| La station maritime de l'Université d'Alger 
        et sa contributionaux recherches méditerranéennes
 La Station maritime d'Alger a déjà plus 
        de soixante-cinq ans d'existence. Fondée en 1881 par le Docteur 
        Viguier, quand la ville ne possédait qu'une école de sciences, 
        elle est restée depuis lors dans le même bâtiment, 
        situé sur la jetée Nord, à la sortie de l'Amirauté. 
        Pendant les deux guerres, les services de la Marine ont occupé 
        les lieux actuellement, ils sont remis à neuf et contiennent l'équipement 
        de laboratoire indispensable. Douze chercheurs y poursuivent des investigations 
        variées, contribuant surtout à l'étude de la fertilité 
        méditerranéenne.
 La station ne fait pas double emploi avec le 
        laboratoire de Castiglione, dépendant du Gouvernement 
        général et destiné surtout aux applications (recherches 
        sur les animaux de grande pêche, leur cycle et leur conservation). 
        L' Université d'Alger utilise la station pour l'enseignement (algues 
        et faune marines à l'usage des étudiants des Facultés) 
        et pour les travaux originaux sur la zoologie, la botanique et la biologie 
        marines, études souvent théoriques mais dont plusieurs conduisent 
        aussi au domaine des pêches Il convient d'ailleurs de dire dès 
        maintenant que, sur les 1.300 kilomètres de côtes algériennes, 
        deux laboratoires ne sont pas de trop, et qu'il en faudrait d'autres plus 
        loin du centre, notamment à Bône et en Oranie. Pour le moment, 
        il est essentiel d'assurer une collaboration efficace entre les divers 
        organismes s'occupant de la mer : Université, Commission des pêches, 
        Inscription maritime. Service hydrographique de la Marine, etc... L'étendue 
        de la région à parcourir et la rareté temporaire 
        du matériel spécialisé nécessitent évidemment 
        une telle entraide. Déjà, le Service hydrographique et l'Inscription 
        maritime ont mis à notre disposition des moyens dont nous ne saurions 
        trop les remercier.
 L'exposé qui va suivre montrera combien les problèmes biologiques 
        particuliers à la Méditerranée sont encore peu élucidés. 
        La simple faune côtière d'Algérie reste plus mal connue 
        que celle de Provence, et il n'est pas surprenant que les fondateurs de 
        la Station, jusqu'en 1940, aient avant tout récolté les 
        animaux régionaux. Depuis cette date, plusieurs chercheurs ont 
        abordé des questions plus générales ou des techniques 
        océanographiques.
 
 ÉTAT ACTUEL DES CONNAISSANCES SUR LA MÉDITERRANÉE.
 
 De 1780 à 1840, les célèbres explorateurs de Saussure 
        et Dumont-d'Urville ont confirmé, sur les côtes algériennes, 
        une propriété fondamentale de la mer : température 
        pratiquement stable depuis 2.A mètres jusqu'aux plus grands fonds 
        : 13° à 13°3. Cet équilibre profond caractérise 
        l'originalité méditerranéenne par rapport aux océans 
        : ceux-ci ont généralement 9° vers 300 mètres 
        et moins de 2° au-dessous de 3 000. Près de certaines côtes, 
        par exemple celles du Sénégal, dans l'Atlantique, les eaux 
        froides profondes remontent fréquemment, d'où une fraîcheur 
        inattendue de la surface marine malgré l'air surchauffé 
        des tropiques.
 
 Pareils apports des profondeurs fertilisent toute la mer, car les substances 
        nutritives de base, provenant de la décomposition des cadavres 
        (phosphates, nitrates, etc...) s'accumulent vers le fond. Ces échanges 
        de matière sont bien moindres en Méditerranée, non 
        seulement parce qu'il y a peu de différences de température 
        dans le sens vertical, mais aussi parce que le détroit de Gibraltar, 
        profond de 360 mètres, au maximum, arrête les eaux fertiles 
        des couches inférieures de l'océan. De plus, les courants 
        de marée, si intenses ailleurs, manquent pratiquement ici pour 
        brasser le Stock nutritif littoral.
 
