| C / LES VILLAGES DE 
        COLONISATION On sait que parmi les 7 sous-préfectures de 1959, 
          
        Djelfa et Tablat 
        avaient été d'abord de simples villages de colonisation. 
        Sans compter ces deux cas particuliers sur lesquels je ne reviendrai pas, 
        et sans compter non plus les hameaux jamais promus communes, il a été 
        créé dans tout le Titteri, sauf erreur de ma part, 24 villages 
        européens entre 1848 et 1924.
 Leur répartition régionale est éloquente : aucun 
        dans l'Atlas saharien des monts Ouled-Naïl
 3 
        sur les hautes plaines
 21 
        dans l'Atlas tellien, plutôt au nord qu'au sud
 
 Sur ces 21 villages telliens, 7 sont proches de Médéa
 5 
        sont dans la plaine des Aribs
 3 
        sont alignés sur la RN 1 dans la vallée de l'oued Akoum
 6 
        sont plus isolés, à l'écart des axes majeurs des 
        RN 1 et RN 8
 
 
  1 / Sous la Seconde 
        République : Lodi (ou Draa Esmar) et Damiette 
        (ou Aïn Dhab)
 Durant les deux premières années de sa courte 
        existence la Seconde République a créé 54 villages 
        de colonisation dans les trois provinces, dans des circonstances il est 
        vrai exceptionnelles. Lodi et Damiette appartiennent au premier ensemble 
        de 42 villages dits " colonies agricoles 
        de 1848 ".
 Ces créations de villages décidées dans l'urgence 
        pour de mauvaises raisons avec des colons mal choisis ont été 
        largement improvisées. Les premiers colons y ont connu des débuts 
        très difficiles.
 Lodi et Damiette ont été inaugurés 
        le même jour, 2 décembre 1848, par des colons acheminés 
        depuis Paris-Bercy par le même 8è convoi (sur 17 au total) 
        parti le 5 novembre, arrivé à Marseille le 21 et à 
        Alger le 29. Ces colons ont dû remonter la route toute neuve des 
        gorges de La Chiffa et traverser Médéa avant de se séparer, 
        les uns vers l'ouest pour Lodi (4 km) les autres vers l'est pour Damiette 
        (3 km).
 Avant d'envisager d'exposer les particularités de ces deux villages 
        quasi jumeaux il n'est sans doute pas inutile d'expliquer ce que furent 
        ces colonies de 1848, pourquoi elles ont été décidées 
        à Paris et comment elles ont été réalisées 
        en Algérie.
 Généralités 
        sur les colonies agricoles de 1848
 Une origine accidentelle. Durant l'hiver 
        1848 il y eut beaucoup de misère et de chômeurs, non indemnisés 
        en ce temps-là, à Paris. Le Gouvernement Provisoire né 
        de la révolution de février 1848 crut trouver une solution 
        en finançant l'ouverture de chantiers publics. Comme ils étaient 
        financés par le budget de l'Etat, on les appela " Ateliers 
        Nationaux ".
 
         
          |     ·       | 26 février. 
              Décret de création des Ateliers Nationaux (à 
              Paris seulement). Le ministre des Travaux Publics, Trélat, 
              est chargé de la mise en application. Il ouvrit aussitôt 
              des registres d'inscription des volontaires dans les mairies des 
              12 arrondissements du Paris d'alors. |   
          |     ·        | 17 mai. 
            Arrêt des inscriptions. Il y en avait trop ; et les impôts 
            directs, augmentés de 45%, rentraient fort mal. Toutes les 
            régions payaient ces impôts ; seuls les Parisiens pouvaient 
            en profiter. De surcroît on ne savait pas à quoi d'utile 
            employer tous ces ouvriers. |   
          | · | 23 juin. 
            Annonce de la suppression des Ateliers Nationaux et du salaire de 
            2fr par jour. La fermeture effective eut lieu le 3 juillet après 
            la répression des émeutes de juin. |   
          | · | 23-26 juin. 
            Emeutes à Paris, réprimées par le Ministre de 
            la guerre Cavaignac. A l'Assemblée Législative un projet 
            de deux députés, Leroux de Paris et Barrot d'Alger, 
            refait surface. Ils avaient trouvé une solution susceptible 
            de résoudre la question sociale à Paris et de relancer 
            la colonisation en Algérie : éloigner de Paris quelques 
            milliers d'ouvriers en leur proposant des terres en Algérie. |   
          | · | 19 septembre. 
            Arrêté de création de 42 villages en Algérie. |   
          | · | 23 septembre. 
            Ouverture des registres d'inscription des volontaires. Il y eut 12 
            000 places, puis finalement 13 903. Le nouveau Ministre de la guerre, 
            Lamoricière, décida de confier l'organisation des transports 
            et l'installation des villages, à l'armée. |  
 
