|  
        -------S'il 
          est, en Algérie, une question digne de retenir l'attention c'est 
          bien, au premier chef, celle du statut juridique des musulmans. Son 
          intérêt est, à la fois, humain, politique et juridique. 
          Qu'il présente un intérêt sur le plan humain, il 
          est à peine utile de le rappeler. Ne définit-il pas l'un 
          des cadres où doit nécessairement s'inscrire la vie de 
          huit millions de musulmans ? Mais il présente aussi un intérêt 
          politique évident. Il dépend, en effet, dans une large 
          mesure des solutions adoptées dans ce domaine par le législateur 
          que l'évolution actuellement en cours se poursuive dans les meilleures 
          conditions ou, au contraire, se heurte à des difficultés 
          imprévues. Enfin, il ne paraît pas téméraire 
          d'affirmer que le statut des musulmans d'Algérie présente 
          un intérêt au point de vue juridique. Cette affirmation, 
          encore gratuite, peut être les explications données dans 
          la présente étude seront-elles de nature à l'étayer 
          et à la confirmer.
 -------A 
          vrai dire, le statut juridique des musulmans d'Algérie n'a cessé 
          d'évoluer depuis 1830. Et il ne manquera pas d'évoluer 
          encore dans l'avenir. Le droit est, comme la vie à laquelle il 
          doit s'adapter, une " création continue ". Cependant 
          l'évolution que ce statut a subie jusqu'ici n'évoque, 
          en aucune façon, le flot calme et régulier d'un fleuve 
          de plaine. Elle fait bien davantage penser à ces torrents de 
          montagne dont les eaux, tantôt se précipitent dans des 
          gorges resserrées, tantôt s'apaisent dans de petits bassins 
          intérieurs jusqu'à en paraître stagnantes.
 
 -------Dans 
          l'histoire du statut juridique des musulmans d'Algérie, qui commence 
          pratiquement avec le senatus- consulte du 14 Juillet 1865, ce sont les 
          deux grandes guerres de 1914-1918 et 1939-1945 qui ont suscité 
          les réformes les plus profondes... Et c'est à la fois 
          très naturel et très légitime.
 C'est très naturel, car les guerres sont des périodes 
          de crise intense qui conduisent les pays belligérants à 
          repenser un certain nombre de grands problèmes que, durant les 
          périodes de paix, ils ont tendance, soit à croire résolus, 
          soit tout simplement à oublier
 
 -------C'est 
          très légitime également, si l'on pense au rôle 
          important que les musulmans d'Algérie ont joué dans les 
          opérations militaires aussi bien en 1914-1918 qu'en 1939-1945. 
          A peine sortie de chacune de ces deux épreuves, la France s'est 
          donc sentie moralement tenue de procéder à une adaptation 
          du statut juridique (les musulmans aux progrès, continus et réguliers, 
          réalisés par ces derniers dans leur évolution sociale 
          et économique.
 
 -------Mais des deux crises, 1914-1918 et 1939-1945, 
          la plus violente, celle dont les effets ont été les plus 
          profonds et les plus graves, est évidemment la seconde. Aussi 
          a-t-elle marqué, dans l'évolution du statut juridique 
          des musulmans d'Algérie, sinon un bouleversement complet, du 
          moins des modifications si importantes et si complexes que l'histoire 
          de cette évolution parait comporter presque inévitablement 
          deux chapitres dont le premier s'achèverait avant l'intervention 
          de la fameuse ordonnance du 7 mars 1944 et dont on peut dire que le 
          second n'est pas encore clos.
 UN -------Naturellement, 
          le statut du citoyen français est en perpétuelle évolution. 
          Son contenu - c'est-à-dire. non seulement les droits électoraux, 
          niais d'une façon générale tous les droits publics 
          et privés - varie avec l'activité législative de 
          chaque jour. Ce que lori peut dire, toutefois, c'est que, jusqu'à 
          la dernière guerre, il n'y' a jamais eu qu'un seul statut du 
          citoyen. Ce statut était, en quelque sorte, " un et indivisible 
          ", au moins pour tous les citoyens demeurant sur un territoire 
          déterminé de la République.
 -------A 
          - Le statut du musulman, simple sujet français, était 
          dans l'ensemble, un statut mineur, défavorisé par rapport 
          à celui du citoyen.
 -------1°) 
          On ne doit pas oublier, cependant, qu'il comportait 
          - il comporte encore d'ailleurs - un avantage substantiel pour les intéressés 
          : le maintien de ce que l'on appelle, d'une façon un peu sommaire, 
          leur statut personnel. Le principe de ce maintien, posé lors 
          de la capitulation d'Alger en 1830, a été confirmé 
          par le sénatus-consulte du 14 juillet 1865. Des décrets 
          ultérieurs ont précisé, à plusieurs reprises, 
          les matières pour lesquelles les musulmans demeuraient soumis 
          à leurs droits et coutumes. Ces matières concernent
 -------- 
          en premier lieu l'état des personnes : filiation, mariage, dissolution 
          (lu mariage, tutelle des mineurs et (les interdits ;
 --------- 
          en second lieu, les successions : désignation des héritiers 
          et calcul des parts, leur revenant, ainsi que les habous ;
 -------- 
          Enfin les immeubles non francisés.
 
