| ---------A 
        50 kilomètres au Nord-Est de Sétif et à 3o kilomètres 
        de Saint-Arnaud, s'ouvre dans les montagnes une sorte d'amphithéâtre 
        dominé par des croupes arides. Au centre, sur une plate-forme située 
        à 85o mètres d'altitude et bordée de profonds ravins, 
        se dressent des arcs, des colonnades, un temple au pignon élevé 
        ; un bosquet de verdure se détache sur les terres noirâtres 
        d'alentour : c'est Djemila ("la jolie ", en arabe), fraîche 
        oasis dans un pays dénudé. I. - HISTOIRE DE LA 
        VILLE ANTIQUE ---------FONDATION 
        DE LA COLONIE ROMAINE---------Les 
        inscriptions latines trouvées sur place ont révélé 
        le nom de l'ancienne ville, Cuicul, nom évidemment berbère 
        qui, après avoir désigné sans doute un village indigène, 
        passa à la colonie militaire établie probablement par l'empereur 
        Nerva, en 96 ou 97 après J.-C. La raison essentielle de cette fondation 
        fut d'ordre stratégique : les Romains voulurent occuper solidement 
        le point où la grande route de Constantine à Sétif, 
        qui assurait les communications Est-Ouest entre Numidie et Maurétanie, 
        croisait une voie Nord-Sud reliant le port de Djidjelli à Lambèse, 
        chef-lieu de la province numide, à travers le massif tourmenté 
        de petite Kabylie ; les vétérans installés comme 
        colons à ce carrefour reçurent la mission de surveiller 
        les tribus belliqueuses de la montagne.
 ---------La 
        proximité de la limite occidentale de la Numidie amena en outre 
        l'Administration romaine à établir là un bureau de 
        douane provinciale.
 
 ---------ORGANISATION 
        ET PEUPLEMENT
 ---------Soumise 
        à l'autorité du légat impérial qui exerçait 
        en Numidie le pouvoir civil en même temps que le commandement (les 
        troupes, la Colonie fut organisée en commune romaine, dotée 
        d'une assemblée municipale et de magistrats élus chaque 
        année. Les premiers habitants étaient d'anciens soldats, 
        originaires d'Europe Centrale, de Syrie ou même d'Afrique ; ils 
        avaient reçu les droits de citoyens en entrant dans l'armée 
        et leurs vingt ans de service les avaient gagnés à la civilisation 
        romaine. De riches bourgeois venus de villes plus anciennes - Carthage, 
        Cirta - apportèrent à la nouvelle cité leur expérience 
        des affaires publiques et lui fournirent ses dirigeants : décurions, 
        prêtres et magistrats ; Cuicul dut à leur générosité 
        quelques-uns (le ses plus beaux monuments comme le marché, la basilique 
        judiciaire.
 1,a population urbaine s'augmenta peu à peu de Berbères 
        attirés par les avantages matériels et juridiques réservés 
        aux citadins. Elle ne fut pourtant jamais très nombreuse, semble-t-il 
        : dix mille habitants peut-être.
 
 ---------VIE 
        ÉCONOMIQUE
 ---------Les 
        colons à qui l'Administration impériale avait distribué 
        des terres et les riches notables qui en avaient acheté aux indigènes 
        furent avant tout des agriculteurs. Le sol assez marneux, le climat humide 
        convenaient aux céréales et aux arbres fruitiers ; on cultivait 
        même l'olivier, qui a aujourd'hui complètement disparu de 
        la région. L'élevage (les moutons, des chèvres, des 
        ânes et des bovins devait être pratiqué comme de nos 
        jours. L'abondance des sources permettait d'arroser les jardins et d'abreuver 
        les troupeaux.
 ---------Quelques 
        industries - huileries, tissages - transformaient les produits agricoles 
        ; de petits ateliers fabriquaient les poteries, la verrerie. les ustensiles 
        en fer et en bronze nécessaires à la vie domestique.