 
         
          |  | De Paris à Chalon/Saône les colons 
              étaient entassés sur des péniches de récupération 
              non pontées, mais recouvertes d'une toile goudronnée 
              en guise de toit. Le convoi de 5 à 6 péniches avançait 
              nuit et jour et ne s'arrêtait, forcé, qu'au passage 
              des écluses ou pour se ravitailler.
             De Chalon à Arles ce furent des bateaux 
              à vapeur qui restaient à quai la nuit. On pouvait 
              descendre se dégourdir les jambes. A Lyon les colons reçurent 
              pour la nuit des billets de logement chez des habitants pas ravis 
              car ils étaient pris pour des émeutiers parisiens. 
               D'Arles à Marseille ce fut le train. La 
              voie était neuve ; pas les wagons. Il ne fallait que 4 heures. De Marseille à Alger la traversée 
              se faisait sur une frégate mixte (voile et vapeur) en 48 
              à 60 heures.
 Les bagages voyageaient à part 
              et n'étaient restitués que dans le village de destination 
              s'ils ne s'étaient pas perdus en route.
 |  Règlement du 28 septembre 
        1848 sur l'organisation des colonies agricoles
 La désignation des colons était 
        assurée par une commission de 13 membres dont 2 médecins. 
        Seuls les dossiers des Parisiens ayant moins de 60 ans d'âge étaient 
        recevables (il n'y eut que 200 exceptions, des Lyonnais qui vinrent compléter 
        le dernier convoi). Le candidat avait dû présenter beaucoup 
        de papiers à sa mairie d'arrondissement et notamment :
 
        
          | 
               
                |  numéro d'inscription |  |   -   des certificats 
        médicaux pour le demandeur, sa femme et ses enfants-   les raisons des décès 
        éventuels de ses parents et beaux-parents
 -   un certificat de bonne vie et 
        murs
 -   un extrait de mariage et des 
        extraits de naissance
 -   un certificat de libération 
        du service militaire pour les moins de 35 ans
 -   et tout document établissant 
        sa profession
 
