| --------Chacun s'accorde 
        à constater que le régime de la propriété 
        foncière en Algérie est complexe. Mais seuls les initiés 
        ou les spécialistes mesurent exactement cette complexité 
        et en connaissent les véritables causes. Car à l'idée 
        de complexité on est souvent tenté d'associer celle de responsabilité 
        de l'Administration. Le but de cet exposé n'est d'ailleurs pas 
        de plaider la cause de cette dernière et de démontrer que 
        tout ce qu'elle a fait dans ce domaine reléve de la perfection. 
        Il appartiendra au lecteur de faire objectivement la part des choses et 
        de distinguer, au cours d'une pareille étude, parmi les causes 
        de cette complexité, celles qui ne sont Pas imputables à 
        la fiance.---------Parlant 
        des nations civilisées, André Gide n'a-t-il pas déjà 
        dit :"La propriété foncière 
        est de date relativement récente dans l'histoire, et, même, 
        elle a beaucoup de peine à se constituer " ? On 
        a pu soutenir également que "mises 
        à part les conquêtes, l'histoire de la propriété 
        marque le degré de l'évolution historique d'un pays et d'un 
        peuple ".
 ---------Ces 
        grandes vérités étant ainsi rappelées, il 
        devient possible d'annoncer le plân qui va être suivi et qui 
        comprendra deux grandes parties :
 ---------situation 
        foncière de l'Algérie avant l'occupation, ------------situation 
        actuelle,
 ---------la 
        première partie comportant un aperçu de la législation 
        musulmane auquel s'attache non seule-ment un intérêt historique 
        mais aussi un intérêt actuel, puisque de nombreuses terres 
        se trouvent encore placées sous le statut musulman.
 CHAPITRE 1  ---------Aperçu 
        de la Législation musulmane---------La 
        loi musulmane, qui ne repose pas sur un texte codifié mais sur 
        le livre saint, le Koran, et sur la tradition orale, juridique ou scolastique, 
        ne contient aucune réglementation cohérente de la propriété 
        foncière : on en déduit seulement diverses prescriptions, 
        éparses et parfois contradictoires
 ---------L'un 
        des plus célèbres commentateurs, Sidi Khalil, résume 
        ces règles ainsi qu'il suit :
 ---------Les 
        territoires des pays conquis deviennent ouakf ou habous, c'est-à-dire 
        qu'il sont immobilisés. (Trad de Perron, tome II, p. 269).
 ---------Dans 
        le cas de capitulation, les habitants sont maintenus en possession, sauf 
        paiement du tribut ; ils peuvent vendre et disposer (Perron, tome p. 293 
        à 295).
 ---------Les 
        terres qui n'ont subi de la part de personne le fait d'appropriation, 
        sont terres mortes ; elles n'appartiennent à personne et sont acquises 
        au premier occupant par leur vivification ou mise en valeur (Perron, tome 
        V, p. 3 et suivantes).
 ---------La 
        vivification entraine le droit de jouir d'une surface adjacente qui se 
        prolonge jusqu'à une distante égale à celle que pourrait 
        atteindre, par exemple, un bûcheron ou un pâtre qui, partant 
        au point du jour, iraient l'un faire du bois, l'autre faire paître 
        un ttpupeau et qui ayant rempli leur tâche, rentre-raient au pays 
        avant le coucher du soleil.
 ---------La 
        propriété s'établit encore au moyen de concessions 
        faites par le Souverain. Mais les terres productives, dans les pays conquis 
        de vive force, ne doivent être concédées qu'à 
        titre d'usufruit par la raison que la conquête les immobilise immédiatement 
        au profit de la communauté musulmane.
 ---------Pour 
        vivifier une terre rapprochée d'autres terres déjà 
        utilisées, on doit au préalable en obtenir l'autorisation 
        du Souverain. Faute d'autorisation, l'occupant peut être expulsé 
        par le Souverain.
 ---------Quant 
        aux terres éloignées des terres habitées ou cultivées, 
        elles peuvent être vivifiées sans aucune autorisation.
 ---------La 
        propriété constituée peut être acquise par 
        prescription en justifiant d'une possession exclusive de dix ans vis-à-vis 
        d'un étranger et de quarante vis-à-vis d'un parent, allié 
        ou associé.
 ---------Elle 
        peut être transmise par vente, donation ou succession.
 ---------Elle 
        peut être aussi immobilisée, autrement dit constituée 
        habous dans une intention pieuse et désintéressée.
