| La recherche archéologique 
        en Algérie La connaissance du passé de l'Afrique 
        du Nord avant 1830 tenait tout entière dans les uvres des 
        auteurs anciens, géographes et historiens grecs et latins qui, 
        à quelques rares exceptions près, Pline, dans son " 
        Histoire Naturelle " en particulier, avaient recueilli sur le pays 
        plus de légendes que de faits tirés de l'observation directe 
        et s'étaient contentés de raconter, à propos de l'histoire 
        de Carthage, de Rame et de Byzance, quelques événements 
        saillants : Tite-Live, Salluste, Tacite, Ammien Marcellin, Corippe et 
        Procope ne pouvaient donner de l'histoire ancienne de l'Afrique du Nord 
        qu'une idée fragmentaire et peu précise. Il manquait par 
        dessus tout l'exacte connaissance d'un pays que les voyageurs et les savants 
        des temps modernes n'avaient pu qu'entrevoir au cours d'explorations difficiles 
        et hâtives, ou au travers des descriptions succinctes et trop peu 
        précises souvent des géographes arabes.
 Le Gouvernement de Louis-Philippe, s'inspirant des précédents 
        de Bonaparte en Egypte, de la Restauration en Morée, mena de pair 
        les opérations militaires et l'exploration scientifique du pays. 
        C'est le titre même qu'a porté la Commission créée 
        en 1837 " pour rechercher et réunir tout ce qui pouvait intéresser 
        les sciences et les arts ". Au sein de la vaste enquête menée 
        de 1839 à 1844, l'étude du passé aboutit à 
        deux importants ouvrages, encore utiles de nos jours : " Beaux-arts, 
        Architecture et Sculpture " de l'architecte Ravoisié (1846) 
        et surtout l'album du capitaine d'Artillerie Delamare, " Planches 
        d'archéologie" (1850). Venu en Algérie avec le Maréchal 
        Clauzel dès 1833, Adrien Berbrugger commença de son côté 
        à rassembler les documents qui ont fourni les premiers éléments 
        de la Bibliothèque Nationale et du Musée des Antiquités 
        (1838).
 
 La preuve fut vite faite que le pays qui s'ouvrait de nouveau à 
        la civilisation européenne était d'une extraordinaire richesse 
        en documents du passé. Toutes les civilisations qui avaient, à 
        tour de rôle, pénétré sur cette terre : la 
        punique, la romaine, la byzantine et la musulmane, y avaient laissé 
        des traces restées bien visibles après les siècles, 
        grâce aux conditions historiques. Les plus anciennes d'entre elles 
        étaient tombées sous des coups rapides qui leur avaient 
        épargné un long déclin. Puis avait suivi une longue 
        période où, à la différence de ce qui s'était 
        produit en Europe, les monuments du passé n'avaient été 
        ni défigurés, ni détruits. Assurément, sur 
        certains points du littoral surtout, les villes modernes recouvraient 
        les villes antiques, mais, dans l'intérieur du pays, une population 
        en grande majorité nomade s'était désintéressée 
        des vestiges du passé et les villes mortes, les monuments, les 
        tombeaux, les inscriptions, délaissés mais intacts, avaient 
        été lentement, au cours des siècles, préservés 
        par la nature des injures des hommes.
 