 On délivre aux candidats retenus un carton 
        d'inscription avec un numéro d'ordre.
 Tous ces renseignements et ceux qui suivent sont extraits 
        de la revue " Carnets de Généalogie Algérie, 
        Maroc, Tunisie " édition d'avril 1998. Je résume 
        les 17 articles du règlement signé par le Ministre de la 
        Guerre De La Moricière.-   le transport est gratuit d'un 
        bout à l'autre du voyage, pour les personnes et leurs bagages
 -   50 kg par adulte et 25 kg par 
        enfant
 -   gratuité de la nourriture 
        avec ½ ration pour les enfants
 -   hébergement provisoire 
        à l'arrivée sous des tentes militaires ou dans des baraques
 -   fourniture le plus vite possible 
        de la maison définitive : 2 pièces en rez-de-chaussée
 -   fourniture d'un lot, déjà 
        délimité, de 2 à 10 ha de terres à défricher
 -   fourniture gratuite des outils 
        aratoires et du cheptel indispensables
 -   allocation gratuite de vivres 
        jusqu'à la mise en production de la terre
 -   emploi salarié possible 
        en morte-saison sur des chantiers de travaux publics
 Au bout de trois ans une commission de vérification 
        comprenant un géomètre et un inspecteur de la colonisation 
        viendra s'assurer de la mise en culture des lots de terrain. En cas de 
        procès-verbal favorable le colon reçoit un titre de propriété 
        définitif et incommutable pour sa terre et sa maison. Dans le cas 
        contraire la déchéance et l'expulsion sont possibles, mais 
        pas automatiques : un délai supplémentaire n'est pas exclu. 
        Ce fut souvent le cas.
 Conseils distribués aux futurs colons 
        dans un petit guide édité en 1848
 -   laisser en France les jeunes 
        enfants, voire les autres et la femme, provisoirement
 -   se débarrasser d'un mobilier 
        trop coûteux à transporter
 -   prendre une légère 
        purgation pour éviter d'être constipé sur le bateau
 -   tamiser les eaux en Algérie 
        à cause des sangsues minuscules
 -   ne pas boire les eaux qui ne 
        dissolvent pas le savon
 -   suspendre le travail quand il 
        fait très chaud et se reposer à l'ombre
 -   porter une flanelle pour réguler 
        les fonctions digestives
 -   porter un chapeau de paille ou 
        de feutre blanc ou gris, vendu à Marseille et Toulon
 -   se méfier des figues de 
        Barbarie à cause de leurs propriétés astringentes
 -   se méfier des abus d'alcool, 
        mais mettre du vin dans son eau
 -   ne pas entasser les immondices 
        et le fumier trop près de la maison
 -   et enfin se méfier des 
        Arabes " par ses murs, ses habitudes, sa religion, l'Arabe 
        est l'ennemi des chrétiens
 Rusé, sobre, laborieux 
        seulement lorsque la nécessité l'y contraint, il apporte 
        dans ses relations avec nous toute la défiance et la finesse du 
        Normand
 et la pensée secrètement entretenue par ses 
        marabouts, qu'un jour le sol foulé par nous, sera rendu à 
        ses premiers maîtres ".
 Installation des colons
 Chaque colonie est dirigée par un officier assisté d'un 
        adjoint pour l'agriculture. Ils sont nommés avant l'arrivée 
        des colons qu'ils doivent accueillir à leur débarquement 
        dans le port le plus proche du village. Ils devront avoir prévu 
        les voitures nécessaires à l'acheminement des bagages et 
        des personnes.
 Les colons sont installés dans des baraques en bois ou, à 
        défaut, sous des tentes militaires. Deux cuisines provisoires auront 
        été construites : une pour les familles et une pour les 
        célibataires.
 Chaque directeur veillera à ce que tous les outils promis soient 
        disponibles, ainsi que les vivres nécessaires à la survie 
        avant la première récolte. Il fera délimiter les 
        lots afin de les attribuer dès l'arrivée des colons. Il 
        fera bâtir les maisons définitives conformément au 
        plan proposé par l'administration ; ainsi que des fours banaux 
        et un lavoir. Par contre, pour le bétail, chaque colon construira 
        un gourbi en branchage pour servir d'étable provisoire.
 
         
          | 
               
                |  Maison d'un colon |  | 
               
                |  Plan de la maison |  |   
          | Les maisons auront 2 pièces, 
            avec une seule porte d'entrée. Dans la pièce à 
            l'entrée il y aura une cheminée, un emplacement pour 
            un fourneau, une fenêtre et une lucarne. Dans la chambre (6m 
            de long sur 3,3m de large) il y aura une fenêtre. Le sol est 
            en terre battue. La coupe montre l'absence de plafond sous le toit. Ce ne devait pas 
            être d'un grand confort, ni en période de canicule, ni 
            en hiver, ni en cas de vent violent.
 |  Les fournitures promises sont 
        les suivantes : 
        
          | 1 joug | 1câble | 4 courroies | 1 herse pour 2 familles |  
          | 1 houe plate | 1 pioche | 1 fourche en fer | 1 pelle en fer |  
          | 1 sarcloir | 1 serpe | 1couverture | 1bidon |  
          | 1 gamelle | 1 marmite | 1 sac de couchage |  |  Il sera en outre fourni 1 charrue Lombasle légère 
        pour 3 familles1 
        chariot pour 5 familles
 