 Ces deux ensembles : zone côtière de moins de 500 mètres 
        de profondeur, et zone pélagique du large, doivent être étudiés 
        parallèlement, même et surtout en vue des pêches, une 
        foule d'animaux comestibles ayant leur cycle vital dans une de ces régions, 
        puis dans l'autre. Là encore est une cause de 
        pauvreté en organismes : une foule de poissons, tels que les Mérous 
        et les Rascasses, les Soles, etc..., doivent se poser sur le fond pour 
        leur métamorphose et meurent si les larves ne peuvent atteindre 
        la côte, ce qui arrive souvent en Méditerranée, où 
        les fonds moyens sont au-dessus de 2 000 mètres.
 
 Au large, l'essentiel des connaissances provient des expéditions 
        danoises, dirigées par le célèbre océanographe 
        Johannes Schmidt, en 1909-10, 1922, 1928 et 1930. Comparant toute la Méditerranée 
        avec l'Atlantique, les savants scandinaves ont montré quantitativement 
        sa pauvreté ; la densité des animaux sur le fond, aussi 
        bien que leur nombre par mètre cube d'eau du large (plancton ou 
        être vivants qui flottent entre deux eaux), sont en moyenne trois 
        à dix fois plus faibles que les données correspondantes 
        pour l'océan. Et, dans cette mer pauvre, sans marées sensibles, 
        et par suit très transparente, la lumière utilisable par 
        les algues pour leurs synthèses pénètre jusqu'à 
        200 mètres et plus, d'où flore et faune, diminuant moins 
        quand la profondeur augmente, ce qui compense mal la rareté relative 
        des organismes.
 
 Poussant plus loin l'analyse, les Danois rattachent cette fertilité 
        réduite au manque initial de phosphates : il y en a cinq à 
        vingt fois moins qu'ailleurs, et nous verrons plus loin que l'abondance 
        de vie dans telle ou telle région est, en gros, proportionnelle 
        à celle des phosphates.
 
 Malgré le grand intérêt physique et biologique des 
        croisières de Schmidt, elles n'ont étudié qu'un réseau 
        assez lâche de stations du large, et ne renseignent guère 
        sur les courants méditerranéens. Ceux-ci restent donc assez 
        fort peu précisés. Les quelques expériences de Platania 
        (lancement de flotteurs dans le détroit de Gibraltar) ont démontré 
        que le flux d'eau principal se dirige d'Ouest en Est, apportant les éléments 
        atlantiques jusqu'à Tunis et même au golfe de Gabès. 
        Plus rares sont les courants atteignant, depuis Gibraltar, la Sardaigne, 
        la Sicile et les Baléares. J.N. Nielsen, de l'expédition 
        du " Thor ", a évalué à 59.000 kilomètres 
        cubes l'apport annuel d'eau atlantique ainsi fait, compensant l'évaporation 
        excessive de la Méditerranée occidentale et surtout orientale. 
        Inversement, un contre-courant profond compensateur déverse, de 
        250 à 400 mètres, les eaux moyennes de la Méditerranée 
        vers l'océan, augmentant légèrement la température 
        et la salinité de l'Atlantique jusqu'aux Açores.
 
 En résumé, la Méditerranée reçoit une 
        masse considérable d'eaux de surface atlantiques, fertilisant surtout 
        l'Afrique du Nord et très peu les régions plus septentrionales, 
        mais elle perd par Gibraltar des eaux moyennes, c'est-à-dire un 
        stock non négligeable de phosphates et de nitrates. Tout cela est 
        à préciser par études saisonnières sur nos 
        côtes, les chercheurs scandinaves ayant simplement donné 
        des coups de sonde temporaires en des points fort éloignés 
        les uns des autres.
 