 La simple curiosité à l'égard de l'antiquité, 
        l'amour poétique des ruines faisaient place, vers le milieu du 
        XIXè siècle, à une exploration méthodique 
        et à une interprétation raisonnée des vestiges découverts. 
        Les sciences historiques précisaient, en Europe, leurs méthodes 
        d'investigation et de critique : l'épigraphie, l'archéologie, 
        la numismatique devenaient les auxiliaires indispensables de l'histoire. 
        Bientôt l'Algérie fut un de leurs champs d'action. Léon 
        Renier, le premier ouvrit une enquête épigraphique et publia, 
        après ses missions à travers le pays, un Recueil de plus 
        de 4.400 inscriptions inédites (1858). Si, à partir de 1863, 
        la recherche et la publication des inscriptions latines furent assurées 
        pour tout le monde romain par l'Académie de Berlin, Léon 
        Renier dut être, pour l'Algérie, le collaborateur du nouveau 
        Corpus des Inscriptions latines. La guerre de 1870 fit échouer 
        ce projet. Il ne sera repris que quelques années plus tard lorsque 
        René Cagnat collabora, à partir de 1894, aux suppléments 
        du Tome VIII, dont les premiers volumes avaient paru en 1881. Le dernier 
        volume, publié en 1916, portait à 28.000 le nombre des inscriptions 
        recueillies dans toute l'Afrique du Nord. L'Algérie, pour son compte, 
        en avait fourni plus de 15.000. Mais depuis 1916, les découvertes 
        épigraphiques se sont multipliées. Lorsqu'en 1922, Stéphane 
        Gsell a publié le premier volume de son Recueil des Inscriptions 
        Latines de l'Algérie qui pourtant ne concernait qu'un territoire 
        limité, la partie orientale du département de Constantine, 
        à côté de 2.600 textes déjà connus, 
        il en apportait 1.400 nouveaux, et la proportion des découvertes 
        récentes est certainement plus grande encore dans les régions 
        bien explorées comme celles de Timgad ou de Djemila, de Sétif, 
        ou de Cherchel, Le volume du Recueil des Inscriptions Latines de l'Algérie, 
        qui contiendra les textes de la région de Cirta, est à l'impression, 
        et déjà plusieurs fascicules auraient paru si les événements 
        n'y avaient mis obstacle. On peut, au bas mot, évaluer à 
        plus de 40.000 les textes épigraphiques sortis de terre dans l'Afrique 
        du Nord, et il n'est pas une seule région de l'Empire romain, l'Italie 
        exceptée, qui ait fourni une telle moisson de documents. Un recueil 
        de toutes les Inscriptions libyques connues, mené à bonne 
        fin par M. l'Abbé Chabot, doit paraître incessamment. Il 
        contient près de 1.200 textes,
 
 Les découvertes épigraphes, outre les recueils spéciaux, 
        ont alimenté de nombreuses revues scientifiques en Afrique même 
        : Recueil publié par la Société archéologique 
        de Constantine, fondée en 1852, Revue Africaine, organe de la Société 
        Historique Algérienne (1856), Bulletin d'Oran, Bulletin de l'Académie 
        d'Hippone, et dans la Métropole : Revue épigraphique de 
        la Revue Archéologique, Bulletin archéologique du Comité 
        des Travaux historiques, Bulletin de la Société des Antiquaires 
        de France, Revue des Etudes anciennes, etc... Sans la connaissance de 
        ces pièces d'archives que sont les inscriptions, des ouvrages fondamentaux 
        comme " L'Armée Romaine d'Afrique " de René Gagnat 
        n'auraient pas pu être écrits. Grâce à elles, 
        de nombreuses questions ont été élucidées, 
        à propos des institutions romaines, de l'organisation sociale, 
        politique, administrative, économique, militaire, dans les travaux 
        de La Blanchère, René Gagnat, Héron de Villefosse, 
        Stéphane Gsell, Paul Monceaux, de Pachtère, Alfred Merlin, 
        Jules Toutain, Jérôme Carcopino, Eugène Albertini 
        et de beaucoup d'autres chercheurs.
 
 L'archéologie, en général, a tiré un grand 
        profit des trouvailles épigraphiques pour l'identification et l'étude 
        des monuments. Si au début on s'est contenté de décrire 
        ou de dessiner les monuments apparents et de faire la chasse aux inscriptions, 
        le jour est vite arrivé où la fouille archéologique 
        a été organisé, pour ainsi dire, officiellement. 
        L'initiative privée des Sociétés Savantes, engageant 
        à leurs frais des recherches archéologiques, avait ouvert 
        la voie. En 1865, Napoléon III avait subventionné sur la 
        cassette impériale les travaux de Berbrugger au Tombeau de la Chrétienne. 
        En 1880, le Services des Monuments historiques de France étendit 
        son action sur l'Algérie.
 
 Son programme d'action fut double : d'une part, entretenir et conserver 
        les monuments de l'époque musulmane à Tlemcen, à 
        Alger, à Bougie, à Constantine ; installer, d'autre part, 
        des chantiers de fouilles sur des sites antiques. Le premier chantier 
        fut celui de Timgad, qui, d'intermittent après 1880, devint permanent 
        en 1892 et, depuis cinquante ans, demeure en pleine activité. En 
        1883, on se mit à explorer Lambèse ; à partir de 
        1886, Cherchel, dans la mesure que permettait l'existence de l'agglomération 
        moderne. En 1888, un chantier fut ouvert à Tébessa, en 1891, 
        à Tipasa. 
        Puis ce fut le tour, en 1900, de Khamissa (Thubursicum Numidarum), en 
        1903, d'Announa (Thibilis), en 1905, de Mdaourouch (Madauros) en 1909, 
        de Djemila (Cuicul) et, sauf Announa et Madaure, tous ces chantiers sont 
        encore actifs. A partir de 1928, des fouilles furent entreprises sur le 
        site d'Hippone où. le périmètre des terrains à 
        fouiller est encore insuffisant par rapport à l'importance des 
        vestiges conservés et des souvenirs historiques qui s'y rattachent. 
        En 1928 également, un chantier commença -à explorer 
        les ruines de Zana (Diana Veteranorum). En 1928, celles de Bagaï 
        et de Chemora, enfin, au début de 1941, on a entrepris le dégagement 
        du Castellum Tidditanorum, à 20 km. au Nord de Constantine.
 
