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         DÉLY-IBRAHIM  Historiquement ce 
        lieu-dit qui porte le nom d'un Haouch beylical (ferme du prince) est entré 
        dans l'histoire de France à la fin juin 
        1830 quand les troupes françaises ont remporté 
        sur cette ligne de crête la victoire qui leur ouvrit la route d'Alger 
        par El Biar. Il semble que la 3è division du corps expéditionnaire, 
        celle du Duc des Cars, s'y soit particulièrement distinguée.On peut noter que le Général en chef de Bourmont y perdit 
        son fils Amédée, l'un des 4 fils qui avaient accompagné 
        leur père dans cette aventure.
 En septembre 1830 
        le nouveau " Commandant en chef de l'armée d'Afrique ", 
        le Comte Clauzel, choisit cette crête 
        d'où l'on peut surveiller les deux versants de la route de Sidi 
        Ferruch à Alger, pour y implanter l'un des 3 grands camps retranchés 
        de protection d'Alger ; les 2 autres étant Birkhadem et Kouba. Il est admis que Dély Ibrahim serait le premier 
        village français créé en Algérie. C'est discutable 
        si l'on songe que des Européens se sont très tôt établis 
        à demeure à El Biar (plus proche avec des maisons à 
        vendre ou à saisir), à Birmandreis ou à Birkhadem 
        (avec des terres plus riches et déjà mises en valeur, et 
        des sources aménagées).Ce n'est pas discutable si l'on fait allusion à l'ordonnance royale 
        de fondation du centre de peuplement européen. Mais alors il faudrait 
        préciser que Dély Ibrahim est premier ex æquo car 
        l'ordonnance du 21 septembre 1832, signée, au nom du roi, par René 
        Savary duc de Rovigo, prévoyait la création de Dély 
        Ibrahim et de Kouba.
 Et dans un cas comme dans l'autre, le duc de Rovigo ne fait qu'entériner 
        une situation de fait héritée de ses prédécesseurs 
        Clauzel et Berthezène.
 Début 1831 
        415 candidats à l'émigration venus de Rhénanie, de 
        Bavière et du Wurtemberg, sont bloqués dans le port du Havre. 
        Ce sont des familles ; 128 hommes, 76 femmes et 211 enfants. Elles ont 
        été abandonnées là par un organisateur véreux. 
        Elles sont sans ressources et ne veulent pas retourner chez elles. 
        Casimir Perier, Président du Conseil à Paris, 
        ne sait que faire de ces malheureux que nous appèlerons Allemands 
        par commodité de langage, car l'Allemagne n'existe pas encore. 
        Clauzel trouve qu'il y a une occasion à saisir pour 
        faire venir des Européens à Alger et les installer près 
        des 3 camps militaires. Il persuade Casimir Perier d'offrir cette solution 
        aux Allemands qui acceptent de tenter l'expérience. Ils croyaient 
        partir au Texas ; ils iront en Algérie. Mais Clauzel est rappelé 
        à Paris sans avoir rien engagé de concret sur place, à 
        Alger. 
 C'est son successeur, le baron Pierre Berthezène 
        qui hérite du problème posé par les Allemands, alors 
        qu'il est hostile à toute colonisation. Il se contente de fournir 
        des tentes montées par l'armée près des remparts 
        d'Alger et de distribuer du ravitaillement. Il organise ainsi une sorte 
        de mendicité à peine déguisée dont se satisfont 
        certains Allemands, mais pas lui qui veut mettre fin à une situation 
        par essence provisoire. Faute de pouvoir les renvoyer en France ou en 
        Allemagne, il reprend l'idée de Clauzel et décide de répartir 
        ces familles près des camps de Dély Ibrahim et de Kouba. 
        Las ! Il est rappelé en France avant d'avoir pu commencer le transfert 
        ; mais il a choisi le site de Dély Ibrahim pour son intérêt 
        stratégique, sans se soucier des aptitudes ou inaptitudes agricoles.
 