 Ce matériel collectif suppose une entente entre familles d'une 
        qualité improbable. En son absence c'est un conseiller militaire 
        chargé de l'agriculture, plus ou moins compétent et motivé, 
        qui prendra les décisions.
 Chaque famille recevra un buf, indispensable pour les défrichements, 
        puis pour les labours ; ainsi qu'une truie. Chaque village recevra un 
        nombre convenable à déterminer sur place par l'officier 
        directeur, de vaches et de verrats.
 Un arrêté du 27 novembre fixe, au gramme 
        près, les vivres distribués chaque jour à chaque 
        adulte (1/2 ration pour les enfants) : 750 gr de pain + 250 gr de pain 
        de soupe72 
        gr de café et 72 gr de sucre
 3/4 
        de litre de vin
 Il conviendra d'ouvrir une école le plus vite possible. 
        Quant au service de santé, il sera assuré par un médecin 
        militaire détaché. 
 Histoire des débuts de 
        Lodi et de Damiette
 Le 5 novembre 1848, juste avant leur 
        départ de Paris, les colons réunis sur un quai de la Seine 
        près du pont d'Austerlitz, ont dû écouter deux discours 
        : celui du Président de la commission, Trélat, et celui 
        du grand vicaire de la Bouillerie assisté du clergé de saint 
        Séverin.
 
 Du discours de Trélat, je ne retiendrai que la confusion étonnante 
        qu'il fit entre les 8° et 9° convoi, en souhaitant aux colons 
        de Lodi, une bonne arrivée au village de Montenotte.
 
 Le discours du grand vicaire a plus d'intérêt car il permet 
        de mesurer l'ampleur des illusions de l'époque. J'en extrais seulement 
        quelques phrases " Qu'allez vous faire sur cette terre d'Afrique 
        ? Vous allez porter la civilisation française et chrétienne
 
        Vous allez jeter sur ce terrain barbare les précieuses semences 
        de la liberté, de l'égalité, de la fraternité 
        ! Vous allez implanter sur le sol d'Afrique les murs françaises, 
        les habitudes françaises, les arts français
 Et moi 
        j'ajoute : n'oubliez pas d'y implanter également la religion de 
        la France
 à côté du drapeau à trois couleurs 
        ne dédaignez pas d'arborer la croix
 la croix qui surmonte 
        tous les clochers de ses villages et toutes les tours de ses vieilles 
        basiliques ".
 
 Le 2 décembre 1848, à 
        leur arrivée dans leurs villages les colons ont trouvé des 
        baraques sans porte et sans fenêtres. En décembre il fait 
        froid sur le plateau de Médéa : ils furent hébergés 
        pour le temps des finitions de leurs baraques sommaires, dans les casernes 
        de Médéa. Il semble que certaines des fournitures promises 
        n'étaient pas au rendez-vous. Il est sûr que les professions 
        de ces Parisiens fourvoyés en Algérie, horlogers, ébénistes 
        ou commis de magasin, ne constituaient pas une garantie de compétence 
        agricole. Les défrichements d'une brousse à palmier et à 
        jujubiers, furent très lents : il fallut que les fantassins du 
        8è régiment d'infanterie légère viennent donner 
        un coup de main.
 
 La récolte de 1849 fut mauvaise, et quelques colons firent défection. 
        Une commission d'enquête dirigée par Louis Reybaud passa 
        juillet et août dans les villages de 1848 et rédigea un rapport 
        sur les causes de cet échec partiel en proposant quelques précautions 
        pour l'avenir et quelques remèdes pour le présent.
 