 Plus récemment encore, Tébessa a connu un regain d'intérêt 
        par la découverte, sous son bel ensemble chrétien, de galeries 
        de catacombes, les premières de cette importance qui aient été 
        rencontrées en Algérie.
 
 A l'heure actuelle, une ville est entièrement sortie de terre, 
        c'est Timgad, 
        qui offre au visiteur l'attrait d'une cité complète, où 
        les recherches cependant se poursuivent dans les faubourgs et les vastes 
        nécropoles qui l'entourent.
 
 L'exploration de l'intérieur du Fort Byzantin où est apparu 
        au-dessous des vestiges du VIè siècle, un ensemble thermal 
        et religieux du IIIè admirablement conservé sous les fortifications 
        des soldats de Solomon, a été une révélation 
        inattendue sur un site dont l'intérêt pouvait passer pour 
        épuisé. La fouille n'en est pas encore achevée : 
        statues, colonnes, chapitaux, inscriptions, sortent en grand nombre de 
        ces édifices, qui sont, au fur et à mesure de leur découverte, 
        consolidés et restaurés.
 
 A Djemila, 
        c'est près de la moitié de l'agglomération urbaine 
        qui a également revu le jour. Dans les autres chantiers, les fouilles 
        ont été moins activement poussées, mais elles sont 
        suffisantes pour offrir, à travers l'Algérie, une grande 
        variété d'ensembles urbains : villes des Hauts-Plateaux, 
        militaires et commerçantes, villes de la côte, traficantes 
        et industrielles, petits centres intellectuels et bourgades rurales, villes 
        à la romaine ou gros bourgs indigènes à la mode berbère. 
        La vie citadine commence à être bien connue dans ses aspects 
        les plus variés, les plus riches parfois et, grâce à 
        elle, on entrevoit le degré de civilisation auquel était 
        parvenue l'Afrique ancienne. Mais il y a d'autres points qu'il est intéressant 
        de préciser : la vie économique, par exemple, le régime 
        des terres et leur aménagement en vue de la culture, l'outillage 
        et l'équipement du pays, les travaux de voirie et d'irrigation, 
        la défense du territoire et l'organisation des frontières 
        fortifiées. Les réponses à ces questions dont certaines 
        n'ont jamais cessé d'être posées en Afrique, sont 
        fournies par des travaux de recherches plus dispersés, plus souples 
        que ceux que l'on vient d'énumérer. Ils ont reçu 
        une impulsion particulière depuis la création en 1912 d'une 
        Inspection et en 1923, d'une Direction des Antiquités. Désormais, 
        la direction effective des recherches, leur orientation, la centralisation 
        et la mise en uvre de leurs résultats furent organisées 
        à Alger même. La fondation, en 1922, de bourses archéologiques 
        permit de confier à des membres de l'École Française 
        d'Histoire et d'Archéologie de Rome des chantiers temporaires pour 
        une recherche restreinte et les résultats obtenus depuis vingt 
        ans forment une belle somme de travaux originaux dans tous les domaines 
        : punique, romain, et chrétien, militaire, économique, agricole 
        et artistique.
 
 Il serait injuste de ne pas mentionner l'activité des chercheurs 
        locaux, membres, pour la plupart, de Sociétés savantes, 
        qui, en liaison étroite avec le Service .des Antiquités, 
        maintiennent une tradition vieille bientôt de près d'un siècle, 
        par des fouilles au cur de la Numidie, dans la région de 
        Thagaste, dans le Hodna, à Mons, près de Djemila, à 
        Saint-Leu, près d'Oran, sans parler des reconnaissances à 
        travers l'Aurès, la Petite Kabylie, le Sersou, le Dahra.
 