 Quant aux investigations sur la faune côtière, accessible 
        aux pêches courantes, elles sont déjà largement commencées, 
        mais l'Algérie, par sa position et ses moyens, devrait y contribuer 
        encore plus, comme l'exposé suivant espère le montrer :
 
 En France, les laboratoires de Banyuls, Villefranche, Sète et Monaco 
        ont connu beaucoup d'activité de 1900 à 1939. Aujourd'hui, 
        leurs bateaux sont détruits par la guerre, ou paralysés 
        par manque de crédits. Or, une station sans moyens de naviguer 
        est un organisme en chômage. Même situation pour les laboratoires 
        italiens de Naples et de Messine. L'Institut de Salammbô, en Tunisie, 
        publie des travaux fort utiles aux pêches de la Régence. 
        Un institut analogue est en voie de création au Maroc. L'Algérie 
        ne pourra prendre sa place dans cet effort que si elle dispose d'un navire 
        suffisant (100 à 200 tonneaux) pour explorer les côtes en 
        toute saison : ce pays où les abris sont rares, où la mer 
        est forte au moins trois jours sur quatre, a besoin d'une telle embarcation 
        pour progresser utilement.
 
 De plus, les côtes algériennes longent exactement le grand 
        courant de provenance atlantique, déjà cité, apportant 
        vie et changement dans nos parages : elles sont la région idéale 
        pour définir les propriétés de ce courant et ses 
        variations avec le temps.
 
 La description qualitative (liste des espèces) est pratiquement 
        très avancée pour certains points des rivages, mais il reste 
        entièrement à mesurer la quantité d'organismes au 
        large et les causes de ses fluctuations. Ces techniques, si avancées 
        dans les régions scandinaves, commencent à peine à 
        s'appliquer ici, malgré leur efficacité reconnue pour les 
        mers froides.
 
 ORGANISATION DE LA STATION DE L'UNIVER SITE D'ALGER.
 Les laboratoires et l'aquarium occupent un bâtiment 
        de style arabe, comprenant deux étages et un sous-sol, situé 
        à la sortie de l'Amirauté d'Alger, près du Rowing-Club 
        qui est le dernier édifice sur la jetée nord. Au total, 
        il y a dix-neuf pièces, ensemble déjà insuffisant 
        pour les collections et le nombre actuel de chercheurs, d'autant plus 
        que le mobilier et les installations scientifiques réclament souvent 
        une modernisation, retardée par les circonstances de guerre. Il 
        est à espérer, pour les années prochaines, une rapide 
        amélioration au point de vue bateaux, aquariums et instruments 
        de mesure : lors de la visite que M. l'Ambassadeur, gouverneur général 
        de l'Algérie, a bien voulu faire à la station, en décembre 
        1946, son attention a été attirée 
        sur ce point. I] est indispensable d'amener notre équipement océanographique 
        au niveau des organisations étrangères du même genre. 
        Pour cela, une aide substantielle est accordée par le Centre national 
        de la Recherche, mais uniquement en vue d'achats d'appareils : les installations 
        fixes (aquarium, collections) ainsi que les embarcations, relèvent 
        manifestement du budget algérien, et nos crédits de l'Université 
        suffisent à peine aux dépenses courantes de bibliothèque 
        et d'entretien.
 Le sous-sol contient un atelier de mécanique, per mettant les réparations 
        courantes de moteurs et la construction d'instruments simples : dix bouteilles 
        pour prises d'eau de mer et divers appareils d'élevage ont pu être 
        fabriqués sur place, grâce à l'habileté de 
        M. Rabatel, mécanicien. La moitié du rez-de-chaussée 
        est occupée par la salle d'aquarium, où viennent manipuler 
        chaque semaine trente étudiants, de licence (certificat de zoologie 
        générale). Il n'entre pas dans le rôle de l'Université 
        de présenter un bel aquarium public, d'autant plus que des cartes 
        d'accès sont exigées pour entrer dans l'îlot de la 
        Marine. Un tel aquarium, fort bien installé, existe à la 
        station de Castiglione : ici, onze bacs de diverses largeurs suffisent 
        à l'entretien d'animaux communs pour les recherches et pour l'instruction 
        des étudiants. L'alimentation en eau courante laisse à désirer 
        : deux réservoirs, placés au second étage, reçoivent 
        de l'eau pompée à la sortie du port, du côté 
        sud de la jetée. Cette eau n'est pas assez pure pour conserver 
        longtemps vivants des animaux fragiles (Etoiles de mer, Coraux, Crustacés 
        profonds, etc.) : il faudrait prendre l'eau en mer libre, sur la face 
        nord de la jetée, mais pareil projet nécessitera des travaux 
        de protection des tuyaux fort coûteux, et n'a pu encore se réaliser. 
        Les collections tiennent une grande salle du rez- de-chaussée et 
        deux pièces au second. Les chercheurs y trouvent un ensemble assez 
        complet de poissons, mollusques et oursins de nos côtes ; les autres 
        groupes d'animaux demandent à être mieux récoltés. 
        La bibliothèque, au premier, contient environ trois mille volumes, 
        dont vingt-trois périodiques, niais, comme ailleurs, hélas, 
        en Algérie, cela est loin de représenter la documentation 
        de base pour nos recherches :
 
