| ------------L'artisanat, 
        en Algérie, offre le plus souvent l'aspect d'une activité 
        épisodique de caractère résiduel, qu'il est bon de 
        bien connaître pour orienter les efforts d'un service chargé 
        de sauvegarder ce qui peut être encore sauvé.------------Géographiquement, 
        les centres où se pratiquent encore les métiers familiaux 
        se répartissent d'une façon très irrégulière, 
        sporadique, mais non illogique. Dans les régions de forte concentration 
        urbaine, l'artisanat traditionnel disparaît peu à peu ou 
        se maintient difficilement, presqu' artificiellement. II se réduit 
        très sensiblement, dans le Sahel, les plaines ou les hautes plaines 
        et disparaît peu à peu des montagnes où depuis de 
        longues années déjà s'organise l'émigration 
        ouvrière vers la Métropole. Par contre, nous le trouvons 
        encore bien vivant aux confins du Sahara (hautes plaines des régions 
        de Tébessa à Khenchela, Laghouat, monts du Djebel-Amour) 
        et au Sahara même (El-Oued, El-Goléa, Le M'Zab, le Gourara 
        et le Touat) .
 ------------Cette 
        répartition géographique tient à divers facteurs 
        parmi lesquels nous retiendrons le fait que jamais l'Algérie n'a 
        été, historiquement, un pays de peuplement urbain intensif. 
        Si l'on excepte Tlemcen et Constantine puis Oran et peut-être Alger, 
        nous ne trouvons, dans le passé, qu'une population éparse, 
        disséminée, ou concentrée en gros villages, physionomie 
        très différente de celle du Maroc et de la Tunisie qui ont 
        compté de tous temps de grandes villes avec une forte concentration 
        des métiers et une solide organisation corporative.
 ------------Par 
        ailleurs, les conditions de vie moderne, l'appel de main-d'uvre 
        de l'industrie locale naissante et surtout de l'industrie métropolitaine 
        ont bouleversé l'économie traditionnelle, accru des besoins 
        et les exigences des travailleurs. Les petits métiers qui ne peuvent 
        plus prétendre assurer un gain général en rapport 
        avec ceux offerts par les grosses entreprises se sont trouvés condamnés 
        et végètent sans espoir d'une reprise sauf lorsqu'il s'agit 
        de métiers d'art limités à quelques rares ateliers 
        dont il faut se garder d'accroître le nombre, mais que l'on s'efforce 
        de perpétuer en envisageant même la création de conservatoires 
        des Arts et Techniques.
 ------------En 
        résumé, l'effort du service porte surtout sur les milieux 
        ruraux où l'artisanat semble encore appelé à jouer 
        un rôle important.
 ------------Par 
        spécialités, voici quels ont été les résultats 
        obtenus durant l'année 1953
 ------------1. 
        - LES TAPIS.
 ------------Il 
        faut considérer deux formes de production des tapis à points 
        noués. L'une traditionnelle, la plupart du temps masculine, sans 
        organisation économique bien définie, l'autre moderne, affectant 
        l'aspect de manufactures, fort bien organisée économiquement.
 ------------a) 
        La production traditionnelle des tapis :
 ------------Les 
        centres où l'on peut noter une production régulière 
        de tapis se répartissent ainsi :
 ------------- 
        Constantinois : région des Nemencha et des Maadid.
 ------------- 
        Sud Constantinois : El-Oued.
 ------------- 
        Oranie : Djebel-Amour et Kalaa des Béni-Rached.
 ------------On 
        notera que la production, dans les formes traditionnelles, du tapis du 
        Guergour a disparu. Les quelques
 spécimens actuellement fabriqués le sont dans les ateliers 
        de perfectionnement à Philippeville et Sétif Bel-Air, puis, 
        à domicile à Milo.
 ------------L'action 
        de notre atelier pilote de teinture et de tissage de Tébessa a 
        amené une nette amélioration des teintures et du tissage 
        chez les Némencha. Les nouvelles gommes mises au point en s'inspirant 
        des pièces teintes aux colorants végétaux ont connu 
        un véritable succès, non seulement auprès de la clientèle 
        européenne, mais aussi auprès de la clientèle traditionnelle.
 ------------Les 
        reggàm des Némencha continuent à recevoir régulièrement, 
        en effet, des commandes des notables de la région et des tribus 
        transhumantes du Sud. Le chiffre d e ces transactions est d'ailleurs difficile 
        à obtenir. Nous pouvons toutefois l'évaluer à 200 
        tapis par an pour une superficie moyenne de 8 mètres carrés 
        soit au total, 1.600 mètres carrés.
 ------------Les 
        pièces exécutées sous notre contrôle et destinées 
        au commerce européen se sont chiffrées, en 1953 à 
        :
 ------------Tébessa 
        : 72 tapis pour une superficie de 212 mètres carrés.
 ------------Khenchela 
        : 3 tapis pour une superficie de 18 m2 50.
 ------------A El-Oued, 
        où la production est soumise entièrement à l'estampillage, 
        on peut noter les chiffres suivants : (année 1953) :------------Tapis 
        : 46 pour une superficie de 105 mètres carrés.
 