 C'est le nouveau chef, Savary, qui 
        fait construire en toute hâte des baraques en planches avec toiture 
        de chaumes et sans aucun confort : il n'y a même pas de point d'eau 
        à proximité. Voici comment, durant l'hiver 1832, ces candidats 
        attirés par la chaleur du Texas, se sont retrouvés dans 
        la boue argileuse de Dély Ibrahim, sans bétail et sans charrue, 
        et sans savoir, eux qui n'étaient pas tous paysans, arracher les 
        longues racines des palmiers nains. On finit par leur procurer des attelages. 
        En réalité les plus dégourdis s'établirent 
        cabaretiers pour la clientèle des soldats des camps, ou organisèrent 
        des charrois pour le Génie qui ouvrait la route stratégique 
        vers Douéra où était implanté un camp de surveillance 
        au-dessus de la plaine de la Mitidja.
 En février 1832 
        c'est 53 familles qui furent installées à Dély Ibrahim. 
        Certaines plantèrent du blé sur des lots trop petits ; l'administration 
        décida d'améliore le sort de ceux qui avaient tenu en leur 
        distribuant des terres présumées beylicales, ce qui déclencha 
        l'hostilité des indigènes des alentours qui moissonnèrent, 
        de nuit, la première récolte. Il s'ensuivit une bataille 
        rangée entre colons et indigènes qui laissa sur le terrain 
        morts et blessés.D'autres personnes avaient péri à cause des fièvres. 
        En 1835 il y avait tellement d'orphelins 
        que l'administration créa un orphelinat protestant.
 Certaines familles ayant quitté les lieux, on estime 
        que lorsque Guyot rédigea son rapport en 1842, il ne restait plus 
        sur place que 20% des premiers arrivants.  Dans son rapport au Ministre, Eugène Guyot, Directeur 
        de la Colonisation, écrit ceci en mars 1842  
         
          | 
               
                | Ses commencements ont été difficiles : bien 
                  placé sous le rapport stratégique, il l'est fort 
                  mal sous celui des eaux qui y manquent une partie de l'été, 
                  le sol est ingrat. Jusqu'en 1840 les habitations étaient 
                  en bois ou en torchis, mais l'église et une fontaine 
                  ayant été bâties, les concessions sont devenues 
                  définitives et les habitants, étant assurés 
                  que ce point ne serait pas abandonné, ils ont commencé 
                  à bâtir en matériaux solides. Aujourd'hui 
                  le village compte 85 maisons en pierres Le village n'a jamais été attaqué pendant 
                  les crises les plus fâcheuses de la dernière guerre.
 |  |  A cette date il y a non seulement une église construite 
        par les militaires du Génie, mais aussi un modeste oratoire protestant. 
        Dans cet oratoire les prêches étaient prononcés en 
        langue allemande. L'église de Dély Ibrahim, consacrée 
        aux Saintes Félicité et Perpétue, martyrisées 
        à Carthage en 203, est la première église entièrement 
        construite ; jusqu'alors on adaptait des bâtiments anciens, y compris 
        des mosquées. Quelques dates notables 
         