 ---------Le 
        commerce se développa grâce aux routes qui reliaient Cuicul 
        à des régions de productions diverses et devint unélément 
        essentiel de sa prospérité.
 
 ---------PLAN 
        DE LA VILLE
 ---------Fondée 
        sur un étroit plateau qu'enserraient de trois côtés 
        des ravins creusés par les torrents, la ville s'étendait 
        davantage du Nord au Sud que de l'Est à l'Ouest ; elle était 
        entourée d'une enceinte qui épousait la forme triangulaire 
        du site. Le Forum, établi au croisement des routes, se trouvait 
        au centre de l'agglomération, à l'endroit où se rencontraient 
        les deux axes du plan initial, cardo et decumanus, Le cardo, grande rue 
        Nord-Sud, était coupé par le Forum en deux secteurs qui 
        ne se prolongeaient pas en ligne droite : celui du Sud aboutissait à 
        la porte centrale de la place publique, tandis que le tronçon Nord 
        était rejeté à l'Ouest (une disposition analogue 
        se remarque à Timgad). Des rues dallées séparaient 
        les pâtés (le maisons, des portiques bordaient les artères 
        principales ; des canalisations amenaient l'eau (le la montagne aux fontaines 
        publiques et aux habitations privées.
 
 ---------DEVELOPPEMENT 
        DE LA VILLE AUX IIè IIIè SIÈCLES
 ---------Les 
        principaux édifices religieux et administratifs furent bâtis 
        au IIè siècle autour du Forum Capitole, Curie, Basilique 
        judiciaire ; dans les quartiers avoisinants s'élevèrent 
        le marché, des Thermes et d'autres temples. De l'époque 
        (les Antonins datent aussi le Théâtre, construit vers 160 
        au flanc de la colline qui dominait la ville au Sud, puis les grands Thermes 
        (183) édifiés également au delà (les murs.
 ---------Au 
        début du 111è siècle l'enceinte était devenue, 
        trop étroite, les maisons la débordaient de toutes parts, 
        descendaient le long des ravins, escaladaient les pentes (le la colline 
        Sud. Sous le règne de Caracalla s'opère une importante transformation 
        : la démolition (lu rempart méridional, l'aménagement 
        d'un nouveau Forum au contact de la vieille ville et (les quartiers neufs. 
        La municipalité consacre (les monuments grandioses à la 
        gloire des Empereurs Sévères : arc de triomphe en l'honneur 
        (le l'empereur C'aracalla et (le ses parents en 215, temple dédié 
        à toute la dynastie, la " gens septimia ",. en 
        229.
 ---------Pour 
        Cuicul, comme pour beaucoup de cités africaines, l'époque 
        des Sévères marque l'apogée d'une prospérité 
        qui décline vers le milieu du siècle par suite d'une crise 
        générale dans l'Empire, crise économique, sociale 
        et politique. Une série de mauvaises récoltes ruine les 
        petits propriétaires, des troubles fréquents coupent les 
        communications, l'insécurité paralyse le commerce. L'appauvrissement 
        de la cité arrête le développement urbain : pas une 
        construction nouvelle pendant cinquante ans.
 
 ---------LE 
        IVè ET LE Vè SIÈCLES
 ---------Le 
        IVè siècle amène une renaissance dont témoignent 
        des travaux d'utilité publique : réfection de l'aqueduc 
        alimentant la ville en eau potable, construction (le fontaines, restauration 
        de divers édifices. A la fin du siècle, un gouverneur de 
        Numidie inaugure au forum (les Sévères un marché 
        et une nouvelle basilique judiciaire.
 ---------Mais 
        le IVè siècle est avant tout l'époque où triomphe 
        le Christianisme. Une communauté chrétienne existait à 
        Cuicul dès le 111è siècle, elle avait eu ses martyrs, 
        elle s'était développée malgré les persécutions. 