 ---------Le 
        habous consiste à donner l'usufruit d'une chose, pour une 
        durée égale à celle de la chose, (Perron, tome V, 
        p. 24 et suivantes).
 ---------Les 
        immeubles constitués habous sont inaliénables et imprescriptibles.
 ---------Le 
        fondateur peut se réserver le droit d'en percevoir les fruits pour 
        en faire la répartition entre les ayants droit.
 ---------Peu 
        à peu, à la faveur de cette dernière disposition, 
        le habous a été detourr.é de sa destination première 
        et employé pour déroger au droit successoral institué 
        par le Prophète.
 ---------D'après 
        le Coran, les femmes sont héritières : or, les constitutions 
        des habous. telles qu'elles sont pratiquées depuis longtemps, les 
        excluent d'habitude de la succession en stipulant que l'usufruit des biens 
        habousés appartiendra d'abord au fondateur, puis à sa postérité 
        de mile en mile, à l'exclusion des filles.
 ---------Le 
        droit de Chefaà, comme le habous, a pesé d'une influence 
        cons. lérable sur la proprio é ; ce droit permet à 
        tout indivisaire de contraindre un acquéreur étranger de 
        lui rétrocéder, moyennant le remboursement du prix, la part 
        qui lui a été vendue.
 ---------Le 
        droit de chefaà doit être exercé dans un délai 
        fort court, spécialement dans le cas où Pacquéreur 
        met le copropriétaire en demeure de se prononcer immédiatement 
        apres se contrat. Mais, le retrayant est à l'abri de toute déchéance 
        et i1 peut faire valoir son droit à toute époque s'il était 
        absent au moment de la vente ou s'il n'en a pas eu connaissance ; circonstance 
        aggravante, dans le cas de contestation, s'il nie avoir eu connaissance 
        de la vente, il est cru sur parole à la condition de prêter 
        serment.
 ---------Enfin, 
        parmi les contrats qui peuvent grever la propriété, sont 
        la rahnia et la tsenia.
 ---------La 
        rahnia est l'équivalent de l'antichrèse ; la tsenia correspondrait 
        à la vente à réméré. N'étant 
        soumises à aucune formalité de publicité, elles constituent 
        des charges occultes. Au surplus, contraire-ment à ce qui se passe 
        dans notre droit français, ce sont des contrats à durée 
        illimitée.
 ---------Il 
        convient d'ajouter que toute convention peut être prouvée 
        par témoins, quelle que soit la valeur sur laquelle elle porte 
        et quel que soit le bien, meuble ou immeuble, qu'elle ait pour objet.
 ---------Comme 
        on le voit, la législation musulmane ne prévoit aucune précaution 
        pour prémunir les tiers contre la fraude ; elle favorise l'immobilisation 
        par le habous et l'indivision par la chefaà.
 ---------2. 
        - Etat de la propriété en Algérie au montent de la 
        conquête.---------La 
        situation de fait de la propriété algérienne au moment 
        de la conquête française avait pour origine les Kanouns kabyles, 
        le droit musulman tel qu'on l'a vu au paragraphe précédent, 
        les coutumes variées provenant du mélange des lois musulmanes 
        et des Kanouns kabyles, et les errements établis par le gouvernement 
        turc.
 ---------Les 
        diverses tribus qui constituaient des unités sociales et ethniques 
        indépendantes n'étaient pas placées sous un régime 
        identique ; elles pouvaient être divisées en quatre catégories, 
        selon :
 ---------1)- 
        quelles étaient établies en terrain beylik ou de l'Etat
 ---------2)- 
        qu'elles étaient installées sur des territoires Maghzen 
        ;
 ---------3) 
        - qu'elles possédaient des territoires melk ;
 ---------4)- 
        ou qu'elles occupaient des territoires arch ou sabega.
 ---------1/ 
        - Territoires beylik.
 ---------Le 
        gouvernement turc était propriétaire de vastes territoires, 
        désignés dans le département de Cons-tantine sous 
        le nom d'Azel, dont il disposait au mieux de ses intérêts 
        : tantôt il percevait directement le revenu sous forme de fermage, 
        tantôt il en faisait l'attribution à titre d'apanage à 
        un prince, à un fonctionnaire ou même à un service 
        public.
 ---------Les 
        indigènes qui les occupaient étaient de simples métayers 
        ; ils payaient un fermage (hokor), plus l'impôt , en outre, ils 
        devaient un certain nombre de corvées et de prestations plus ou 
        moins facultatives.
