| Mohammad al-Id Hammou 
        Ali Il 
        n'y a pas dans la vie de vérité définie qui ne comporte 
        des significations particulières et des entraves.Cette vérité invite à la connaissance, alors qu'elle 
        est une ignorance, et elle glorifie la foi, alors qu'elle est un renoncement.
 C'est comme les tambourins : les oreilles sont frappées par un 
        son enjôleur, tandis que les paumes ne touchent que des peaux.
 Né à Aïn-Beïda, dans 
        le département de Constantine, le 27 Djoumada I 1322 (9 août 
        1904) Mohammad al-Id y étudia selon la tradition, et le Coran et 
        les rudiments de la langue arabe, nais sa famille s'étant fixée 
        à Biskra, le jeune Mohammad trouva dans ce centre intellectuel 
        des maîtres qui lui permirent de consolider et d'étendre 
        sa connaissance des sciences islamiques. Parvenu à l'adolescence, 
        il subit comme beaucoup d'étudiants musulmans d'Algérie, 
        l'attirance de la célèbre Université 2aytouna et 
        il se rendit, en 1922, à Tunis, où il s'appliqua avec zèle 
        à tirer le plus grand profit des divers enseignements de cet établissement. 
        Au bout de deux années, des affaires de famille et l'état 
        de sa santé l'obligèrent d'écourter son séjour 
        et il revint au pays natal.
 A cet époque, le Cheikh Ben Badis. avait commencé à 
        enseigner à la Mosquée Lakhdar à Constantine, 
        et dans la revue Ach-Chihâb, il ne cessait d'exhorter les Musulmans 
        d'Algérie à instruire leurs enfants. A son appel, des sociétés 
        de bienfaisance et d'éducation se fondaient et des écoles 
        s'ouvraient dans différentes villes. Mohammad al-Id se vit confier 
        la direction de la Madrasat ach-Chabîha à Alger, où 
        il devait rester plus de douze ans, mais supportant mal le climat maritime, 
        il se résolut, en 1938, à quitter la capitale de l'Afrique 
        du Nord pour se retirer en plein sud, dans le cadre enchanteur de la reine 
        des Zibans. Depuis quelques années Mohammad al-Id dirige une école 
        libre à Batna.
 
 SA FORMATION
 
 Si la poésie n'était un don de la rature, on ne comprendrait 
        guère la vocation de Mohammad al-Id. Il lut, comme tant d'autres, 
        les oeuvres maîtresses de la littérature arabe, le Livre 
        des Chansons, le Livre de la Poésie et des Poètes, les divans 
        d'Imroul-Qaïs, Nâbigha, Moutanabbî, Aboû-Temmâm, 
        Bouhtourl et des dizaines de poètes anciens et in.,nernes mais, 
        au lieu de réveiller en lui de banals et simples échos, 
        ces lectures mirent le branle en son àrne et la révélèrent 
        à elle-même. C'est pourquoi l'on ne rencontre pas, chez Mohammad 
        al-Id, les réminiscences conscientes ou inconscientes si fréquentes 
        dans les premières oeuvres de tout poète et, si al-Id a 
        ressenti l'ascendant d'écrivains anciens ou contemporains, s'il 
        suit certains courants, s'il est esclave d'une langue et d'un art poétiques, 
        ses oeuvres ne portent nulle trace d'imitation et il fut du premier coup 
        lui-même.
 
 La raison en est, il faut le croire, dans son tempérament. Conscient 
        de sa personnalité, farouchement épris de liberté, 
        il ne pouvait, sans nier sa propre existence, s'astreindre à être 
        l'émule de qui que ce fût. Ses poèmes résonnent 
        par intermittences comme ceux des poètes de l'âge d'or ou 
        de la décadence de la littérature arabe, il atteint parfois 
        la perfection des meilleurs parmi les anciens et les modernes sans qu'il 
        ait voulu rivaliser avec eux sur un sujet déterminé. Chawqi. 
        ou Hâfic! Ibrahim, on le sent, essaient d'entrer en compétition 
        avec Moutanabbî, Aboû Temmâm, Bouhtourî, Mohammad 
        al-Id ne nourrit pas l'ambition de ressembler à 
        un autre. Il a, sans doute, subi l'emprise de Djabrân (dont ach-Chihâb 
        reproduisait volontiers les poèmes), mais plus qu'aux hardiesses 
        métriques et à la musicalité de l'oeuvre de Djabrân, 
        ce à quoi il fut surtout sensible, c'est à l'inquiétude 
        philosophique de ce poète, bien mieux, à l'angoisse humaine 
        et à une certaine vicion apocalyptique de l'humanité.
 