         
          |     ·       | Les causes : 
              rien n'était tout à fait prêt car le gouverneur 
              général Charon avait été prévenu 
              trop tard. Il n'avait pas eu le temps d'aménager correctement 
              les 42 villages. |   
          |     ·        | Les colons sont incompétents et 
            parfois peu motivés. Ils ne supportent pas les travaux organisés 
            de façon collective et sous une surveillance de l'officier 
            directeur du centre. |   
          | · | Les moniteurs militaires, un par village, 
            ne sont pas plus compétents que les colons et encore moins 
            motivés. On les renvoya dans leur régiment au bout de 
            18 mois. |   
          | · | Les lots sont trop petits ; moins de 
            5ha |   
          | · | Les remèdes 
            : compenser les défections avec des agriculteurs mariés 
            ou des soldats ayant servi en Algérie ; ce qui fut fait. |   
          | · | Accélérer la construction 
            des maisons familiales et les carreler pour éviter la boue. |   
          | · | Verser aux colons un viatique en attendant 
            les revenus espérés des récoltes : il fut de 
            10 centimes. |  Et à l'avenir n'accorder de concession qu'à 
        des agriculteurs de profession possédant des ressources suffisantes 
        pour exploiter 8 à 10ha. Et aménager le village avant l'arrivée 
        des colons. Ce qui fut fait pour les 12 villages dits de 1849 et peuplés 
        en fait en 1850 ou 1851. La situation de Lodi et de Damiette ne s'améliora 
        pas assez vite, et il fallut prolonger la période provisoire des 
        secours jusqu'en janvier 1853, au lieu de 1851.  En 1850 les villages 
        changent de nom et prennent les noms de Lodi (au lieu de Draa Esmar; la 
        colline des joncs) et de Damiette (au lieu d'Aïn Dhab ; la source 
        d'or).
 Si l'origine du nom de Lodi est claire, pour l'origine du nom de Damiette 
        on a l'embarras du choix.
 
 Lodi est le nom d'un village, de son 
        pont et d'une victoire française sur les Autrichiens. Le village 
        est près de Milan, son pont permet de franchir l'Adda et la victoire 
        du général Beaulieu le 10 mai 1796 a permis à Bonaparte 
        d'entrer à Milan le 15 mai.
 Damiette est le nom 
        francisé d'un petit port égyptien sur la rive droite de 
        la branche orientale du Nil, à 6km de la Méditerranée. 
        Mais je ne sais pas quel événement est censé glorifier 
        ce toponyme. En effet des Français y ont livré au moins 
        4 batailles : en subissant un lourde défaite et en remportant 3 
        victoires sans lendemain.  
         
          |     ·       | en 1169 la flotte 
              franque du royaume de Jérusalem est détruite à 
              Damiette par Saladin |   
          |     ·        | en 1219 
            la ville est conquise au cours de la 5è croisade ; et évacuée 
            en 1221 |   
          | · | en 1249 
            Saint-Louis prend la ville ; mais échoue devant Mansourah, 
            et est fait prisonnier en mai 1250. Pour recouvrer sa liberté, 
            il doit payer une grosse rançon et évacuer Damiette. 
            Il aurait pris modèle sur les murailles de Damiette, pour améliorer 
            celles d'Aigues-Mortes ; port où il s'embarqua pour aller mourir 
            devant Tunis en 1270. |   
          | · | En 1798 le 
            général Kléber remporte une victoire ; mais il 
            est assassiné en 1800 et l'Egypte doit être évacuée 
            par les Français en 1801. |  A vous de choisir la date qui vous paraît la moins 
        fâcheuse. En 1853 les deux territoires 
        deviennent civils et les colons échappent à la tutelle militaire. En 1887 Lodi et Damiette 
        sont promus CPE, commune de plein exercice En 1891 et 
        1892 les gares des 2 villages sont ouvertes au trafic de 
        la voie ferrée Blida-Berrouaghia. En 1955 ouverture 
        à Lodi (dans le cadre de la 
        loi d'urgence du 3/4/1955) d'un centre de détention pour syndicalistes 
        européens et musulmans communistes et suspects de sympathies ou 
        de complicité avec les rebelles. Ce centre fut le plus petit des 
        centres de même nature ouverts en Algérie à cette 
        époque. Il n'y eut que 118 internés. Le centre de Lodi fut 
        fermé début novembre 1960.
 En 1956 création des SAS dans 
        chacun des villages.
 Le cadre naturel et ses aptitudes 
        