 -------Le 
          maintien. en ces matières, du droit musulman et des coutumes 
          kabyles ne veut pas dire, bien entendu, que la France se soit interdit 
          toute intervention lorsque des considérations importantes l'y 
          incitaient. En fait elle est intervenue à plusieurs reprises. 
          On peut citer à titre d'exemple: pour la Kabylie, le décret 
          du 10 Août 1902 sur la tutelle et l'interdiction, la loi du 2 
          Mai 1930 sur le mariage, le décret du 19 mai 1931 sur la condition 
          de la femme kabyle et pour les pays soumis au droit musulman, les décrets 
          (lu 20 août 1936 sur la majorité et la tutelle.
 
 -------Il 
          n'en demeure pas moins que, pour des raisons à la fois morales 
          et politiques, il ne pouvait et il ne saurait être question de 
          supprimer le " statut personnel " des intéressés. 
          Seuls des amendements de détail sont possibles.
 
 -------Le 
          maintien du statut personnel a eu pour conséquence l'organisation 
          (l'une justice civile musulmane qui, dans une certaine mesure, s'inspire 
          de celle à laquelle les musulmans étaient soumis avant 
          1830. Il ne peut évidemment être question de traiter, ici, 
          de cette organisation. Mais on peut penser que l'existence d'une justice 
          civile musulmane constitue, aux yeux des musulmans, un avantage auquel 
          ils sont attachés.
 
 -------2° 
          Il faut bien reconnaître, toutefois, que 
          si le statut juridique des musulmans d'Algérie présentait 
          et présente encore pour ces derniers, les avantages qui viennent 
          d'être indiqués, il plaçait, par ailleurs, les intéressés 
          dans une situation défavorisée par rapport. aux citoyens. 
          Naturellement, le fossé qui séparait le statut des musulmans 
          de celui des citoyens, très profond au début, n'a cessé 
          de se réduire jusqu'à la dernière guerre. Cette 
          évolution, on peut juger de son ampleur par les trois exemples 
          suivants qui concernent l'exercice des droits politiques, l'accession 
          aux fonctions publiques et enfin le " régime de l'indigénat 
          ".
 --------------a) 
          Dans l'Algérie française, les musulmans furent d'abord 
          privés de tout droit politique. Cependant, à la veille 
          de la dernière guerre, ils en exerçaient de très 
          étendus dans un collège qui leur était propre.
 -------Etaient 
          inscrits sur les listes électorales de ce collège, depuis 
          1919, les musulmans de sexe masculin ayant 25 ans accomplis, ne se trouvant 
          dans aucun des cas d'incapacité prévus par la législation 
          française, ayant une résidence de deux années consécutives 
          dans la commune et remplissant, en outre, une des sept conditions fixées 
          par la loi : avoir servi dans les armées de terre et de mer, 
          être propriétaire, employé de, l'Etat, membre d'une 
          chambre de commerce, titulaire de certains diplômes, décorations 
          ou distinctions, avoir obtenu certaines récompenses. Malgré 
          les restrictions imposées par la loi, on peut (lire que le corps 
          électoral musulman était assez étendu.
 -------Les 
          musulmans avaient des assemblées qui leur étaient propres 
          : les djemaâs de douar. Leurs représentants à ces 
          assemblées, d'abord nommés par le préfet, furent 
          désignés à l'élection à partir de 
          1919.
 -------D'autre 
          part, les musulmans étaient représentés dans toutes 
          les assemblées locales. Dans les communes (le plein exercice, 
          la place faite aux intéressés au sein du conseil municipal, 
          très réduite avant 1919, avait été largement 
          augmentée à partir de cette date. Les musulmans eurent 
          droit, désormais, à quatre conseillers quand le chiffre 
          de la population musulmane variait entre 100 et 1.000 et à un 
          conseiller supplémentaire pour chaque excédent de 1.000musulmans 
          sans que leur nombre puisse toutefois dépasser le tiers de l'effectif 
          du Conseil, ni excéder celui de 12.
 -------Dans 
          les communes mixtes, les commissions municipales comprenaient, à 
          côté des adjoints et des membres français élus, 
          les présidents des djemaâs, également élus 
          depuis 1919. et des caïds à la nomination du Gouverneur 
          général.
 -------Pour 
          les conseils généraux, le décret du 25 septembre 
          1875, qui étendait à l'Algérie la loi métropolitaine 
          de 1871, ne prévoyait que la désignation, par le Gouverneur 
          Général, de quelques assesseurs musulmans choisis parmi 
          les notables du département. -Mais en 1908, ces assesseurs nommés 
          furent remplacés par six conseillers élus. Enfin, en 1919, 
          le nombre de ces conseillers fut porté au quart de l'effectif 
          total des membres des conseils généraux.
 -------Aux 
          délégations financières, les musulmans avaient 
          aussi leur place. A côté de la délégation 
          des colons et de celle des non-colons, dont chacune avait 24 membres, 
          il existait une délégation indigène qui, réduite 
          au début à 15 membres dont 7 Kabyles, fut élargie 
          en 1937 et compta désormais 24 membres comme les deux autres.
 -------Somme 
          toute, les musulmans avaient des élus dans toutes les assemblées 
          locales. Par contre, et il convient de le souligner, ils n'en avaient 
          aucun au Parlement.
 
