d'alger, numéro 30  IL ÉTAIT UNE FOIS... 
        EL ACHOUR ~Yves DERTIE,
 petit-fils de M. Jules Favier, maire d'EL-ACHOUR de 1919 à 1959, 
        qui fut justement à l'origine de l'érection du monument 
        aux morts d'El-Achour.
 -----Les Pieds-Noirs 
        et leurs amis connaissent bien à présent notre Mémorial 
        du Souvenir édifié sur la Promenadte des Glacis, non loin 
        de la gare Viotte, et la plupart savent également que sur sa face 
        arrière, dans le haut du socle se trouve une niche avec une vitre 
        en plastique qui renferme un coq, aux ailes à peine rognées 
        pour entrer dans la cavité. A ce propos, écoutez donc une 
        histoire, une belle histoire qui finit mal... Il était une 
        fois... -----N'est-ce point 
        en ces termes que débute une belle histoire?...Celle que je me propose de raconter s'adresse à nos enfants sur 
        qui repose la continuité, la pérennité de l'entité 
        algérianiste; elle s'adresse aussi aux grands, car c'est une histoire 
        vraie, une histoire où le drame côtoie la noblesse.
 -----Il était 
        une fois... un coq gaulois dont le tempérament à la fois 
        fougueux et généreux s'accommodait mal des dimensions de 
        la basse-cour.
 -----Il apprit 
        à voler avec cette énergie que stimule la volonté 
        créatrice. Notre coq désirait en effet ardemment apporter 
        ce qu'il avait de meilleur en lui là où le besoin s'en faisait 
        sentir.
 -----Avec 
        d'autres de sa trempe, il traversa la Méditerranée et choisit 
        de se fixer dans le Sahel algérois où tout était 
        à créer. Son instinct combatif était fort heureusement 
        à la hauteur des circonstances. En effet, s'il avait compris le 
        parti que l'on pouvait tirer de ces coteaux aux terres riches, de ces 
        vallons où régnait une fraicheur propice aux cultures, la 
        région était néanmoins recouverte de broussailles. 
        Notre coq se mit de suite au travail et lutta de toute son énergie 
        afin de rendre fertile et salubre cette partie du Sahel. Très vite, 
        la vie apparut; un village venait de naître ... EL ACHOUR
 -----Tellement 
        heureux, tellement fier de son oeuvre, le coq ne songea plus un seul instant 
        à retourner dans sa patrie d'origine. Consciemment ou non, n'en 
        avait-il pas créé un magnifique et moderne prolongement?
 -----Au reste, 
        sa fidélité, son amour pour la France ne se sont jamais 
        démentis chaque fois que l'hexagone fut en danger, il mobilisa 
        ses enfants qui s'en allèrent sans la moindre hésitation 
        donner généreusement leur sang. la guerre de 1914-1918 lui 
        fut particulièrement cruelle, et une vingtaine de ses fils périrent 
        au champ d'honneur... C'est à ce moment que le coq devenu vieux 
        songea à se reposer. Il choisit pour cela de se percher au sommet 
        du monument élevé à la gloire des enfants d'EL-ACHOUR. 
        Là était sa place naturelle. De là, il pouvait tout 
        observer. Sensible aux joies et aux peines de tout un chacun, il aimait 
        à observer les Jean-Pierre, les Yves, les Edgar, les Ramdane, les 
        Liés, les Ali et tant d'autres, sortant de la même école, 
        et s'attardant sur la place pour des jeux de leur âge. Il lui arrivait 
        aussi d'apercevoir, d'approuver avec bienveillance, les jeunes gens dynamiques 
        au front volontaire faisant la cour à des filles élancées, 
        espoir de foyers féconds, avenir d'El-ACHOUR...
 -----D'autres 
        coqs avaient semblablement réussi, et notamment ceux qui, grattant 
        le sol du Sahara avaient fait jaillir le pétrole dont on pouvait 
        déjà songer qu il serait drôlement utile à 
        la France.
 -----Tout 
        était sans doute trop beau. C'est alors que certains coqs demeurés 
        dans la basse-cour, peu nombreux il est vrai, et parmi les plus médiocres 
        d'une catégorie appelée " intellectuelle ", ceux-là 
        même qui n'avaient rien construit, n'avaient pas su ou pas osé 
        voler, décidèrent de s'acharner sur le coq symbole d'une 
        réussite exemplaire, et par là même, hélas! 
        propre à déchaîner les jalousies morbides.
 Savamment insufflées à petites doses régulières 
        par tous les moyens de diffusion, le bruit commença à courir 
        dans toute la France, que le coq avait " volé " des terres; 
        il se serait enrichi au détriment d'autres habitants du pays arrivés 
        avant lui; il aurait profité de sa puissance pour établir 
        un affreux " colonialisme "...
 -----Notre 
        coq, par trop candide, se souvenant des broussailles à défricher, 
        revendiquées par personne, observant les rapports entre les différentes 
        communautés, les antennes de télévision naissantes, 
        et les voitures également répandues parmi toutes les couches 
        de la population, ne comprenait pas qu'on put se battre autrement qu'à 
        la loyale.
 -----Une fois 
        de plus, il rassembla ses enfants, et cette fois pour la réhabilitation 
        de la vérité. Un moment l'on put croire qu'il avait gagné...
 -----Un certain 
        13 mai en effet, alors que tout un peuple réagissait instinctivement 
        face au sceptre d'un retour moyenâgeux qu'il ne désirait 
        évidemment point, l'on put voir sur le forum d'Alger un européen 
        et un musulman tenant une banderole avec l'inscription : " EL-ACHOUR 
        veut rester français "
 -----En haut 
        lieu, on prétendit même l'avoir " compris " l'on 
        avait sans doute parfaitement bien compris, mais également décidé, 
        pour de sordides raisons, d'en finir avec ce coq devenu gênant.