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               Le cadre naturel |  C'est strictement le même que celui de Médéa 
        : même altitude de l'ordre de 870 m pour les villages, même 
        climat méditerranéen de montagne humide à hivers 
        froids et neigeux, même situation sur un plateau bordé au 
        sud par la vallée encaissée de plus de 200m de l'oued el 
        Harch et dominé au nord par une ride montagneuse, plus élevée 
        au-dessus de Lodi avec le djebel Nador (1108 m) qu'au-dessus de Damiette. 
        Le paysage naturel est très verdoyant, sans palmier et sans oranger. 
         Les sols y sont corrects, mais le climat n'est guère 
        favorable à la céréaliculture que les premiers colons 
        choisirent comme activité principale. Il est meilleur pour l'élevage 
        bovin et pour l'arboriculture ; mais ces activités demeurèrent 
        marginales pour les colons. La prospérité n'est venue que 
        grâce à la crise du phylloxera qui ouvrit le marché 
        français aux vins d'Algérie dans les années 1880-1890. 
        On s'aperçut alors que, non seulement la vigne poussait bien (on 
        le savait déjà) mais que les vins produits étaient 
        de qualité supérieure titrant au moins 12°. Ces vins 
        VDQS étaient très appréciés : leur réputation 
        venait juste derrière celle des vins de Mascara. Lodi et Damiette 
        furent d'abord des villages de viticulteurs. 
        Chaque village se dota d'une cave coopérative.  Le climat avait la réputation d'être bien 
        plus salubre que celui de la plaine et à peu près à 
        l'abri des fièvres paludéennes. C'est sans doute la raison 
        qui explique l'existence d'un camp de colonie 
        de vacances à Lodi. C'est ce camp qui fut reconverti 
        en 1955 en camp de détention. Ces villages n'ont pas eu de peine à se fournir 
        en eau de qualité et même, du moins à Damiette, à 
        s'équiper très tôt d'un moulin pour moudre le blé. La très grande proximité de la ville de 
        Médéa a aussi permis à ces deux villages de devenir, 
        non pas de vraies banlieues de Médéa, mais des sortes de 
        cités dortoir pour quelques fonctionnaires de la préfecture 
        après 1956. Il est difficile de trouver des chiffres fiables concernant 
        le nombre de familles installées en 1848. On peut essayer d'extrapoler 
        à partir des 853 personnes inscrites dans le 8è convoi, 
        sans savoir si elles sont toutes allées jusqu'au bout du voyage. 
        Dans chaque village ont dû s'établir quelques 400 personnes 
        ou un peu plus, soit une centaine de familles : c'est beaucoup, car cent 
        familles c'est cent lots à distribuer. Je propose ces chiffres 
        ; mais je ne puis affirmer qu'ils sont sûrs. 
 Sont sûrs, par contre ceux du recensement de 1954 qui donnent pour
 Damiette 
        274 européens (sur 945 hab)
 Lodi 
        153 européens (sur 3 394 hab)
 
 Les différences concernant les populations musulmanes reflètent 
        les différences de superficie des deux communes Lodi étant 
        beaucoup plus vaste. Il s'agit bien sûr des chiffres des populations 
        communales et non des populations agglomérées. Il existait 
        quelques fermes de colons extérieures aux villages ; mais en petit 
        nombre.
 Pour plaire aux mânes du vicaire de la Bouillerie 
        et du clergé de Saint-Séverin, je glisse les photos des 
        deux églises. Ils ont été entendus : la croix a été 
        arborée comme ils le souhaitaient
 mais pas pour toujours 
        !  
         
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                |  L'église |  | 
               
                |  L'église |  |   
          | Outre la croix arborée tout 
            en haut du clocher, ces photos montrent le souci des fondateurs de 
            prévoir des trottoirs avec des arbres et, à Damiette, 
            le très modeste monument dédié aux morts de la 
            guerre 1914-1918 : une stèle toute simple. |  Quelques particularités 
        de Damiette
 Le relief de la commune de Damiette est moins élevé que 
        celui de Lodi et plus régulier. Toutes les terres proches du village 
        ont été défrichées : il ne restait aucun bois 
        à proximité. Mais le petit plateau sur lequel a été 
        bâti le village est limité au sud par un ravin encaissé 
        de 200m. Un petit oued y coule, l'oued Aboucha en travers duquel avait 
        été construit le bâtiment assez impressionnant d'un 
        moulin. Il y avait aussi, à l'entrée du village une maison 
        pas du tout représentative des maisons de colon des débuts, 
        maison si grande qu'elle fut appelée " le château ", 
        par abus de langage sans doute. Mais il est vrai que ce type de construction 
        surprend en ces lieux.
 