 ------------Chez les Maadid, la commercialisation 
        s'effectue sur les marchés locaux de Bordj-Bou-Arréridj, 
        M'Sila, Barika et parfois même à Sétif. La production, 
        difficile à évalu'r avec exactitude, peut être estimée 
        à :
 ------------300 
        tapis pour une superficie de 1.500 mètres carrés.
 ------------Notre 
        centre artisanal de Bordj-Bou-Arréridj, créé en 1953 
        a surtout consacré ses premiers efforts à établir 
        le recensement des artisans et à établir les normes des 
        tissages traditionnels régionaux.
 ------------Au 
        Djebel-Amour, la création récente d'un atelier-pilote de 
        teinture a amené une nette amélioration des gammes de coloris 
        et de la solidité des colorants. Une partie seulement de la production 
        est soumise à l'estampillage du centre d'Aflou, les ventes s'effectuent 
        principalement sur les marchés d'Aflou, de Tiaret, de Trézel, 
        de Géryville et de Laghouat.
 ------------Difficile 
        à estimer avec exactitude, la production peut être évaluée 
        en gros à : 400 tapis pour une superficie de 2.400 mètres 
        carrés.
 ------------Notre 
        action est à peu près nulle à la Kalaa des Béni-Rached 
        où la production, de très médiocre qualité, 
        peut être cependant évaluée en 1952 à :------------300 
        tapis pour une superficie de 1.200 mètres carrés.
 ------------Cependant, 
        notre atelier de perfectionnement de Mascara o permis la mise au point 
        de quelques beaux types de tapis de Kalaà, imités des anciennes 
        pièces, tissages qui, peu à peu, devraient inspirer les 
        artisanes de Kalaa jusqu'ici réfractaires à nos conseils.
 -----------b) 
        La production des manufactures :
 ------------Tlemcen 
        reste le centre le plus important de l'Algérie. On y compte :------------37 
        ateliers qui groupent environ 700 métiers et 1.600 à 1.800 
        ouvrières, la production pour onze mois de l'année 1953 
        a été de :
 ------------55.508 
        pièces pour une superficie de 108.824 mètres carrés, 
        alors qu'en 1952 cette production avait été de 53.499 pièces 
        pour une superficie de 107.148 mètre carrés.
 
 ------------Oran qui compte deux ateliers 
        groupant environ 150 ouvrières a produit :
 ------------En 
        1953 : 2.014 pièces pour une superficie de 5.271 m2 91.
 ------------En 
        1952 : 1.613 pièces pour une superficie de 4.142 mètres 
        carrés.
 
 ------------Cherchell 
        où fonctionne un atelier groupant environ 60 ouvrières e 
        produit :
 ------------En 
        1953 : 98 pièces pour une superficie de 503,08 m2
 ------------En 
        1952 : 60 pièces pour une superficie de 339 mètres carrés.
 -------------II. 
        - TISSAGES DECORES------------Les 
        principaux centres producteurs de tissages plots décorés 
        ont été en 1953
 ------------Le 
        M'Zab : gandoura mozabite, Tadjerbit, Beni-Isguen. Laghouat : Flij, Djerbi, 
        Djebel-Amour.
 ------------El-Goléa 
        : tissage du type soudanais.
 ------------El-Oued 
        : tissages rebrodés (châles).
 ------------Gourara 
        et Touat : Dokkali, Fatis, Tinerkouk.
 ------------Grande 
        Kabylie : tissages de La Soummam.
 ------------Tlemcen 
        : tissages divers sur métier de tisserand. Némencha : tissages 
        du type Gafsa et du type Draga.
 ------------Ces 
        productions n'étant pas soumises à l'estampillage, il est 
        impossible d'estimer l'importance des transactions effectuées.
 
 ------------111. 
        - BRODERIES ET DENTELLES
 ------------Les 
        centres les plus actifs sont Alger, Sétif (Bel-Air), Philippeville 
        et Cherchell.
 ------------A 
        Alger, la collaboration des agents techniques du Service de l'Artisanat 
        a permis la reprise, dans d'excellentes conditions, de la broderie d'Alger 
        dans les écoles ouvroirs des Soeurs Catéchistes de Notre-Dame 
        d'Afrique, des Soeurs du boulevard Gambetta et à l'Union Franco-Musulmane. 
        U n atelier de formation et de perfectionnement fonctionne également 
        au service, 9, rue Socgémah.
 ------------A 
        Cherchell, la broderie est maintenant très développée 
        dans les familles et s'améliore chaque jour grâce à 
        l'atelier pilote municipal.
 ------------A 
        Bel-Air (Sétif), un atelier municipal a permis la reprise de la 
        broderie bônoise. Les résultats enregistrés jusqu'à 
        ce jour sont très satisfaisants.
 II en va de même de l'atelier communal de Philippeville.
 La dentelle est fabriquée à Cherchell et à Ténès 
        et enseignée à l'école municipale de Mascara.
 