        Libérée par les édits (le Constantin, elle fait bâtir 
        sur la colline Sud. à la limite (le l'agglomération, un 
        ensemble d'édifices consacrés au culte et à ses desservants 
        : église, baptistère, maisons de l'évêque et 
        (lu clergé. 1.e schisme donatiste divise prêtres et fidèles 
        jusqu'au jour où l'évêque Cresconius rétablit 
        l'unité, après la conférence de Carthage de 411; 
        il célèbre l'événement par la construction 
        d'une basilique assez vaste pour réunir " toute la foule chrétienne 
        ", il fait transférer des tombes de martyrs ; lui-même 
        y fut plus tard enseveli.
 ---------Des 
        inscriptions funéraires (le la fin (lu siècle prouvent que 
        la ville subsistait à l'époque V vandale ; très diminuée 
        sans doute, la population se groupait autour des sanctuaires chrétiens, 
        sous la protection de son évêque.
 
 ---------HYPOTHESE SUR 
        LA DESTRUCTION DE LA VILLE
 ---------On 
        n'a retrouvé aucun vestige certain d'une occupation byzantine.
 ---------Aucun 
        document ne fournit (le renseignements sur la destruction de la ville. 
        Notons cependant que des traces d'incendie se retrouvent dans tous les 
        quartiers, que la plupart des statues et objets exhumés sont brisés, 
        que les trouvailles de métaux précieux sont extrêmement 
        rares. Il est vraisemblable qu'incendie et pillage furent l'oeuvre des 
        montagnards des Babor ; ces tribus remuantes avaient échappé 
        à l'empreinte romaine et s'étaient même révoltées 
        à plusieurs reprises contre l'autorité impériale 
        ; une fois l'organisation administrative et militaire de l'Empire anéantie, 
        leurs incursions ne rencontrèrent aucune résistance sérieuse 
        ; saccageant les villes, massacrant les habitants, elles rendirent à 
        la vie sauvage ces terres où Rome avait fait régner pendant 
        quatre siècles la civilisation.
 II. - L'OCCUPATION FRANÇAISE. 
        - LES FOUILLES ---------Nos 
        troupes occupèrent Djemila en décembre 1838 ; un détachement, 
        cerné par les montagnards, y soutint de rudes combats, après 
        quoi l'autorité militaire y établit un poste qui fut maintenu 
        pendant six ans. Le duc d'Orléans y, campa en octobre 1839, lors 
        de l'expédition des Portes de Fer ; il admira, nous dit son journal 
        de route, " un espace immense couvert de 
        fûts de colonnes, de chapiteaux, de sculptures, de mosaïques 
        " ; l'arc de triomphe en particulier provoqua son enthousiasme 
        à tel point qu'il décida de le faire démonter et 
        transporter à Paris. L'architecte Ravoisié, chargé 
        de cette mission l'année suivante, reçut heureusement contre-ordre 
        ; il séjourna pourtant à Djemila, fouilla en partie une 
        église chrétienne et rédigea la première description 
        des ruines. Il signalait les monuments visibles avant toutes recherches 
        - le théâtre, un mausolée, l'arc de triomphe, deux 
        temples, des vestiges de portes - plus ou moins enfouis dans la végétation 
        des jardins indigènes.---------En 
        1909 seulement, après la construction d'une route permettant d'atteindre 
        facilement les ruines, commencèrent les fouilles entreprises par 
        le Service des Monuments Historiques et poursuivies régulièrement 
        depuis lors, sous le contrôle de la Direction des Antiquités 
        de l'Algérie.
 III . - LES RUINES ---------LA 
        VIEILLE VILLE---------Une 
        grande artère à pente rapide (l'ancien " 
        cardo " Nord raccordé à une autre rue) traverse 
        les quartiers anciens du Nord au Sud, entre la porte qui s'ouvrait sur 
        la route de Djidjelli et celle, beaucoup mieux conservée, où 
        aboutissait au IIè siècle la route de Sétif. A peu 
        près à mi-chemin entre les deux portes s'étend le 
        Forum du Capitole, vaste place rectangulaire (48 m. sur 44) qui a conservé 
        intact son dallage parfaitement régulier ; de nombreux piédestaux 
        sont alignés sur trois côtés de la place, mais les 
        statues qu'ils portaient ont disparu. Des portiques disposés au 
        Sud et à l'Est, il ne reste que la belle colonnade du côté 
        Sud.