 Damiette était mieux desservi que Lodi par les transports en commun, 
        car les habitants avaient le choix entre le train (la gare est au nord 
        un peu au-dessous du village, mais tout près) et les nombreux cars 
        blidéens qui poursuivaient jusqu'à Boghari, ou Aïn-Boucif, 
        ou Djelfa.
 
        
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                |  Le château de Damiette |  | 
              
                |  La grande rue, Damiette |  |  
          | 
              
                |  L'immeuble du moulin |  | Avec son étage avec terrasse, 
              et ses combles aménagés ce " château " 
              a une allure qui contraste fort avec les petites maisons de colon 
              tout à fait traditionnelles. C'est la largeur de la rue qui 
              surprend. Les dimensions du moulin sont également 
              impressionnantes. C'est un véritable immeuble dont l'emplacement 
              est indiqué sur certaines cartes. |  Quelques particularités de la 
        commune de LodiLa plus importante c'est sa dimension car elle englobait, sauf les dernières 
        années françaises, à la fois le monastère 
        de Thibharine, installé dans une ancienne ferme un peu isolée 
        de l'autre côté du djebel Nador, et, tout en bas, le hameau 
        de Mouzaïa-les-mines.
 La seconde est son relief avec la présence de ce djebel Nador sur 
        lequel Duvivier, en 1840, avait fait installer le premier élément 
        du télégraphe optique à 1119m d'altitude sur le kef 
        el Azri.
 
         
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  Lodi - Médea - 
                    Damiette |  | Cette carte a le mérite de montrer, outre 
              les emplacements du télégraphe optique de 1840 et 
              du moulin de Damiette sur l'oued Aboucha, les tracés de la 
              RN 1 et du chemin de fer.
             Ils se séparent à la sortie des 
              gorges de la Chiffa. La route grimpe tout droit tandis que le chemin 
              de fer fait un détour en remontant d'abord la vallée 
              de l'oued Mouzaïa. Les sinuosités de son tracé 
              après Mouzaïa laissent imaginer les difficultés 
              techniques de la montée du col du Nador (ou de Mouzaïa), 
              celui-là même que les troupes françaises durent 
              franchir en 1830, 1831, 1836 et 1840. Lodi est sur la RN 18 et n'est pas desservi par 
              les cars qui par Médéa, allaient vers le sud. Je n'ai 
              trouvé aucune trace de ligne d'autobus après 1945. 
              Restait le train pour Blida. |  Mouzaïa-les-Mines (ou Tamesguida)Ce nom est plus un programme qu'une réalité. Mais ce fut 
        aussi une réalité à éclipses. Je suis bien 
        incapable de fournir une histoire continue de l'exploitation des mines 
        de cuivre. qui ont été découvertes dès les 
        années 1840. Ces mines ne furent guère exploitables avant 
        l'arrivée du chemin de fer peu avant 1891. La construction de la 
        ligne partant de Blida a été engagée en 1886 et a 
        atteint Lodi en 1891. Il se peut que le tronçon Blida-Mouzaïa 
        ait été utilisé avant 1891. J'ai trouvé la 
        trace mal datée d'une autorisation d'exploitation minière 
        accordée à une " Société de Mouzaïa 
        " pour une extraction de 4 000 tonnes de cuivre étalée 
        sur trois ans et destinée, pour partie, à une usine de Caronte, 
        près de Marseille.
 
 Après 1900 je doute que l'exploitation ait continué, car 
        les teneurs étaient trop faibles.
 
 Par contre le gisement de gypse a dû être exploité, 
        pour la fourniture de plâtre aussi longtemps que la sécurité 
        a pu être assurée. En 1954 Mouzaïa-les-Mines était 
        devenue une commune et 12 Européens y résidaient encore 
        (sur 2332 hab) : c'était beaucoup pour les seuls cheminots, c'était 
        peu pour des mineurs.
 