          | 1830 - | occupation de la crête et du versant 
            vers El Biar du 26 au 28 juin |   
          | 1830 - | en septembre, installation d'un camp 
            retranché |   
          | 1832 - | en février, arrivée de 
            53 familles d'Allemagne du sud |   
          | 1835 - | Ouverture d'un orphelinat protestant |   
          | 1841 - | Consécration de l'église 
            par Monseigneur Dupuch, premier évêque d'Alger |   
          | 1842 - | le 21 septembre, Ordonnance royale de 
            création du village de Dély Ibrahim |   
          | 1845 - | Inauguration d'un temple protestant |   
          | 1856 - | Dély Ibrahim est promu CPE. A 
            cette commune appartiennent aussi les territoires d'El Achour, de 
            Draria et d'Ouled Fayet. A cette date les familles allemandes sont 
            devenues très minoritaires et le pasteur prêche en français
 |   
          | 1912 - | Inauguration du buste de Régis 
            Pérusse, duc des Cars dans le bois du même nom |   
          | 1930 - | Inauguration de la tour Boutin |   
          | 1942 - | Garnison américaine |   
          | 1948 - | Installation de l'EMAT : 
            Ecole militaire annexe des transmissions |   
          | 1955 - | Installation du camp militaire 
            Basset |   
          | 1957 - | Installation d'une SAS : 
            Section administrative spécialisée |   
          | 1957 - | Edification d'une éolienne 
            par EGA : Electricité et Gaz d'Algérie |   
          | 1959 - | Intégration de la 
            commune au 7è arrondissement du Gand Alger |  Le territoire communal
 La commune, en 1935, n'a de limite naturelle qu'au nord le long de l'oued 
        Beni Messous, et partiellement à l'est, du côté d'El 
        Biar avec l'oued Lekral. On se souvient qu'après 1945 Dély 
        Ibrahim a perdu une partie de son territoire situé au nord pour 
        créer une nouvelle commune appelée Air de France. ; mais 
        je n'ai pas réussi à trouver la limite officielle. Je traiterai 
        donc Air de France avec Dély Ibrahim.
 La commune s'étend, pour l'essentiel, sur le versant 
        sous le vent d'une crête arrondie, suivie sur 1 ou 2km, par la RN 
        36 qui mène à Douéra. Cette crête n'est pas 
        très élevée : elle culmine à 289m en haut 
        du village et à 285m au tournant vers Ouled Fayet marqué 
        " Grand Vent " sur la carte. 
        Ce nom est bien choisi car l'endroit est effectivement venteux ; suffisamment 
        en tous cas pour que EGA (l'entreprise nationalisée en 1947 et 
        qui fournissait l'électricité partout et le gaz de ville 
        dans les grandes villes) ait décidé d'installer une éolienne 
        achetée d'occasion aux Anglais et destinée à tester 
        la possibilité de fabriquer ainsi de l'électricité. 
        L'investissement fut perdu à la première grosse bourrasque 
        qui plia l'éolienne qui fut aussitôt rangée au magasin 
        des illusions perdues. Ce tronçon de route domine, vers la mer, les terres 
        les plus argileuses et les plus lourdes du Sahel consacrées, faute 
        de mieux, aux céréales. Les vignes ne sont pas absentes 
        de la commune, mais on les trouve plus au nord de part et d'autre de la 
        route d'El Biar à Chéragas. Encore fait-il noter que l'armée, 
        après 1950, en a arraché une bonne part du côté 
        de Beni Messous.
 La vigne tint donc dans cette commune moins de place qu'ailleurs dans 
        le Sahel. Par ailleurs le micro climat et les sols trop argileux ne permettaient 
        pas de concurrencer le littoral pour le maraîchage.
 
         
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               Le territoire 
              communal |  Malgré la proximité d'Alger le village de 
        Dély Ibrahim ne connut qu'un développement modeste : la 
        vigne y poussait mal et les villas de banlieue poussaient ailleurs, à 
        El Biar ou à Bouzaréa. Depuis les années 1920 ces 
        dernières poussaient aussi à Air de France. Mais c'est précisément 
        le quartier qui fut enlevé à la commune, je ne sais quand 
        au juste. On peut considérer que Dély Ibrahim fut véritablement 
        sinistré : qu'on en juge d'après le recensement d'octobre 
        1954. Dans ses limites de 1935 la commune aurait eu, en 1954, 5762hab 
        ; dans ses nouvelles limites elle en a 1216, et 4546 pour Air de France. Le village centre 
         
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               Dély-Ibrahim |  On reconnaît bien sur la photo la tour Boutin, mais 
        on ne voit pas le bois des Cars.
 On voit clairement que son plan en Y est celui d'un carrefour entre les 
        routes qui viennent de Ben Aknoun (côté droit en haut), d'Ouled 
        Fayet et de Douéra (côté droit en bas) et Chéragas 
        (le long du terrain de la tour Boutin) Je crois utile de préciser 
        que la photo a été prise de telle sorte que le haut ne montre 
        pas le nord, mais le nord-est. La grande rue que l'on voit nettement est 
        la RN 36. La RN 36 et la route de Chéragas passent de part et d'autre 
        de l'église.
 C'est assurément un village bien modeste ; il est 
        à la fois le plus ancien et l'un des plus petits de tout le Sahel. 
        Il était peut-être trop près d'Alger et trop loin 
        de la route principale entre Alger, Blida et le sud qui, à partir 
        de 1845, passa par Birkhadem. Dély Ibrahim n'est resté que 
        14 ans sur la route principale. Sa situation ne fut stratégique 
        que peu de temps. Et l'essor d'Alger a concerné une partie de la 
        commune, mais a ignoré le village d'origine. La desserte  
         