 ---------Le 
        beylik avait, en outre, la disposition des terres mortes tant qu'elles 
        n'étaient l'objet d'aucune vivification ; les bois et forêts 
        lui appartenaient à titre privé ; il était maître 
        également des mines et des carrières.
 ---------2/- 
        Territoire. Maghzen.
 ---------Les 
        forces militaires dont disposaient les Turcs pour maintenir le pays sous 
        leur domination étaient peu nombreuses ; pour y suppléer, 
        ils avaient constitué des colonies militaires désignées 
        sous le nom de Maghzen. ---------Profitant 
        des désordres régnant dans le pays, les favorisant même 
        parfois pour les besoins de leur politique, ils s'emparaient du territoire 
        des tribus rebelles ou qui refusaient de payer l'impôt, le confisquaient 
        et l'attribuaient aux gens du Maghzen.
 ---------Un 
        traité intervenait alors entre le représentant du gouvernement 
        et les familles indigènes admises a entrer dans le Maghzen_ Chaque 
        chef de famille recevait un lot de terre, des instruments de travail, 
        des armes et un cheval. En échange, il s'engageait à fournir, 
        à toute réquisition, un service militaire, organisé 
        sous les ordres d'un caïd, consistant à assurer tant la répression 
        des mouvements insurrectionnels que la perception des impôts.
 ---------Des 
        tribus furent ainsi constituées dans toute l'Algérie, sur 
        les points stratégiques les mieux choisis.
 ---------Les 
        concessions territoriales faites aux gens du Maghzen, outre qu'elles étaient 
        toujours résiliables, au gré du gouvernement, pour défaut 
        d'exécution des conditions imposées, n'attribuaient pas 
        à leurs bénéficiaires des droits partout uniformes 
        : dans quelques tribus, les indigènes pouvaient disposer des terres 
        reçues connue de leurs biens propres, les aliéner, les partager 
        ; dans d'autres, au contraire, et c'était la généralité, 
        ils étaient placés dans l'état de simples possesseurs, 
        ne pouvant ni céder leur droit de jouissance à un étranger, 
        ni les transmettre par décès â d'autres que leurs 
        descendants mâles.
 ---------En 
        un mot dans les tribus Maghzen, la possession du sol était essentiellement 
        précaire.
 
 ---------3/ 
        - Territoires melk.
 ---------Les 
        terres melk appartenaient aux occupants en pl ne propree dans les conditions 
        déterminées par la loi musulmane.
 ---------Elles 
        étaient libres, aliénables à la volonté du 
        possesseur, soumises au droit commun, donnant à ce-lui qui en est 
        le propriétaire le droit d'en disposer et d'en jouir de la manière 
        la plus absolue. Elles étaient fréquemment possédées 
        à l'état d'indivision par une nombreuse famille, surtout 
        dans les pays arabes, car en Kabylie, au contraire, le goùt de 
        la possession privative va jusqu'à se manifester dans le partage, 
        branche par branche, d'un seul arbre.
 ---------Par 
        suite de l'état de guerre presque permanent qui existait dans les 
        tribus et des difficultés que rencontrait leur conservation, les 
        titres qui constataient la propriété de ces terres étaient 
        peu nombreux. Dressés par des écrivains sans caractère 
        officiel et toujours suspects de falsification, ils n'offraient aucune 
        garantie ; en outre, faute d'indications précises, ils ne pouvaient 
        être appliqués sur les lieux qu'avec la plus large tolérance.
 ---------D'ailleurs, 
        que la propriété melk reposât sur un titre écrit 
        ou sur la simple possession, ce qui était le cas le plus général, 
        sa consistance était toujours mal définie.
 ---------Nota. 
        - Il sera parlé à nouveau des caractéristiques des 
        terres melk dans le chapitre II qui traite de la situation actuelle des 
        terres.
 
 ---------4/ 
        - Territoires arch ou sabega.
 ---------On 
        a défini comme suite cette tenure particulière :
 ---------Le 
        fonds (du bien arch ou sabega) était réputé appartenir 
        au souverain qui en abandonnait la jouissance à la tribu. Celle-ci 
        usait de cette jouissance comme elle l'entendait, mais sans pouvoir aliéner 
        le
 fonds. Chaque tribu était libre d'adopter un mode de jouissance 
        particulier, suivant les besoins ou les nécessités de la 
        communauté. Toutefois, la règle à peu près 
        générale était que tout membre de la tribu avait 
        droit à la jouissance des superficies qu'il était à 
        même de mettre en valeur. Le premier occupant conservait cette jouissance 
        de la terre, tant qu'il pouvait continuer à la vivifier, et il 
        la transmettait dans les mêmes conditions à ses héritiers 
        màles en ligne directe. Cette transmission s'opérait même 
        parfois en ligne collatérale à défaut d'héritiers 
        directs (Vignard, Conseil Supérieur, séance du 5 décembre 
        1882).