 ---------Au 
        Nord, devant l'escalier qui montait au Capitole, 
        subsiste l'autel de Jupiter orné de bas-reliefs dont l'un représente 
        avec réalisme une scène de sacrifice. Le temple lui-même 
        est détruit ; les fragments de ses énormes colonnes (14 
        m. de haut, comme au Capitole de Timgad) ont roulé sur le Forum 
        et dans une cour située en contrebas. On peut cependant admirer 
        les puissantes substructions qui soutenaient le triple sanctuaire consacré 
        à Jupiter, Junon, Minerve ; , les murs et les arcs en pierre de 
        taille, supports de voûtes aujourd'hui effondrées, nous donnent 
        un magnifique exemple d'architecture classique.
   
        
          |  La grande rue
 |  
 ---------A 
        côté du Capitole, une inscription a permis d'identifier la 
        Curie où se réunissait le Conseil 
        municipal ; quelques vestiges de la décoration de la salle témoignent 
        du luxe de cet hôtel de ville le sol était pavé de 
        marbre rouge, des placages d'onyx revêtaient les murs.---------Le 
        côté Ouest de la place, le long de la Grande Rue, était 
        occupé par une basilique civile, salle 
        de 38 m. sur 14 qui servait de palais de justice et de bourse de commerce. 
        Les bases des statues impériales qui l'ornaient sont encore rangées 
        au pied des murs écroulés, l'estrade réservée 
        aux juges domine de haut l'espace où s'agitait la foule.
 ---------A 
        l'angle Sud-ouest de la salle, une porte s'ouvrait sur la rue, au pied 
        d'un arc monumental qui marquait primitivement la rencontre du cardo Nord 
        et du decumanus ; cette dernière rue fut coupée plus tard 
        par la construction du temple de Vénus Genetrix. Le sanctuaire 
        de petites dimensions, a conservé ses élégantes colonnes 
        de granit ; leur groupe harmonieux, encadré par la large baie qui 
        donne accès à la cour du temple, forme un des tableaux les 
        plus pittoresques de Djemila.
 ------Au Nord 
        de la basilique, un escalier de quinze marches descend du Forum vers la 
        Grande Rue ; au-dessous se dissimulent deux caveaux dont l'un a conservé 
        sa voute d'arête en blocage : c'était la 
        prison municipale.
 ---------Un 
        peu plus loin, en descendant la rue, voici l'entrée du marché, 
        monument dont l'état (le conservation est remarquable. Une colonnade 
        en marbre gris du Filfila encadre une cour presque carrée ; sur 
        les quatre côtés étaient distribués seize boutiques 
        ; à l'entrée de chacune, une table de pierre massive, aux 
        supports sculptés, servait d'étal. Une large dalle, placée 
        sur le mur (le fond entre deux boutiques, porte le nom du donateur, L. 
        Cosinius Primus ; elle est percée de dix trous où devaient 
        être fixés des crochets pour suspendre les balances. Une 
        table de mesures présente à côté (le la coudée, 
        mesure de longueur, trois cavités destinées à mesurer 
        le blé, l'orge et les liquides.
 ---------Une 
        porte secondaire mène aux sous-sols du Capitole et à un 
        établissement de bains. Dans ces Thermes, 
        comme au marché, on voit combien le souci d'un décor artistique 
        intervenait dans la construction des édifices utilitaires. La, 
        salle de bains froids a conservé un reste (le peinture murale - 
        des poissons rouges et verts -, (les colonnes cannelées et surtout 
        (le beaux chapiteaux de pilastresoù l'acanthe épineuse est 
        découpée avec une rare finesse.