          | La desserte du village était assurée 
            dans les années 1960 par 2 sociétés : la RSTA 
            et les Auto-Cars Blidéens. Les cars blidéens avaient 
            racheté ceux de la société Seyfried et Cie |  
         
          | o | Les bus RSTA étaient ceux de la 
            ligne 15 de Châteauneuf 
            à Chéragas |   
          | o | Les bus de la société blidéenne 
            partaient de la place du Gouvernement et allaient à Douéra |  Les quartiers cédés 
        à la pseudo commune d'Air de FranceAlors que le village de Dély Ibrahim était resté 
        peuplé essentiellement d'agriculteurs et ne croissait guère, 
        les quartiers d'Air de France et de Beni Messous croissaient rapidement 
        et accueillaient des activités non agricoles.
           
        Air de France est tout d'abord un 
        lotissement de villas modestes construites à partir des années 
        1920 sur des terrains bon marché, car éloignés du 
        centre d'Alger et médiocrement équipés : pas d'eau 
        courante au tout début par exemple. C'est une excroissance spontanée 
        et un peu isolée de la ville d'Alger un peu à l'écart 
        de la route de Bouzaréa, non loin de l'Ecole Normale d'Instituteurs. 
        Le nom aurait été choisi par le créateur du premier 
        lotissement, Gilbert Bachelier, désireux de rendre ainsi hommage 
        à son Auvergne natale.
 D'autres lotissements sont apparus ensuite et Air de France est devenu 
        avant 1939 une banlieue résidentielle. Pour le Sahel c'est vraiment 
        une commune atypique ; non seulement elle ne doit rien au plan Guyot, 
        mais elle n'a rien d'un village de colonisation. En fait malgré 
        sa promotion au rang de commune, elle n'a pas grand chose de " commun 
        " avec les autres communes : pas de mairie et pas de maire (juste 
        une mairie annexe et un délégué spécial), 
        pas d'église(la plus proche est à Bouzaréa), pas 
        de mosquée, pas de poste, pas de place centrale, pas de monument 
        aux morts.
 
         
          | Après 1945 elle a attiré, peut-être 
            à cause de l'existence de terrains pas trop chers , des institutions 
            militaires : |  
         
          | le Chenil de 
            la Gendarmerie |   
          | l'EMAT 
            : Ecole Militaire Annexe des Transmissions |   
          | et à Beni Messous, un kilomètre 
            vers l'ouest, un vaste camp militaire : le 
            camp Basset |            
        Le camp Basset Ayant été convié à y résider 
        durant 4 mois dits " de classe " d'octobre 1960 à février 
        1961, j'ai quelques souvenirs de ce camp si vaste que je n'en ai jamais 
        fait le tour. Il y avait en fait plusieurs camps attenants aux activités 
        très diverses. 
 Je ne connais vraiment que le camp du train qui avait été 
        créé en 1955 autour d'une grande ferme à laquelle 
        aboutissaient deux allées bordées d'arbres.
 