 ---------Nota. 
        - Comme les terres melk, les terres arch et sabega réapparaîtront 
        dans le chapitre II, pour le même motif.
 ---------Il 
        y avait donc en Algérie, avant 1830, deux genres de propriété 
        : d'un côté, le melk, bien possédé à 
        titre privatif, régi par les statuts de la loi musulmane, de l'autre 
        le blad el arch, la terre de tribu, bien impersonnel, possédé 
        par des communautés et régi par les us et coutumes locaux, 
        résultant de nécessités locales.
 ---------A 
        cette nomenclature, il convient d'ajouter les terres du Sahara où 
        tout système foncier n'est que fonction du régime des eaux.
 ---------Tel 
        était, exposé aussi succinctement que possible l'état 
        de la propriété en Algérie avant la conquète. 
        Il est caractérisé par l'insécurité résultant 
        des charges occultes (habens, rahnias et tsenias), par le dé-faut 
        de toute précision dans la consistance des biens ruraux, par l'indivision 
        des terres melk, par l'indécision des droits des détenteurs 
        des terres maghzen, arch ou sabega, en un mot, par l'absence des éléments 
        essentiels à la propriété et nécessaires à 
        tout progrès.
 CHAPITRE II ---------Situation 
        juridique actuelle des terres---------Avant 
        de passer à l'examen de la situation actuelle des terres, il conviendrait 
        d'évoquer et de suivre pas à pas depuis l'origine de notre 
        installation, l'évolution et la transformation de l'état 
        juridique de la propriété. C'est ce qu'on a coutume d'appeler 
        l'histoire foncière de l'Algérie et qui consiste à 
        analyser les différentes mesures intervenues tant dans le domaine 
        réglementaire que législatif de 1830 à nos jours. 
        Outre que cette analyse ne manque pas d'être longue et fastidieuse, 
        il n'apparaît pas qu'elle soit vraiment nécessaire pour les 
        besoins de cet exposé.
 ---------Trois 
        textes revêtent une importance particulière :
 ---------- 
        la loi du 16 juin 1851 qui a défini les domaines public et privé 
        de l'Etat, des départements et des communes ;
 ---------- 
        le sénatus-consulte du 22 avril 1863 qui a déclaré 
        les tribus propriétaires des territoires dont elles avaient la 
        jouissance permanente et traditionnelle à quelque titre que ce 
        soit (terres arch) et prescrit la délimitation de leurs territoires, 
        leur répartition entre les différents douars de chaque tribu, 
        la détermination des biens communaux et la reconnaissance des biens 
        domaniaux, puis l'établissement de la propriété individuelle 
        ;
 ---------- 
        la loi du 26 juillet 1873 dont le but peut être ainsi précisé 
        :
 ---------mettre 
        la propriété indigène sous le régime de la 
        loi française, reconnaître et constater les droits individuels 
        dans les territoires melk,
 ---------constituer 
        la propriété individuelle dans les territoires collectifs,
 ---------dans 
        l'un comme dans l'autre cas, délivrer aux ayants droit des titres 
        formant le point de départ de la propriété.
 
 ---------Avec 
        cette loi est née la théorie de la francisation selon laquelle 
        toute terre francisée passe définitivement sous le statut 
        réel français alors que jusqu'à 1873 elle pouvait 
        retomber sous le statut musulman.
 ---------Précisons 
        encore que la francisation de la terre reste sans effet sur le statut 
        personnel du propriétaire lorsque celui-ci est musulman. Ce dernier 
        conserve donc son statut personnel qui, on le sait, gouverne notamment 
        l'état des personnes, la loi successorale, le régime matrimonial, 
        etc...
 ---------D'autres 
        textes seraient encore à connaître, en particulier les lois 
        des 16 février 1897, 4 août 1926 et 16 juin 1951. Toutes 
        trois encore partiellement ou totalement en vigueur. Leur étude 
        n'est toutefois pas indispensable ( Il 
        suffit de savoir que ces lois, du moins les deux premières, Instituent 
        des processus d'enquête partielle et d'ensemble qui se sont substituées 
        à celles de la loi de 1873 qui à l'expérience avaient 
        révélé de nombreuses imperfections.) pour 
        la compréhension de la nomenclature des terres actuelles qui va 
        être maintenant donnée ci-après :
 ---------1. 