 -----L'ultime 
        combat était perdu d'avance; non pas, et c'est important, que le 
        "vent de l'histoire" fut inévitable (il fallait bien 
        trouver un alibi pour voler au secours des consciences quelque peu ébranlées), 
        mais on fait, les forces occultes tenaient le haut du pavé.
 Le coq eut la satisfaction de voir certains de ses fils se battre jusqu'au 
        bout. Pour sa part, il avait choisi la seule solution qui correspondit 
        à une longue existence noble et généreuse il devait 
        couler pavillon haut...
 -----Ce bien 
        triste jour arriva. A ha faveur d'une Algérie désorganisée, 
        une équipe de voyous viola sans vergogne le monument aux morts 
        d'ELACHOUR... Le valeureux coq gisait impuissant, mais toujours aussi 
        fier, couché sur une terre à laquelle il s'était 
        identifié depuis longtemps.
 -----L'histoire 
        allait-elle se terminer aussi lamentablement? Etait-il possible que tant 
        de haine pût se manifester aussi ignoblement sans le moindre corollaire 
        alors que le drapeau tricolore flottait encore, ne fût-ce que pour 
        quelques jours?
 -----Eh bien 
        non! Le sergent-chef TOULIS, un sous-officier français pour qui 
        le mot dignité avait encore un sens, un "homme" dans 
        tout le sens du terme qui ne pouvait supporter tant de honte, recueillit 
        pieusement le coq symbolique au détriment de sa vie. Le lendemain 
        même de son geste, TOULIS fut tué par les nouveaux maîtres 
        de l'Algérie, dans les souffrances les plus atroces.
 Souvenons-nous toujours du sergent-chef TOULIS; comme il est "grand" 
        face aux minables, aux pitoyables qui viennent encore de se manifester 
        à TOULON par crainte d'une vérité qui de toute façon 
        jaillira tôt ou tard.
 -----Que dire 
        de la nouvelle traversée de la mer (dans l'autre sens)?
 -----L'exode 
        faisait place à la belle aventure. Mutilé dans sa chair 
        et dans son cur, le vieux coq pensait à ses enfants nés 
        "là-bas", voués à la dispersion, et il 
        n'avait pas besoin d'avoir lu BARRES pour savoir ce que serait le déracinement 
        dans le vieux pays structuré depuis longtemps où EL-ACHOUR 
        ne pouvait être reconstruit.
 -----Mais 
        il ne doutait pas cependant que les qualités de ses fils par lui 
        inculquées trouveraient leur point d'application au sein même 
        du désastre. le peuple de France on effet comprit très vite 
        on les observant au labeur que les nouveaux venus n'avaient rien d'exploiteurs 
        affamés, rien de tous les affreux défauts dont la propagande 
        mensongère les avait affublés. Dans leur quasi totalité, 
        les frères de France offrirent leur hospitalité.
 -----De retour 
        du Maghreb, du Maroc plus précisément dont je conserve d'émouvants 
        souvenirs sur tous les plans, je viens à mon tour d'entrer dans 
        notre véritable domaine qui est de "nulle part" comme 
        l'a si bien défini J. BRUNE.
 -----J'ai 
        revu avec émotion mon fier coq gaulois. A cet instant, j'ai pensé 
        d'abord au sergent-chef TOULIS. J'aurais voulu pouvoir lui dire, tout 
        simplement
 "Mes respects, Sergent !"
 -----J'ai 
        pensé à la population d'EL-ACHOUR dont il avait pendant 
        longtemps été établi un fait bien connu, à 
        savoir qu'elle formait une grande famille.
 -----Un des 
        membres de cette famille se trouve à BESANÇON notre ami 
        Antoine BONET, garagiste on cette ville. BONET figure un de ceux qui, 
        dix-huit ans après, sont toujours aussi fiers de leurs origines. 
        Il ne s'en cache pas, bien au contraire, et c'est indéniablement 
        cela qui, joint à une serviabilité légendaire lui 
        a valu l'estime d'un nombre incalculable de Bisontins.
 -----Quand 
        au coq lui-même, il m'a semblé rajeuni. Ce n'est certes qu'un 
        animal de bronze, mais il demeure pour nous un symbole exaltant. Sa crête 
        altière élancée en un noble "cocorico! " 
        de victoire nous fait immanquablement méditer cette phrase de Bernanos 
        "La plus haute forme de l'espérance, 
        c'est le désespoir surmonté".
 -----J'ai 
        remarqué enfin qu'il n'était pas orienté vers le 
        sud, et cependant, sur nos curs endurcis, le mot ~FIN~ ne saurait 
        s'inscrire; la belle histoire n'est point terminée.
  Yves DERTIE,petit-fils de M. Jules Favier, maire d'EL-ACHOUR de 1919 à 1959, 
        qui fut justement à l'origine de l'érection du monument 
        aux morts d'El-Achour.
 Et pour que l'histoire du coq d'El-Achour soit complète, signalons 
        que c'est le chef d'unité du sergent Toulis, le colonel Fuchs qui 
        ramena on métropole, à Besançon, le fameux coq, et 
        qu'il le remit à M. Jean-François Guyanneau, président 
        départemental de l'Union nationale des combattants d'AFN, lui-même 
        membre du Comité local de Municipalité et Souvenir, qui 
        fut à l'origine de l'érection du mémorial.
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