 --------------b) Cette évolution, si nette 
          en ce qui concerne l'exercice des droits politiques, on la retrouve 
          pour l'accession aux fonctions publiques.
 -------Les 
          musulmans ne pouvaient, à l'origine, accéder à 
          aucune de ces fonctions. Mais en 1866 un décret donna une liste 
          limitative - élargie à deux reprises par la suite - des 
          emplois publics qu'ils pouvaient occuper. Enfin, la loi du 4 février 
          1919, renversant le principe jusque-là admis, énuméra 
          les fonctions d'autorité - relativement peu nombreuses - interdites 
          aux musulmans. A tous les autres emplois, ils pouvaient accéder 
          au mène titre que les Européens.
 
 --------------c) 
          La même évolution se retrouve dans le " régime 
          de l'indigénat " qui consistait en divers délits 
          et contraventions propres aux musulmans.
 -------Ce 
          régime s'appliqua d'abord à tous les musulmans. Mais à 
          partir de 1920, ceux qui étaient inscrits sur les listes électorales 
          y furent soustraits et ne purent plus être condamnés, sauf 
          quelques exceptions en matière forestière, que pour les 
          mêmes faits et par les mêmes tribunaux que les citoyens 
          français.
 -------Par 
          la suite, le Gouverneur Général étendit la mesure 
          de faveur prise en 1920 à de nouvelles catégories (le 
          musulmans. Aussi, à la veille (le la dernière guerre, 
          les contraventions spéciales à l'indigénat, d'ailleurs 
          de plus en plus rigoureusement réglementées, ne s'appliquaient-elles 
          plus qu'à un nombre réduit de musulmans.
 