 De toute cette activité sont sortis, outre de beaux ouvrages d'archéologie 
        : " Timgad ", de Boeswillwald, Cagnat et Ballu : " Les 
        Monuments Antiques de l'Algérie ", " Les Promenades Archéologiques 
        aux environs d'Alger D. " L'Atlas Archéologique", " 
        Khamissa, Announa, Mdaourouch ", de Stéphane Gsell ; " 
        L'Afrique Romaine ", d'Eugène Albertini ; " L'Afrique 
        du Nord Française dans l'Histoire ", de Lespès, Albertini, 
        Marçais, Yver : " L'Afrique Byzantine de Charles Dielh ; les 
        ouvrages de Paul Monceaux sur l'Afrique chrétienne ; " Djemila 
        ", de Mlle Allais " ; " Les vestiges chrétiens du 
        Centre de la Numidie antique ", de MM. Berthier, Logeart et Martin 
        ; " Castellum Dimmidi ", de M. Gilbert Picard ; un très 
        grand nombre d'articles dans les revues savantes, notamment les " 
        Mélanges " publiés par l'Ecole de Rome, des communications 
        aux Congrès scientifiques, sans parler des Rapports de l'Architecte 
        en chef des Monuments historiques sur les Chantiers du Service.
 
 Une conséquence de la richesse du terroir archéologique 
        et de l'impulsion vigoureuse donnée à la recherche a été 
        la création, à travers l'Algérie, d'un grand nombre 
        de Musées et de collections d'antiquités. Ils sont évidemment 
        de valeur inégale et vont du très bel ensemble comparable 
        aux Musées de France et de l'étranger qu'est le Musée 
        de Cherchel, à la modeste collection lapidaire Gaston de Vulpilliàres, 
        à El-Kantara, riche cependant de documents importants. Après 
        Cherchel et sa belle collection de statues et de mosaïques, vient 
        le Musée Stéphane Gsell, à Alger, qui possède 
        dans un cadre trop exigu des pièces infiniment précieuses 
        pour l'histoire et pour l'art ; les Musées Demaeght, à Oran, 
        et Gustave-Mercier, à Constantine, construits en 1930, les collections 
        municipales de Bône, Souk-Ahras, Tébessa, Guelma, Lambèse, 
        Philippeville, Bougie, Sétif, Aumale et Tlemcen, et surtout les 
        Musées annexes de chantiers : Timgad, Djemila, Tipasa, Khamissa-Madaure, 
        sont des centres artistiques, historiques et éducatifs souvent 
        d'un grand intérêt. Onze de ces Musées, les plus évocateurs 
        et les plus riches, ont d'ailleurs fait l'objet, dans la série 
        " Musées et Collections archéologiques de l'Algérie 
        et de, la Tunisie ", de belles publications qui en ont présenté 
        et commenté les monuments principaux.
 Si l'on considère l'oeuvre accomplie, le chemin parcouru depuis 
        un siècle, les résultats obtenus dans le domaine scientifique 
        et artistique, on sera tenté de trouver que, malgré des 
        tâtonnements inévitables, il n'a pas été perdu 
        trop de temps. Il reste cependant beaucoup à faire. Le champ des 
        recherches archéologiques s'est étendu dans le temps comme 
        dans l'espace. L'Algérie et ses territoires du Sud, le Sahara tout 
        entier, tout récemment le Fezzan, se sont révélés 
        un terroir non moins fertile pour la préhistoire que pour l'histoire. 
        Les recherches préhistoriques ont connu en Algérie, depuis 
        la fin du XIXè siècle, un grand développement grâce 
        aux travaux de Pallary et de Doumergue, de Debruge et de Joleaud, et surtout 
        de M. Reygasse. Par les fouilles et les découvertes de ces chercheurs, 
        la chronologie des différents âges du paléolithique 
        et du néolithique a été précisée et 
        des comparaisons suggestives ont été faites avec les époques 
        de l'Europe Occidentale.
 
 Les explorations de M. Reygasse jusqu'au coeur du Sahara et au Fezzan 
        ont révélé une série de faits nouveaux et 
        des plus importants pour une précise connaissance de la préhistoire 
        africaine.
 
 Pour le passé historique lui-même, si notre connaissance 
        a fait de notables progrès, on peut cependant définir un 
        certain nombre de tâches à remplir, de buts à atteindre.
 