        - TERRES DOMANIALES
 ---------II. 
        - TERRES COMMUNALES
 ---------III. 
        - TERRES DE PROPRIETE PRIVEE
 ---------Celles-ci 
        se subdivisent en :
 ---------a) 
        terres francisées
 ---------b) 
        terres non francisées. (Terres soumises au statut mixte et terre 
        melk).
 ---------IV 
        - TERRES ARCH OU SABEGA
 |  | 1. - LE DOMAINE DE L'ETAT 
        dont la composition est indiquée par l'article 4 de la loi du 16 
        1951 ( Modifiée et complétée par l'ordonnance du 
        13 avril 1943) comprend :- les biens que le Code Civil attribue, en France, à l'Etat,
 - les biens provenant du Beylick,
 - les biens sequestrés,
 - les bois et forêts.
 ---------Les 
        biens domaniaux peuvent être aliénés - concédés 
        - donnés à bail ou affectés à des services 
        publics.
 ---------Les 
        baux peuvent être, suivant le cas, passés par le Préfet 
        assisté du tribunal administratif -- par le Gouverneur Géneral 
        - au par décret.
 
 2- LE DOMAINE COMMUNAL comprend, en dehors 
        des bâtiments affectés aux services, les biens déclarés 
        biens communaux par la législation de France, ainsi que les dotations 
        prélevées sur le domaine de l'Etat, qui leur sont faites 
        gratuitement ou à prix réduit.
 ---------Un 
        domaine très important est celui qui, à la suite des opérations 
        du sénatus-consulte, a été attribué aux douars 
        considérés par la législation algérienne comme 
        des sections de commune ayant leur personnalité morale. Ces biens 
        - constitués pour la très grande partie, par des terres 
        de parcours - ne peuvent être aliénés que par les 
        djemaas et sauf autorisations accordées par le Gouverneur Général 
        ou par décret suivant la valeur de l'immeuble déterminée 
        par exertise.
 ---------Ils 
        peuvent également faire l'objet de locations.
 ---------Pratiquement 
        la durée de ces locations n'excède pas 18 ans. Les baux 
        les plus courants sont ceux d'une durée de 3, 6 ou 9 ans. Dans 
        les douars où les communes sont d'une étendue restreinte, 
        l'administration recourt fréquemment à la location de gré 
        à gré pour éviter de favoriser les fellahs les plus 
        fortunés.
 
 III. - LES TERRES DE PROPRIETE PRIVEE, comprennent 
        depuis la loi du 26 juillet 1873 deux grandes subdivisions : les terres 
        francisées et les terres non francisées :
 ---------A) 
        Les immeubles francisés sont sauf quelques 
        réserves soumis à toutes les prescriptions de la loi française 
        et les litiges auxquels ils peuvent donner lieu sont tranchés par 
        les tribunaux français. Peu importe ic statut du propriétaire, 
        français ou musulman. Le caractère de terre francisée 
        est indélébile. Contrairement à ce qu'avait décidé 
        le législateur du 16 juin 1851, ce caractère subsiste, quand 
        bien même la terre passe des mains d'un propriétaire français 
        dans celles d'un acquéreur resté soumis au statut musulman.
 ---------Mais 
        parmi les terres francisées, une distinction est encore à 
        faire.
 ---------Les 
        unes, en effet, sont francisées et purgées ; les autres 
        simplement francisées, rendant par suite possible le conflit entre 
        la législation française, et la législation musulmane 
        qui ignore le système de publicité des contrats en sorte 
        que les droits antérieurs au titre continuent de subsister, sans 
        autres conditions que celles exigées par la loi musulmane. Cette 
        survivance est d'ailleurs plus théorique que pratique et on ne 
        doit pas sen exagérer l'importance qui va en diminuant avec l'effet 
        du temps. Une terre -- et elles sont nombreuses - acquise en totalité 
        par la voie notariale est, au bout d'un certain nombre
 années à l'abri de toute revendication basée sur 
        un droit antérieur à sa francisation. Il est exact toutefois 
        que des spéculateurs ou des ayants droit de bonne fois, conservent 
        la possibilité de faire valoir de tels droits.