 Il manque les expéditions étrangères les plus récentes 
        (" Météor " allemand, " Discovery II " 
        britannique, etc...) dont l'acquisition sera tôt ou tard nécessaire 
        pour l'océanographie régionale.
 
 Enfin, outre une chambre de photographie, la plupart des douze autres 
        salles sont des laboratoires particuliers, bien éclairés, 
        munis de microscopes, étuves, centrifugeuses, etc. L'aménagement 
        devra être complété pour la réfrigération 
        et les pesées : il n'y a pas assez de balances de précision, 
        et nous installerons en 1948 une pièce à température 
        constante, en vue de cultures pures et de conservation d'espèces 
        délicates.
 
 La station possède trois embarcations : un cotre de 3 tonneaux 
        2, le " Crisia " (nom d'un Bryozoaire commun), un canot à 
        moteur et un canot léger. Mû par un moteur à essence 
        de 20 CV, le " Crisia " permet toutes les pêches courantes 
        : notamment, pour les prises d'eau ou la capture de plancton au filet 
        fin, on peut descendre jusqu'à 2.000 mètres de profondeur. 
        Les canots servent surtout à prendre du matériel : Oursins, 
        Moules, etc.., en vue des travaux pratiques des Facultés.
 
 Il ne faut pas oublier que ces bateaux travaillent, non seulement pour 
        le laboratoire de zoologie, mais pour tous les services de l'Université 
        ayant trait à la biologie : botanique, biologie générale, 
        P.C.B., divers laboratoires de la Faculté de Médecine, etc... 
        On conçoit donc que les nécessités d'enseignement 
        gênent souvent les vraies recherches marines. De plus, le " 
        Crisia " roule trop par mer forte, et l'on risque alors de casser 
        les précieux instruments (thermomètres spéciaux, 
        etc...) dont la perte arrêterait totalement notre programme océanographique
 
 Des moyens d'investigation plus puissants, et résistant mieux à 
        une mer agitée, sont indispensables à l'exécution 
        de ce programme : par la houle moyenne qui règne sur nos côtes 
        trois jours sur quatre, un gros bateau permet de continuer les études 
        méditerranéennes. Déjà, l'Inscription maritime 
        arme, pour la surveillance des pêches, deux vedettes de 30 tonneaux, 
        et veut bien nous faire bénéficier de leurs sorties pour 
        étendre notre rayon d'action. Enfin, le Gouvernement Général 
        envisage fermement, pour cette année, l'achat d'un chalutier de 
        150 tonneaux, réservée aux recherches et au contrôle 
        des pêches ; la réalisation de ce projet est d'autant plus 
        nécessaire que les vedettes garde-pêche sont trop rapides 
        pour effectuer de bons travaux sur les fonds marins ; elles pourront servir 
        seulement aux prises d'eau et de plancton.
 
 PERSONNEL
 
 A des titres divers (fonctionnaires, boursiers de recherches, ou travailleurs 
        libres, dix-neuf personnes contribuent actuellement à l'activité 
        de la station : sur ce nombre, douze sont des chercheurs, dont deux opèrent 
        loin d'Alger, et sept sont des auxiliaires ou aides techniques ; chacun 
        mérite d'être cité, pour montrer combien de spécialités 
        variées doivent être réunies dans un laboratoire biologique. 
        Encore manque-t-il une branche très pourvue à l'étranger 
        : celle de la physique marine. D'une façon ou de l'autre, un jeune 
        physicien sera bientôt nécessaire pour étudier température, 
        salinité, courants méditerranéens : un grand bateau 
        prélèvera chaque année des milliers d'échantillons 
        d'eau, que les naturalistes de la station ne pourront doser eux-mêmes 
        sans perdre tout le temps nécessaire à l'examen des être 
        vivants Toute station américaine ou scandinave utilise un ou plusieurs 
        physiciens qualifiés.
 