 -------3' 
          Par ces trois exemples on peut aisément 
          se rendre compte de l'évolution constante du statut des musulmans 
          d'Algérie avant la dernière guerre. Ce statut n'en demeurait 
          pas moins un statut mineur auquel les musulmans, s'il, acceptaient de 
          renoncer à leur statut personnel, pouvaient désirer se 
          soustraire pour bénéficier de celui, plus avantageux, 
          du citoyen français.
 -------Il 
          était donc nécessaire qu'entre ces deux statuts, celui 
          du musulman, simple sujet français et celui du citoyen français, 
          le législateur jetât des ponts. Il l'a fait à deux 
          reprises, par le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 et par la 
          loi du 4 février 1919 dont chacun organise une procédure 
          spéciale d'accession à la citoyenneté française. 
          improprement appelée procédure de " naturalisation 
          ".
 --------------a) 
          Pour l'accession à la citoyenneté française, le 
          sénatus-consulte de 1865 (qui s'appliquait à toute l'Algérie, 
          territoires du Sud compris) n'exigeait aucune condition particulière 
          des postulants, sinon celle d'avoir 21 ans. Le libéralisme du 
          législateur s'explique par le fait qu'il ne s'agissait pas, à 
          proprement parler, d'un droit reconnu aux intéressés. 
          La déclaration d'accession à la citoyenneté française 
          était un acte purement discrétionnaire : c'était 
          aussi un acte des plus solennels puisqu'il était statué 
          par décret sur la demande des musulmans, conformément 
          à la procédure suivie pour la naturalisation des étrangers.
 -------Les 
          enfants mineurs du nouveau citoyen devenaient eux-mêmes citoyens 
          à titre définitif. En ce qui concerne la femme, on était 
          d'accord pour admettre que son statut n'était pas modifié 
          par la " naturalisation " (le son mari.
 -------Il 
          faut bien le dire, la procédure instituée par le sénatus-consulte 
          de 1865 a abouti à un échec, car les musulmans, sauf de 
          très rares exceptions, se refusaient à abandonner volontairement 
          leur statut personnel (le peur de passer pour des apostats auprès 
          de leurs coreligionnaires.
 --------------b) 
          Cet échec ne découragea cependant pas le législateur 
          qui, après la guerre de 1914-1918, fit un nouvel effort. La loi 
          du 4 février 1919 (applicable aux seuls territoires du Nord) 
          vint superposer à la procédure instituée en 1865 
          et qui demeurait toujours en vigueur, une deuxième procédure 
          d'accession à la citoyenneté française.
 -------Avec 
          cette nouvelle procédure, il ne s'agissait plus, pour les musulmans, 
          d'une simple possibilité. mais d'un véritable droit, s'il, 
          réunissaient les conditions fixée, par la loi. Ces conditions 
          étaient, à vrai dire, peu rigoureuse,. Il fallait être 
          âgé de 21 ans au moins, être monogame ou célibataire. 
          n'avoir pas encouru certaines condamnations ou certaines peines disciplinaires 
          graves, enfin, prouver en quelque sorte son " assimilation " 
          en remplissant l'une des sept conditions spéciales suivantes 
          :
 -------- 
          avoir servi dans les armée de terre ou de mer,
 -------- 
          savoir lire et écrire en français,
 -------- 
          être propriétaire foncier ou fermier ou être inscrit 
          au rôle, soit des patentes, soit des impôts de remplacement 
          pour une profession sédentaire.
 -------- 
          être titulaire d'une fonction publique ou d'une pension de retraite 
          pour services publics, - avoir été investi d'un mandat 
          public électif,
 -------- 
          être titulaire d'une décoration française ou d'une 
          distinction honorifique accordée par le Gouvernement français,
 -------- 
          être né d'un musulman devenu citoyen français alors 
          que le demandeur avait déjà atteint 21 ans.
 -------Il 
          était statué sur les demandes d'accession à la 
          citoyenneté, non par le Gouvernement comme dans la procédure 
          de 1865, mais par le Tribunal de première instance, puis, à 
          partir de 1943, par le juge (le paix.
 -------Cette 
          procédure n'eut, bien entendu, pas beaucoup plus de succès 
          que la précédente et pour la même raison : les musulmans 
          ne voulaient pas abandonner leur statut personnel. De 1865 à 
          1934, ces deux procédures n'ont fait accéder à 
          la citoyenneté française que 2.500 musulmans.
 --------------c) 