         
          | o | On y trouvait la 
            CIT 160 (Compagnie d'Instruction du Train) logée 
            dans des baraquements pour les cours et sous des tentes pour dormir. 
            C'était plus agréable qu'une caserne. |   
          | o | Et la CCR 210 
            (Compagnie de Circulation Routière). |   
          | o | Et le Groupe de Transports 520 
            avec des camions Simca et quelques GMC increvables. |  Il y avait aussi, attenant au camp du train, un camp de 
        transit ouvert en 1957, au moment 
        de la bataille d'Alger, pour trier les suspects, en application des pouvoirs 
        spéciaux accordés au gouvernement Guy Mollet par l'Assemblée 
        Nationale, par 455 voix contre 76. Sa capacité était de 
        350 lits. Les suspects de terrorisme ne faisaient qu'y passer : ils étaient 
        libérés ou envoyés dans les camps d'internement éloignés 
        de Paul Cazelles (Aïn Oussera) pour les musulmans, ou de Lodi pour 
        les autres. Ces deux camps étaient desservis par la voie ferrée 
        de Médéa à Djelfa.  En 1962 les clientèles 
        changèrent du tout au tout. En avril on y amena pour deux ou trois 
        jours les jeunes Européens raflés en ville, par surprise 
        et sans autre motif que ceux invoqués plus tard par les barbouzes 
        gaullistes du SAC (Service d'Action Civique !) :à savoir éviter 
        leur enrôlement dans l'OAS et constituer un fichier de suspects 
        potentiels. Les mois suivants, le camp de Beni Messous a servi de refuge à 
        quelques harkis (supplétifs musulmans) qui ont pu y trouver un 
        asile provisoire, et l'espoir d'un embarquement sur le bateau de leur 
        exil vers une patrie peu disposée à assumer ses responsabilités 
        à leur égard. Beni Messous est donc devenu un des hauts 
        lieux symboliques du parjure gaulliste envers ceux que la France avait 
        mouillés jusqu'au cou et jusqu'au bout.
 La desserte d'Air de France était 
        assurée par les bus des lignes 6 et 
         6 barré de la RSTA vers Bouzaréa. 
        Ils longeaient le premier lotissement. Ces bus passaient tous par El Biar 
        et Châteauneuf ; mais ceux de la ligne 
        6 partaient de la Place du Gouvernement, et ceux de la ligne 
        6 barré partaient de la Grande poste. La desserte de Beni Messous 
        était assurée par les cars de la société Galiéro 
        Joseph allant à Chéragas Les deux monuments de la commune 
        sont tout près du village de Dély Ibrahim 
        Le bois des Cars était un petit 
        espace boisé situé en haut du village. Il était planté 
        de pins, de cèdres et de cyprès qui offraient leur ombre 
        aux pique-niqueurs et aux boulistes du dimanche. Les joueurs de pétanque 
        animaient le boulodrome et ses alentours, les dames papotaient, les gamins 
        gambadaient ; et plus personne ne prêtait attention au petit monument 
        placé là en 1912, et entouré d'une grille. Le monument 
        était dédié aux vainqueurs des combats de la fin 
        juin 1830, et supportait le buste du lieutenant-général 
        de la 3è division d'infanterie, Régis Pérusse, Duc 
        des Cars.
 
         
          |  
            La tour Boutin était également 
            tout en haut du village. Tous ceux qui empruntaient la route de Chéragas 
            ou celle |   
          |  | de Beni Messous, ne pouvaient 
            pas ne pas voir cet étrange bâtiment, mi château 
            d'eau, mi minaret. Cette tour édifiée à l'occasion de la célébration 
            du centenaire de l'Algérie française en 1930, était 
            censée rendre hommage au Commandant Boutin. Cet officier du 
            Génie que Napoléon avait apprécié en Egypte 
            en 1798, fut envoyé en mission à Alger en 1808 pour 
            étudier les fonds marins et repérer la plage la plus 
            propice à un débarquement. Avec une couverture d'employé 
            du Consulat de France, il s'adonna à la pêche pour camoufler 
            son vrai travail d'espion. Dans son rapport, il préconisait 
            les plages de Sidi Ferruch qui furent effectivement choisies par l'Amiral 
            Duperré en mai 1830. Il n'avait pas pêché en vain.
 |  Supplément administratif sur 
        les SAS et les SAU Ces sigles de Sections Administratives diffèrent 
        par une lettre, S pour Spécialisées 
        et U pour urbaines. Mais elles désignent 
        des institutions poursuivant des buts identiques, dans le bled dès 
         1955 pour les SAS, et dans les grandes 
        villes à partir de 1957. En 
        1960 il y avait environ 700 SAS en Algérie et 11 SAU dans le grand 
        Alger. Les SAS sont une création de Soustelle en septembre 
        1955, pour remédier à la sous administration des campagnes. 
        Elles s'insèrent dans la tradition des Bureaux Arabes (1838-1870) 
        que la République a eu le tort de supprimer, et dans celle des 
        Affaires Indigènes (1926-1955), voire dans celle des officiers 
        AMM (Affaires Militaires Musulmanes).
 La SAS est l'échelon administratif le plus proche et le plus accessible 
        pour toute démarche. Elle est aussi une sorte de dispensaire mobile 
        qui dispense un minimum d'aide médicale gratuite en assurant consultations 
        et vaccinations. Elle participe au plan de scolarisation. Elle est un 
        organisme de renseignements, en liant le plus de contacts possibles avec 
        les habitants. L'officier doit multiplier les tournées dans les 
        douars pour souligner la pérennité de la présence 
        française. Il peut aussi se charger de l'interrogatoire des suspects.
 Les SAS étaient adossées à un poste 
        militaire normal qui assurait leur sécurité.
 Le hasard de ma date de naissance m'a fait bénéficier en 
         1956, d'un séjour gratuit 
        involontaire de 6 ou 7 semaines dans une SAS de Kabylie (Aït Aïcha) 
        entre Azazga et Michelet. En effet Robert Lacoste, ministre-résident 
        nommé par Guy Mollet en février 1956, avait décidé 
        de requérir tous les étudiants majeurs algérois pendant 
        les vacances d'été, pour les envoyer séjourner dans 
        une SAS. J'ai donc participé au fonctionnement d'une SAS en vrai. 
        Il n'y avait pas grand monde : un lieutenant et un sergent de carrière, 
        un chauffeur kabyle, un secrétaire kabyle capable de servir d'interprète, 
        3ou 4 moghaznis, et 2 " requis civils " dont moi.
 