 ------------IV. 
        - CUIVRES
 ------------Le 
        travail du cuivre se résume à quelques rares artisans installés 
        à Tlemcen, Alger, Constantine, Laghouat et Ghardaïa.
 ------------Les 
        objets fabriqués sont d'excellente facture en général 
        et trouvent aisément acquéreur.
 ------------V. 
        - BIJOUTERIE
 ------------Les 
        artisans bijoutiers de Kabylie et plus particulièrement ceux des 
        Béni-Yenni continuent la production traditionnelle des bijoux émaillés. 
        Ils vont bénéficier d'un prêt d'équipement 
        pour moderniser leur outillage.
 ------------Ailleurs, 
        la production est surtout importante dans les villes : Tlemcen, Alger, 
        Constantine, mais le bijou fabriqué manque de caractère.
 ------------Laghouat, 
        Ghardaïa, compte encore un nombre assez important d'artisans bijoutiers 
        dont quelque,-uns sont assez habiles.
 ------------Dans 
        l'Aurès et à Biskra, le travail des bijoux se perd peu à 
        peu.
 ------------Enfin, 
        il faut citer encore quelques centres intéressants : Tamentit, 
        El-Oued, la Petite Kabylie où l'on peut trouver quelques bijoux 
        de valeur dont la vente est uniquement locale.
 ------------VI. 
        - VANNERIE, SPARTERIE------------La 
        vannerie et la sparterie connaissent actuellement la faveur de la clientèle, 
        surtout la vannerie décorée des Azaïls (région 
        de Tlemcen) (vanneri d'alfa), celle de Grande Kabylie (vannerie de raphia). 
        Cependant certains autres centres, Beni-Abbès et Aurès, 
        en particulier, écoulent la production des artisanes locales, mais 
        leurs produits sont peu connus dans le nord de l'Algérie.
 ------------Le 
        tissage des nattes au Bou-Thaleb et aux Beni-Snous reste une activité 
        importante. Les produits se vendent surtout sur les marchés locaux 
        ou régionaux. Quelques amateurs en demandent cependant dans les 
        villes, à Alger en particulier. Les nattes de l'Aurès sont 
        moins connues, mais devraient également trouver quelques clients.
 ------------VII. 
        - TRAVAIL DU CUIR------------Le 
        travail du cuir brodé est encore très actif à Tlemcen 
        (selles brodées, maroquinerie diverse) et à Médéa. 
        Les objets fabriqués manquent de fini en général 
        et les articles sont grossiers, sauf à Médéa, où 
        un atelier se distingue par la qualité de son travail.
 ------------Ailleurs, 
        Alger et Constantine, les travaux ne sortent guère de la médiocrité.
 ------------Il 
        convient de noter que, pour remédier aux défauts signalés 
        précédemment, un artisan de Médéa a obtenu 
        une bourse pour aller se perfectionner dans l'art de la maroquinerie à 
        Paris (Ecole de la rue Turquetil).
 CONCLUSION ------------L'année 
        1953 a été marquée par un accroissement des effectifs 
        techniques du Service de l'Artisanat qui a amené la création 
        de centres nouveaux, en particulier à Biskra, Bordj-Bou-Arréridj 
        à Oued-Amizour et au Béni-Smenzer (Grande Kabylie). Ce complément 
        d'organisation ouvre de nouvelles perspectives pour l'année 1954.------------La 
        création d'ateliers pilotes de teinture à Timimoun, El-Oued, 
        Aflou, a déjà permis une sérieuse amélioration 
        des gammes de coloris. Cette action sera poursuivie en 1 954 et renforcée 
        par la création prévue d'ateliers semblables à Biskra 
        et à Bordj-Bou-Arréridj.
 ------------Dans 
        l'ensemble, l'écoulement des produits fabriqués a été 
        satisfaisant. Il s'effectue localement soit directe-ment par l'artisan, 
        soit par le canal des sections artisa cales des S.A.P.
 ------------La 
        S.I.P.A. d'Alger, qui centralise une grosse partie de la production, a 
        apporté une très heureuse contribution à ce problème 
        de l'écoulement comme d'ailleurs à celui du ravitaillement 
        en matières premières.
 L. GOLVIN.  
       
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