| La Transfusion 
        sanguine en Algérie   C'est d'Alger que partit, en novembre 1942, 
        dès le débarquement des Américains et alors que la 
        France était sous la botte ennemie, la Réanimation-Transfusion 
        qui a connu pendant la dernière guerre un si grand succès 
        et sauva tant de vies humaines.
 Dès que, sous l'impulsion du Médecin-Général 
        Vanlande, fut organisé le Centre de Transfusion de l'Armée 
        dont la direction nous fut confiée, nous suscitâmes la création 
        de filiales au Maroc, en Tunisie, à Oran, à Constantine, 
        tandis que se joignaient à nous Dakar, et Brazzaville. Le Centre 
        d'Alger devenait ainsi, pendant la période des hostilités, 
        un immense robinet d'ouverture du sang, alimemté par tous les Africains,
 
 ORGANISATION DE LA TRANSFUSION SANGUINE.
 
 Sans doute, pendant la guerre de 1914-1918, connaissait-on déjà 
        la Transfusion sanguine, mais la découverte de cette guerre, fut 
        avant tout l'organisation de la transfusion sanguine, c'est-à-dire 
        :
 1° la création de grands centres de 
        récolte.
 2° La création de centres d'entrainement 
        pour les réanimateurs transfuseurs qui allaient recevoir pour la 
        première fois un matériel complet de réanimation 
        et tous les éléments d'un bloc de déchocage et de 
        transfusion qui venait s'ajouter lu bloc opératoire et au bloc 
        de triage.
 3° La fabrication de toutes les variétés 
        de sang : sang total frais ou conservé, sang concentré, 
        plasma (procédé Puglièse) ; sérum formole 
        procédé Stora), plaquettes sanguines, sérums-tests 
        ..
 4° La séparation de certaines parties 
        du plasma ou du sérum : albumine. globulines.
 5° La connaissance des indications de plus 
        en plus étendues de ces différentes variétés 
        de sang.
 
 Rien d'analogue n'avait été tenté antérieurement 
        et la pratique civile allait grandement en bénéficier. Alger 
        fut à la tête de ce mouvement.
 
 REALISATIONS EN TEMPS DE GUERRE.
 
 Au cours de cette guerre, le Centre de Transfusion d'Alger put prépare 
        ou envoyer plus de 100.000 bouteilles de transfusion dans toutes les directions 
        et par tous les moyens : en Tunisie, en Italie, en Corse, dans le maquis 
        français, en France, à Madagascar, en Indochine; par avion, 
        par parachute, par bateau, par automobile, au moyen de 200 à 300 
        caisses frigorifiques qui circulaient dans tous les sens et permettaient 
        de transporter le sang dans des temps records.
 
 Le Centre de Transfusion put également préparer et envoyer 
        plus d'un million cinq cent mille doses de sérum-test sur tous 
        les théâtres de guerre.
 
 C'est au centre d'Alger que furent instruites et entraînées 
        plus de 50 équipes de réanimateurs-transfuseurs qui jouèrent 
        un rôle héroïque. sur tous les champs de bataille. C'est 
        au centre d'Alger, que furent formées les équipes qui fonctionnent 
        actuellement en Indochine. C'est aussi au Centre que furent instruits 
        les grands chefs de Bases, qui allaient diriger les grands relais, les 
        Organismes de Réanimation-Transfusion (ou O.R.T. comme nous les 
        avons appelés), où était envoyé le sang et 
        d'où repartait le sang dans les formations les plus avancées 
        et jusqu'aux postes de secours des bataillons. Nos élèves 
        le Docteur Ricard, le Docteur Masbceuf, le Docteur Fanjeaux dirigèrent 
        les bases européennes, nos élèves Clastrier et Linhard 
        dirigent actuellement les centres de Transfusion d'Indochine.
 
 Dans un livre que nous avons édité, grâce au concours 
        du service de santé des troupes coloniales, et intitulé 
        " Notes sur la Réanimation Transfusion " nous avons publié 
        les leçons faites aux transfuseurs et qui résumaient toutes 
        les notions nouvelles depuis le traitement du choc ou de l'hémorragie, 
        jusqu'à la pénicilline et les sulfamides et jusqu'aux notions 
        récemment acquises sur les r:groupes sanguins et en particulier 
        sur le facteur Rh qui tient une si grande place dans les accidente de 
        la transfusion, chez les accouchées ou dans la mortalité 
        de certains nouveaux-nés. Les figures de ce livre sont souvent 
        reproduites dans des articles maintenant classiques.
 
 Le Centre d'Alger peut fabriquer toutes les variétés de 
        sang et avoir des stocks qui variaient souvent entre 10.000 et 20.000 
        bouteilles, Dès cette période de guerre le Centre d'Alger 
        prépare des sérums de convalescents, des globulines de convalescents 
        qui allaient jouer dans la paix un rôle considérable. Plus 
        de 1.000 ampoules de globulines de convalescents furent préparées 
        en 1945.
 