 Cette remarque, une fois faite, voici les travailleurs du laboratoire, 
        en commençant par le personnel enseignant des Facultés :
 MM. :
 F. BERNARD, directeur, professeur de zoologie générale étudie 
        surtout la fertilité marine : quantité d'organismes dans 
        l'eau, sels nutritifs, etc..., aidé dans cette tâche par 
        cinq autres chercheurs ;
 
 Dr. Paul JESPERSEN, de Copenhague, professeur d'actualités scientifiques 
        à l'Université d'Alger pour 1947. Océanographe réputé, 
        le professeur JESPERSEN fait bénéficier la station de sa 
        longue expérience des croisières danoises ; il s'attache 
        plus particulièrement à la biologie des Sardines et des 
        Oiseaux migrateurs, et apporte des appareils inédits pour mesurer 
        la densité des petits animaux du large.
 
 A. HOLLANDE, sous-directeur, maître de conférences de biologie 
        animale (P.C.B.). Spécialiste de protozoaires, contribue à 
        la connaissance des êtres marins microscopiques, si importants par 
        leur quantité et leur rôle dans la nutrition des animaux 
        comestibles ;
 
 Dr. R. DIEUZEIDE, chef des travaux pratiques de zoologie, directeur de 
        la station de Castiglione qui a déjà fait l'objet du " 
        Document Algérien " n° 23, Série économique. 
        Le Dr. Dieuzeide s'occupe notamment des poissons de grande pêche 
        et de leur conservation.
 
 T. CACHON, assistant, a commencé une thèse sur les migrations 
        verticales du plancton (distribution des êtres du large en fonction 
        des agents physico-chimiques).
 
 M. FRANC, docteur ès sciences, professeur 
        au Lycée Bugeaud, fait des élevages de larves 
        de Mollusques, obtenant au laboratoire la métamorphose de ces larves 
        en déterminant ainsi l'espèce de ces éléments 
        communs du Plancton.
 
 Mlle EUSTACHE, agrégée de l'Université, professeur 
        au Lycée Fromentin, élève des Copépodes, 
        petits Crustacés importants pour la nutrition des poissons, et 
        fait connaître la durée et les conditions de croissance de 
        plusieurs formes méditerranéennes de ce groupe ;
 
 Mme LECAL, attachée de recherches du Centre national, est spécialisée 
        dans les Flagellés calcaires, êtres unicellulaires qui constituent 
        à eux seuls 80 p. 100 du stock vivant par litre d'eau de mer, et 
        sont avalés en masse par les jeunes pois sons et crustacés. 
        Le cycle de ces minuscules Protistes est donc essentiel pour comprendre 
        la fertilité méditerranéenne.
 
 Mlle MILLARA, stagiaire de recherches du Centre national, poursuit, en 
        vue d'une thèse de doctorat, des études anatomiques et expérimentales 
        sur les antennes d'insectes Beaucoup reste mal connu dans les fonctions 
        de ces organes sensoriels : il y aura lieu d'examiner la perception des 
        ultrasons, qui joue probablement un rôle notable chez les êtres 
        aquatiques.
 
 M. TROTTET, professeur au Lycée français de Tanger, effectue 
        au large de Tanger des prises d'eau parallèles à nos opérations 
        d'Alger : la biologie marine de cette région si proche de Gibraltar 
        sera très instructive pour la comparer avec la Méditerranée, 
        fournissant à M. Trottet un sujet de thèse encore inédit.
 
 Mme ATHIAS-HENRIOT; diplômée d'études' supérieures, 
        fait une thèse sur la vitesse de locomotion et de multiplication 
        des animaux en fonction de la température du milieu. Ses résultats 
        auront des applications sur la fertilité marine, car la reproduction 
        des êtres et, par conséquent, la masse de matière 
        vivante nouvellement produite chaque jour, dépend largement de 
        la température et varie de vitesse de un à dix entre 5 et 
        + 30°.
 