          Les musulmans firent, au contraire, un très large usage du " 
          droit d'option " qui leur était reconnu par le législateur.
 -------Le 
          droit d'option consistait - et consiste toujours - dans la possibilité, 
          pour les musulmans non citoyens de se placer sous l'empire du droit 
          français, temporairement, partiellement, à l'occasion 
          d'un acte ou d'un fait juridique déterminé.
 qu'elles voulaient soumettre à la loi française, soit 
          dd les parties la formulaient, soit dans l'acte même Cette option 
          d e législation était expresse quanans une convention 
          ultérieure.(note du site: ce 
          paragraphe est tel que dans le document. Une ou des lignes ont dû 
          sauter à l'imprimerie)
 -------Elle 
          pouvait aussi être tacite. Elle résultait alors - sauf 
          déclaration contraire - de la réception de la convention 
          originaire par un officier public français. C'est ainsi qu'il 
          y avait - et il y a toujours - option tacite quand les époux 
          faisaient célébrer leur mariage, non dans les formes musulmanes, 
          niais devant l'officier de l'état civil. Leur mariage se trouvait 
          dans ce cas soumis aux règles du code civil.
 DEUX -------Voilà 
          quel était, très rapidement résumé, le statut 
          juridique des musulmans d'Algérie avant l'intervention de l'ordonnance 
          du 7 mars 1944. Il représentait le résultat des efforts, 
          certes méritoires, niais encore insuffisants, déployés 
          par le législateur français pendant plus d'un siècle. 
          A vrai dire, après la poussée réformatrice de 1919, 
          ce statut ne subit plus que des modifications peu importantes. Sans 
          doute, des projets de réforme avaient-ils été élaborés, 
          tel le projet Blum-Violette. Mais la résistance de la population 
          européenne d'Algérie les avaient fait échouer.-------Par 
          contre, au cours de la deuxième guerre mondiale et des années 
          qui l'ont suivie, on assiste à une évolution précipitée 
          et beaucoup plus complexe qu'auparavant du statut juridique des musulmans 
          d'Algérie.
 -------En 
          réalité, à partir de 1944, on est en présence 
          d'un double phénomène. D'une part, l'évolution 
          du statut juridique des musulmans s'accentue considérablement. 
          D'autre part, le législateur: abandonnant l'idée que le 
          statut du citoyen doit être " un et indivisible ", 
          opère une véritable association des droits publics et 
          privés du citoyen. Ainsi en arrive-t-il à admettre que 
          certaines catégories de musulmans, tout en conservant le bénéfice 
          de leur statut personnel, peuvent exercer les droits politiques du citoyen 
          français Il y a intérêt à examiner successivement 
          ces deux phénomènes.
 -------A. 
          - En ce qui concerne les nouvelles et substantielles 
          modifications dont le statut juridique des musulmans d'Algérie, 
          ont fait l'objet, il faut distinguer entre les droits politiques et 
          l'ensemble des autres droits.
 --------------1 
          ) En matière de droits politiques, l'ordonnance 
          du 7 mars 1944 opère deux réformes d'une extrême 
          importance.
 -------a) 
          D'une part. elle élargit considérablement le collège 
          électoral musulman, tel qu'il avait été défini 
          en 1919. Elle déclare, en effet que tous les musulmans âgés 
          de 21 ans et du sexe masculin doivent être inscrits sur les listes 
          du deuxième collège. Sous la seule réserve que 
          les femmes musulmanes sont exclues du droit de vote, on peut dire que, 
          désormais, le collège électoral musulman est aussi 
          étendu que le collège électoral des citoyens.
 -------b) 
          D'autre part, l'ordonnance du 7 mars 1944 augmente dans une large mesure 
          la représentation reconnue aux musulmans dans les assemblées 
          locales. Cette représentation est portée aux deux cinquièmes 
          de l'effectif total de ces assemblées, qu'il s'agisse des conseils 
          municipaux, des conseils généraux ou des délégations 
          financières.
 '-------Tel 
          a été, du moins, le principe posé par l'ordonnance 
          du 7 mars 1944. Son application n'a pas soulevé de difficultés 
          pour les conseil municipaux et les conseils généraux. 
          Par contre, la réforme était pratiquement inapplicable 
          aux délégations financières dont on se rappelle 
          qu'elles étaient au nombre de trois : celle des colons, celle 
          des non-colons et celle des indigènes.
 |  |  
         