 ---------a) 
        Les terres francisées et purgées sont
 ------------------1 
        - Les terres qui ont fait l'objet de titres délivrés en 
        exécution de l'ordonnance de 1846 et par voie de conséquence, 
        les terres situées dans les localités que l'article 1er 
        de cette ordonnance dispense des mesures de vérification qu'elle 
        ordonne ;
 ------------------2° 
        - Les terres qui ont fait l'objet de titres délivrés en 
        exécution des opérations de cantonnement ;
 ------------------3 
        - Les terres pour lesquelles existent des titres délivrés 
        en exécution de la troisième opération du sénatus-consulte 
        de 1863 (constitution de la propriété individuelle).
 ---------Ces 
        trois catégories de terres ne sont données que pour mémoire 
        car d'une part elles ne peuvent exister que sur des points bien déterminés 
        du territoire de l'Algérie du Nord. D'autre part leur francisation 
        appelle une réserve importante : elle n'est devenue définitive 
        qu'après la loi de 1873 et à la condition qu'entre temps, 
        la terre ne soit pas retombée sous le statut réel musulman.
 ------------------4- 
        Les terres qui ont fait l'objet des procédures d'ensemble ou partielles 
        orkanisécs pur les lois de 1873, 1897 et 1926.
 ---------Ce 
        sont, de beaucoup, les plus importantes. Une carte foncière éditée 
        en 1952 fait apparaître sous une teinte violette tous les douars 
        qui ont été soumis aux enquêtes de la loi de 1873 
        et par une teinte verte ceux auxquels a été appliquée 
        la loi de 1926.
 ---------Les 
        enquêtes partielles qui n'embrassent pas l'ensemble d'un territoire 
        n'ont pu évidemment y être représentées. Il 
        existe toutefois un fichier des douars qui renseigne exactement sur le 
        nombre d'enquêtes partielles ouvertes dans chacun d'eux et le pourcentage 
        de leurs terres ainsi francisées par rapport aux superficies totales.
 ---------Ces 
        pourcentages pourront être représentés par un quadrillage 
        plus ou moins serré dans une prochaine édition de ladite 
        carte.
 ---------Toutes 
        ces terres sont à la fois francisées et purgées en 
        ce sons que tous les droits réels antérieurs aux titres 
        qui n'ont pas été révélés au cours 
        de la procédure sont abolis alors que ceux qui ont été 
        divulgués sont désormais soumis aux mêmes règles 
        que les droits réels admis par la législation française.
 
 ---------b) 
        Les terres francisées mais non purgées sont :
 ------------------1. 
        - Les terres dont la propriété est établie par un 
        acte administratif ou notarié à compter du jour où 
        la loi de 1873 est devenue obligatoire, si l'acte est antérieur 
        à la loi, et à partir du jour même de l'acte, si ce 
        dernier est postérieur à la loi ;
 ------------------2. 
        Les terres dont la propriété est établie par un jugement 
        rendu, en matière française seulement, par les juridictions 
        françaises.
 
 ---------B) 
        Les terres de propriété privée soumises au statut 
        mixte établi par la loi de 1851. Entre européens 
        ou entre européens ou musulmans on suivait le code civil. Entre 
        musulmans on appliquait le droit musulman. La terre pouvait ainsi passer 
        successivement du statut français sous le statut musulman lors-qu'achetée 
        à un musulman par un européen elle était ensuite 
        aliénée par celui-ci à un musulman. Il s'agit là 
        d'une catégorie bien particulière qui a cessé d'exister 
        pour le Tell à partir de la loi de 1873 et pour les Territoires 
        du Sud à compter du statut de l'Algérie.
 ---------Pour 
        le Tell, le statut mixte ne peut intervenir encore que dans l'histoire 
        d'une terre. Il se peut, en effet, que dans un procès des experts 
        soient amenés à remonter très loin dans la filière 
        des propriétaires et à rencontrer une situation juridique 
        relevant du statut mixte pour la période antérieure à 
        la loi de 1873. Dans les Territoires du Sud, les mêmes constatations 
        sont possibles pour la période antérieure au statut de l'Algérie.
 ---------On 
        voit donc que ce statut mixte ne peut plus jouer actuellement -- hormis 
        tes incidences - . et n'a plus qu'un caractère historique.
 
 ---------C) 
        La terre melk est la terre qui appartient à ses occupants, 
        en pleine propriété, dans les conditions déterminées 
        par la loi musulmane (voir définition donnée précédemment).
 
 ---------Les 
        caractéristiques de cette forme de tenure ne se sont guère 
        modifiées : identification physique et juridique toujours aussi 
        imprécises avec une aggravation de l'indivision en pays arabe et 
        du morcellement en Kabylie par suite de l'augmentation de la population.