 Mlle FREAH travaille à Tunis pour un diplôme d'études 
        supérieures, sous le contrôle de M. H. HELDT directeur de 
        la station de Salammbô, à propos des Mollusques marins de 
        Tunisie.
 
 Mlles GANTES et ROMAN, au Maroc, préparent également des 
        diplômes sur les insectes régionaux.
 
 M. VAISSIERE collabore avec le professeur JESPERSEN, l'aide à préparer 
        son cours et à examiner le contenu stomacal des Anchois et Sardines.
 
 Mlle VENEROSO, dessinatrice du Centre national de la Recherche scientifique, 
        exécute des graphiques et des dessins d'animaux.
 -
 Mlle PEREZ, aide-technique subventionnée par l'Université 
        d'Alger, fait des préparations microscopiques et des collections 
        pour l'enseignement.
 
 M. L. RABATEL, mécanicien de la station, répare 
        les moteurs des bateaux et surveille la bonne marche des installations 
        techniques des laboratoires. Mais l'activité de M. Rabatel est 
        particulièrement précieuse pour la construction d'appareils 
        océanographiques, notamment des bouteilles de profondeur et des 
        filets dont le fonctionnement est excellent.
 M. DI VINCENZO, gardien et patron-pècheur, est un marin éprouvé, 
        sans cesse sur l'eau pour fournir des animaux à tous les chercheurs 
        et aux étudiants
 
 M. G. PATALANO, garçon de laboratoire des Facultés, s'occupe 
        des travaux pratiques de licence et du P.C.B.
 
 M. J. RIPOLL, marin auxiliaire, a la double tâche d'aider à 
        la pêche et d'entretenir les locaux de la station.
 
 Le personnel de recherche changera, évidemment, peu à peu. 
        Comme dans tout laboratoire, le problème ardu est de procurer des 
        ressources matérielles convenables aux travailleurs. Les cinq postes 
        de fonctionnaires et les deux bourses du Centre national dont bénéficient 
        les chercheurs de la station ne suffisent pas à rétribuer 
        tout le monde, et, comme ailleurs, on risque de perdre des collaborateurs 
        compétents faute de pouvoir leur assurer un minimum de subvention.
 
 TRAVAUX RÉALISES, PROGRAMME DE RECHERCHES.
 
 Depuis 1941, la station de l'Université, malgré les difficultés 
        actuelles, a produit trente-deux publications, dont dix-sept sur la biologie 
        marine en Méditerranée et quinze sur d'autres sujets (Cytologie, 
        Protisologie, Vie des Fourmis, Sang des Insectes, Mission saharienne du 
        Fezzan, etc..). Plusieurs de ces imprimés ont paru dans le " 
        Bulletin de la Société d'Histoire naturelle d'Afrique du 
        Nord ou à la Société de Biologie. Leur liste se trouvera 
        dans le rapport annuel sur l'activité de la Faculté des 
        Sciences pour 1947.
 
 On peut grouper les résultats déjà obtenus sous trois 
        rubriques, en se limitant ici aux recherches marines :
 
 I. - 
        Fertilité marine globale. - Au moyen de prises d'eau 
        faites en 1946 et 1946, M. Bernard a publié un premier schéma 
        de la répartition verticale des sels nutritifs (phosphates et nitrates) 
        au large d'Alger, en fonction de la température et de la profondeur 
        (0 à 500 mètres). Parallèlement, la quantité 
        de plancton microscopique' (nombre de cellules par litre, et leur volume 
        total évalué en millimètres cubes) est mesurée 
        aux mêmes niveaux. Ces données initiales (techniques appliquées 
        pour la première fois en Afrique du Nord) montrent la stratification 
        de la mer en deux couches très distinctes : de 0 à 250 ou 
        300 mètres, couche fertile recevant des apports atlantiques, en 
        moyenne trois fois plus riche en phosphatés et en organismes que 
        les eaux méditerranéennes de France (Banyuls, large de Monaco).
 