         -------Aussi 
          une ordonnance du 15 septembre 1945 a-t-elle supprimé les délégations 
          financières qu'elle a remplacées par une " assemblée 
          financière " composée de délégués 
          des commissions des finances des conseils généraux des 
          trois départements d'Algérie. Ces délégués 
          comptaient trois cinquièmes de représentants du premier 
          collège et deux cinquièmes de représentants du 
          deuxième collège.-------A 
          vrai dire, cette réforme n'a eu qu'un caractère tout à 
          fait temporaire. L'Assemblée financière a été 
          supprimée par la loi du 20 septembre 1947 portant statut organique 
          de l'Algérie. Elle a été remplacée par une 
          assemblée aux attributions beaucoup plus étendues, l'Assemblée 
          algérienne, dont la composition est, comme on le sait, paritaire. 
          L'Assemblée algérienne comporte 120 membres : soixante 
          représentants du premier collège et soixante représentants 
          du second.
 -------C'est 
          la première fois qu'en Algérie une assemblée élue 
          - et c'est la plus importante - est composée pour moitié 
          de représentants de chacun des deux collèges.
 -------c) 
          Mais, il y a plus. Dorénavant, les électeurs du deuxième 
          collège ne sont pas représentés exclusivement dans 
          les assemblées locales. Ils ont une représentation propre 
          dans les assemblées constitutionnelles.
 -------Les 
          trois plus importantes d'entre elle, sont l'Assemblée nationale, 
          le Conseil de la République et
 l'Assemblée de l'Union Française.
 -------A l'Assemblée 
          nationale, l'Algérie dispose de 3o sièges dont I5 pour 
          le premier collège et 15 pour le second.
 -------Au 
          Conseil (le la République, 14 sièges sont réservés 
          aux élus des trois départements algériens. Ces 
          sièges sont répartis par moitié entre le premier 
          et le deuxième collège. -----------Enfin, 
          à l'Assemblée de l'Union Française, l'Algérie 
          a droit à une double représentation. D'une part. 12 représentants 
          sont désignés par les Conseils généraux 
          à raison de 4 par départements, 2 pour chacun (les deux 
          collèges. D'autre part, la zone territoriale (le l'Algérie 
          a droit à six représentants. Ces derniers sont désignés 
          par l'ensemble des délégués à l'Assemblée 
          algérienne à raison (le trois au titre (lu premier collège 
          et (le trois au titre du deuxième collège.
 -------Les 
          deux collèges sont donc représentés à parité 
          dans les grande; assemblées constitutionnelle,.
 
 --------------2') 
          Si, abandonnant l'étude des droits politiques, on procède 
          à celle des autres droits reconnus aux musulmans 
          d'Algérie depuis 1944. on constate une évolution encore 
          beaucoup plus accusée.
 -------L'ordonnance 
          (lu 7 mars 1944 pose, en effet, le principe que " les français 
          musulmans d'Algérie jouissent de tous les droits et sont soumis 
          à tous les devoirs des Français non musulmans "
 -------Cette 
          formule ne doit pas induire en erreur. Les musulmans d'Algérie 
          ne perdent aucun (les avantages particuliers dont ils jouissaient antérieurement 
          : maintien (lu statut personnel et successoral, justice civile musulmane. 
          droit d'option. L'ordonnance du 7 mars 1944 veut dire seulement, comme 
          elle le déclare elle-même, que : " toutes dispositions 
          ou mesures d'exception applicables aux français musulmans sont 
          abrogées ". Et précisant la portée de cette 
          abrogation sur un point particulier, l'ordonnance stipule que " 
          tous les emploi, civils et militaires sont accessibles aux musulmans.
 -------On 
          sait qu'il est plus facile de poser de grands principes que d'en assurer 
          une application rigoureuse. Sans doute, l'Administration s'est-elle 
          mise vaillamment à la tâche pour aligner intégralement 
          les droits (les musulmans sur ceux des Européens. Cependant cet 
          alignement se heurte, dans la pratique, à bien des difficultés 
          qu'il faut surmonter les unes après les autres. Aussi, quand 
          il a voté le Statut de l'Algérie, le législateur 
          a-t-il cru nécessaire de rappeler le principe affirmé 
          par l'ordonnance du 7 mars 1944 et d'en déduire un certain nombre 
          de conséquences nécessaires. Il l'a fait dans l'article 
          2 aux termes duquel
 -------" 
          l''égalite effective est proclamée entre tous les citoyens 
          français. "
 -------" 
          Tous les ressortissants de nationalité française des départements 
          d'Algérie jouissent, sans distinction d'origine, de race, de 
          langue et de religion des droits attachés à la qualité 
          de citoyen français et sont soumis aux mêmes obligation;. 
          Ils jouissent, notamment, (le toutes les libertés démocratiques, 
          (le tous les droits politiques, économiques et sociaux attachés 
          à la qualité de citoyen de l'Union française, garantis 
          par le préambule et l'article 81 de la Constitution (le la République 
          Française. Toutes les fonctions publiques leurs sont également 
          accessibles. Dans les armées (le terre, de mer ou (le l'air, 
          dans la magistrature et dans toutes les administrations, services publics 
          ou concédés, services subventionnés, secteurs nationalisés, 
          les conditions de recrutement, de promotion, d'avancement, de rémunération, 
          d'allocation, (le mise à la retraite, (le pensions, s'appliquent 
          à tous, sans distinction (le statut personnel. "
 -------" 
          Des décrets détermineront. dans un délai de six 
          mois à compter (le la promulgation de la présente loi, 
          les conditions d'application (le l'alinéa précédent, 
          notamment en assurant l'égalité absolue des traitement, 
          allocation; ou pensions et la constitution des cadres communs uniques 
          dans les diverses branches des administrations ou services. "
 -------" 
          Aucune mesure, règle ou loi d'exception ne demeure applicable 
          sur les territoires des départements algériens. "
 -------Cet 
          article a plus que valeur d'un simple rappel de l'ordonnance du 7 mars 
          1944. Cette dernière n'était pas applicable aux territoires 
          proprement sahariens. Le statut (le l'Algérie s'étend, 
          au contraire, à tout le territoire (le l'Algérie.
 On peut rattacher au "principe d'égalité" les 
          deux règles posées par l'article 56 (lu Statut.
 -------Suivant 
          la première " l'indépendance 
          du culte musulman à l'égard de l'État est assuré, 
          au même titre que celle (les autres cultes, dans le cadre (le 
          la loi (lu 9 décembre 1905 et du décret du 27 septembre 
          1907 " qui a étendu cette loi à l'Algérie.
 -------Suivant 
          la seconde, " les grandes fêtes musulmanes : Aïd 
          es Seghir. Aïd et Kebir, Mouloud et Achoura sont déclarées 
          fêtes légales en Algérie ", au même titre 
          que les grandes fêtes chrétiennes.
 