 La seule bonne route était celle qui descendait de Lodi (en jaune 
        sur la carte) mais il y avait aussi une piste qui suivait l'oued jusqu'à 
        son confluent avec la Chiffa.
 
 Le monastère de Tibharine (ou tiberine)
 
         
          | 
               
                |  Le couvent |  |  |   
          | Le couvent vu du djebel Nador. 
              En face le djebel Mouzaïa 1603mEt en bas à droite la ligne noire est un train qui monte 
              vers Lodi.
 |  La mention " couvent de Tibharine " qui figure 
        sur la carte est une petite erreur car, comme ce sont des moines qui y 
        vivaient, c'était à l'évidence un monastère. 
        Ce monastère a hébergé, à partir de 1938 des 
        moines " cisterciens de la stricte observance 
        " dits trappistes. Un minimum d'explication me paraît s'imposer.
 C'est en 1892 que cet ordre est né 
        de la scission de l'ordre cistercien décidée lors d'un chapitre 
        de l'ordre convoqué à Rome par Léon XIII. Ont alors 
        adopté ce règlement de stricte observance les moines cisterciens 
        de l'abbaye d'Aiguebelle (fondée en 1137 dans la future Drôme) 
        et les trappistes que la sus-dite abbaye avait installés à 
        Staouéli en 1843 avec l'appui de la reine Marie-Amélie. 
        Ces trappistes première manière étaient mus par un 
        esprit colonisateur semblable à celui des cisterciens qui défrichèrent 
        les forêts françaises aux XII et XIIIè siècle.
 En 1904 ces moines 
        de La 
        Trappe de Staouéli, craignant une expulsion permise 
        par la loi de 1901 sur les associations, ont pris les devants en vendant 
        aux trois frères Borgeaud d'origine suisse le domaine devenu viticole, 
        et sont partis se réfugier en Italie, près du lac de Garde.
 Mais après 1918, eux, ou leurs successeurs, ont souhaité, 
        après la mise en veilleuse des lois anti-cléricales, retourner 
        en Algérie.
 En 1935, grâce 
        une fois encore à l'aide de l'abbaye d'Aiguebelle, un petit groupe 
        de moines est établi, provisoirement, à Ben-Chicao. En 1938 ce groupe 
        déménage vers une grande ferme isolée que l'abbaye 
        d'Aiguebelle a pu acheter dans la commune de Lodi. Cette ferme de Tibharine 
        a 374 ha. Mais les trappistes qui s'y installent ne viennent pas là 
        avec l'intention de coloniser, et moins encore avec un esprit missionnaire. 
        Ces trappistes nouvelle manière sont des contemplatifs soumis au 
        silence en dehors des offices et des nécessités de service. 
        Ils ne cultivent pas (il y pour cela des ouvriers) ; ils prient. Les bâtiments 
        et les terres de cette grande ferme sont situés sur le versant 
        nord du djebel Nador. La vue sur ce versant, et au-delà de l'oued, 
        sur le djebel Mouzaïa, est magnifique. Le hasard d'une promenade 
        familiale d'une journée de marche, aller et retour, à partir 
        de Médéa, m'a permis de rapporter le souvenir d'un repas 
        pris au monastère et servi dans le plus total silence par un frère 
        interdit de parole ; et la photo ci-dessus avec la trace, malheureusement, 
        peu visible, du train remontant vers Lodi. En 1962 les moines 
        sont restés en Algérie. En 1976 Boumediene 
        a nationalisé le domaine, sauf 14 ha. Les moines sont restés. 
         En 1996 7 des 9 frères 
        présents sont enlevés, puis séquestrés par 
        le GIA (groupe islamique armé). Ils sont enlevés dans la 
        nuit du 26 au 27 mars. On a retrouvé leurs têtes le 30 mai 
        suivant. On n'a jamais retrouvé leurs corps. La responsabilité 
        du GIA dans ce massacre n'est guère douteuse, sauf pour des journalistes 
        qui, influencés par le caractère religieux du sujet peut-être, 
        ont fait vu d'incrédulité. Avant de quitter la commune de Lodi, jetons un dernier regard sur les 
        bâtiments d'exploitation et sur le monastère.
 
        
          |  Le monastère |  |