 Pour les villes antiques dont le dégagement est en cours, il sera 
        nécessaire de le mener à son terme. Outre l'intérêt 
        que présente l'attrait de ces grands ensembles et leur valeur pour 
        le tourisme intérieur et étranger, qui en avait naguère 
        appris le chemin et qui, espérons-le, saura le retrouver demain, 
        c'est à ce prix qu'on réussira à y reconstituer, 
        jusque dans ses détails, la vie urbaine de l'Afrique ancienne et 
        qu'on connaîtra l'évolution de ces cités, reflets 
        des vicissitudes mêmes du pays.
 Qu'on doive attendre encore beaucoup de ces fouilles urbaines, 
        les résultats obtenus depuis cinq ans par le chantier de Tiddis 
        en sont la preuve : on voit déjà se dessiner la physionomie 
        d'une ville très différente du type habituel de la cité 
        romaine et qui, par son assiette, ses monuments, ses rues, ses places 
        et ses maisons donne assez bien une idée de ce que pouvait être 
        une ville numide comme Cirta, par exemple, sa voisine et son chef-lieu.
 Parmi les sites antiques encore peu explorés et dont la fouille 
        serait souhaitable, il en est deux qui, à des degrés divers, 
        présentent un gros intérêt. C'est Hippone, la seule 
        grande ville maritime que n'ait pas recouverte une agglomération 
        moderne, à laquelle s'attachent les souvenirs de Saint-Augustin 
        et dont les sondages en cours ont révélé la conservation 
        tout en mettant au jour le Théâtre et une partie du Forum, 
        c'est aussi la ville même de Lambèse, qui, victime de la 
        curiosité suscitée par son camp légionnaire, a été 
        jusqu'ici trop négligée, et pourtant c'était une 
        capitale de province, riche en uvres d'art, dont plusieurs sont 
        déjà sorties de terre. Mais sur ces deux sites, il faudrait 
        assurer des réserves de terrains en vue des fouilles, dont on peut 
        être sûr qu'elles seraient fécondes.
 
 On ne rencontrerait pas les mêmes difficultés pour développer 
        à travers l'Algérie ces prospections qui ont fourni déjà 
        tant de renseignements. Mais on devrait recourir à des moyens d'investigation 
        modernes. On songe à l'aide si efficace fournie par la photographie 
        aérienne à la recherche des vestiges archéologiques. 
        Des essais isolés, tentés depuis quelques années, 
        ont été si fructueux qu'on ne peut que souhaiter de voir 
        ces méthodes développées et organisées d'une 
        façon régulière. C'est à des procédés 
        de ce genre qu'il faudra recourir pour établir rapidement et d'une 
        façon précise et détaillée, la carte des frontières 
        militaires de l'Afrique romaine, de son organisation défensive, 
        des voies stratégiques et pour rechercher aussi les traces de l'équipement 
        agricole, des cultures et de la répartition des terres. Bien entendu 
        cette prospection devra être accompagnée de fouilles, d'autant 
        plus rapides et fécondes qu'elles seront plus exactement guidées.
 
 Ce travail de recherche, d'enquête, ne fera pas oublier l'uvre 
        de description, de publication qui doit l'accompagner pas à pas 
        : des relevés précis, des dessins, des plans exacts devront 
        être établis. Là aussi, la photographie aérienne 
        peut apporter une collaboration précieuse. Enfin la présentation 
        des documents eux mêmes devra recevoir tous les soins : par la restauration 
        ou plus exactement, la conservation, l'entretien des édifices et 
        aussi par l'organisation, le classement et la présentation des 
        collections de Musées.
 
 Certaines transformations s'imposeraient : à Hippone, du jour où 
        les feuilles recevraient l'ampleur souhaitable, le Musée, ou ce 
        qui en tient lieu, serait insuffisant ; à Tébessa, le Musée 
        est désormais incapable de recueillir de nouveaux objets et chaque 
        jour cependant apporte une moisson nouvelle ; à Alger, enfin, le 
        Musée Stéphane Gsell, avec toutes ses richesses, est victime 
        du manque de place et de l'encombrement qui en résulte.
 
 Un programme d'extension des fouilles, de présentation des ensembles 
        et des Musées, a été mis sur pied. Il ne pourra être 
        réalisé qu'à la longue et au prix d'un effort soutenu, 
        mais dès maintenant, le patrimoine archéologique de l'Algérie, 
        sorti sans trop de dommages des vicissitudes de la guerre, est apte à 
        témoigner des efforts accomplis depuis plus d'un siècle 
        par la France pour mieux faire comprendre et faire mieux aimer ce pays 
        à la fois si jeune et si ancien.
 L. LESCHI.Correspondant de l'Institut,
 Directeur des Antiquités.
 
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