 ---------Quelques 
        grandes maisons, bâties clans ce quartier central pour les notables 
        de la cité, s'intercalent entre les monuments publics. Dans ces 
        riche demeures, les pièces étaient disposées autour 
        d'une cour à péristyle ; (les fontaines et (les bassins 
        y entretenaient la fraîcheur ; l'eau bienfaisante alimentait aussi 
        les piscines (les salles (le bains. Les pièces (le réception, 
        plus Bandes que les autres, étaient pavées de marbre et 
        (le mosaïques aux couleurs chatoyante.
 ---------La 
        plus vaste (le ces habitations, surnommée la maison 
        d'Europe parce qu'une mosaïque représentant l'Enlèvement 
        d'Europe y fut trouvée, donne sur la Grande rue, au Nord du marché. 
        L'entrée monumentale, la façade en pierre de taille, le 
        grand nombre (les pièces (une vingtaine), let" décoration 
        luxueuse, tout indique la demeure d'un personnage important. Une autre 
        maison possédait un salon d'été où l'eau de 
        trois petites fontaines ruisselait sur le sol couvert d'une mosaïque 
        à scènes marines ; dans la salle (le bains froids, une mosaïque 
        divisée en nombreux médaillons ornés d'animaux ou 
        de personnages humains représentait peut-être un jeu analogue 
        au jeu de l'oie, mais dont le but était figuré par un âne 
        accompagné des mots Asinus nica : " Ane, sois vainqueur 
        ".
 ---------Dans 
        une autre, le nom du propriétaire, Castorius, a été 
        révélé par une inscription en mosaïque trouvée 
        clans un couloir. Des habitations modestes se voient le long des rues 
        secondaires ; leurs quatre ou cinq pièces prenaient jour sur une 
        étroite courette ou sur nu simple corridor à ciel ouvert 
        ; on a parfois trouvé en place une fenêtre, dalle depierre 
        ajourée qui laissait passer une faible quantité d'air et 
        (le lumière. La plupart de ces maisons ont une écurie pour 
        loger un aile, animal précieux qui (le tout temps a du jouer un 
        rôle essentiel dans l'économie du pays.
 
 ---------LE 
        QUARTIER DU NOUVEAU FORUM
 ---------Une 
        vaste esplanade à forte pente dessinant un quadrilatère 
        irrégulier : tel est l'aspect du 1,01-uni des Sévères. 
        A l'Ouest, au sommet de la pente, l'arc de triomphe 
        dédié à l'empereur Caracalla et à ses parents 
        se détache sur un fond de montagnes sombres. Au-dessus de l'arcade 
        majestueuse, l'inscription dédicatoire est restée à 
        sa place, surmontée des trois dés en pierre qui portaient 
        jadis les statues de Caracalla, (le Septime Sévère et (le 
        1ulia Domna. De part et d'autre de l'arc se voient un petit temple, dont 
        le perron a pu servir de tribune aux harangues, 
        et les restes d'un château d'eau. Un peu en arrière s'ouvre 
        une grande salle à abside : le marché 
        aux vêtements.
 
 ---------Au 
        Nord, une belle colonnade est le seul vestige des portiques qui régnaient 
        sur les côtés Nord et Est de la place.
 ---------Au 
        Sud, le temple Septimien domine de très 
        haut le niveau du Forum : ses murs intacts à la patine dorée, 
        ses robustes colonnes corinthiennes se dressent au-dessus d'une terrasse, 
        bordée par d'autres colonnes, où l'on accède par 
        un escalier de vingt-six marches. Une multitude de pigeons emplit (le 
        ses roucoulements le sanctuaire où trônaient autrefois les 
        statues colossales de Septime Sévère et (le Julia Domna, 
        réduites aujourd'hui à quelques débris.