 Nous avons été, mon collègue et moi, acteurs ou spectateurs 
        de la plupart des activités de routine de cette SAS de Grande Kabylie, 
        à l'exception de l'enseignement puisque c'était en août-septembre. 
        Je fus occupé à mettre de l'ordre dans un énorme 
        de tas de cartes d'identité qui avaient été confisquées 
        aux villageois, et à engager les travaux de photographies destinées 
        à fabriquer de nouvelles cartes. Nous avons participé à 
        des tournées de visite chez les caïds du coin, dont la raison 
        apparente était médicale et la raison principale politique. 
        Nous avons même assisté d'assez loin à un début 
        d'interrogatoire d'un suspect arrêté après l'égorgement 
        d'un informateur qui aurait commis l'imprudence de chausser des pataugas 
        trop neufs.
 Un autre hasrd m'a fait rencontrer les SAU le 31 janvier 
        2008, en tant qu'auditeur lors d'une soutenance de thèse 
        de doctorat en histoire. J'y ai appris le rôle ambigu qu'ont peut-être 
        joué certaines SAU du Grand-Alger lors du voyage en Algérie 
        de de Gaulle du 9 au 13 décembre 1960. 
        Pour répondre aux manifestants européens qui croyaient possible 
        de refaire un 13 mai contre la politique de de Gaulle, ces apprentis sorciers, 
        consciemment ou inconsciemment, ont permis au FLN d'organiser les contre 
        manifestations musulmanes et d'apparaître dès cette époque 
        comme le futur vainqueur. La majorité musulmane a compris le message.
 Le sujet de thèse était " La montée des violences 
        dans le Grand-Alger du 1-06-1958 au 30-04-1961 "
 Le futur Docteur était Robert Davezac.
 
 Son ouvrage est consultable à la bibliothèque universitaire 
        de Toulouse-le Mirail. Il en a été remis une version électronique 
        au bureau central des thèses à Paris.
 Pour conclure je crois pouvoir hasarder l'opinion que 
        de tous les officiers cocufiés par de Gaulle, ce sont ceux des 
        SAS qui ont porté les plus belles cornes. Ils avaient mission d'inspirer 
        confiance aux populations en général, et aux militaires 
        supplétifs en particulier (harkis, moghaznis et gens des GAD : 
        Groupes d'Auto-Défense). Cela ne pouvait se faire sans promesses 
        solennelles de ne jamais céder devant le FLN.
 Or à partir de juillet 1961 de Gaulle n'a plus caché son 
        désir de désengagement. Au printemps on a demandé 
        aux officiers des SAS de désarmer leurs hommes ; on leur a même 
        interdit toute initaiative susceptible de les sauver en les faisant passer 
        en France.
 " Dernier chaînon de responsabilité, à l'endroit 
        où nul ne voulait être, ils ont dû avaler jusqu'à 
        la lie les conséquences du lâchage final : honneur bafoué, 
        promesses trahies, soldats sacrifiés
 "
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