 -------B. 
          -- Le deuxième phénomène auquel on assiste depuis 
          1944 est absolument nouveau - il consiste en une 
          véritable dissociation des droits publics et privés du 
          citoyen.
 -------1) 
          Le premier texte qui se soit engagé clans cette voie est l'ordonnance 
          du 7 mars 1944. Dans celles de ses dispositions qui nous intéressent 
          maintenant, cette ordonnance repose sur une idée très 
          simple. Les procédures d'accession individuelle et volontaire 
          à la citoyenneté française, organisées par 
          le sénatus-consulte de 1865 et la loi de 1919, ont échoué 
          parce qu'elles imposaient aux musulmans l'abandon (l'un statut personnel 
          auquel ils sont, pour des raisons essentiellement religieuses, très 
          fortement attachés. I1 faut donc prendre le contre-pied des solutions 
          adoptées clans le passé en faisant accéder (l'office 
          à la citoyenneté française des catégories 
          entières de musulmans qui conserveront, cependant, le bénéfice 
          (le leur statut personnel et successoral particulier.
 -------Les 
          musulmans auxquels l'ordonnance du 7 mars 1944 accorde cette citoyenneté 
          originale sont ceux du sexe masculin, âgés (le 21 ans, 
          et appartenant à l'une des 16 catégories qu'elle énumère 
          et parmi lesquels on peut citer : les anciens officiers : les titulaires 
          de certains diplômes d'un niveau au moins égal au brevet 
          élémentaire ; les fonctionnaires ou anciens fonctionnaires 
          ; les membres actuels ou anciens des chambres de commerce ou d'agriculture 
          ; les bachaghas, aghas, caïds ; les titulaires de certains mandats 
          politiques et de certaines décorations ou distinctions honorifiques.
 -------En 
          somme, l'ordonnance du 7 mars 1944 appelle à l'exercice des droits 
          politiques du citoyen les éléments les plus évolués 
          de la population musulmane. Pour éviter, sans doute, un accroissement, 
          jugé alors excessif, du nombre des " citoyens de statut 
          personnel ", elle précise que la citoyenneté 
          est accordée à titre strictement " personnel ". 
          Cette citoyenneté est donc sans incidence sur le statut juridique 
          des membres de la famille des nouveaux citoyens.
 -------Quant 
          à ces derniers, ils sont inscrits sur les mêmes listes 
          électorales que les citoyens non musulmans et participent aux 
          mêmes scrutins, qu'elles que soient les assemblées à 
          l'élection desquelles on procède.
 -------2") 
          Dans la voie nouvelle qu'elle venait (le tracer, l'ordonnance du 7 mars 
          1944 a été suivie par (le nombreux autres textes.
 -------On 
          peut citer, d'abord, l'ordonnance du 14 mars 1945, suivant laquelle 
          " les Français et Françaises 
          musulmans d'Algérie résidant en France continentale d'une 
          façon continue depuis le 3 septembre1938 exercent sur le territoire 
          continental, le droit de vote pour les élections municipales 
          et cantonales, dans les mêmes conditions que les citoyens français 
          ". On se demande pourquoi cette ordonnance limitait l'exercice 
          du droit de vote aux seules élections municipales et cantonalesà 
          l'exclusion des élections à l'Assemblée souveraine. 
          Mais cette restriction a disparu avec le statut de l'Algérie 
          car, en vertu de son article 3, " les 
          musulmans qui résident en France métropolitaine y jouissent 
          de tous les droits attachés à la qualité de citoyen 
          français ". En application de cette disposition, 
          tous les musulmans qui résident dans la métropole exercent 
          à l'heure actuelle leurs droits électoraux exactement 
          dans les mêmes conditions que les citoyens non musulmans.
 -------Cependant 
          ces musulmans peuvent fort bien, s'ils reviennent en Algérie, 
          ne pas remplir les conditions exigées pour être inscrits 
          sur les listes du premier collège. Ils votent alors dans le second 
          collège.
 -------On 
          petit citer encore la loi du 5 octobre 1946 sur l'élection des 
          membres de l'Assemblée nationale. Pour l'élection (le 
          cette assemblée, mais de cette cette assemblée seulement, 
          elle précise que doivent voter dans le 1er collège, outre 
          les 16 catégories de bénéficiaires de l'ordonnance 
          du 7 mars 1944, " les titulaires de la 
          croix de guerre 1939 pour faits d'armes personnels, les titulaires du 
          certificat d'études primaires, les anciens élèves 
          avant fréquenté un établissement secondaire de 
          la 6ème à la 4ème inclusivement et les membres 
          élus, actuels ou anciens, des conseils d'administration des sociétés 
          indigènes de prévoyance, artisanales et agricoles ".
 -------Ainsi, 
          la composition (les deux collèges électoraux n'est pas 
          la même suivant qu'il s'agit des élections à l'Assemblée 
          nationale ou (les élections aux autres assemblées.
 -------On 
          peut citer, enfin, le Statut de l'Algérie. Il a estimé 
          nécessaire, en effet, de modifier pour l'élection à 
          l'Assemblée algérienne, mais pour cette élection 
          seulement, la composition (les deux collèges électoraux, 
          telle qu'elle était définie par l'ordonnance du 7 mars 
          1944. Il a élargi le premier collège en y inscrivant, 
          en plus des 16 catégories de musulmans visés par cette 
          ordonnance, certaines des catégories mentionnées par la 
          loi du 5 octobre 1946 sur l'élection à l'Assemblée 
          nationale. Mais pas toutes. Il a doue adopté une position intermédiaire 
          entre celle, jugée trop restrictive, de l'ordonnance (lu 7 mars 
          1944 et celle, jugée trop libérale, de la loi du .5 octobre 
          1946. C'est ainsi qu'il s'est refusé à inscrire sur les 
          listes du premier collège, pour l'élection à l'Assemblée 
          algérienne, les titulaires du certificat d'études primaires 
          et les anciens élèves ayant fréquenté un 
          établissement secondaire de la 6è à la 4è 
          inclusivement. Il a prévu, cependant, que tous les électeurs 
          inscrits dans le premier collège lors (le l'entrée en 
          vigueur (lu Statut continueraient à voter dans ce collège.
 -------Il 
          résulte de ces indications très sommaires qu'en droit 
          tout au moins la composition des collèges électoraux varie 
          suivant les élections. En règle générale 
          cette composition est définie par l'ordonnance du 7 mars 1944, 
          niais pour l'élection à l'Assemblée nationale, 
          il faut se référer à la loi du 3 octobre 1946 et 
          pour l'élection à l'Assemblée algérienne 
          au Statut de l'Algérie.
 