 ---------A 
        côté de ce temple grandiose, une basilique 
        judiciaire, construite vers la fin du IVè siècle, 
        a remplacé un sanctuaire de Frugifer-Saturne, dieu de la végétation, 
        dont le culte tint une place prépondérante clans la vie 
        religieuse de l'Afrique romaine,pays essentiellement agricole.
 ---------Du 
        nouveau Forum partent cinq rues . deux desservaient la vieille ville ; 
        une troisième passait sous l'arc de Caracalla et se continuait 
        sans doute vers l'Ouest par la route de Sétif ; une autre sort 
        de la place au Sud-est pour mener au théâtre ; la plus large, 
        qui prolongeait le cardo vers le Sud. conduit aux grands Thermes et au 
        quartier chrétien
 .
 
        
          |  Théâtre et une partie de la vieille ville
 |  
 ---------Le 
        Théâtre, un des plus complets de l'Afrique 
        du Nord, pouvait contenir 3.000 spectateurs environ. Le demi-cercle des 
        gradins, creusé dans la colline, se termine par un mur de couronnement 
        qu'il a été possible de reconstituer presque entièrement. 
        Le mur de fond de la scène subsiste en grande partie, avec les 
        trois portes par où les acteurs faisaient leur entrée ; 
        la murette qui soutenait la scène a conservé son élégante 
        décoration : niches, colonnettes, corniche à feuilles d'acanthe.---------De 
        l'autre côté de la colline, les Grands 
        Thermes couvrent une superficie de 2.600 mètres carrés. 
        Ce monument, très bien conservé, est particulièrement 
        intéressant par la clarté de son plan - palestre, vestiaires, 
        étuves, salles de bains chauds et froids séparées 
        par des pièces tempérées, se succèdent suivant 
        une distribution parfaitement symétrique -, puis par la variété 
        des procédés de construction qu'on y relève : murs 
        où les pierres de taille sont associées aux briques et aux 
        petits moellons, arcs en grand appareil supportant des voûtes en 
        blocage, doubles parois des salles chauffées entre lesquelles circulait 
        l'air chaud montant des hypocaustes. Les vestiges de la , décoration 
        révèlent sa magnificence : les murs étaient revêtus 
        de marbre, le sol couvert de mosaïques très soignées 
        ; de nombreuses statues animaient les salles ; c'est de là que 
        proviennent les plus beaux fragments de sculpture exhumés à 
        Djemila.
 ---------Au 
        nord du bâtiment s'étendait une vaste cour dallée 
        ; privée de ses portiques ruinés, elle présente aujourd'hui 
        l'aspect d'une terrasse d'où se découvre un admirable panorama 
        des ruines et de la campagne environnante. En contrebas, une série 
        de grandes citernes, alimentées par l'aqueduc municipal, emmagasinaient 
        une réserve d'eau potable pour la ville basse.
 
 ---------LE 
        QUARTIER CHRÉTIEN
 ---------Au 
        delà d'un bâtiment consacré (au moins en partie) au 
        culte de Bacchus, la grande rue aboutit à l'entrée du quartier 
        où sont groupés les principaux édifices chrétiens. 
        Une avenue bordée de colonnades monte vers le sommet de la colline, 
        occupé par le baptistère et deux églises. 
        La plus ancienne, construite sans doute au IV- siècle en même 
        temps que le baptistère, présente le plan classique d'une 
        basilique à trois nefs. La cathédrale, 
        élevée au début du Vè siècle par l'évêque 
        Cresconius (une inscription insérée dans 
        la mosaïque du choeur nous l'apprend), est de proportions 
        plus vastes (40 m. de long au lieu (le 35 et 28 in. de large au lieu de 
        t,) et comprend cinq nefs. Dans les deux églises, l'existence 
        d'une crypte a causé l'effondreraient de l'abside.Ces cryptes 
        devaient renfermer des tombeaux de martyrs ; elles étaient reliées 
        par un couloir vers lequel descendaient plusieurs escaliers, disposition 
        qui facilitait les allées et venues des pélerins. Les colonnes 
        des églises proviennent des temples démolis qui servirent 
        de carrières, une fois les cultes païens proscrits.