 Aussi bien Mohammad al-Id ne livre-t-il à ses lecteurs que ses 
        impressions, ses sentiments, ses idées, son bien propre, pour ce 
        qu'il vaut, et cette valeur n'est pas négligeable, puisque là 
        où l'on risquait de trouver un écrivain habile, on découvre 
        un homme.
 
 SES UVRES
 
 Les poésies de Mohammad al-Id n'ont pas été publiées 
        en librairie. Elles ont paru dans la revue Ach-Chihâb dont presque 
        chaque numéro renfermait un poème, et trois ou quatre poésies 
        oi.t, été reproduites par Mohammad al-Hâdi as-Senoûssî 
        qui accorda à Mohammad al-Id la première place, sinon la 
        plus large dans son anthologie : Les Poètes Algériens de 
        l'Epoque Contemporaine (Tunis, 1345 : 1926).
 
 LE POETE
 
 Parce que leurs oeuvres sont diverses, mobiles, ondoyantes, bien des poètes 
        se montrent réfractaires à toute définition. Mohammad 
        al-Id est de ceux-là. On chercherait en vain, chez lui, une poésie 
        descriptive, un chant d'amour, un éloge, une élégie, 
        un poème philosophique. Aucun de ces genres n'est représenté 
        d'une manière distincte et tous existent à la fois, car 
        le spectacle de la nature incite le poète à la méditation 
        et à la connaissance de soi, la passion lepousse à la recherche 
        de l'éternel, comme les regrets ou l'admiration se traduisent pour 
        lui par la poursuite du parfait. Intégré et asservi au poète, 
        le monde extérieur lui apporte ses innombrables richesses et prolonge 
        son âme à l'infini dans l'étendre et la durée.
 
 La poésie de Mohammad al-Id apparaît ainsi comme l'expression 
        d'évènements isolés et, en même temps, de vérités 
        communes à tous, une sorte de biographie, une histoire strictement 
        personnelle et à la fois l'histoire d'une fraction de l'humanité, 
        et sa pensée, oscillant entre les deux pôles de la raison 
        et de la foi, de l'humain et du divin, trahit un élan sans fin, 
        un effort continu, une lutte incessante pour dompter les faiblesses du 
        coeur et de l'esprit, triompher de l'erreur et parvenir à la certitude 
        de la connaissance. Et par là, Mohammad al-Id s'apparente aux mystiques. 
        Doutant de ses forces, anxieux de sa destinée et de celle de tous 
        les hommes, balloté entre l'espoir et la détresse qui renaissent 
        toujours en lui comme des hydres vivantes, il est le champ clos où 
        le sensible et l'intelligible s'affrontenr, où l'essence sacrée 
        de l'humanité s'efforce de triompher du mal et c'est ce combat, 
        douloureux comme la naissance et comme la mort, qui confère à 
        cette poésie un accent de profonde sincérité et un 
        caractère puissament dramatique.
 
 SON INFLUENCE
 
 La revue Ach-Chihâb a fait connaître les oeuvres de Mohammad 
        al-Id dans l'Afrique du Nord entière et. au-delà de nos 
        frontières, jusqu'en Orient où plusieurs critiques littéraires 
        les tiennent en haute estime. En Algérie et au Maroc, il a formé 
        école et de nombreux jeunes poètes lui doivent leur vocation 
        et. le proclament leur maitre.
 Saâdeddine BENCHENEB.
 Nota: j'ai inclus des scans. Mon OCR ne reconnait pas 
        l'écriture arabe.
 
 
 (Le traducteur juge nécessaire de 
        faire observer que, dans ces deux poèmes il ne s'agit nt d'amour, 
        ni d'un jardin réel ; le nom de Léïla est un symbole 
        et non pas seulement celui de l'éternel féminin, et le Jardin 
        désigne le séjour de la Connaissance et des Perfections).
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