 ---------On 
        sait que l'indivision tient à plusieurs causes :à la loi 
        successorale musulmane qui appelle un nombre considérable d'héritiers, 
        à la constitution de la famille musulmane qui professe un grand 
        respect pour l'autorité patriarcale de son chef, enfin aux dispositions 
        des populations qui, en pratiquant une vie commune, peuvent se suffire 
        plus aisément.
 ---------Cette 
        situation est une des causes essentielles du sous-développement 
        des terres melk. Elle n'est d'ailleurs pas spéciale à l'Algérie. 
        On la retrouve au Maroc, en Tunisie et même en Afrique Noire. On 
        peut dire que d'une façon générale les moyens imaginés 
        pour la combattre, les uns visant à rompre complôtement l'indivision, 
        les autres à la diminuer, n'ont pas abouti à des résultats 
        bien appréciables. La rupture totale de l'indivision risque en 
        effet d'aboutir à une pulvérisation du sol alors que son 
        main-tien paralyse l'action des co-indivisaires. Entre ces solutions extrêmes, 
        il y a une solution moyenne : le partage par famille ou par feu, préconisé 
        par la loi de 1926 et pratiqué par les populations sous forme de 
        partages provisionnels ou de jouissance. Un régime foncier de pays 
        évolué ne saurait évidemment s'accommoder de tels 
        partages. Or, les procédures d'enquête instituées 
        par nos lois foncières et qui ont pour effet de franciser les terres 
        melk n'apportent à cette situation qu'un remède temporaire. 
        Clarifiée, souvent simplifiée par la purge attachée 
        auxdites procédures, l'indivision ne tarde pas à renaître 
        au bout d'un certain nombre d'années. On a môme prétendu 
        qu'elle se trouvait aggravée par la francisation qui opère, 
        par les titres de propriété, une manière de cristallisation 
        des quote-parts révélées. Aussi le législateur 
        a-t-il prévu la possibilité de soumettre à de nouvelles 
        enquêtes, les terres anciennement francisées, pensant sans 
        doute, que la seule solution au problème ne pourrait se trouver 
        que dans des me-sures de révision et de purge périodiques.
 
 IV. - TERRES ARCH OU SABEGA. 
        -
 ---------Ce 
        sont les terres dévolues aux tribus, en vertu du principe posé 
        par le sénatus-consulte de 1863 suivant lequel ces collectivités 
        étaient déclarées propriétaires incontestables 
        des terres dont elles avaient la jouissance permanente et traditionnelle.
 ---------La 
        tribu - ou plutôt le douar - en possède le domaine éminent 
        ; les membres de la tribu en exercent l'usufruit, usufruit spécial 
        qui peut conduire à l'appropriation privée en tenant compte 
        des caractéristiques spéciales de la terre arch qui se résument 
        ainsi :
 ---------1. 
        - Inaliénabilité ;
 ---------2. 
        - Obligation de vivifier le sol pour en conserver la jouissance ;
 ---------3. 
        - Transmission de la terre de mâle à mâle en ligne 
        directe ;
 ---------4. 
        Interdiction de tout contrat impliquant le titre de propriétaire 
        ;
 ---------5. 
        - Compétence exclusive de l'autorité administrative dans 
        le règlement des litiges portant sur cette catégorie de 
        terres ;
 ---------6. 
        - Indivision rare ou très réduite du fait du mode de dévolution.
 ---------La 
        terre arch ne peut devenir propriété privée qu'à 
        la suite d'une enquête partielle requise par son occupant ou par 
        un acquéreur européen ou musulman, l'acquisition ne pouvant 
        avoir lieu que sous condition suspensive.
 ---------Le 
        titre de propriété délivré en suite de cette 
        procédure francise et. forme le point de départ de la propriété.
 ---------L'administration 
        peut également, lorsque un intérêt supérieur 
        le justifie, procéder, en territoire collectif à des enquêtes 
        d'ensemble aboutissant à la délivrance de titres de propriété 
        de force identique à ceux délivrés en suite de procédures 
        partielles.