 Au-dessous de 300 mètres, couche pauvre, purement méditerranéenne, 
        cinq à dix fois moins peuplée que la précédente. 
        La limite exacte de ces couches varie avec les saisons et sera précisée 
        ultérieurement.
 
 II. - Flagellés 
        calcaires. - Ces algues unicellulaires, brunes, font jusqu'à 
        95 p. 100 des êtres vivants par litre d'eau du large, et, aux époques 
        d'abondance, diminuent beaucoup à elles seules la pénétration 
        lumineuse en profondeur : d'où leur importance pour la biologie 
        du plancton. Grâce à Mme Lecal, on commence à préciser 
        leur distribution au large d'Alger, où quatorze espèces 
        nouvelles furent découvertes. La forme de loin la plus commune 
        est " Coccolithus fragilis ", être de deux centièmes 
        de millimètres de diamètre, dont le cycle en fonction de 
        la température, de la salinité et de l'éclairement, 
        a été résumé par M. Bernard au Conseil international 
        pour l'exploration de la mer (Congrès de Stockholm, août 
        1946).
 
 III. - Biologie 
        animale. - MM Hollande et Cachon font des observations régulières 
        sur la composition du plancton et sur les parasites des animaux pêchés. 
        M. Franc achève une publication sur la métamorphose des 
        larves de Mollusques du large. Les nombreux travaux du Dr. Dieuzeide sont 
        rappelés dans le " Document Algérien ", série 
        économique, n° 23 (Station de Castiglione).
 
 Et maintenant, qu'allons-nous faire dans l'avenir ? Tout dépendra 
        des moyens de navigation que l'Algérie pourra mettre à la 
        disposition des chercheurs : les vedettes rapides de 30 tonneaux de la 
        surveillance des pêches ne sont qu'un expédient provisoire, 
        fort utile, certes, mais impropre à divers travaux de longue haleine, 
        tels que dragage de la faune côtière. Seul le chalutier de 
        150 tonneaux, dont l'achat est prévu cette année par le 
        Gouvernement Général, permettra une exploration complète 
        des ressources marines, de Nemours à La Calle. N'oublions pas le 
        nombre dé régions algériennes fertiles que les pécheurs 
        négligent, faute de renseignements précis.
 
 Un semblable navire pourra conduire parallèlement deux sortes de 
        recherches : production au large (quantité de plancton par mètre 
        cube d'eau, dont dépendent notamment les migrations des poissons 
        bleu), et production sur le fond (nature et densité de la faune 
        sur les fonds variés régionaux).
 Pour ces deux ordres d'investigations, la connaissance des facteurs physiques 
        (courants, salinité, température, éclairement, etc..), 
        est indispensable. Là, des milliers de mesures, portant sur plusieurs 
        années, seront nécessaires pour avoir une base solide et 
        faire des prévisions en vue des pêches Les pays nordiques 
        ont déjà établi d'excellentes prévisions de 
        ce genre, en fonction de la météorologie de l'année 
        : vents, pluies, insolation. Il est parfaitement possible d'en faire autant 
        ici, d'autant plus que tous les organismes locaux s'intéressant 
        à la mer : Gouvernement Général, Commission supérieure 
        des pêches, Inscription maritime, stations d'Alger et dé 
        Castiglione sont d'accord pour commencer des explorations méthodiques.
 
 Grâce à la compréhension de tous, une foule de résultats 
        directement utilisables pourront être obtenus dans quelques années 
        : carte des fonds, schéma des principaux courants, que les vents 
        répartissent très différemment d'une année 
        à l'autre. En plus des données applicables aux pêches, 
        ces travaux apportent des éléments nouveaux à la 
        Biologie et l'Océanographie général€ : mer sans 
        marées notables, sans dessalure fréquente par les pluies 
        et les fleuves, la Méditerranée offre un milieu plus simple 
        que celui des océans, et constitue une belle expérience 
        naturelle pour l'action du vent, de la lumière et des pluies sur 
        la fertilité au sein des eaux.
 F. BERNARD,Professeur de Zoologie générale à l'Université,
 Directeur de la Station maritime d'Alger.
 
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