 ---------Le 
        monument le plus évocateur de la période chrétienne 
        c'est le baptistère, construit sur 
        plan circulaire; auquel une heureuse restauration a rendu sa coupole. 
        Au centre, la cuve baptismale est surmontée d'un dais en pierre 
        porté par quatre colonnes corinthiennes ; deux fontaines fournissaient 
        l'eau nécessaire aux aspersions. Autour de la rotonde centrale, 
        une galerie bordée de niches servait de vestiaire ; les cathécumènes 
        assis dans les niches y attendaient leur tour d'être admis à 
        l'immersion sacrée. Cette galerie s'interrompt à l'Ouest, 
        devant la porte d'entrée, et à l'Est devant une grande niche 
        qui abritait sans doute le siège de l'évêque ; de 
        ce côté, deux portes menaient, l'une à l'église, 
        l'autre à une chapelle utilisée peut-être pour la 
        confirmation.
 ---------Toutes 
        les mosaïques trouvées dans les ruines ont dit être 
        transportées au musée pour éviter leur dégradation 
        par les gelées d'hiver, sauf celles du baptistère protégées 
        par la restauration -des voûtes. Sur le pavement parfaitement conservé 
        qui entoure la cuve baptismale, on voit évoluer toute `.a faune 
        de la Méditerranée autour de grands vases, symboles de l'Eucharistie 
        ; au fond de la cuve, de petits poissons figurent les aspirants au baptême 
        qui s'élancent vers le salut. 1)u baptistère dépendent 
        des bains où les néophytes abandonnaient les souillures 
        du corps avant de purifier leur âme.
 ---------En 
        face de la cathédrale. un bâtiment comprenant (le nombreuses 
        pièces et une chapelle était probablement la demeure de 
        l'évêque ; des locaux voisins ont pu servir au logement des 
        prêtres et des pélerins.
 ---------Sur 
        les pentes Ouest et Nord de la colline s'étagent des maisons, de 
        construction souvent médiocre, qui furent sans doute habitées 
        jusqu'à une époque tardive. Quelques ateliers de forgerons, 
        de bronziers, de potiers nous ont livré un matériel intéressant.
 ---------Un 
        cimetière occupait la pente Est, comme en témoignent les 
        tombes et les reste., de mausolées découverts de ce côté. 
        Les nécropoles les plus anciennes s'étendaient plus à 
        l'Est, au delà du ravin ; elles ont en grande partie disparu, emportées 
        par les eaux de ruissellement.
 ---------Les 
        fouilles de Djemila nous rendent le cadre de la vie d'une de ces petites 
        cités provinciales où les Berbères s'adaptaient aux 
        moeurs romaines. Ils y trouvaient les conditions d'une bonne hygiène 
        grâce à la construction de nombreux établissements 
        de bains, à l'aménagement d'une distribution d'eau potable 
        et d'un réseau d'égouts. Ils pouvaient se procurer dans 
        les marchés les denrées alimentaires et les vêtements 
        qui leur étaient nécessaires. Es apprenaient â parler 
        latin, ils prenaient l'habitude de se réunir au Forum, aux Thermes, 
        ils se divertissaient aux représentations théâtrales, 
        ils sacrifiaient aux dieux de Rome. Ils participaient à toutes 
        les manifestations de cette vie municipale qui dans l'antiquité 
        paraissait le symbole même de la civilisation. Ils mettaient leur 
        point d'honneur à embellir leur ville , à y édifier 
        des monuments somptueux, dignes de rivaliser avec ceux du chef-lieu de 
        la province : ils y élevaient des statues, de marbre ou de bronze 
        en hommage aux dieux et aux empereurs. La multiplication des agglomérations 
        urbaines fut un des moyens essentiels employés par Rome pour assimiler 
        les africains.
 Y. ALLAISDirectrice des fouilles de Djemila.
 |