 -------C-- 
          La conjonction des deux phénomènes analysés ci-dessus 
          a, on le devine aisément, compliqué 
          singulièrement l'évolution du statut juridique des musulmans 
          d'Algérie depuis 1944.
 -------La 
          confusion se trouve encore accrue par deux réformes qu'il paraît 
          impossible de rattacher à l'un ou à l'autre de ces phénomènes.
 -------a) 
          La première a été opérée par la loi 
          du 7 mai 1946 qui déclare conférer la citoyenneté 
          française à tous les ressortissants des territoires d'outre-mer, 
          Algérie comprise. En ce qui concerne l'Algérie, elle réalise 
          un engagement contenu dans l'ordonnance du 7 mars 1944 et suivant lequel 
          tous les musulmans étaient " appelés 
          à recevoir la citoyenneté française ". 
          La portée morale de la loi du 7 mai 1946 est évidemment 
          des plus grandes. Mais il ne s'agit que d'une portée morale car 
          ce texte précise que des lois particulières établiront 
          les conditions dans lesquelles les nouveaux citoyens exerceront leur 
          droit de citoyenneté. Le statut juridique des musulmans (l'Algérie 
          n'a donc pas été - directement du moins - modifié 
          par la loi du 7 mai 1946.
 -------b) 
          La seconde réforme est moins réalisée qu'annoncée 
          par l'article 4 du Statut de l'Algérie aux termes duquel : " 
           Les femmes musulmanes jouissent du droit de 
          vote. Une décision de l'Assemblée algérienne, prise 
          dans les conditions prévues aux articles 14, 15 et 16 du présent 
          statut fixera les modalités de l'exercice du droit de vote. 
          " -------Aucune 
          décision de l'Assemblée algérienne n'a encore été 
          prise à ce sujet.
 III -------Voilà, 
          dans ces très grandes lignes, quelle a été l'évolution 
          complexe imprimée au Statut juridique des musulmans d'Algérie 
          depuis 1944. On peut dire que cette évolution frise la révolution. 
          Les progrès réalisés sont considérables 
          et orientés dans toutes les directions. Mais précisément 
          parce que ces progrès sont considérables et qu'ils ont 
          été réalisés avec une très grande 
          hâte, ils ne sont pas sans susciter (les difficultés et 
          sans poser des problèmes nouveaux.-------1 
          ) Une des difficultés les plus graves résulte de la 
          loi du 7 mai 1946 qui a conféré la citoyenneté 
          française à tous les musulmans d'Algérie. En droit 
          strict, on devrait admettre que cette loi rend caduques les procédures 
          d'accession à la citoyenneté française organisées 
          par le sénatus-consulte de 186 et la loi de 1919. Quand 
          on est citoyen français, on n'a pas à accéder à 
          la citoyenneté française.
 -------Il 
          n'en demeure pas moins que la majorité des musulmans d'Algérie 
          conservent leur statut personnel] et sont inscrits sur les listes du 
          2è collège. Il est donc indispensable d'organiser une 
          nouvelle procédure qui leur permette. s'ils le désirent, 
          de renoncer à leur statut personnel et de se faire inscrire sur 
          les listes (lu premier collège. Un projet (le loi a été 
          préparé dans ce sens, mais sa mise au point nécessairement 
          longue n'a pas encore permis son adoption par le Parlement.
 -------Et 
          comme, pratiquement, on ne saurait refuser aux musulmans la possibilité 
          (le renoncer à leur statut personnel et d'obtenir leur inscription 
          sur les listes du premier collège, on continue provisoirement 
          à faire application du sénatus-consulte de 1865 et de 
          la loi de 1919. Mais il faut bien reconnaître que, sur le plan 
          juridique. il y a là plus qu'une anomalie.
 -------2) 
          Une deuxième difficulté a pour cause le changement 
          (le composition des' collèges électoraux suivant les élections. 
          En fait, il n'existe, semble-t-il, qu'une seule liste électorale 
          pour chacun des deux collèges. Figureraient sur celle du premier 
          collège tous les musulmans qui y ont été inscrits 
          à l'occasion d'une élection quelconque avant l'intervention 
          du Statut et, par ailleurs, ceux qui, depuis l'intervention du Statut, 
          remplissent les conditions légales pour voter clans le premier 
          collège quand il s'agit de l'élection à l'Assemblée 
          algérienne. Si telle était la solution adoptée 
          par l'Administration, on ne pourrait - malgréson caractère 
          libéral -- qu'en souligner l'irrégularité au point 
          (le vue juridique. Il serait donc utile que le législateur intervint 
          pour donner aux deux collèges électoraux une composition 
          uniforme, indépendante (les élections auxquelles il est 
          procédé.
 -------3) 
          On ne peut manquer d'observer, d'autre part, que si les représentants 
          des deux colléges siègent à parité à 
          l'Assemblée algérienne, dans les autres assemblées 
          locales. au contraire, 3/5è des sièges sont réservés 
          aux élus du 1er collège, 2/5 seulement aux élus 
          du 2è. Quels que soient les arguments. parfaitement justifiés, 
          que l'on peut invoquer pour expliquer cette différence de régime, 
          il est certain que les musulmans du deuxième collège seront 
          tout naturellement tentés de demander l'extension à toutes 
          les assemblées locales de la solution admise pour l'Assemblée 
          algérienne.
 -------4) 
          Les trois difficultés qui viennent d'être signalées 
          sont, sans doute, les plus importantes. mais ce ne sont pas les seules. 
          Ainsi, l'égalité effective que l'article 2 du Statut proclame 
          entre tous les citoyens, pose de nombreux problèmes de détail 
          dont on ne peut affirmer qu'ils sont tous complètement résolus.
 -------De 
          même, les modalités d'exercice du droit de vote reconnu 
          aux femmes musulmanes par le Statut de l'Algérie n'ont pas encore 
          été précisées par l'Assemblée algérienne. 
          Ces modalités reproduiront-elles celles dont est assorti le droit 
          de vote des musulmans du sexe masculin ? Seront-elles, au contraire, 
          différentes ? Les deux points de vue ont été soutenus 
          et l'on ne peut préjuger la décision qui, en définitive, 
          interviendra.
 -------Ce 
          rappel de quelques-unes des difficultés, de quelques-uns des 
          problèmes qui se posent à l'heure actuelle ne tend nullement 
          à minimiser l'importance et la valeur de réformes opérées 
          depuis 1944. Ces réformes sont substantielles et heureuses. Cc 
          serait une erreur, cependant, de croire qu'il suffit de les appliquer 
          en toute bonne foi. en effet bien que l'ére des réformes 
          profondes soi révolue ,celle du repos n' a pas encore sonné 
          , si tant qu'elle sonne jamais .Un travail moins glorieux et plus ingrat 
          est encore nécessaire. Il reste à clarifier, à 
          harmoniser, à adapter, à tirer des conséquences.
 -------C'est 
          là le travail d'aujourd'hui et ce sera peut-être encore 
          celui de demain.
  Jacques BEYSSADE,Administrateur civil du Ministère de l'.Intérieur
 au Gouvernement général de l'Algérie.
 
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