 ORGANISATION EN TEMPS DE PAIX.
 
 Le Gouvernement Général de l'Algérie prit la succession 
        du Service de Santé de l'Armée pour assurer la continuité 
        de l'oeuvre de la transfusion sanguine et en répandre les bienfaits 
        dans les populations civiles algériennes.
 
 Alors que les soldats, pendant la guerre, offraient régulièrement 
        leur sang, ce furent, pendant la paix, des civils qui, d'une part, payèrent 
        régulièrement l'impôt du sang, d'autre part pratiquèrent 
        avec bonheur le système de la banque du sang. Ceci veut dire que, 
        depuis 1942, pas un seul jour, les Algérois n'ont cessé 
        de donner leur sang régulièrement, généreusement, 
        sans rétribution, dans un immense élan de fraternité 
        sociale.
 
 30.000 d'entre eux ont offert leur sang pour que 12.000 bouteilles de 
        plasma humain fussent envoyées en Indochine.
 
 10.000 Kabyles, au cours d'une seule tournée de récolte 
        (car nous avions des équipes mobiles qui recueillaient le sang 
        dans les villes et dans les villages) donnèrent leur sang pour 
        que puissent vivre des blessés français. Bel exemple de 
        solidarité et de patriotisme qu'on ne saurait trop souligner.
 
 Ce mouvement des Volontaires du Sang n'a été possible que 
        parce que nous avons développé intensément le côté 
        social de la transfusion. Avec des médecins bénévoles, 
        nous examinons attentivement les donneurs, nous pratiquons des examens 
        hématologiques, sérologiques, radiologiques ; nous surveillons 
        leur santé et même celle des leurs, et notre assistante sociale 
        essaie de se préoccuper des situations familiales intéressantes, 
        intervenant en leur faveur lorsque cela est possible.
 La fabrication des produits a été sans cesse perfectionnée 
        et nous avons créé un laboratoire de physico-chimie, un 
        laboratoire de dialyse, un laboratoire d'électrophorèse 
        pour contrôler nos produits, à côté des laboratoires 
        de bactériologie et de sérologie dont la nécessité 
        est plus courante.
 
 Thérapeutiques des maladies infectieuses.
 
 Mais c'est surtout la thérapeutique des maladies infectieuses qui 
        a grandement bénéficié de cet essor de la transfusion 
        sanguine en Algérie. Nous avons pu en effet recueillir des sérums 
        de convalescents de toutes les maladies infectieuses : typhus, typhoïde, 
        fièvre récurrente, variole, oreillons, scarlatine, rougeole, 
        varicelle, zona, et de ces sérums de convalescents nous avons pu 
        extraire des globulines concentrées (procédé Zermati 
        par le CO2) qui nous ont rendu ainsi qu'à nos confrères 
        les plus grands services. Pour ne citer que quelques chiffres récents, 
        nous avons pu fabriquer, du 1 janvier au 30 septembre 1945 :
 
 3.393 ampoules de globulines qui représentent 33.930 cm3 de solution 
        concentrée de globulines venant de 1.691 donneurs volontaires.
 
 Déjà, dans les formes graves des maladies infectieuses, 
        ainsi que dans la prophylaxie de certaines de ces maladies (rougeole, 
        coqueluche), la globuline nous a rendu les plus grands services.
 
 Ainsi, avec les plasmas et les sérums humains, avec les globulines, 
        nous avons eu des armes nouvelles qui se sont ajoutées aux vaccins, 
        aux sérums, à la pénicilline, aux sulfamides, aux 
        autres médications chimiques spécifiques.
 
 Conservation du sang.
 
 Enfin, pour donner à un Centre de Transfusion sanguine toute son 
        ampleur, il faut avoir une usine de congélation et de dessiccation 
        qui permette de conserver indéfiniment et de stocker les différentes 
        variétés de sang recueillies : plasma, sérum, globulines, 
        sérum-test, etc...
 
 C'est la générosité privée qui a pris l'initiative 
        d'offrir au Centre de Transfusion d'Alger une magnifique usine à 
        La Trappe, usine qui permet d'avoir du sang sec qui ne perd plus ses qualités 
        originelles quelle que soit la date du prélèvement. Ainsi 
        pourra être dirigé vers les oasis, vers nos colonies africaines 
        le sang recueilli : plasma normal, sérum de convalescent, globulines 
        ou sérum-test. C'est cette dernière création qui 
        termine le cycle d'une oeuvre qui s'est donné pour but de doter 
        l'Afrique du Nord des ressources immenses de cette thérapeutique 
        héroïque qu'est la Transfusion Sanguine.
 
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