 ************** ---------Les terres 
        de l'Algérie du Nord (21 millions d'hectares en chiffres ronds) 
        se répartissent en gros, de la façon suivante:---------REPARTITION 
        DE LA PROPRIETE FONCIERE EN ALGERIE à la date du 6-12-1954
 Terres francisées : 4.969.102 ha
 Terres melk non encore francisées : 4.406.356 ha
 Terres arch non encore francisées : 2.071.582 
        ha
 Domaine de l'État : 4.694.214
 Communaux : 4.179.050
 Domaine public 539.315 "
 Total 20.859.619 ha
 
 ---------Il 
        est possible d'indiquer en outre ci-après avec toutefois une approximation 
        plus large, les sous- répartitions
 
         
          | ETAT5.190.000 ha
 | domaine public : 539.315 ha |  |  |   
          | domaine privé : 4.694.214 
              ha  | domaine ord.: 2.414.000 ha | bois et forêts 1.540.000 maquis
 et broussailles 740.000
 |   
          | 5.233.529 ha |  domaine forestier : 2.280.000 
              ha |   
          | Communaux4.179.050
 | Parcours  | 2.879.050 |  |   
          | Forestiers : 1.300.000 |  bois et forêts : 250.000maquis et broussailles 1.050.000
 |   
          | Propriété privée:11.447.040 ha
 | Propriété européenne | 2.247.040  |  |   
          | Propriété musulmane | 9.200.000 |  francisées 2.930.000melk 4.000.356
 areh 2.070.000
 |  ---------Tels sont 
        les chiffres auxquels les travaux de délimitation du sénatus-consulte 
        du 22 avril 1863 d'une part, les travaux d'enquête partielle ou 
        d'ensemble d'autre part, effectués entièrement sous la conduite 
        de l'administration en exécution des lois de 1873, 1897 et 1926. 
        ont permis d'aboutir. Ces statistiques s'appuient exclusivement sur des 
        données qui ont pu être contrôlées.---------Pour 
        être complet, il y aurait lieu d'y faire entrer en outre en ligne 
        de compte d'autres données malheureusement à peu près 
        in-contrôlables. Ce sont les terres d'origine melk dont la francisation 
        ne résulte pas d'une enquête et qui sont passées, 
        néanmoins, sous le statut réel français par l'effet 
        d'un jugement ou d'un acte: notarié. Leurs superficies doivent 
        normalement s'ajouter à celles des terres francisées et 
        venir en diminution des terres melk.
 ---------II 
        n'empêche que, si l'oeuvre accomplie est immense, la tache restant 
        à réaliser demeure importante. Au surplus dans bien des 
        régions les travaux initiaux ont beaucoup perdu de leur précision 
        et il ne se-rait pas inutile de les réviser : avec l'effet du temps, 
        les bornes ont disparu, les titres se sont égarés, les occupants 
        se sont multipliés suivant une vraie progression arithmétique 
        et n'ont pu échapper à la force des habitudes ancestrales. 
        Perdant de vue les obligations résultant pour eux de la francisation 
        ils ont laissé périmer leurs droits ou bien ont passé 
        des acte: sans en respecter les formes. Des situations voisines de l'anarchie 
        initiale se sont ainsi recréées.
 ---------Voilà 
        bien un domaine où inc action tutélaire aurait à 
        s'exercer utilement : éclairer le fellah sur ses droits et ses 
        obligations, le mettre en garde contre ses négligences ou ses manquernents 
        à la loi, lui apprendre que lorslue sa terre a été 
        francisée elle échappe à la coutume d'ailleurs plus 
        ou moins mal définie pour être soumise aux exigences du code 
        civil, lui apprendre enfin ces notions élémentaires que 
        sa domiciliation, son état civil, conditionnent la reconnaissance 
        ou l'exercice de ses droits, l'identification de la propriété 
        restant subordonnée à celle de la personne.
 Michel COCHET, Administrateur Civil, 
        Chef du Service Central de la Topographie et de l'organisation foncière".
 
 ---------NOTA. 
        - En se plaçant au point de vue, non pas du caractère ???????? 
        mais de l'utilisation du sol, on peut, grosso modo, admettre que la ré 
        partition des ??????? suivante
 (en culture 4.000.000
 (en repos 2.500.000
 soit 6.500.000
 ---------Terres 
        non cultivées
 (privées, forêts, maquis) 8.400.000
 ---------Terres 
        improductives
 (friches, parcours, ruchers, terres inutilisables) 4.000.000
 ---------Terrains 
        urbains et industriels 2.000.000
 
 ---------La proportion dus terres consacrées 
        aux cultures représenterait environ le 1/3 de la surface de l'Algérie 
        du Nord ; 2/5 seraient le lot du parcours. Le reste (1/4) représenterait 
        la propriété de l'Etat (domaniaux ordinaires et forestiers).
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